PROPOSITION No 35
ESPèCE: Lithophaga lithophaga - datte de mer
PROPOSITION: Inscription à lAnnexe II, conformément à lArticle II, paragraphe 2 (a).
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RéSUMé DE LÉVALUATION
La Proposition 35 renferme un certain nombre déléments sur la biologie de Lithophaga lithophaga, le commerce dont elle est lobjet et son degré dabondance. Le Groupe na pu déterminer avec exactitude le degré dexploitation de lespèce dans lensemble de son aire de répartition, même sil apparaît clairement que des méthodes de pêche destructrices menacent lespèce au niveau local et peut-être au niveau national dans certaines parties de la mer Méditerranée. Un membre du Groupe dexperts a présenté au Groupe un nombre limité déléments issus de publications qui ne figuraient pas dans la proposition originale. Ceux-ci comprenaient des données nouvelles sur les taux de croissance et de maturation, une série chronologique de labondance, et les niveaux de recherche. Aucun de ces éléments na cependant infléchi sensiblement les opinions du Groupe sur létat de conservation de cette espèce.
Le Groupe a estimé que la proposition identifiait un problème réel et important. Se fondant sur les éléments dont il dispose, le Groupe a considéré que cette espèce ne court actuellement aucun risque dextinction dans un avenir prévisible sachant que des parties importantes de son aire de répartition demeurent inexploitées ou faiblement exploitées (en Turquie notamment). Il a cependant été noté que rien nindique que les populations saines et inexploitées puissent fournir un apport de nouvelles recrues ou de jeunes aux populations exploitées. En outre, si les prélèvements se poursuivent par les méthodes utilisées aujourd'hui particulièrement destructrices, il est probable que lespèce connaisse une disparition locale progressive et quelle se trouve ainsi exposée à un risque dextinction véritable dans un avenir lointain non spécifié. Les dattes de mer sont protégées par des législations et des conventions internationales dans la plupart des Etats de leur aire de répartition mais lapplication de ces instruments semble être largement inefficace et les prélèvements illicites, de même que le commerce illicite de cette espèce, se poursuivent. Une part du commerce illicite paraît seffectuer entre des Etats membres de lUnion européenne, si bien quelle ne serait nullement gênée par une inscription de lespèce sur les listes de lAnnexe II de la CITES.
OBSERVATIONS DU GROUPE D'EXPERTS
Paramètres biologiques
Il a été rapporté que les taux de croissance de L. lithophaga étaient supérieurs à ceux communiqués dans la proposition. La coquille de cette espèce peut atteindre 8 cm de long en 14 ans environ (Grubelic, Simunovic et Despelatovic, 2004)[6] et elle peut acquérir la maturité sexuelle en 4 ans. Ces taux de croissance présentent des variantes géographiques.
Répartition géographique et habitat disponible
Le Panel a débattu de la répartition géographique relativement étendue de cette espèce, et a pris note de nouvelles informations indiquant que cette espèce est aussi présente dans le golfe de Gascogne (nord de lEspagne). Le Groupe a souligné le fait que cette espèce avait besoin dun substrat calcaire pour sétablir et croître à une certaine profondeur le long des littoraux. Le Groupe a essayé de déterminer quelle portion de lhabitat disponible avait subi les effets des techniques de prélèvement destructrices. Un membre du groupe a précisé que les méthodes dextraction actuelles (marteau et burin ou explosifs) détruisaient entièrement le substrat calcaire dont cette espèce a besoin, et quaucune recolonisation par la datte de mer navait été observée après ces prélèvements.
Les méthodes de prélèvement ont un effet dévastateur sur lhabitat de L. lithophaga, et rendent sa pêche non pérennisable sur le long terme. La destruction de lhabitat que provoque cette pêche comporte des incidences directes sur la conservation de lespèce, la biodiversité du littoral et la durabilité des prélèvement pour le commerce international, notions inhérentes aux critères damendement des listes de la CITES.
Etat des populations et tendances
Le Groupe a noté que, contrairement à ce qui était énoncé dans la proposition, la densité de la datte de mer ne semble pas connaître de fluctuations saisonnières. Fanelli et al. (1994), cités dans les paragraphes justificatifs, ont fourni des informations sur lexploitation de lespèce et les dégâts qui en ont résulté pour son habitat dans le sud-est de lItalie. Ils ont prospecté 159 km de littoral rocheux en 1990 et 206 km de côte rocheuse en 1992. En 1990, 81 km (51 pour cent) de littoral furent décrits comme "endommagés" et 44 km (28 pour cent) furent classés comme «fortement endommagés». Dès 1992, 128 km (62 pour cent) étaient classés comme «endommagés» et 69 km (33 pour cent) étaient classés comme «fortement endommagés». Une situation similaire a été constatée par Simunovic et Grubelic (1992) pour le rivage oriental de la mer Adriatique. Fanelli et al. (1994) ont conclu que les zones endommagées par les prélèvements de dattes de mer ne sétaient pas reconstituées entre les prospections et que la recolonisation était improbable, peut-être en raison du broutage par les oursins dans certaines zones. Au terme dun examen de la proposition et déléments fournis par des membres du Groupe, ce dernier a conclu que la datte de mer nétait guère exploitée à lest de la Grèce (en mer Méditerranée) et que les populations nord-africaines demeuraient largement inexploitées.
Il apparaît que dans un avenir prévisible, la datte de mer nest exposée quà un faible risque dextinction à léchelle mondiale. Les disparitions locales paraissent nombreuses en raison de méthodes de prélèvement fortement destructrices. La proposition pourrait être renforcée par des références plus étoffées aux conclusions les plus saillantes des comptes rendus de recherche (par exemple, chez Fanneli et al., 1994; Grubelic, 2004; Simunovic, 1990[7]; Simunoivc et Grubelic, 1992).
Menaces
Les prélèvements destinés à la consommation humaine paraissent représenter la menace la plus grande pour la survie de lespèce. Cette menace a pour cause principale les techniques actuelles de prélèvement qui détruisent lhabitat de la datte de mer et le rendent apparemment impropre à la recolonisation par lespèce. Cest ainsi que toute pêcherie de dattes de mer apparaît aujourdhui difficilement concevable ou impossible. Le Groupe a noté que les interdictions en vigueur aux échelons national et régional relatives aux prélèvements, à la vente et au commerce de la datte de mer sont mal appliquées.
Lespèce est prélevée pour la consommation intérieure autant que pour le commerce international, même si limportance relative du commerce international dans la demande de dattes de mer nest pas connue avec précision.
Utilisation et commerce
Lespèce fait lobjet dune interdiction de prélèvement, de vente ou dexportation dans la plupart des Etats de son aire naturelle de répartition où elle est actuellement exploitée. Les spécimens obtenus illégalement restent un précieux produit alimentaire de la mer, tout au moins dans certains marchés européens. La proposition fait état de plusieurs circuits commerciaux illicites entre pays de la mer Méditerranée; elle évoque les mesures répressives prises contre les trafiquants, et linsuffisance commune de contrôles douaniers sur les transports de dattes de mer (souvent codées comme «mollusques» dans les données du commerce).
Conservation et gestion
Lespèce et son habitat sont indiqués comme protégés par les accords de conservation suivants:
Convention relative à la Conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de lEurope (Convention de Berne) - Annexe II
Convention pour la protection de la mer Méditerranée contre la pollution (Convention de Barcelone) - Annexe II
Directive du Conseil 92/43/EEC du 21 mai 1992 relative à la conservation des habitats naturels, ainsi que de la faune et de la flore sauvages (Directive Habitat) - Annexe IV
Ces conventions stipulent la stricte interdiction des prélèvements, celle de la mise en vente ou de la vente des espèces inscrites sur leurs listes, parmi lesquelles la datte de mer, et elles obligent à des mesures particulières de conservation de leur habitat. Le Groupe a, cependant, conclu que les cas régulièrement attestés de prélèvement et de commerce illicites dans un éventail de pays témoignaient que ces mesures nétaient pas appliquées avec rigueur.
Efficacité probable en termes de conservation
Le Groupe a conclu que la première menace à la survie de la datte de mer était celle des prélèvements illicites pour la consommation humaine. Ce péril est réel largement en raison des modes de prélèvement actuels qui détruisent lhabitat rocheux calcaire dont lespèce dépend pour sa croissance et sa survivance.
Il existe un certain nombre dinterdictions nationales et internationales qui frappent les prélèvements et le commerce de cette espèce, on peut cependant douter de leur degré actuel dapplication, si bien que le Groupe sest interrogé sur les avantages que pourrait apporter à la conservation de la datte de mer une inscription de cette espèce sur la liste de lAnnexe II de la CITES. Les interdictions intégrales de prélèvement et de commerce signifient que dans sa quasi-totalité, le commerce international des dattes de mer sopère dans la clandestinité, par contrebande de spécimens à travers les frontières internationales, ce qui signale des failles dans la surveillance douanière. Le Groupe ne voit donc pas comment les systèmes de permis prévus par la CITES pourraient être appliqués de manière effective. Compte tenu de lactuel statut juridique de lespèce et de la structure de son commerce, le Groupe na pu déterminer quel avantage supplémentaire véritable son inscription sur la liste de lAnnexe II de la CITES apporterait à sa conservation.
ÉVALUATION SELON LES CRITÈRES DINSCRIPTION À LA LISTE DE LA CITES
Les critères pertinents aux propositions dinscription sur la liste de lAnnexe II examinées par le Groupe sont ceux de lannexe 2a assortis de leurs lignes directrices figurant à lAnnexe 5 de la Résolution Conf. 9.24 (Rev. CoP12). Une révision de cette résolution est toutefois aujourdhui en cours. A la date de réunion du Groupe, le projet de résolution révisée (document CITES CoP13 Doc. 57) diffère de la Résolution Conf. 9.24 (Rev. CoP12) sur un certain nombre de points. Pour les espèces aquatiques faisant lobjet dune exploitation commerciale, le point le plus important est la révision, détaillée ci-dessous, de lénoncé des critères de lAnnexe 2a et de leurs lignes directrices relatives aux déclins qui figurent à lAnnexe 5. La résolution Conf. 9.24 (Rev. CoP12) sera utilisée à la prochaine réunion de la CdP (CoP13). La FAO considère néanmoins que lactuelle révision (CoP13 Doc. 57) est mieux adaptée aux espèces aquatiques objet dune exploitation commerciale.
Evaluation par le Groupe spécial au regard de la Résolution Conf. 9.24 (Rev. CoP12):
Annexe 2a:
«Une espèce devrait être inscrite à l'Annexe II lorsque l'un ou l'autre des critères suivants [A ou B] est rempli.»
Annexe 2a, critère A: «Il est établi, déduit ou prévu que l'espèce remplira l'un au moins des critères énumérés à l'annexe 1 dans un avenir proche, à moins que le commerce de ladite espèce ne soit strictement réglementé.»
Evaluation par le Groupe: Le Groupe a conclu quil ny avait pas de signes tangibles que les prélèvements aux fins de commerce international soient tels que la datte de mer remplisse dans un avenir proche lun au moins des critères de lAnnexe 1 de la résolution Conf. 9.24.
Annexe 2a, critère B: «Il est établi, déduit ou prévu que le prélèvement de spécimens dans la nature aux fins de commerce international nuit ou pourrait nuire à l'espèce pour l'une ou l'autre des raisons suivantes:
i) il excède, sur une longue période, le niveau pouvant être maintenu indéfiniment; ou
ii) il réduit l'espèce à un niveau de population auquel sa survie pourrait être menacée par d'autres facteurs»
Evaluation par le Groupe: Le Groupe a conclu que, dans une portion importante de leur aire de répartition naturelle, les dattes de mer ne sont probablement pas surexploitées par le commerce international.
Evaluation par le Groupe spécial concernant les critères révisés intégrant les recommandations de la FAO (CoP13 Doc. 57):
Annexe 2a:
«Une espèce devrait être inscrite à l'Annexe II lorsque, sur la base des informations et des données commerciales disponibles sur l'état et les tendances de population dans la nature, au moins l'un des critères suivants [A or B] est rempli.»
Annexe 2a, critère A: «Il est établi, ou il est possible de déduire ou de prévoir, qu'une réglementation du commerce de l'espèce est nécessaire afin d'éviter que celle-ci ne remplisse, dans un avenir proche, les conditions voulues pour qu'elle soit inscrite à l'Annexe I.»
Evaluation par le Groupe: Voir les commentaires ci-dessus pour le critère A de lannexe 2a dans la version actuelle de la Résolution Conf. 9.24.
Annexe 2a, critère B: «Il est établi, ou il est possible de déduire ou de prévoir, quune réglementation du commerce de lespèce est nécessaire pour faire en sorte que le prélèvement de ces spécimens dans la nature ne réduise pas la population sauvage à un niveau auquel sa survie pourrait être menacée par la poursuite du prélèvement ou dautres influences.»
Evaluation par le Groupe: Voir les commentaires ci-dessus pour les critères B de lAnnexe 2a.
CONCLUSIONS GéNéRALES
Le Groupe a estimé que cette proposition identifie un problème réel et important. Sur la foi des informations disponibles, le Groupe considère quà lheure actuelle, lespèce ne court pas le risque dune extinction prochaine, sachant que des portions importantes de son aire de répartition naturelle demeurent inexploitées ou faiblement exploitées (par exemple, en Turquie). Il nempêche que si les prélèvements se poursuivent par les méthodes utilisées aujourd'hui hautement destructrices, lhabitat de lespèce continuera de se dégrader et la datte de mer connaîtra probablement des disparitions locales progressives et sera exposée à un risque réel dextinction dans un avenir lointain non spécifié. La datte de mer est protégée par des législations et des conventions internationales dans la plupart des Etats de son aire de répartition; il nen demeure pas moins que lapplication de ces instruments paraît non effective au regard de la poursuite des prélèvements et du commerce illicites.
Une part du commerce illicite, qui paraît avoir lieu à lintérieur dETATs membres de lUnion européenne ou entre ceux-ci, ne serait de ce fait aucunement touchée par linscription de lespèce sur la liste de lAnnexe II de la CITES. En outre, le commerce international des dattes de mer sopère par la contrebande de spécimens au passage des frontières internationales à la faveur dune surveillance douanière insuffisante ou absente. Sachant que lefficacité de la CITES dépend dinterdictions de transit transfrontalier et dinspections de permis, le Groupe na pu déterminer comment une inscription sur des listes de la CITES pourrait aider à résoudre le problème du trafic international actuel (lié à des contrôles inadéquats aux frontières). Par ailleurs, une inscription sur la liste de lAnnexe II, qui permet le contrôle du commerce international par des permis, serait une mesure en réalité moins stricte que celles actuellement en vigueur, et les mesures répressives quappelle une inscription aux listes de la CITES seraient mieux appliquées dans le cadre des efforts nationaux et régionaux consistant à faire respecter les interdictions auxquelles sont dores et déjà soumis le commerce et les prélèvements.
[6] Grubelic, I., A. Simunovic
et M. Despelatovic. 2004. The date-shell Lithophaga lithophaga L.
colonization of immersed rocks at the eastern part of the Adriatic Sea. Rapp.
Comm. Int. Mer. Medit., 37. P520. [7] Simunovic, A, I. Grubelic, M. Tudor et Hrs-Brenko. 1990. Sexual cycle and biometry of Date shell Lithophaga lithophaga Linnaeus (Mytilidae). Acta Adriat. 31: 139-151. |