Page précédente Table des matières Page suivante


SURVEILLANCE ET ZONAGE - UNE ÉTUDE DE CASPRATIQUE

Il existe beaucoup de programmes de surveillance et de suivi actuellement en cours dans le monde qui visent des maladies spécifiques importantes. En Europe, plusieurs pays ont établi des suivis de maladies spécifiques en application de la Directive européenne 91/67/CEE et de ses amendements consécutifs, ainsi que de la Décision de la Commission européenne 96/240/CE. De même, l'Australie a un programme de surveillance pour des maladies à déclaration obligatoire spécifiques dans le cadre de l'AquaPlan (AquaPlan, 2000). Plus récemment, le Canada a mis en place un programme de surveillance pour répondre à la première détection d'un agent pathogène des mollusques listé par l'OIE, Haplosporidium nelsoni, l'agent causal de la maladie à MSX. Par coïncidence, ce foyer est apparu au même moment que la Consultation d'experts àRome en octobre 2002, et a nécessité le départ anticipé du Dr McGladdery qui était en charge de la coordination du plan d'urgence en réponse à ce foyer. Dans la mesure où à ce stade, l'essentiel des discussions de la Consultation d'experts a immédiatement porté sur la question de ce cas urgent de maladie, on a estimé à propos d'inclure l'historique de ce foyer et des contrôles basés sur la surveillance qui ont été mis en place (et sont encore en cours) comme cas d'étude (surveillance pour la maladie des huîtres du Canada atlantique) dans ce rapport.

Surveillance d'une maladie de l'huître du Canada atlantique

Références historiques

Traditionnellement, l'espèce d'huître endémique sur la côte est du Canada, Crassostrea virginica, a été considérée comme indemne des maladies qui ont touché cette même espèce le long de la côte atlantique des Etats-Unis. A la fin des années 1980, un programme pour la santé des mollusques a été initié dans le but de compiler une base de données de maladies qui puisse être utilisée pour évaluer le risque qu'il y aurait à déplacer des huîtres entre les quatre provinces de l'Atlantique et trois bassins hydrologiques. Cette base de données comprenait des informations d'histopathologie et une collection de lames de référence.

Entre 1988 et 2002,plus de 8000 huîtres ont été examinées en histologie comme faisant partie de projets de recherche sur les maladies et le développement de l'aquaculture (tailles d'échantillons variables), les contrôles sanitaires pour les transferts de cheptels (pour le retrempage, la purification et les déplacements de juvéniles ou de géniteurs à des fins d'élevage) (taille de l'échantillon n=60), et les études de cas de mortalité anormale, de défaut de croissance ou de reproduction (tailles d'échantillons variables). Au cours de cette période, aucun des pathogènes listés par l'OIE n'a été détecté, et les rapports annuels àl'OIE ont été basés sur ces observations.

En 1998, les données produites par cette surveillance générale ont été utilisées pour établir des zones auCanada atlantique destinées à être utilisées par les comités gouvernementaux sur les introductions et les transferts, ainsi qu'à des fins d'enseignement. Sur la base de profils sanitairessemblables, toutes les huîtres du sud du Saint-Laurent étaient considérées comme homogènes, alors que celles du Cap Breton étaient considérées comme étant distinctes, en se basant sur la démonstration expérimentale d'une sensibilité à la maladie de la baie de Malpèque, qui est présente à des niveaux sub-cliniques dans des huîtres de la partie méridionale du Golfe du Saint-Laurent et la partie Sud-Ouest de la Nouvelle-Ecosse.

Détection d'une maladie listée par l'OIE

La suspicion a été portée par le laboratoire de santé des invertébrés marins en octobre 2002 à partir d'un échantillon d'huîtres en provenance du Cap Breton et, soumises à l'inspection en raison de mortalités anormalement élevées. L'histologie a été envoyée à un laboratoire de référence de l'OIE pour les maladies des mollusques, l'Institut de sciences marines de Virginie. Des doubles des échantillons du cas suspect ont été traités pour la microscopie électronique à transmission et à balayage, ainsi que pour la PCR en utilisant les amorces publiées par l'OIE pour les parasites MSX et SSO.

Dans le même temps et de façon indépendante, d'autres échantillons étaient reçus depuis la zone du Cap Breton. Les protocoles pour l'amélioration des enregistrements et leur traitement ont été initiés pour le personnel du laboratoire afin de tracer les échantillons envoyés pour «seconde opinion»,pour la microscopie électronique, et pour l'analyse par PCR à Moncton et en Virginie (PCR réalisée en aveugle sur tous les échantillons).

Un plan d'urgence en deux étapes a été développé:

  1. Actions requises sur diagnostic présomptif d'un agent infectieux important; et
  2. Actions requises sur confirmation d'un agent infectieux important.

Le premier stade impliquait d'alerter les autorités locales et nationales de la suspicion d'une infection sérieuse, ainsi que les ostréiculteurs qui soumettaient les échantillons et les autorités provinciales. Un plan de communication a également été développé avec des scénarios pour couvrir cette «nouveauté» qui tuait les huîtres du Cap Breton, et pour couvrir également la première détection d'un agent à déclaration obligatoire auprès del'OIE.

Confirmation de la maladie à MSX au Canada

Le 18 octobre 2002, la confirmation de ce que l'agent de la maladie était bien Haplosporidium nelsoni, le parasite responsable de la maladie à MSX chez Crassostrea virginica, tombait du laboratoire de référence OIE. Le Chef des services vétérinaires du Canada a immédiatement été prévenu et a,à son tour, notifiéla maladie au Bureau central de l'OIE. Le Canada n'était désormais plus considéré comme pays indemne de la maladie à MSX.

Le plan d'urgence préparé pour le cas d'une confirmation de la maladie à MSX a été mis en application et une réunion s'est tenue àCap Breton le 21 octobre 2002 avec les concessionnaires affectés et les partenaires des Nations Premières, ainsi que les autorités fédérales et provinciales et les services vétérinaires spécialisés dans les espèces aquatiques. Cette réunion a permis de:

  1. Identifier les sites prioritaires pour l'échantillonnage afin de cartographier l'étendue des infections à MSX au Canada atlantique. Les sites sélectionnés étaient ceux à partir desquels les mortalités avaient été rapportées, des sites avoisinants, avec des transferts directs d'huîtres à partir des sites infectés au cours des dix-huitderniers mois, ayant des liens indirectsavec la zone hydrologique contenant le site infecté, et n'ayant aucun lien avec le site infecté.

  2. Etablir des mesures de contrôle transitoires pour éviter la propagation pendant que les échantillons étaient collectés, analysés et les résultats produits pour vérification. Ceci incluait l'arrêt volontaire des pêcheries traditionnelles, les fermetures des concessions (pêches de récolte fermées pour des raisons conservatoires), et le développement de protocoles de récolte pour les concessionnaires afin de les aider à sortir le produit de l'eau et à le commercialiser vivant sans aucun lavage intermédiaire ou retrempage qui auraient pu être sources de la propagation de la maladie à MSX.

Surveillance pour déterminer l'extension géographique de la maladie à MSX dans les populations d'huîtres du Canada atlantique

Les protocoles d'échantillonnage ont été développés en collaboration avec les agents de développement provinciaux familiers des professionnels de l'ostréiculture de cette région. Un site était visité par jour et deux équipes de deux personnes étaient déployées. La désinfection des vêtements et des équipements était effectuée avant et après chaque visite de site et des huîtres étaient collectées par des biologistes utilisant les équipements et les vêtementsét anches de la ferme. L'approche utilisée a été de démarrer avec les sites les plus éloignés du foyer initial connu et de travailler de façon centripète à partir de là.

Dans le même temps, des échantillons provenant des deux provinces voisines étaient reçus. Ceux-ci étaient issus de sites qui avaient rapporté des observations de mortalité au cours de l'été, mais ne les avaient pas alors considérées comme anormales. Il existait également des sites ayant des liens indirects avec les fournisseurs d'huîtres de Nouvelle-Écosse et ayant la capacité de maintenir les huîtres vivantes.

Examens de laboratoire

Dès réception des huîtres au laboratoire, celles-ci étaient enregistrées dans un cahier spécial avec un système de codage qui était utilisé pour les échantillons en aveugle destinés à sla PCR et la vérification croisée par histologie. Tous les échantillons reçus initialement ont été traités en respectant les règles d'asepsie entre chaque huître; ceci de sorte à s'assurer que tout résultat de PCR puisse être rattaché à l'huître même de laquelle il était issu.

La taille des échantillons était de soixante (60). Trente (30) huîtres étaient traitées immédiatement pour l'histologie et les tissus conservés pour la PCR. Les trente huîtres restantes étaient fixées, mais n'étaient pas traitées plus avant, et leurs tissus étaient fixés pour un éventuel examen enPCR.

Les protocoles de lecture des lames incluaient un balayage rapide pour les infections cliniques évidentes - notant s'il y avait ou non sporulation. Dès qu'une lame positive était confirmée, l'échantillon en entier était considéré comme positif, et il était procédé à l'examen de l'échantillon suivant. Il était considéré plus important, à ce stade de la surveillance, de cartographier la présence ou l'absence plutôt que la prévalence de la maladie. Lorsque ce balayage conduisait à des résultats négatifs, il était procédé au traitement des trente animaux restant. Tout cas suspect mais non concluant en histologie était traité par la suite en PCR.

Des sous-échantillons des coupes histologiques de chaque échantillon de trente lames étaient marqués pour une double lecture. Ceux-ci incluaient des lames ayant quoique ce soit de suspect mais cependant de non concluant.

Autres espèces

Les moules provenant des zones infectées ont également été soumises à examendiagnostic, compte tenu de la préoccupation liée à la proposition de les transférer vers des sites mytilicoles situés à l'extérieur de la zone. Ces échantillons ont été traités en histologie, mais également par PCR.

Résultats préliminaires

La période de surveillance (novembre-décembre) n'est pas recommandée pour la détection d'infections subaiguës à MSX, on a toutefois trouvé des infections massives dans les huîtres de la zone du Lac Bras d'Or du Cap Breton avec des liens directs de transfert avec le site affecté. D'autres sites en dehors du système du Lac Bras d'Or n'ont pas montré de preuve claire de MSX ou de toute autre pathologie associée. Cependant, une paire d'huîtres provenant de la partie sud du Golfe du Saint-Laurent contenait un faible nombre de plasmodes sans preuve de prolifération ou de pathologie. Celles-ci ont été ensuite identifiées comme SSO, un parasite proche, que l'on pensait auparavant absent des huîtres canadiennes. La gamme de salinité dans la partie sud du Golfe n'est pas considérée comme normale pour SSO,et les infections focales, faibles et subcliniques détectées subséquemment indiquaient une distribution diffuse et omniprésente, plutôt qu'un point source d'infection massive tel qu'était le profil trouvé pour MSX dans le Lac Bras d'Or.

Echantillonnage de suivi destiné à répondre à certaines questions

Les liens de transfert direct avec le site positif soulevaient la question de savoir depuis combien de temps le parasite pouvait avoir été présent dans les huîtres du Cap Breton et s'il avait établi des infections dans les populations environnantes. Des échantillons supplémentaires ont été récoltés à la fin des mois de novembre-décembre qui indiquaient que la maladie s'était propagée aux huîtres avoisinantes bien que n'étant pas sujettes aux manipulations ou transferts de juvéniles.

Zonage préliminaire pour la cartographie

La région des Lacs Bras d'Or dans son entier a été zonée comme infectée par le MSX, en dépit de la présence de certains sites qui ne montraient pas la preuve de l'infection. Ceci était dû au fait que ces sites ne pouvaient être isolés des zones infectées d'un point de vue hydrologique ou du fait des activités humaines en cours au sein des Lacs Bras d'Or.

Une zone tampon préliminaire a été définie autour de la côte extérieure du Cap Breton où les résultats ne rapportaient aucunement la preuve de la présence de MSX et bien qu'il y ait des transferts de juvéniles depuis la zone affectée des Lacs Bras d'Or au début de l'été 2002.

Les huîtres restantes de la côte est étaient présentées comme étant dans des zones indemnes de MSX, même si l'analyse de ces échantillons négatifs s'est poursuivie tout au long de l'hiver.

Zonage pour des stratégies de gestion

La présence de spores, indiquant des infections avancées et des relargages potentiels du sporoplasme de MSX dans l'eau, jointe à la détection de plasmodes dans des échantillons d'huîtres sauvages du voisinage, indiquait la forte probabilité que MSX ait établi un processus infectieux dans les eaux affectées. Bien que les observations suggèrent que le foyer de la maladie était récent, cela avait pu être précédé d'une période d'incubation datant de l'automne précédant pour permettre les infections des huîtres avoisinantes. Ces observations, jointes au fait que MSX ne peut être transmis directement entre huîtres dans le laboratoire, indiquaient qu'un réservoir, autre que les huîtres, avait commencé à être impliqué dans la transmission du MSX dans l'écosystème du Lac Bras d'Or.

Ces faits tendaient à montrer que toute tentative de retirer les huîtres dans le but d'éradiquer MSX du système aurait été vouée à l'échec. C'est pourquoi l'accent a été mis sur la définition de zones à l'intérieur desquelles MSX pouvait être efficacement contrôlé. Les résultats de la surveillance en cours pour l'année 2003 continuent d'indiquer que MSX est confiné au sein du Lac Bras d'Or et tous les contrôles de transferts sont basés sur le fait que cette zone continue d'être considérée comme infectée.


Page précédente Début de page Page suivante