Previous Page Table of Contents Next Page


3. RAPPORTS ET RESUMES DES GROUPES

3.1 Groupe 1 - Evaluation de l'état actuel des pêches à l'anguille

Responsable:Dr I. Boetius
Membres:Dr Bo Holmberg
M. P. Lamarque
Prof. M. Leopold
Rapporteur:M.B. Stott

(a) Tendances des captures

Les statistiques officielles relatives aux anguilles sous-estiment les quantités pêchées dans tous les pays. Les statistiques relatives à la pêche en eau douce sont en général incomplètes ou insuffisantes. Nombre de pêcheurs ne déclarent pas leurs captures ou ne vendent pas à la criée; aussi les captures ne sont-elles enregistrées que de manière fragmentaire.

Les statistiques ci-après doivent faire l'objet des réserves susmentionnées: lorsque les communications présentées au Symposium ne contiennent pas de données sur les captures, on s'est servi de l'Annuaire statistique des pêches, publié par la FAO pour comparer les pêcheries des différents pays.

Les données relatives aux 15 dernières années, pour l'ensemble de la zone de capture d'Anguilla anguilla, font état de certaines fluctuations dans les quantités pêchées et de légères tendances à la baisse des captures totales pour les trois dernières années.

Il ressort des informations sur les différentes zones que les fluctuations individuelles ont été plus nombreuses que ne l'indique l'examen des captures totales. Dans la Baltique, les captures suédoises déclinent depuis 1964. Les captures de la Pologne, de la République démocratique allemande et de la République fédérale d'Allemagne ont également diminué dans cette zone depuis 1969. Par contre, les captures danoises dans cette même région n'ont pas baissé et, si l'on en croit les statistiques officielles danoises, elles se sont maintenues assez constantes au cours des 15 dernières années.

Le rapport du Groupe de travail CIEM (communication No. 53) montre que les c.p.u.e. suédoises varient mais il semble qu'il s'agisse plutôt de fluctuations des captures totales que de l'effort. Les c.p.u.e. danoises diminuent depuis plus de trente ans. Cela est dû à une augmentation progressive de l'effort et explique sans doute la constante des chiffres danois pour les captures dans cette zone. On ne dispose d'aucun autre renseignement sur les efforts.

Svärdson (communication No. 28) confirme que la pêche des anguilles dans la Baltique décline depuis le début des années soixante. Les captures suédoises d'anguilles argentées, qui dépassaient alors 1 600 tonnes par an, ne sont plus que de quelque 800 tonnes par an. Les captures par unité d'effort ont également baissé. Il en va de même pour les pêcheries danoises d'anguilles argentées dans la Baltique. Svärdson est d'avis que cette régression des captures résulte d'une baisse du nombre des civelles et des petites anguilles entrant dans la Baltique, ce qui entraîne un amenuisement du stock. Les statistiques fournies par les stations de rassemblement des civelles sur la côte suédoise font état d'une chute de plus de 50 pour cent depuis les années cinquante. D'après Svärdson ce déclin s'était amorcé dès les années trente et le rapport du Groupe de travail de CIEM (communication No. 53) montre une tendance analogue pour les capture annuelles suédoises de civelles et de petites anguilles pour les 20 dernières années. Renström (communication No. 51) établit un rapport entre la direction du vent et les prises d'anguilles dans la baie d'Hanö, sur la côte orientale de la Suède. Si cela est avéré dans l'ensemble, la fréquence des vents d'ouest, qui diminue depuis quelques décennies et qui a atteint son minimum au cours des années soixante, devrait également réduire les captures.

Le courant des civelles qui passe au nord de l'Ecosse et dont une branche arrive au Skagerrak, doit être le même que celui qui aboutit aux côtes norvégiennes. Les captures norvégiennes d'anguilles sont faibles et, d'après Gundersen (communication No. 40) il est impossible de déterminer si les variations des captures sont imputables à une modification de la densité des stocks ou de l'effort de pêche.

Les captures d'anguilles dans la partie danoise de la mer du Nord sont peu importantes (500 à 600 tonnes par an) et ne se sont guère modifiées au cours des 15 dernières années. Les pêcheries néerlandaises, par contre, ont connu un déclin prononcé depuis 1969, si l'on en croit les statistiques officielles.

Les captures de la République fédérale d'Allemagne en mer du Nord, ont connu un essor considérable depuis l'ouverture de la pêche au chalut en 1964. Environ 30 à 40 pour cent des captures totales de ce pays dans la région précitée proviennent maintenant de chalutage. Malheureusement, Aker et Koops (communication No. 1) ne donnent pas d'informations sur l'effort pour l'ensemble de la période; cependant, certains renseignements portant sur les captures expérimentales réalisées en 1973, 1974 et 1975, semblent l'indice d'une baisse des c.p.u.e., exprimés en kg/heure.

Selon les statistiques de la FAO, la France n'exploitait pas les anguilles dans l'Atlantique avant 1971; depuis lors, les captures de cet animal ont augmenté dans ladite zone. Les prises espagnoles d'anguilles sur la côte atlantique sont également en hausse depuis quelques années. Au Portugal, on exploite essentiellement l'estuaire des grands fleuves et les canaux d'irrigation des rizières. On capture les civelles surtout dans le nord du pays. En Méditerranée, les captures françaises, espagnoles et italiennes sont en baisse depuis quelques années (statistiques FAO).

On constate des différences notables du point de vue de la pêche des anguilles entre la République d'Irlande, l'Angleterre et la Pays de Galles, chose curieuse, les informations dont on dispose sur les pêcheries d'anguilles irlandaises sont plus nombreuses que pour la Grande-Bretagne, bien que les captures moyennes du premier de ces deux pays ne soient que de l'ordre de 137 tonnes, soit environ la moitié seulement des captures estimatives pour l'Angleterre et le Pays de Galles; à titre indicatif, en Irlande du Nord, on pêche autour de 630 tonnes par an).

En Angleterre et au Pays de Galles, l'abondance de civelles semble satisfaisante pour le maintien des stocks et il semble possible et même souhaitable, compte tenu du déclin apparent des captures en Europe continentale, de pousser l'exploitation des anguilles argentées. A l'heure actuelle, les îles britanniques fournissent sans doute une proportion notable du stock d'anguilles reproductrices.

(b) Composition des captures

Aker et Koops (communication No. 1) indiquent la distribution des longueurs pour les captures expérimentales réalisées en 1974 et 1975 dans la baie d'Helgoland; Saint-Paul (communication No. 58), de son côté donne la distribution de longueur des jeunes anguilles pêchées dans les estuaires de la mer du Nord aux fins de repeuplement.

Dans le rapport du Groupe de Travail du CIEM (communication No. 53), on s'est efforcé de déterminer l'importance du stock et la mortalité par pêche d'une population. L'analyse étant fondée sur un seul échantillon provenant de la pêche allemande au chalut, on ne saurait le considérer comme fiable et les résultats devraient être acceptés sous toute réserve. Il semble possible de calculer l'importance du stock et la mortalité par pêche à condition de disposer des données nécessaires.

(c) Production et productivité

L'évaluation des fleuves normands selon la méthode de Petersen indique l'existence d'un stock permanent de l'ordre de 1 500 à 2 000 kg/ha. En Algérie aussi, les stocks sont importants et, dans certaines régions, on dispose de plusieurs tonnes par hectare. Cette distribution localisée des anguilles dénote leur nature grégaire. L'étang de Berre (France) a produit pendant plusieurs années plus de 100 kg/ha; ce stock est maintenant épuisé. Il est malaisé d'évaluer la productivité car il faut tenir compte non seulement de la superficie de l'étendue d'eau elle-même, mais aussi de celle de l'ensemble du bassin hydrographique. Il semblerait que les anguilles se concentrent dans certaines eaux du bassin au cours de leurs migrations saisonnières.

(d) Empoissonnement

On ne pratique presque pas le repeuplement des régions côtières et des estuaires européens, seuls Leopold (communication No. 14), ainsi que Rossi et Colombo (communication No. 63) mentionnent l'empoissonnement des estuaires polonais et italiens, respectivement. En Italie, on repeuple les lagunes saumâtres de l'Adraiatique du nord-ouest. L'empoissonement par des civelles et de petites anguilles (10 à 20 g) est très irrégulier; le matériel de repeuplement provient d'une zone allant de la mer Tyrrhénienne à l'est jusqu' à la côte française de l'Atlantique à l'ouest. La productivité des lagunes italiennes est élevée (30 à 40 kg d'anguilles/ha).

De nombreux obstacles, notamment des stations hydro-électriques ou la pollution ont empêché la remontée naturelle des anguilles. Aussi a-t-on lâché dans les eaux continentales de la plupart des pays un certain nombre de civelles et de petites anguilles. Rares sont cependant les pays qui semblent examiner actuellement les résultats de leur programme d'empoissonnement.

Bien que les pêcheries irlandaises d'anguilles soient peu développées, elles ont fait l'objet de nombreuses enquêtes. Moriarty (communication No. 20) a fourni des données de captures et d'efforts portant sur plus de 100 ans. Au cours des 15 dernières années, le nombre d'engins fixes a augmenté, tandis que le nombre de palangres diminuait. Les captures totales ont baissé. On signale la prospection plus poussée de deux zones où les conditions sont très différentes. La première est un estuaire où l'on trouve plus forte densité d'anguilles existant dans les eaux irlandaises. Il suffit cependant de l'exploiter au filet pendant un an pour épuiser le stock, qui se reconstitue d'ailleurs en 5 ans. Pour la seconde zone, un district de fleuves et de lacs, la construction en 1928 d'une station hydroélectrique a bloqué la remontée des civelles, mais il a fallu attendre une vingtaine d'années pour assister à une diminution effective de la pêcherie. Depuis, la fin des années 50, on repeuple les zones obstruées et l'on poursuit depuis lors. Au bout d'une quinzaine d'années, les captures recommencent à augmenter.

Deufel et Strubels (communication No. 5) donnent les résultats obtenus respectivement dans la partie supérieure et la zone inférieure adjacentes du lac de Constance (Allemagne du sud). Depuis 1953, on lâche régulièrement dans les deux bassins des quantités croissantes de civelles. Au départ, on se contentait de quelque 5 g de civelles par ha, alors que plus récemment, le taux d'empoissonnement avait atteint environ 30 à 40 g/ha. Depuis le début des années 60, les captures sont passées d'environ 0,6 kg/ha/an à environ 2,2 kg/ha. D'après les auteurs, cette augmentation est imputable à l'accroissement simultané de l'effort d'empoissonnement et de pêche; malheureusement ils ne fournissent aucune donnée d'effort ou de c.p.u.e.

Heermann (communication No. 8) décrit les pêcheries d'anguilles pour la République fédérale d'Allemagne dans son ensemble, puis par district. On ne dispose de statistiques pertinentes que pour 1961 et 1971. Dans ce pays, la superficie totale des eaux de même que les captures totales d'anguilles (en poids) ont diminué de 30 pour cent, tandis que le rendement moyen de 3 kg/ha reste constant. La superficie des fleuves a diminué de 51 pour cent alors que les captures d'anguilles ne baissaient que de 39 pour cent, si bien que les captures/ha, qui passent de 3,6 à 4,5 kg/ha, augmentent; la superficie des lacs, par contre, n'a régressé que de 9 pour cent environ, mais les captures d'anguilles sont tombées de 2,7 à 2,4 kg/ha, ce qui représente une chute de 19 pour cent. Ce déclin pourrait n'être qu'apparent; en effet, le nombre de pêcheurs sportifs a sensiblement augmenté au cours de la même décennie et leurs captures ne sont pas enregistrées. La plupart des étendues d'eau semblent avoir été empoissonnées, mais on ne dispose de données précises que pour les eaux continentales du Schleswig-Holstein. Les chiffres relatifs aux jeunes anguilles, que l'on utilise de préférence pour repeupler, sont fournis pour la période de 1952 à 1975. Au départ, on ne mettait à l'eau que 5 000 à 6 000 kg/d'anguilles par an; on est progressivement passé à 25 000–28 000 kg pour chacune des trois dernières années. En dépit de ces opérations de repeuplement, les captures ont diminué de 31 pour cent entre 1961 et 1971, alors que la superficie des eaux ne diminuait que de 10 pour cent.

D'après Leopold (communications Nos. 13, 14, 15, 17), l'aménagement des stocks d'anguilles en Pologne remonte à la deuxième moitié des années 40 et porte maintenant sur environ 2 000 lacs, d'une superficie voisine de 300 000 ha. Des opérations de repeuplement de faible envergure ont été entreprises en 1948 et se sont poursuivies jusqu' à nos jours, suivant des tendances variables mais toujours ascendantes. Les captures, qui ne sont documentées que depuis 1951, restent assez constantes au cours des années 50; elles sont doublé à partir de 1960. On prévoit que l'accroissement pourrait se poursuivre pendant quelques années encore. Les districts côtiers et occidentaux de la Pologne, tout en connaissant des remontées de civelles ou de petites anguilles, font aussi l'objet d'opérations d'empoissonnement, tandis que les districts orientaux sont entièrement tributaire d'opérations de repeuplement.

(e) Evaluation des stocks et de la demande d'anguilles

Serene (communication No. 25) prévoit que la demande d'anguilles destinées à la consommation européenne sera en 1985 de l'ordre de 30 000 tonnes par an. Si nous devons satisfaire à cette demande, il faut étudier le degré d'exploitation et évaluer les stocks d'anguilles. Jusqu' à présent, on n'a guère avancé dans cette direction et si de nombreuses communications intéressantes aient été présentées à l'occasion du Symposium, elles ne suffisent pas à assurer une exploitation plus rationnelle des stocks d'anguilles.

Aussi nous faut-il améliorer les statistiques de captures. Il importe surtout de déterminer un moyen d'exprimer l'effort mais c'est là l'une des tâches les plus difficiles qui soient. On pêche l'anguille avec toute sorte d'engins, souvent particulièrement adaptés aux conditions locales.

Les informations sur la composition des captures sont peu nombreuses et fragmentaires, et les procédés de détermination de l'âge des anguilles sont incertains, aussi y a-t-il pénurie de données sur la mortalité naturelle et par pêche. En fait, on ne sait pas si les stocks d'anguilles sont sous-exploités ou surexploités. D'autre part, même lorsqu'on dispose de statistiques abondantes et détaillées, comme c'est le cas pour la Pologne, il est très difficile d'évaluer la situation de la pêche des anguilles en eau douce.

(f) Questions soulevées pendant les débats

Il est apparu que l'on manque de bonnes données statistiques, notamment sur les captures; aucune solution simple n'a pu être trouvée aux problèmes qui en découlent.

Les rapports en provenance d'Europe septentrionale et de la région de la Baltique montrent que l'abondance des civelles décroît, contrairement à ce qu'il semble se passer aux Pays-Bas, en France, dans les îles britanniques et la région méditerranéenne. Aucune explication simple de ce phénomène n'a pu être donnée; cependant, les variations climatiques peuvent jouer.

Le repeuplement par lachers de civelles a été examiné et on est convenu que cette méthode pourrait se révéler valable aux fins de l'aménagement de la pêcherie; il importe cependant d'analyser soigneusement les données afin d'établir les effets du repeuplement.

On a également étudié les taux de mortalité; on a suggéré de procéder à la détermination des taux pour les mâles et les fémelles séparément.

Les participants des pays ci-après ont fourni les dimensions légales minimums à la pêche:

Danemark35 cm (pas de limites pour les anguilles argentées)
Angleterre et Pays de Gallespas de limitations strictes
France22/kg: 28 à 32 cm = 45 g
Allemagne, République fédérale d'35 cm
Irlandspas de limitations
Pays-Bas28 cm (anguilles vivantes)
25 cm (anguilles fumées)
Norvège35 cm
Pologne50 cm (avec certaines tolérances)
Portugal20 cm (eaux continentales seulement)
Suède 
 Côte orientale53–55 cm
 Côte occidentale35–37 cm

3.2 Groupe 2 - Mesures en vue de l'amélioration et du maintien des pêcheries à l'anguille

Responsable:Dr I. Boetius
Membres:M.P. Lamarque
Prof. R. Dérijard
Prof. M. Leopold
Dr G. Peters
Dr Bo Holmberg
Rapporteur:M.B. Stott

(a) Amélioration et aménagement des stocks d'anguilles dans les eaux continentales

Ces dernières années, l'augmentation des captures d'anguilles a été possible notamment grâce à l'exploitation des eaux douces et plus particulièrement des lacs. Le maintien des pêcheries d'anguilles dans les eaux continentales est fortement tributaire des activités humaines. Théoriquement, on pourrait contrôler l'ensemble du cycle biologique de l'anguille dans l'eau douce; en fait, on ne le fait pas pour le moment. A l'heure actuelle, l'aménagement des stocks d'anguilles consiste essentiellement à repeupler (voir débats du la Group 1) et à capturer; on ne sait d'ailleurs que peu de chose de ces deux processus, et on ne sait pratiquement rien pour la période intermédiaire, lorsque l'anguille se trouve dans une étendue d'eau naturelle. Les chances d'améliorer les pêcheries d'anguilles seront d'autant meilleures, que l'on comprendra mieux les événements de la période considérée et que l'on interviendra dans ces processus pour accroître la production. En Pologne, où l'on étudie en détail l'aménagement des lacs, on dispose de données relatives à quelque 600 lacs pour une période minimum de 20 ans. Les résultats de l'analyse préliminaire de ces données sont fournis par Leopold (communication Nos. 13 à 17). Il en ressort que les plus gros progrès peuvent être réalisés par l'intervention humaine au cours de la phase de production allant de l'empoissonnement à la captures. Les captures sont généralement en étroite corrélation avec la densité de peuplement, le taux d'exploitation et les données brutes sur la fertilité du lac. Dans certains groupes de lacs, les captures d'anguilles sont nettement plus faibles ou plus élevées que ne la laisseraient prévoir les rapports entre ces facteurs. On peut espérer que l'analyse des divers éléments des conditions inhérentes à chacun de ces lacs suggèreront la stratégie de gestion applicable à ces cours d'eau et à leurs stocks.

(b) Pêche à l'électricité

L'emploi de l'électricité pour la pêche des anguilles est décrit par Lamarque (communication No. 9), Dembinski et Swerzowski (communication No. 34), Dembinski et al. (communication No. 35) et Swerzowski (communication No. 46). Les méthodes traditionnelles de pêche à l'électricité ou encore l'électrification d'engins de pêche normalisés (chaluts et sennes coulissantes) sont recommandées pour la capture des anguilles. Les engins utilisés pour la pêche des anguilles sont très sélectifs; 51 pour cent des captures totales sont effectués par des méthodes de pêche électrique traditionnelles et 45 pour cent des chaluts électrifiés. On constate une variation saisonnière des c.p.u.e. et le taux des captures horaires est maximal au printemps pour les engins électriques traditionnels (épuisettes électrifiées) et en automne pour les chaluts électrifiés. On note aussi une corrélation entre l'efficacité de la pêche et l'étendue d'eau exploitée. L'efficacité est maximale dans des lacs de moins de 100 ha de superficie. Les captures réalisées avec des engins électrifiés suffisent à assurer l'amortissement rapide du prix d'achat de matériel et l'accroissement des quantités pêchées permet de raccourcir la saison de pêche.

Dans les lacs intérieurs polonais, la dimension recommandée pour le maillage des sennes électriques est de 20 mm, ce qui correspond à des anguilles de la taille légale de 50 cm. Dans les lacs côtiers, l'existence d'une proportion élevée de mâles a permis de ramener la longueur légale à 40 cm. On capture des poissons de cette taille dans des filets de 12 mm.

D'après des études réalisées en France, les types suivants de courants peuvent être utilisés avec une source d'énergie de 3 kW:

A Pour les engins de pêche électrique classiques

-   courant continu constant pour des eaux dont la conductivité est inférieure à 800 μs/cm;

-   ondes de courant constant dans les eaux dont la conductivité est comprise entre 800 et 1 900 μs/cm;

-   impulsions régulières, à la fréquence de 400 Hz, dans les eaux dont la conductivité dépasse 1 900 μs/cm (y compris l'eau de mer).

B Pour les chaluts électriques:

-   impulsions régulières à la fréquence de 100 Hz lorsque l'eau est bonne conductrice et qu'il faut économiser l'énergie.

En France, on a mis au point une cuve galvanonarcotique à courant continu constant pour la mesure et la pesée des anguilles. Cette cuve remplace les anesthésiques, assure un gain de temps considérable et est sans danger pour l'anguille ou l'opérateur.

(c) Maladies des anguilles

Il est évident que l'existence de maladies a son importance dans l'anguilliculture: ainsi le Japon dont la consommation est de l'ordre de 27 000 tonnes, a élevé environ 23 000 tonnes d'anguilles en 1968 pour faire l'appoint. La production a baissé en 1970 par suite d'une pénurie de civelles et 200 tonnes de civelles européennes ont été importées aux fins de l'anguilliculture. Ultérieurement, une maladie des branchies des reins s'est déclarée et a provoqué 600 tonnes de pertes. La “maladie du chou-fleur”, tumeur dermique de la région bucale serait responsable d'une perte (en valeur) de 5 pour cent sur les captures effectuées dans l'Elbe. Cette maladie se développe rapidement à des températures élevées et se stabilise ou même régresse au dessous de 8°C. Sa cause est inconnue; il ne semble cependant pas qu'elle doive être imputée à la pollution. La maladie dite rouge a également son importance dans la baie d'Helgoland, où elle affecte 15 à 20 pour cent des anguilles. On peut s'y attaquer dans les stations piscicoles.

(d) Questions soulevées pendant les débats

L'insuffisance des statistiques fait obstacle à l'évaluation des politiques de gestion, sauf, peut-être, pour la Pologne où les pêcheries d'Etat semblent disposer des données nécessaires. On a suggéré certaines améliorations et notamment une modification du système national de déclarations; en effet, lorsqu'elles sont faites de manière uniforme et régulière, le ressemblement des données fournies par les pêcheurs peut en être facilité. On en citera pour exemple la création d'un groupe de travail sur les statistiques relatives au saumon de l'Atlantique. On devrait s'efforcer d'obtenir ultérieurement davantage d'informations sur les captures/ha, les taux de mortalité par sexe, ainsi que sur l'âge ou la taille. Il faudrait aussi donner la composition des captures. Une proposition visant à étudier l'efficacité des lâchers de civelles dans les lacs vierges semble d'un intérêt limité du point de vue de l'amélioration des rendements soutenus.

On a mentionné un ouvrage de référence japonais sur les maladies des anguilles contenant d'excellentes illustrations: il y aurait lieu d'envisager éventuellement de le faire traduire et de le publier en Europe. L'idée de diffuser des fiches d'identification des maladies, sur le modèle des fiches FAO d'identification des espèces, a également été avancée. On a mentionné la diffusion des maladies par le commerce des anguilles vivantes, notamment celles qui proviennent de Nouvelle-Zélande et dont certaines auraient été lâchées dans des eaux européennes.

L'électro-narcose a semblé constituer une méthode valable pour la détermination de la taille et même du poids des anguilles, de préférence à l'emploi d'anesthésiques. On a décrit une technique de pêche électrique, permettant l'échantillonnage en milieu marin peu profond; un chalut électrifié est actuellement mis au point pour la pêche en mer. La concurrence des anguilles avec d'autres ressources intéressantes, notamment les langoustes et les homards a été évoquée; on ne dispose cependant que d'informations limitées à cet égard.

Les méthodes de marquage des anguilles posent évidemment des problèmes. On a essayé d'utiliser des marques “spaghetti”, des marques internes avec ou sans banderoles externes, des marques magnétiques, l'injection de teintures sous-cutanées ainsi que le marquage au nitrate d'argent; il conviendrait cependant de poursuivre les recherches.

3.3 Groupe 3 - Age et croissance en conditions naturelles et artificielles

Responsable:Dr. C.L. Deelder
Membres:Mlle N. Charlon
M. K. Bienarz
M. J. Dahl
Rapporteur:M. H. Koops

(a) Age

La détermination de l'âge et de la croissance des anguilles doivent être entreprises avec beaucoup de précautions (Charlon, communication No. 4, et Deelder, communication No. 18). Charlon a traité le problème sous une optique tout à fait nouvelle. Sur des civelles élevées dans des étangs, on a étudié le développement ultérieur des otolithes. D'après les résultats, l'auteur a conclu qu'elle était en mesure d'observer l'apparition d'anneaux surnuméraires, dont certains étaient bien définis au microscope. La détermination de l'âge en suivant les anneaux ne constitue donc pas une méthode absolue, ce qui explique la disparité des résultats obtenus par les méthodes relativement simples généralement employées par les biologistes des pêches.

Deelder se réfère à des communications antérieures, relatives à des anguilles élevées en étang et contenant des otholites portant 1 à 3 anneaux par an. On cite également le cas où un nombre d'anneaux n'est pas le même sur les deux moitiés de l'otholite.

On avait déjà signalé ces mêmes faits lors de la réunion du groupe de travail de la CECPI sur la détermination de l'âge des anguilles (communication No. 56); Moriarty et Steinmetz (communication No. 23) insistent et précisent que la lecture des otholites des anguilles d'âge connu par quatre chercheurs n'a pas fait leur unanimité quant à l'âge moyen des échantillons; Rasmussen et Therkildsen (communication No. 43), ainsi que Boetius (communication No. 53) concluent de façon analogue. Leurs conclusions donnent cependant naissance à un problème assez embarrassant: pour Rasmussen et Therkildsen, une courbe de croissance de Bertalanffy correspond tout-à-fait à leurs données, tandis que Boetius se dit incapable, soit de calculer les paramètres de Bertalanffy, soit d'en tirer des indications utiles.

Le problème de la détermination de l'âge est important, et on aura de la peine à le résoudre. Les expériences réalisées avec des animaux d'âge connu sont suspectes en ce sens que le problème ne consiste pas à déterminer un âge déjà connu, mais à étudier des animaux d'âge inconnu, ce qui est complètement différent.

(b) Résumé des débats relatifs aux méthodes de détermination de l'âge

On emploie différentes méthodes et la détermination de l'âge reste encore subjective. Ainsi, des chercheurs différents utilisant les mêmes otholites d'anguille d'âge connu sont parfois parvenus à des différences d'interprétation. La méthode d'exploration est susceptible de réduire les erreurs individuelles dans la mesure où les graphiques établissent des critères objectifs qui permettent la comparaison et le traitement mathématiques. Ces graphiques sont néanmoins toujours sujets à des interprétations individuelles car on peut constater jusqu'à trois périodes de croissance en un an. Celles-ci sont peut-être liées à des fluctuations de la température ou à la quantité de nourriture disponible. Les structures cristallines sont identiques, qu'il s'agisse d'anneaux relatifs à des années réelles ou d'anneaux secondaires. Il faudrait poursuivre les études fondamentales sur le développement des otholites afin d'identifier les modifications induites par les facteurs environnementaux (température, etc.) ou nutritionnels sur leur structure fine. L'étude au microscope électronique permet d'identifier des anneaux journaliers ou représentatifs d'autres fluctuations de brève durée. L'étude des otholites provenant d'anguilles d'âge connu est tout-à-fait indispensable pour améliorer l'interprétation des graphiques explorés et afin de comparer les différentes méthodes employées pour déterminer l'âge. Il faudrait également disposer de renseignements sur les conditions physiques, chimiques et biologiques.

(c) Croissance en conditions naturelles

Des données relatives à la croissance naturelle des anguilles sont fournies par Moriarty (communication No. 21), pour la rivière Shannon (Irlande), et par Rasmussen et Therkildsen (communication No. 43) pour un ruisseau danois. Rossi et Colombo (communication No. 63) étudient leur croissance dans les lagunes saumâtres de la région de Comacchio (Italie). Ciepielewski (communication No. 33) se réfère à l'âge des anguilles argentées descendant des lacs de Mazurie et donnent des informations sur la taille, le poids et la composition des sexes par rapport à des anguilles d'autres régions.

(d) Résumé des débats relatifs à la croissance en conditions naturelles

Les études de croissance dépendent essentiellement de la fiabilité de la détermination de l'âge. Les mâles peuvent devenir argentés deux ou trois ans avant les femelles. Le pourcentage de ces dernières augmente avec l'éloignement de la mer et les eaux continentales les plus lointaines ne contiennent que des femelles. Cependant, presque toutes les anguilles de la baie d'Helgoland et au large de la côte néerlandaise sont des femelles. L'époque de la métamorphose au stade d'anguilles argentées est davantage liée à la taille qu'à l'âge. La taille des anguilles argentées femelles augmente à mesure qu'elles se trouvent plus loin de la mer. Ainsi, les anguilles argentées du nord de la Scandinavie sont beaucoup plus grandes que celles des aires méridionales. L'accumulation d'énergie de la part de ces poissons s'explique peut-être du fait que l'effort nécessaire à la migration est plus grand. L'âge auquel les anguilles deviennent argentées dépend de la condition de l'eau et se situe autour de 4 à 5 ans dans certains lacs méditerranéens, et de 12 à 18 ans dans certains fleuves d'Irlande et de Norvège.

(e) Croissance en conditions artificielles

Une série de communications de Bienarz et al. (communication No. 2), Descamps et al. (communication No. 6), Koops (communication No. 11) et Kuhlmann (communication No. 12), donne de nombreuses informations et permet de prévoir dans une certaine mesure les résultats que peut donner l'élevage artificiel des anguilles. On a étudié l'influence de différents types d'aliments, de l'apport vitaminique, de la densité du stock, de la température de l'eau, de la différentiation à la croissance, de l'intervention sur les sexes et de l'origine des civelles. L'ensemble de ces données complète utilement les connaissances antérieures. Cependant, plusieurs problèmes importants restent à résoudre. On citera notamment la mortalité par l'absence de nourriture aux stades initiaux, les différences de taux de croissance individuels et la façon d'obtenir un taux de croissance satisfaisant en eau à température moyenne.

(f) Résumé des débats relatifs à la croissance en conditions artificielles

L'anguilliculture progresse en Europe et on commence à la pratiquer à l'échelle commerciale en Italie et en France méridionale. L'utilisation des effluents thermiques devrait contribuer au progrès rapide de l'anguilliculture au cours des prochaines années. Les leptocéphales devraient être nourris pendant quelques semaines après leur naissance d'aliments naturels humides (foie ou rate etc.). Par la suite on utilisera du poisson broyé ou des aliments secs de fabrication industrielle. Les connaissances sur les besoins nutritionnels de l'anguille européenne sont limitées. Les vitamines hydrosolubles (vitamine C, complexe B) semblent présenter une importance plus considérable que les vitamines liposolubles, encore que les vitamines A et D semblent essentielles. Le meilleur taux de croissance est lié à une densité de stockage optimum, l'empoissonnement à faible densité donne des résultats médiocres. L'agressivité, qui se manifeste à faible densité, peut être réduite en stockant les animaux en nombre plus grand. L'activité nutritionnelle augmente également dans ces conditions. Les anguilles élevées dans des étangs ou des réservoirs n'ont pas le même taux de croissance et 20 pour cent seulement d'entre elles grandissent rapidement. On améliore les résultats en regroupant les anguilles par taille. On signale que la température optimum est de 26°C pour les civelles et de 22°C environ pour les anguilles de grande taille; il semble cependant qu'il faille pousser davantage les études dans ce domaine. Les taux de croissance sont trois à quatre fois meilleurs dans l'eau constamment tempérée, que dans les eaux naturelles sujettes à des variations de température. L'apport de nourriture artificielle accroît le pourcentage de mâles aussi bien dans l'eau chauffée que dans les eaux naturelles sujettes aux variations de température. La température, aussi bien que le type d'aliments, semble influer sur la proportion des sexes. On peut nourrir les leptocéphales pour améliorer les sujets qu'il est prévu de mettre à l'eau, en liaison avec l'époque du lâcher, leur taille et leur mortalité. Les aspects économiques de l'élevage commercial d'anguilles de taille commerciale prêtes à la consommation doivent être étudiés plus en détail.

3.4 Groupe 4 - Migrations (tous stades) et phase de reproduction

Responsable:Dr F.W. Tesch
Membres:Prof. A. Lindroth
Dr J. Boetius
Rapporteur:Dr R. Edel

(a) Migrations

Lindquist (communication No. 48) offre des commentaires sur un mécanisme possible de migration des civelles. Il suggère que les civelles originaires de la mer du Nord sont amenées dans la Baltique par le courant de Jutland. Cette suggestion est particulièrement intéressante du point de vue de la diminution des stocks d'anguilles de la Baltique, telle que décrite par Svärdson (communication No. 28).

Le marquage permet de suivre à la trace dans des conditions fiables, les migrations des anguilles. Gundersen (communication No. 40) a employé des marques plus durables que celles qui avaient été utilisées précédemment. Krüger (communication No. 49) propose d'administrer des radionucléïdes, qui persistent pendant 140 jours, ce qui permet de marquer les petites anguilles ne dépassant pas 20 cm de long. Tesch (communication No. 29), Westin et Nyman (communication No. 31) et Westerberg (communication No. 52) démontrent qu'il est aisé de doter les anguilles de transducteurs ultrasoniques pour pouvoir les suivre à la trace.

Les résultats des expériences sur les migrations des anguilles argentées sont connus pour la Baltique, aussi bien à partir d'expériences de marquage classique que d'essais de poursuite. En outre, Renström (communication No. 51) établit une liaison entre les captures d'anguilles argentées à proximité de la côte, les vents et les courants; on pourrait en tirer certaines indications sur le comportement des anguilles en migration. Lindroth (communication No. 10) a analysé les données sur la récupération d'anguilles argentées marquées en fonction de la phase de la lune. Il a déterminé que les anguilles libérées avant la pleine lune couvraient des distances moindres que les spécimens lâchés après la pleine lune. Tesch (communication No. 29) compare les résultats obtenus en suivant les anguilles à la trace suivant la phase de la lune et donne des informations sur les préférences de ces animaux quant à leur direction et à leur vitesse de migration dans la Baltique et ailleurs. Il confirme qu'en mer du Nord on constate une tendance des anguilles à se déplacer de l'ouest vers le nord dans toutes les zones de la plate-forme continentale de l'Atlantique nord-est. Des résultats analogues ont été présentés par Westerberg (communication No. 52) qui se fonde sur une hypothèse suivant laquelle la direction des courants pourrait agir sur la direction des migrations. On suggère maintenant que le gradient des températures de la Baltique est également un facteur de l'orientation (Nyman, communication No. 31).

(b) Activité

Statistiques de captures - Dans la communication No. 10, Lindroth a fait rapport sur les captures d'anguilles et les phases de la lune à l'est de la côte suédoise. Des anguilles argentées de sexe et de longueur inconnus ont été marquées de façon classique et relâchées. Les spécimens récupérés montrent que les captures varient avec la phase de la lune et sont à leur maximum entre le troisième et le quatrième quartiers et minimums au moment de la pleine lune. On essaie d'expliquer ce phénomène par trois hypothèses intéressantes. Selon la première, les anguilles seraient mieux à même, dans certaines phases, d'éviter les filets. On se trouverait alors en présence d'une amélioration du système sensoriel des anguilles, ou bien celles-ci pourraient atteindre seuils de stimuli. Cela semble improbable. Dans le deuxième cas, les anguilles modifieraient leur route choisissant des eaux plus profondes et une voie plus directe, suivant la phase de la lune. Cela n'est pas impossible, mais n'est pas prouvé non plus. Si l'on s'arrête à la troisième possibilité, les anguilles arrêteraient leurs migrations (ou les ralentiraient) vers le moment de la pleine lune. On en déduit une classification chronométrée pour un changement d'orientation; cette hypothèse est la plus plausible, compte tenu des données d'expérience.

Swierzowski (communication No. 45) signale que l'activité des anguilles argentées, telle que déduite des statistiques de captures, est plus intense par les nuits noires, en général entre le quatrième et le premier quartiers de la lune. En outre, les captures sont affectées par la température de l'air et le niveau de l'eau; l'effet du premier de ces éléments est particulièrement prononcé; ainsi, une importante migration printanière d'anguilles argentées a quitté le bassin versant de la rivière Narew. Au cours de plusieurs années, le maximum printanier des migrations est tombé entre le 5 et le 10 mai, les températures de l'eau atteignant une moyenne de 15°C. L'auteur a déterminé en dernière analyse que l'intensité de la migration est fonction de la population d'anguilles en un lieu particulier.

La diminution des captures d'anguilles argentées à laquelle on assiste depuis 1959 a incité les pêcheurs à accuser une papeterie construite dans la zone. Il ressort des données sur les captures relatives à 14 années et 9 sites que la pêche est tributaire de la direction du vent (Renström, communication No. 51). Les vents d'ouest à nord-est sont responsables des captures les plus médiocres; elles sont bonnes lorsque le vent souffle dans une autre direction. Le nombre de journées de “mauvais vent” par saison a augmenté récemment. Par vent favorable, on a obtenu les meilleures captures pour une vitesse de 6 à 13 m/seconde. On n'a établi aucune corrélation entre direction du courant et captures. On n'a également déterminé aucun effet de la papeterie.

Essais de laboratoire - Edel (communication No. 7) signale que les interventions sur les abris a influencé le schéma de l'activité locomotrice des anguilles argentées américaines maintenues dans des conditions contrôlées de luminosité. Les anguilles sont toujours plus actives dans l'ombre qu'à la lumière. Il est facile de conditionner les anguilles à des cycles variables jour/nuit. On a observé un rythme circadien chez les anguilles constamment à la lumière ou à l'ombre. L'élimination de l'abri a entraîné un accroissement du niveau d'activité, indépendemment du cycle jour-nuit. Les aquaculteurs fournissant un abri aux anguilles et les maintenant constamment à la lumière ont émis l'idée de la conservation d'énergie.

Des anguilles jaunes de 60 g sont restées actives à l'obscurité même après avoir été aveuglées ou soumises à une pinealectomie ou à une combinaison des ces deux traitements (Van Veen et al., communication No. 30). Lorsqu'on couvre la tête d'anguilles aveuglées et ayant subi une pinealectomie d'une feuille d'aluminium mate, le rythme d'activité nocturne disperaît. Des anguilles témoins dont la tête avait été recouverte d'un matériau transparent sont restés actives dans l'obscurité. Les auteurs ont conclu à la possibilité de l'existence d'un mécanisme photorécepteur extra optique dans le cerveau des anguilles.

D'après Westin et Nyman (communication No. 31), les anguilles aussi bien jaunes qu'argentées sont dotées d'une activité nocturne; cependant, le moment de l'activité maximum varie suivant la saison. En été, il se situe autour de minuit; en automne, il se produit au crépuscule, avec une seconde pointe à l'aube. Les anguilles argentées sont restées plus actives en automne que les anguilles jaunes en conditions de température analogues. Les anguilles argentées très actives à la pleine lune atteignent leur maximum d'activité au troisième quart; ce résultat contredit ceux obtenus par la plupart des autres chercheurs. L'activité des anguilles argentées en réponse à des températures modifiées de façon expérimentale s'est révélée d'un intérêt exceptionnel. Lorsque la température varie suivant un certain rythme, les anguilles argentées ont déployé une activité fébrile dès que la température a commencé à baisser. On en déduit que la température pourrait déclencher les migrations des anguilles argentées. Les activités des anguilles jaunes étaient en corrélation étroite avec la température; à une diminution de la température correspondait un ralentissement de l'activité. Les auteurs soulignent l'importance des interactions entre température, phase de la lune et saisons.

(c) Métabolisme

Holmberg et Saunders (communication No. 50) ont étudié la consommation d'oxygène d'anguilles argentées et jaunes à différentes vitesses de nage. Le taux respiratoire des anguilles jaunes et argentées était assez voisin, per contre, on a mis en évidence chez les anguilles jaunes un accroissement de la quantité de lactate. Chez les anguilles argentées, on n'a déterminé aucun débit d'oxygène de cet ordre et les auteurs en ont conclu que les anguilles argentées sont mieux adaptées que les anguilles jaunes à parcourir de grandes distances à la nage.

L'anguille argentée dépense de l'énergie aussi bien pour nager que pour se reproduire. La communication No. 55 (Boetius et Boetius) essaie d'établir un “budget énergétique” pour les migrations et la reproduction. On évalue la consommation normale d'oxygène des anguilles argentées. Il apparaît que la quantité d'énergie disponible pour les migrations serait de l'ordre de 5 à 6 fois le métabolisme normal pendant 150 jours, durée de la migration de l'anguille.

Le taux respiratoire d'une anguille nageant à la vitesse constante d'environ 1, 5 km à l'heure correspond à une activité pratiquement triple de l'activité normale, ce qui correspond assez bien aux données de Holmberg et Saunders.

Il s'ensuit que l'anguille argentée a une réserve d'énergie correspondant bien aux longues migrations et à la reproduction.

(d) Reproduction

Passakas (communication No. 60) décrit la morphologie des chromosomes des anguilles femelles et mâles en se fondant sur les cellules épithéliales des branchies. Ayant identifié des chromosomes sexuels, elle a rapporté des résultats antérieurs permettant de supposer que A. anguilla et A. rostrata diffèrent du point de vue de la morphologie de leurs chromosomes. Une communication de Kuhlmann (No. 12) présente des données comparatives pour les deux sexes dans certaines conditions expérimentales de température et d'alimentation; l'origine des civelles utilisées dans l'expérimentation présente aussi son importance. Des expériences de nourrissement de Descamps et al. (communication No. 6) montrent que les anguilles élevées dans des conditions aquatiques normales donnaient moins de femelles que les anguilles élevées dans des bassins d'eau chauffée. Saint-Paul (communication No. 58) détermine que les populations de petites anguilles des estuaires de la mer du Nord donnent un pourcentage élevé de spécimens non différenciés alors qu'en haute mer on obtient surtout des femelles. Les chiffres de Ciepielewski (communication No. 33) montrent que dans les lacs de Mazurie les femelles d'anguilles argentées descendant à la mer sont plus nombreuses que les mâles. Il en est de même pour les lagunes de l'Adriatique, où le pourcentage de femelles dépasse même celui qui avait été déterminé par Rossi et Colombo (communication No. 63). Svärdson (communication No. 28) note que sur la côte suédoise on constate une modification de la distribution des sexes en un siècle; il y a davantage de femelles maintenant qu'en 1890.

(e) Maturation et fécondité

On a produit des mâles et des femelles des trois espèces d'Anguilla des régions septentrionales tempérées ayant atteint leur maturité; Todd (communication No. 47), de son côté, signale l'espèce néo-zélandaise: Anguilla australis et A. diffenbachii. Todd a traité les anguilles femelles de ces deux dernières espèces d'une part avec (i) MCG (gonadotrophine chorionique mâle) + cestradiol et d'autre part (ii) avec des hormones hypophysaires de carpes Il a obtenu un indice gonedosomatique (IGS) extrêmement élevé (jusqu'à 44 pour A. australis) à la suite de cette expérience avec du MCG, alors que par le traitement de l'une et l'autre espèes aux hypophyses de carpes, il a obtenu des spécimens en état de reproduire.

Les tentatives de fertilisation ont cependant échoué. Tood est d'avis que cela est dû à la motilité extrêmement faible des cellules séminales des mâles traités au MCG.

Boetius et Boetius (communication No. 55) reprennent cette conclusion à leur compte; ils ont obtenu leurs meilleurs résultats au cours des derniers mois. Des anguilles argentées femelles traitées en février avec des hypophyses de carpes et du MCG combinés ont produit des oeufs qui sont arrivés à maturité en quelque 40 jours dans l'eau de mer à 23°C. L'IGS maximum est allé jusqu'à 46. Si l'on n'avait pas procédé au stripping des oeufs d'anguilles celles-ci auraient frayé dans le réservoir.

Pour les femelles traitées aux hypophyses de carpes, l'IGS n'a été que de l'ordre de 44 et les oeufs ne sont pas arrivés à maturité. Bienarz et al. (communication No. 2) ont également obtenu leurs meilleurs résultats avec l'hypophyse de carpes + MCG.

Les mâles ont également été soumis à des expériences de maturation par combinaisons d'hypophyses de carpes et de MCG, cependant, la motilité séminale a été extrêmement faible. On a cependant obtenu la fertilisation dans deux cas.

3.5 Groupe 5 - Conclusions et recommandations

Responsable:Prof. F. Thurow
Membres:Dr I. Boetius
Dr F.W. Tesch
Dr C.L. Deelder
Dr J. Boetius
Rapporteur:Dr R.L. Welcomme

Le Groupe s'est dit préoccupé par l'état des stocks d'anguilles, notamment dans la Baltique. L'importance commerciale de cette espèce est actuellement grande; on peut même s'attendre à une progression à l'avenir. Aussi, les organismes internationaux, de même que les gouvernments devront-ils s'intéresser de plus en plus à la situation des stocks et à l'aménagement de la pêcherie. Deux stratégies sont possibles. En premier lieu, l'empoissonnement, et le présent symposium n'a permis de dégager aucune conclusion satisfaisante. En second lieu, la régularisation des ressources naturelles et il faut mettre au point des méthodes en ce sens.

(a) Croissance

(i) Techniques de détermination de l'âge

Il est indispensable de pouvoir déterminer l'âge, quelque soit la méthode d'évaluation des stocks. Deux faits intéressants ont été mis en évidence au cours du Symposium: (i) la lecture comparative des otholites par différentes techniques et (ii) l'analyse de la structure des otholites d'âge connu. Compte tenu de l'importance extrême qu'il y a à mettre au point des techniques pertinentes de détermination de l'âge, il est recommandé que le groupe de travail CECPI/CIEM sur les anguilles soit invité à poursuivre ses travaux et à collaborer à l'amélioration des techniques de détermination de l'âge par les méthodes suivantes:

-   lecture comparative d'otholites identiques d'âge connu par des techniques différentes;

-   développement de la structure des otholites à partir d'otholites d'âge connu.

Les résultats du groupe de travail devraient être soumis aux réunions des Conseils de la CECPI et du CIEM.

(ii) Age de début de capture et âge lors de la migration de reproduction

Il est impossible de définir en termes généraux l'âge de début de capture ou l'âge lors d'une migration de reproduction. En attendant, on se fonde donc sur la longueur; nombre de rapports signalent la taille des anguilles argentées lors de la migration (55 à 60 cm). On considère que ce chiffre représente un ordre de grandeur valable pour de nombreux pays. Cependant, il est probable que dans certaines régions les anguilles entreprennent leur migrations alors qu'elles sont plus petites.

(iii) Rapports longueur-poids

On utilise en général deux modèles de rapports longueur-poids; on peut calculer à la fois k et d ou on peut supposer une simple fraction de L3. Il a semblé que le premier type de modèle est en général plus utile et qu'il exprime mieux le type de croissance des anguilles.

(iv) Forme de la courbe de croissance

On a appliqué aux anguilles deux modèles fondamentaux de croissance. Une équation du type de Ricker, dans laquelle la croissance est toujours un multiple d'un poids initial, est particulièrement adaptées pour les données actuellement disponibles. Une équation du type de Bertallanfy dans laquelle le poids est toujours une fraction d'un poids final estimatif n'a pas pour l'instant paru susceptible d'une application générale.

(b) Pêcheries

(i) Unités d'aménagement

Les anguilles européennes sont généralement considérées comme faisant partie d'un même stock et toutes les données génétiques physiologiques disponibles étayent cette hypotèse. Aux fins d'aménagement, il est cependant utile de subdiviser un stock unique occupant une aire géographique et climatique aussi vaste en plusieurs unités. Sur la base des informations disponibles, le Symposium a identifié, à titre provisoire, les unités d'aménagement ci-après:

-   La Baltique

-   La mer du Nord

-   La côte atlantique, de la Manche à Gibraltar

-   La Méditerranée;

aucune subdivision plus poussée n'est possible actuellement.

On devrait considérer qu'une même unité d'aménagement s'étend sur toute la zone allant de la côte vers l'intérieur, pour tenir compte des autres bassins hydrographiques où l'on est susceptible de trouver des anguilles.

(ii) Abondance

On considère que les captures par unité d'effort donnent une indication de la densité de la population d'anguilles, mais on ne sait que peu de choses de l'abondance totale.

(iii) Rendement

Les données sur les mises à terre d'anguilles sont insuffisantes; il faudrait cependant pouvoir en disposer pour pouvoir évaluer les stocks.

(iv) Surpêche des anguilles jaunes

Il semble que les captures diminuent dans certaines zones et notamment dans l'unité d'aménagement de la Baltique; on ne saurait cependant établir avec certitude qu'il s'agisse actuellement d'un phénomène de surpêche. Le Symposium a mis en évidence une surpêche économique (toute augmentation des captures concomitante à l'accroissement des valeurs de F n'est pas compensée par la valeur du surcroît de poisson pris).

(v) Recrutement

Dans les évaluations de rendement, on ne tient aucunement compte des rapports avec le recrutement des stocks. La surveillance continue du recrutement s'impose donc d'urgence et devrait être réalisée par échantillonnage des remontées de civelles, dans la mesure où il est possible d'évaluer la remontée totale en termes relatifs ou absolus.

(vi) Conclusions

Les données destinées à l'évaluation des stocks d'anguilles européens sont insuffisantes pour permettre de déterminer maintenant leur état d'exploitation. Considérant qu'une telle analyse est essentielle pour toutes les unités d'aménagement identifiées, le Symposium recommande que les données ci-après soient mises à la disposition des groupes de travail de la CECPI et du CIEM:

-   Composition des mises à terre par âge et longueur;

-   Longueur et poids selon l'âge;

-   Statistiques de captures et d'effort pour les anguilles jaunes et argentées, séparément, aussi bien pour les eaux douce que marines;

-   Statistiques de captures et d'efforts pour les civelles et les jeunes anguilles.

Compte tenu de la nécessité d'évaluer à bref délai les stocks, des travaux devraient être entrepris sur la base des données disponibles. On a cependant déterminé qu'il importe d'améliorer les méthodes de rassemblement des données statistiques et biologiques et l'on a recommandé en outre que les Etats Membres devraient pousser leurs études sur la façon de recueillir des informations valables, notamment afin d'établir des données quantitatives sur les remontées de civelles, pour fournir les matériaux nécessaires aux groupes de travail.

(c) Migrations et reproduction

Les renseignements dont on dispose sur le potentiel effectif des civelles sont insuffisantes et l'on a suggéré d'étudier des concentrations communes de civelles.

En outre, notant que les connaissances actuelles sur les aires de reproduction des anguilles européennes sont fragmentaires, le Symposium recommande au CIEM et à la CECPI d'encourager l'organisation d'une expédition internationale vers les aires supposées de reproduction des anguilles européennes et demande à M. Tesch de présenter, avec l'assistance des collègues intéressés, une proposition détaillée lors des prochaines réunions des groupes de travail du CIEM et de la CECPI.

(d) Publication des communications

Des informations précieuses ont été présentées au Symposium dans les quelque 60 communications reçues. Ces informations devraient faire l'objet d'une publication plus officielle et il a été recommandé que le CIEM et la CECPI soient invités à entreprendre des négociations quant à la publication de certaines communications soumises au Symposium sur les recherches et l'exploitation rationnelle des anguilles.


Previous Page Top of Page Next Page