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Chapitre 5 - Opération d'écloserie: méthodologie de base pour l'élevage larvaire, alimentation et nutrition, facteurs influençant la croissance et la survie, fixation et métamorphose


5.1 Méthodologie de base

5.1.1 Introduction

La culture des bivalves en écloserie est autant une tâche artistique que scientifique. Il y a un vieux proverbe anglais qui dit: «there are many ways to skin a cat» c.à.d. qu'il y a plusieurs manières d'arriver au même résultat. Dans le même esprit, le succès d'une écloserie est lié à l'habilité et l'intuitivité du gérant et des techniciens plus qu'à l'emplacement, dimensions et qualité des infrastructures et au degré de sophistication de l'équipement disponible. Chaque écloserie est différente par la manière dont elle est gérée et les méthodes par lesquelles les différents aspects de culture sont approchés et le travail fait. Il n'y a pas de méthodologie standard proprement dite mais il y a des dénominateurs communs qui cherchent à satisfaire les exigences biologiques des différentes espèces de bivalves pendant leurs premiers stades de développement.

Cette section synthétise les différentes approches et méthodes utilisées dans la culture des larves à partir des œufs fécondés jusqu'à la fixation en se focalisant sur les espèces communément cultivées.

5.1.2 Méthodes pour le développement embryonnaire

5.1.2.1 Bacs pour embryons et larves

Le développement des œufs fécondés jusqu'au stade «larve D» est réalisable dans le type de bacs illustré dans les figures 50 et 52. Ce stade véligère précoce est appelé larve D à cause de la forme en D des valves de la coquille (figure 51). Les larves D des différentes espèces de bivalves communément cultivées sont similaires en apparence.

Figure 50: Selon les espèces et les températures, les œufs fécondés peuvent être incubés dans de l'eau de mer filtrée contenue dans différents types de bac pendant une période de 2 à 3 jours.

Une gamme importante de bacs circulaires ou semi carrés (carré avec des coins arrondis) peut être utilisée pour les développements embryonnaire et larvaire (figure 52). Les bacs doivent être fabriqués, de préférence, avec du matériel neuf (non recyclé) en polyéthylène ou en fibre de verre (également connue comme PVR - plastique en verre renforcé). Avant toute utilisation, les bacs non utilisés doivent être remplis d'eau de mer et laissés tremper pendant 2 à 4 mois en changeant l'eau toutes les semaines. Cette méthode permet d'éliminer les substances toxiques que relargue le nouveau plastique qui peuvent être nuisibles pour les larves. Un traitement, à la vapeur, des bacs en fibre de verre réduit considérablement cette période d'immersion.

Figure 51: Microphotographie d'une larve D de Crassostrea gigas (48 h après fécondation). La longueur moyenne de la coquille est de 75 mm.

Les bacs à fond plat ou de forme légèrement conique (cloche) c'està- dire presque à fond plat) sont les plus communément utilisés pour le développement embryonnaire (figure 52). Les bacs moins profonds de forme très conique (forme en cornet de glace) sont moins pratiques parce que les premiers stades embryonnaires en premier stade sont immobiles et ont tendance à se grouper au fond du cône. La superficie de la base du bac est un critère plus important que la profondeur d'eau. Durant ce stade l'aération n'est pas recommandée. L'effet mécanique de la turbulence créée, peut engendrer un développement anormal.

Figure 52: Récipients adéquats pour le développement embryonnaire (et larvaire). A - Bacs de 200 litres en fibre de verre de forme légèrement conique équipé d'une vanne d'évacuation à sa base; B - Bacs de 125 litres en polyéthylène à fond plat; C - Bacs de 1 000 litres en polyéthylène isolé, de forme carré avec coins arrondis.

5.1.2.2 Traitement de l'eau

Les bacs de culture sont remplis d'eau de mer filtrée à 1 ou 2 mm (figure 53A) et thermorégulée pour atteindre la température demandée (normalement 18 à 24 ºC; moindre pour les espèces d'eau froide). Certaines écloseries procèdent à la désinfection de l'eau après une filtration fine en faisant circuler l'eau à travers une unité de rayons ultraviolets (UV) (figure 53B), dont l'efficacité est discutable à moins qu'elle ne soit proprement utilisée et avec discrétion.

L'utilisation des UV doit scrupuleusement suivre les recommandations du fabriquant et les périodes d'utilisation doivent être annotées. Les lampes doivent être remplacées quand le nombre d'heures spécifiées est atteint et la feuille en silicate de quartz, séparant la lampe de la lame d'eau, nettoyée avec un torchon doux trempé dans l'alcool. De plus, ces unités sont conçues pour la désinfection de l'eau douce et ne sont pas aussi efficaces dans l'éradication des bactéries marines et autres micro-organismes.

Pour un rendement optimisé - si la désinfection aux UV est considérée nécessaire - il vaut mieux faire circuler l'eau à travers deux ou trois unités similaires, montées en série, à la moitié du débit nominal que sur une seule unité (figure 53). Il faut rappeler que la perte de diversité bactérienne dans les cultures embryonnaire et larvaire permet aux bactéries potentiellement nuisibles de prédominer en limitant la compétition interspécifique. La réflexion actuelle concerne l'approche pro biotique qui semble être la meilleure option. Cette approche qui repose sur le contrôle rigoureux des densités de larves, alimentées exclusivement avec les meilleures cultures d'algues disponibles, et réserve une attention particulière aux opérations prophylactiques (hygiène des cultures et des équipements).

Figure 53: Exemples d'équipement adapté au traitement de l'eau. L'unité de filtration à poche multiple (A) est utilisée pour la filtration fine de l'eau. Une rangée de 3 filtres est en utilisation alors que la deuxième rangée est prête à l'emploi. Ces unités de filtration contiennent des sacs qui retiennent progressivement la matière particulaire à partir de 10 mm jusqu'à 2 mm en trois étapes. L'unité UV de désinfection (B) consiste en des lampes montées en série et conçues pour traiter un flux continu d'eau préalablement filtrée. C'est la procédure recommandée pour le traitement de l'eau de mer plutôt que de se contenter de traiter l'eau avec une unité contenant une seule lampe.

Il est parfois bénéfique de filtrer l'eau et de remplir les bacs de culture 24 heures avant utilisation. Cette méthode concerne surtout les écloseries situées près des estuaires contaminés par des rejets industriels ou domestiques, ou par le lessivage provenant des substrats riches en fer (ou liés à des travaux miniers) dans les bassins de drainage, qui peuvent contenir des quantités élevées de métaux lourds. L'eau est alors traitée en ajoutant 1 mg par litre de EDTA (sel de sodium - utilisé dans la préparation du milieu de culture pour les algues) et 20 mg par litre de métasilicate de sodium et est vigoureusement aérée pendant 24 heures. Le pre-traitement aide à concentrer les métaux lourds sous forme de complexe qui les rende non toxiques particulièrement pour les premiers stades de développement larvaire particulièrement vulnérables. L'eau ne nécessite pas une filtration supplémentaire après le pré-traitement mais l'aération est suspendue durant le développement embryonnaire.

5.1.2.3 Culture d'embryons

Les embryons sont stockés dans des bacs de culture environ 2 heures après fécondation, à la densité appropriée. Les larves D entièrement développées sont récupérées 24 à 48 heures plus tard, selon les espèces et la température de l'eau (figure 54). Une très faible aération peut être utilisée durant le développement embryonnaire.

Pour plusieurs espèces ovipares d'huîtres et de palourdes, communément cultivées, les densités embryonnaires peuvent atteindre des valeurs aussi élevées que 50 000 à 80 000 par litre de culture, bien que 20 000 par litre est la densité généralement considérée comme limite haute de sécurité (tableau 10). En revanche, des densités initiales similaires chez plusieurs espèces de pectinidés mènent à un développement anormal et le nombre est souvent limité entre 10 000 et 15 000 œufs fécondés par litre du volume du bac de culture pour les espèces d'eau chaude. Les densités des œufs sont plus communément basées sur la superficie des bacs plutôt que sur leur volume pour les espèces de pectinidés d'eau froide, où la densité maximale ne doit pas excéder 1 000 par cm2 (tableau 10).

Figure 54: Développement d'embryons à partir du premier stade trochophore (A) jusqu'au stade de larve D (D). L'organe cilié de nage et de nutrition (velum) peut être vu dans B et la formation de la première valve de la coquille dans C. Les œufs fécondés vont se développer jusqu'au stade larve D en moins de 2 jours chez plusieurs espèces d'eau chaude mais le processus entier de développement peut prendre 4 jours ou plus dans le cas des espèces d'eau froide.

Tableau 10: Synthèse des données sur les densités embryonnaires classiques (milliers parl), taille initiale de larve D (longueur de coquille, µm), densités de larve D (milliers par ml) et les conditions de culture sur la base des températures (±2° C) et des salinités (±5 PSU) adaptées pour la culture des embryons et des premiers stades larvaires de plusieurs bivalves. Noter: N/A - n'est pas applicable: le développement d'embryons prend place à l'intérieur de la cavité palléale dans le cas d'Ostrea edulis. * Densités embryonnaires pour les pectinidés, vivant en eau froide, calculées comme étant le nombre d'embryons par unité de superficie de la base du bac plutôt que par unité de volume. La densité maximale ne doit pas excéder 1 000 œufs fécondés/embryons par cm2.

Groupe/Espèces

Densité embryonnaire (milliers parl)

Larve-D taille (mm)

Densité larve-D (milliers parl)

Temp. (°C)

Salinité (PSU)

Huîtres:

C. gigas

15 - 20

75

10 - 20

25

28

C. virginica

15 - 20

65

10 - 20

25

28

C. rhizophorae

15 - 20

60

10 - 20

25

35

O. edulis

N/A

175

5 - 10

22

30

Palourdes:

T. philippinarum

20 - 40

95

10 - 20

25

30

M. mercenaria

15 - 25

95

10 - 20

25

28

M. arenaria

15 - 25

95

10 - 20

19

30

Pectinidés:

P. yessoensis

*

105

1 - 2

15

30

P. magellanicus

*

90

1 - 2

15

30

P. maximus

*

95

1 - 2

14

30

P. ziczac

10 - 15

95

2 - 5

25

32

A. gibbus

10 - 15

95

5 - 10

24

30

A. irradians

10 - 15

95

5 - 10

23

30

Moule:

M. edulis

15 - 25

95

10 - 20

16

30

Un taux de formation de larves D parfaitement formées de 30 à 85 pour cent à partir du nombre d'embryons initialement mis en élevage est normal en cultures à grande échelle. Les larves D anormales - celles avec des coquilles incomplètes ou déformées - continuent rarement à se développer.

Une larve D normale présente une longueur de coquille moyenne variant entre 90 et 100 mm chez la plupart des espèces de palourdes, de pectinidés, et de moules, et entre 55 et 75 mm chez les huîtres ovipares du genre Crassostrea (tableau 10). L'huître, Crassostrea gigas présente une larve D de taille plus grande que celles de Crassostrea virginica et Crassostrea rhizophorae.

Un cas particulier concerne l'huître larvipare du genre Ostrea et Tiostrea, qui a des œufs de taille considérable. Elles portent les larves jusqu'à leur libération dans l'eau environnante lorsque la coquille atteint 170 à 200 mm (retenues par un filtre de 90 mm de maille) dans le cas d'Ostrea edulis et une longueur moyenne de 490 mm dans le cas des espèces de Tiostrea (voir section 4.2.3). Les larves de Tiostrea sont libérées au stade pedivéligère (avant le stade de fixation et métamorphose) et sont prêtes à se fixer presque instantanément (<1 heure après émission).

La longueur de la coquille est mesurée avec précision au microscope monoculaire (x100) équipé d'une lentille graduée préalablement étalonnée sur une lame micrométrique (figure 55).

Figure 55: Mesure de larves: chaque larve est orientée et alignée le long d'une lentille graduée comme illustré, et le nombre de petites sub-divisions espacées sur l'échelle, équivalent à la longueur de la coquille, est enregistré. Dans ce cas, à un grossissement global de 100 (avec oculaire x10 et objectif x10), chaque petite division est de 10 mm. Ainsi, la larve D montrée mesure approximativement 105 mm.

Les larves D normales sont retenues sur un tamis en nylon de 45 mm de maille (35 mm dans le cas de larves D de Crassostrea gigas, ou 25 mm pour C. rhizophorae et C. virginica) et le nombre récupéré est estimé comme décrit dans la section 5.1.2.3.

Récupération des larves D

Les bacs contenant les larves D nouvellement formées sont vidangés 2 jours après fécondation. Il est bénéfique d'ajouter une petite quantité de nourriture dans le bac le jour précédant sa vidange, par exemple 24 h à 36 h après fécondation. Pour se développer et arriver au stade larve D, les embryons utilisent les dérivés des réserves maternelles, alors que les larves D entièrement formées sont capables d'ingérer les cellules algales des plus petites espèces et bénéficient des sels nutritifs dissous.

La méthode employée pour capturer et retenir les larves au moment de la vidange des bacs est illustrée dans la figure 56. Quand le bac est plein, la valve de vidange est partiellement ouverte pour permettre une circulation lente d'eau dans le tamis, ou série de tamis, placés dans un plateau peu profond. Cet arrangement assure l'immersion permanente dans l'eau de mer de la maille située à la base du tamis, minimisant l'endommagement des coquilles fragiles des larves au cours de la vidange. Au fur et à mesure que le bac se vide, la valve peut être ouverte un peu plus en s'assurant que le débit ne soit pas trop fort pour provoquer une turbulence excessive. Toute larve retenue dans le bac une fois vidangé est évacuée par jet d'eau de mer filtrée. Les bacs n'ayant pas de valve de vidange peuvent être vidés par siphonage à travers un arrangement similaire de tamis en utilisant un tuyau flexible de longueur variable.

Figure 56: Arrangement de tamis de récolte de larve D à partir du bac, où un tamis de plus petit diamètre de 60 mm de porosité est suspendu à un tamis plus grand de 40 mm partiellement immergé dans un plateau peu profond recevant l'eau de sortie. Ce montage permet le tri des larves au moment de la collecte et évite leur dessèchement.

Les larves D peuvent être triées durant la vidange du bac en suspendant un tamis de maille légèrement plus grande sur un autre de maille plus petite, comme dans la figure 56. Cela est souvent bénéfique et peut aider à séparer les larves D de meilleure qualité et de plus grande taille de celles qui présentent des formes imparfaites et anormales (figure 57). Une fois le bac complètement vidé, l'eau de mer filtrée est doucement versée sur les larves retenues dans le tamis supérieur pour nettoyer les plus petits individus contenus dans le tamis inférieur. Les larves contenues dans les deux tamis sont transférées séparément dans des récipients gradués et leur nombre estimé après examens comme décrits ci-dessous. Parallèlement des petits sous échantillons sont souvent prélevés pour mesure ultérieure de la longueur.

Figure 57: Apparence d'environ 5 millions de larves du pétoncle calico, Argopecten gibbus, concentrées dans un tamis de 20 cm de diamètre (A) et après leur transfert dans un pichet gradué de 4 litres, pour estimation de leur densité (B).

Estimation du nombre des œufs, des embryons et des larves

Beaucoup d'attention doit être apportée quant à la manipulation des œufs et des larves. Au moment du transfert des œufs, des embryons et des larves d'un récipient à un autre à travers des tamis, il faut toujours s'assurer que les mailles soient toujours immergées c.à.d. en dessous de la surface de l'eau du récipient receveur. Tout le matériel utilisé dans ce type de transfert et dans l'estimation du nombre doit être rigoureusement nettoyé avant toute utilisation et rincé avec de l'eau de mer filtrée.

(i) matériel nécessaire

Beaucoup de matériel utilisé dans l'estimation du nombre de larves doit être spécialement fabriqué. Par exemple, les tamis sont préparés à partir de tuyaux en PVC ou de pots solides et rigides, en styrène, servant aux plantations de jardin ou des récipients horticoles. (Les tamis métalliques commercialisés doivent être évités).

Pour fabriquer des tamis convenables, les bases des récipients en plastique sont enlevées et une maille en nylon mono filament est fixée au niveau de la découpe avec un solvant approprié. Alternativement, des sections de 15 cm de diamètre de tuyaux en PVC (20 à 30 cm de diamètre est convenable) sont coupées et la maille en nylon mono filament est ajustée à une bordure de la même façon. La taille de la maille du tamis doit être annotée de façon indélébile sur les tamis pour en faciliter l'identification.

Il est pratique de fabriquer des séries de tamis de différentes mailles comprises entre 20 mm et 250 mm pour servir à des tâches variées relatives aux embryons, larves et premiers stades de juvéniles. Les jeux de tamis utilisés pour les palourdes et les pectinidés ont des mailles de 40, 60, 80, 120 et 150 mm (tableau 11). Cette gamme doit être étendue pour les larves des espèces variées d'huîtres communément cultivées.

Des agitateurs perforés et des lames de comptage peuvent être fabriqués dans l'atelier à partir de plexiglass ou des tuyaux en PVC transparent, de feuilles, et de baguettes. Des lames de type «sedgewick rafter», normalement disponibles chez les fournisseurs de matériel scientifique et d'aquaculture sont pratiques pour les comptages (figure 58).

Tableau 11: Relation entre la taille de la maille des tamis et la taille minimale de larves qui vont être retenues. Cette information sert seulement de guide et diffère d'une espèce à une autre selon la forme des larves. Les techniciens d'écloseries expérimentés peuvent estimer la taille moyenne des larves à partir d'une culture par leur distribution et rétention dans une rangée de tamis de différentes mailles au moment de tri.

Ouverture de maille (µm)

Taille minimale de larves retenues: longueur de coquille (µm)

45

75

80

120

120

145

150

170

160

210

180

255

200

280

220

300

Figure 58: Equipement utilisé pour l'estimation du nombre de larves. A - agitateur perforé pour mise en suspension des larves dans les récipients à partir desquels des sous-échantillons sont prélevés pour dénombrements larvaires. B - une lame microscopique type «sedgewick rafter», constituée d'une chambre conçue pour contenir un échantillon de 1 ml. La chambre gravée à sa base d'une grille facilite l'examen et le comptage des larves et naissain de l'échantillon. Des lames similaires peuvent être fabriquées à partir de plastique transparent.

Le matériel spécifique qui doit être acheté est constitué par des pipettes automatiques à volume réglable (0,1 à 1,0 ml et 1,0 à 5,0 ml sont pratiques); des cylindres de mesure de volumes différents variant de 25 ml à 2 litres et des flacons de nettoyage.

Quand le budget le permet, un compteur électronique de particules exécute la même tâche que celle qui va être décrite ultérieurement et permet un gain de temps. Il est aussi extrêmement pratique pour le comptage de la densité cellulaire des cultures d'algues et la détermination des cellules contenues dans la nourriture consommée à tous les stades durant le processus de l'écloserie (voir figure 21).

Figure 59: Etapes de prélèvement de sous-échantillons de larves pour le comptage et estimation du nombre total. A - Le sous-échantillon est prélevé par une pipette automatique en agitant le contenu du pichet contenant les larves; B - En transférant le sous-échantillon dans une lame de sedgewick; C - En comptant et enregistrant le nombre de larves dans le sous-échantillon. Les photos (D et E) montrent une technique similaire où les larves, concentrées dans un cylindre gradué de 2 litres sont prélevées par une pipette automatique en agitant.

(ii) procédure d'estimation (Figure 59)

a) Après tamisage et rinçage des œufs, des embryons récemment formés ou des larves, sont transférés dans un cylindre de mesure gradué (de volume 1 ou 2 l) ou, si le nombre est évalué à plus de 5 à 10 millions, dans un seau ou récipient similaire de grand volume gradué en litre, pintes ou gallons.

Noter: Pour plus de précision au moment d'utilisation des grands volumes, il est recommandé d'utiliser un cylindre de mesure étalonné avec précision ou un bocal pour remplir le récipient à environ 8 cm en dessous du bord. Noter le volume ajouté et marquer la ligne de calibration sur l'intérieur du récipient au niveau de la ligne d'eau (ménisque) avec un marqueur indélébile.

b) Ajouter de l'eau de mer filtrée dans le récipient jusqu'à la marque de la graduation. (Le volume total doit être connu).

c) Le diamètre de l'agitateur doit être un peu plus petit que le diamètre du récipient à échantillonner. L'agitation doit être suffisante pour soulever les œufs et les larves du fond du récipient et les mettre en suspension, mais pas trop vigoureuse pour ne pas causer une turbulence excessive. Un rythme faible d'un mouvement ascendant et descendant à environ 1 cycle complet par 4 secondes est recommandé.

Noter: A l'aide d'une pipette automatique de 0.5 ml (volume peut varier - voir plus loin) prélever 3 sous échantillons dans le contenu tout en homogénéisant celui-ci à l'aide d'un agitateur perforé de diamètre adapté. S'assurer que les œufs et les larves soient uniment distribuées dans la colonne d'eau pendant le sous échantillonnage.

d) Transférer le sous échantillon dans les compartiments de la lame de comptage (figure 59B). Les compartiments doivent être munis d'une grille adéquate gravée, comme il a été déjà montré.

Noter: Prendre des sous échantillons de petit volume quand la densité des larves est importante, ou utiliser un grand volume de mesure, un cylindre/bécher gradué, ou une combinaison des deux. Dans le cas des œufs, qui sont très délicats, il est plus facile de transférer les œufs en suspension dans un grand récipient, comme un seau en polyéthylène de 10 litres. Remplir le récipient jusqu'à la ligne de calibration et prélever les sous échantillons en agitant le contenu du seau avec un agitateur en plastique perforé, de grand diamètre.

e) Compter les œufs ou larves dans chaque sous échantillon en utilisant un microscope (de grossissement 40 - figure 59C).

Noter: Dans le cas des œufs et des embryons nouvellement fécondés, des comptages séparés du nombre total par échantillon et du nombre d'œufs qui ne se sont pas arrondis et paraissent anormaux peuvent être opérés. La même procédure s'applique aux larves D où le calcul peut être basé sur le comptage du pourcentage de larves qui se sont développées normalement. D'une manière similaire, l'estimation du taux de mortalité peut être faite postérieurement sur les larves comme une partie de la procédure de comptage en comptant les larves vivantes et mortes ou moribondes séparément.

f) Calculer le nombre total comme dans l'exemple suivant:

Example:

Comptages des larves dans trois sous échantillons = 414; 389; 402.

Moyenne = 414 + 389 + 402/3 = 402

Volume du sous échantillon = 0,5 ml.

Volume total du cylindre = 2 000 ml.

Nombre total de larves = 2 000/0,5 x 402 = 1 608 000

Les œufs et les larves peuvent aussi être comptés en utilisant un compteur électronique de particules (par exemple Coulter Counter) équipé d'un tube à orifice adapté.Cette méthode est rapide et pratique, mais il est impossible, de distinguer les larves normales des larves anormales ou les larves vivantes des mortes. Il n'y a pas d'autre alternative à l'examen visuel et le jugement de la qualité d'une culture par un technicien expérimenté.

5.1.3 Méthodes pour l'élevage larvaire

Les larves D récupérées sont comptées comme décrit ci-dessus. Elles sont maintenant au stade où elles ont besoin d'être nourries par des cultures d'algues unicellulaires. Les espèces d'algues qui présentent de bonnes valeurs nutritives sont les diatomées,

Chaetoceros calcitrans,

Chaetoceros muelleri,

Thalassiosira pseudonana (3h)

et les flagelles,

Isochrysis galbana (ou le clone 'T-Iso'),

Pavlova lutherii, est une des trois espèces de

Tetraselmis (mais seulement pour les larves dont la longueur est >120 mm).

Les détails des régimes, rations et comment les calculer sont décrits dans la section 5.2.

Les larves peuvent être cultivées dans les mêmes bacs à fond plat utilisés pour la culture des embryons ou dans des bacs coniques en fibre de verre équipés d'une vanne de vidange (voir figure 52). Les bacs peuvent être de petit volume relatif (200 à 1 000 litres) pour un but expérimental et pour de faibles productions ou plus grands en taille et en volume pour les écloseries à production industrielle. Ils peuvent être utilisés en système stagnant ou à flux ouvert. L'eau est changée périodiquement dans les systèmes statiques, alors que dans les systèmes à flux ouvert, un volume d'eau fixe est introduit d'une manière continue, échangé et remplacé selon un rythme journalier. Ce sujet est discuté en profondeur dans la section 5.1.4.2.

Les larves D des espèces tolérantes (incluant Crassostrea et Tapes) peuvent être cultivées à des densités variant entre 15 000 et 20 000 par litre, mais la croissance et la survie sont généralement améliorées à des densités plus faibles (tableau 10). Les faibles densités sont recommandées pour les espèces de pectinidés du genre Pecten, Patinopecten, Placopecten et les espèces de Chlamys et Argopecten, où des densités larvaires pour les premiers stades variant entre 5 000 et 10 000 par litre sont appropriées. L'huître plate larvipare, Ostrea edulis est généralement cultivée à des densités de 2 000 à 5 000 larves par litre, à cause de la taille initiale de larve D qui est grande. Certaines espèces peuvent être cultivées avec succès plus intensivement que ce qui a été mentionné auparavant en utilisant les techniques de cultures pour les densités élevées (voir section 5.1.4.1).

Les bacs d'élevage sont aérés - plus communément par une seule sortie d'air localisée juste au centre du fond du bac - à des flux variant de petites bulles pour les larves D en augmentant à 200 litres par heure pour les stades larvaires plus avancés. La source d'air pressurisé ne doit contenir ni carbone ni huile. Des soufflantes, régénératrices d'air, de faible pression et d'un grand volume, sont idéales pour cette tâche. L'air est filtré à la source par une série de filtres à cartouche à 0,22 ou 0,45 mm (taille des particules) de porosité décroissante. Ceci pour réduire les contaminants de l'air qui peuvent contenir des microorganismes nuisibles. Il est recommandé de sécher l'air dans des conditions humides avant qu'il ne rentre dans les bacs en passant à travers une unité étanche, comme un ensemble de filtres à cartouche, contenant soit du chloride de calcium ou un gel de silice. Pour être efficace, ces agents de dessèchement doivent être remplacés quand ils deviennent saturés.

5.1.3.1 Débuter un nouvel élevage

Les bacs de culture des larves et tout l'équipement utilisé doivent être nettoyés vigoureusement et rincés avec de l'eau douce ou de l'eau de mer filtrée. Des détergents liquides doux ajoutés à l'eau chaude ou des produits adaptés de stérilisation/désinfection dilués comme l'eau de javel (solution de sodium hypochlorite) à 20 mg par litre de chlore libre peuvent être utilisés pour le nettoyage. Le processus pour démarrer une nouvelle culture est la suivante:

a) Remplir le nombre nécessaire de bacs propres destinés à la culture larvaire avec de l'eau de mer filtrée à 1 ou 2 mm à la température et à la salinité appropriées.

Noter: Il peut être bénéfique de réduire la salinité de type océanique quand il s'agit de la culture d'espèces euryhalines comme l'huître américaine, C. virginica, en ajoutant de l'eau douce finement filtrée provenant d'une source propre et non polluée. Une salinité variant entre 20 et 25 psu est recommandée pour C. virginica et autre espèce de Crassostrea.

b) En cas de problèmes de mortalité larvaire anormale dont la cause peut être d'origine bactérienne, le traitement de l'eau, destinée au remplissage des bacs, par les rayons UV, est utilisé par certaines écloseries et peut aider à résoudre le problème. Comme solution ultime, si les mortalités persistent, un antibiotique à large spectre, tel que le chloramphénicol, à 2-5 mg par litre d'eau de mer peut être utilisé sous contrôle vétérinaire.

c) Ajouter les larves D dans le récipient à la densité appropriée.

d) Calculer, en suivant la procédure présentée dans la section 5.2.3.2, les volumes des algues récoltés à ajouter pour fournir la ration alimentaire nécessaire.

e) Ouvrir le flux d'air pour qu'il y ait un bon brassage d'eau permettant la mise en suspension des larves et de la nourriture, voire même leur mélange.

f) La culture est ensuite laissée pendant 24 heures avant toute autre intervention.

5.1.3.2 Elevage larvaire

Les cultures larvaires nécessitent une maintenance journalière. La technique en eau stagnante est communément utilisée pour cet élevage, c.à.d. sans changement continu d'eau quoique certaines écloseries pratiquent la culture à flux ouvert (voir section 5.1.4.2). Les concentrations phytoplanctoniques doivent être maintenues à des niveaux favorables pour une activité alimentaire efficace.

Pour éviter l'accumulation des métabolites potentiellement nuisibles, les bacs nécessitent un changement d'eau complet à des intervalles réguliers durant le développement larvaire, c.à.d. de la larve D jusqu'à la métamorphose. La fréquence avec laquelle ceci est fait dépend du nombre et de la taille moyenne des larves en culture. L'eau est changée soit à un intervalle de 48 heures ou 3 fois par semaine:

- à des densités élevées au début du stade larvaire (15 000 à 20 000 par litre à une taille <120 mm),

- à des densités faibles à un stade larvaire avancé (<5 000 par litre quand la taille varie de 150 à 200 mm) ou,

- à environ 2 000 par litre quand la taille varie entre 250 et 300 mm).

Noter: Les valeurs présentées constituent un guide approximatif applicable aux densités dépendant de la longueur moyenne de la coquille. Plus précisément, si les besoins alimentaires d'une culture n'arrivent pas à 200 cells par ml équivalent Isochrysis par jour, elle est considérée comme étant à faible densité - voir la section 5.2.3.1). Les échanges d'eau doivent être journaliers lorsque les ajouts quotidiens de nourriture sont plus importants ou alternativement, ils doivent être aménagés pour fonctionner selon le principe du système en flux ouvert.

(i) Elevage sans changement journalier d'eau

L'élevage pendant les jours où l'eau n'est pas changée consiste en la restauration de la concentration cellulaire en algues pour compenser les cellules consommées durant les dernières 24 heures en ajoutant des quantités suffisantes d'algues et fraîchement récoltées. Un échantillon d'eau est prélevé à partir de chaque récipient et le restant des cellules algales (résiduel d'algue) par unité de volume est compté, soit en utilisant un microscope avec hématimètres à un grossissement 100, ou, plus facilement, un compteur électronique ou un compteur électronique de particules. Quand il n'est pas pratique de déterminer la quantité d'algues résiduelles, une ration complète ou partielle de la nourriture peut être ajoutée pendant les jours intermédiaires, entre les périodes de changement d'eau, basée sur la ration alimentaire des jours antérieurs.

Des enregistrements quotidiens de la température des cultures, des quantités d'algues résiduelles et des quantités de nourriture ajoutées pour compléter les concentrations cellulaires optimales de nourriture doivent être opérés. Un exemple d'un tel tableau d'enregistrement est illustré dans la figure 60. Les volumes des algues additionnelles sont calculés comme décrit dans la section 5.2.3.2.

Larve de bivalve: données journalières

Figure 60: Exemple de feuille d'enregistrement quotidien et de type d'information utile pour pouvoir suivre le processus d'évolution d'un lot ou d'un bac de larve. Les étapes de calcul de la longueur moyenne de la coquille des larves en se basant sur les relevés de la taille/fréquence sont aussi présentées.

(ii) Elevage pendant les jours de changement d'eau

La procédure est similaire à celle décrite et illustrée dans les sections antérieures pour le développement embryonnaire (figure 56). Le bac est vidé par siphonage ou par la vanne de vidange, en faisant passer le flux sortant par un tamis dont la maille est suffisamment grande pour retenir les débris de grande taille mais pas les larves - un tamis de maille de 250 mm est idéal (figure 61). Les larves sont retenues par le tamis inférieur ayant la maille appropriée.

Figure 61: Vidange des bacs en eau stagnante contenant une culture de larves pendant les jours de changement d'eau.

La procédure est la suivante:

a) Laver toutes les larves restantes dans le récipient en les faisant passer par le tamis.

b) Nettoyer le récipient avec une éponge et une solution d'eau chaude contenant du détergeant une solution d'eau de javel et bien rincer.

c) Remplir le récipient avec de l'eau de mer bien traitée, à température et salinité appropriées.

d) Trier les larves en les faisant passer à travers un certain nombre de tamis dont la taille des mailles est décroissante avec de l'eau de mer. Un guide des maillages convenables pour les larves de différentes longueurs est rapporté dans le tableau 11.

e) Prélever des petits échantillons à partir de chaque tamis dans lequel les larves ont été retenues et observer l'apparence et l'activité des larves au microscope. Ecarter les tamis contenant une prédominance de larves mortes ou à croissance lente.

Noter: Les tamis contenant en majorité des coquilles vides et les larves avec des tissus décomposés doivent être éliminés. Les tissus des larves qui sont en bon état ont une coloration or-brune avec une glande digestive bien définie de couleur sombre. Les larves moribondes ont tendance à être plus sombres avec une apparence granulaire uniforme.

f) Laver les fractions contenant les larves en bonne santé dans les cylindres de mesure.

g) Prélever des sous échantillons comme décrit auparavant et déterminer le nombre total de survivants. Mesurer un échantillon de 50 à 100 et calculer la longueur moyenne de la coquille.

Noter: L'addition de quelques gouttes de formol (10 pour cent d'une solution de formaldéhyde, neutralisé par du carbonate de calcium) immobilisera les larves. Eliminer les échantillons comptés.

h) Remettre les larves dans le bac de culture et rétablir l'aération.

i) Répéter cette procédure à des intervalles de 48-heures.

5.1.4 Amélioration de la croissance larvaire

Les méthodes qui peuvent être employées pour améliorer l'efficacité de l'élevage larvaire ont été mentionnées antérieurement dans cette section. Les bacs de cultures peuvent être aménagés pour fonctionner soit en flux ouvert soit en en eau stagnante où les larves sont cultivées à densité élevée. En fait, les deux méthodes peuvent être combinées pour obtenir un bon résultat en augmentant la production et en limitant l'espace avec un bénéfice additionnel qui consiste en une réduction de main-d'oeuvre pour l'entretien des élevages.

Bien que certaines écloseries commencent à utiliser le système en flux ouvert, cette pratique n'est pas répandue. Il y a, par contre, une large possibilité d'améliorer la productivité en augmentant la densité à laquelle les larves sont cultivées soit en utilisant plus efficacement le matériel déjà existant soit en investissant dans des dispositifs électroniques de contrôle de nourriture. Les densités habituelles de larves peuvent être doublées ou triplées en alimentant le nombre de larves dans le bac, tout en tenant compte de leurs tailles, plutôt qu'en ajoutant la nourriture en se basant sur la densité cellulaire par unité de volume, indépendamment du nombre et de la taille des larves. Cependant, si les densités larvaires augmentent la quantité de nourriture fournie doit augmenter ce qui fait que les conditions deviennent critiques et doivent être surveillées d'une manière continue. Cette approche est plus appropriée pour les espèces tolérantes. Si les mortalités se produisent pour une raison ou une autre, les effets en terme de productivité peuvent être radicaux. La majorité des écloseries optent pour des approches plus prudentes.

5.1.4.1 Densité élevée de culture

Le taux auquel les cellules d'algues sont ingérées par les larves de différentes tailles (ou poids) des espèces de bivalves en élevage doit être connu. Cette information est présentée ultérieurement dans le tableau 12 (section 5.2.3.2) pour trois espèces communément cultivées et élevées à une température de 24±1 ºC. Quand une telle information manque il faut qu'elle soit déterminée expérimentalement ou suivant le principe dite «essai et erreur».

En connaissant la relation entre la taille des larves et le taux de cellules ingérées, il devient facile de calculer la quantité de nourriture à ajouter dans le bac durant les prochaines 24-h pour un nombre donné de larves en culture et d'une certaine longueur moyenne de coquille. Les détails de calcul avec des exemples et des explications sont présentés dans la section suivante (section 5.2.3.2). A des densités supérieures à la norme, il sera nécessaire d'apporter une partie de la ration alimentaire sous forme d'apport séquentiel en début de journée; le restant doit être fourni à un taux fixe au goutte à goutte ou par l'intermédiaire d'une pompe péristaltique durant les prochaines 24 heures.

A une densité supérieure à 20 000 larves par litre, particulièrement à l'approche de la métamorphose, le taux d'alimentation devient plus critique. Il est plus néfaste de sur-nourrir les larves que de les sous-nourrir, car la quantité de matière fécale et de métabolites qui vont s'accumuler dans l'eau de la culture peuvent entraîner une augmentation de la prolifération bactérienne. Ceci peut réduire le taux d'alimentation et conduit à une augmentation de la nourriture non consommée dans le bac au lieu d'être filtrée par les larves quand elle est apportée à un taux fixe. La solution a été expérimentalement approchée en utilisant des capteurs électroniques couplés à un dispositif de contrôle continu de la densité cellulaire algale dans le bac de culture (figure 62). [Une explication complète est présentée in Higgins et al. (1987) - voir la liste bibliographique recommandée].

Figure 62: Contrôle automatique expérimental de la densité cellulaire dans les cultures de larves de bivalves à densité élevée. RA - Un réservoir d'algue refroidi et aéré contenant la ration alimentaire quotidienne; P - Pompe péristaltique qui distribue les algues à la demande; C - Dispositif de contrôle contenant une résistance d'asservissement qui met en marche la pompe quand la sonde (S) détecte une diminution de la concentration cellulaire dans le bac larvaire (BL) en dessous d'un certain seuil préfixé. Cet appareil utilise un transmetteur infrarouge et un récepteur qui peut être considérablement amélioré avec une électronique moderne.

Une synthèse des données comparatives est consignée dans le tableau 12; elle correspond à des résultats d'essais réalisés sur des larves de l'huître plate européenne et celles de l'huître du Pacifique.

Tableau 12. Nombre initial moyen de larves (No) et nombre de survivantes juste avant fixation (Np) à des densités normales et élevées chez l'huître plate européenne, O. edulis (5 comparaisons) et l'huître du Pacifique, C. gigas (3 comparaisons). Le nombre de jours jusqu'à la fixation et l'information sur le rendement moyen en naissain (les deux en pour cent du nombre initial des larves et en naissain par litre d'eau utilisée durant la culture) sont aussi présentés.


Larve par l

Jours de fixation

Rendement

No

Np

% fixation

naissain par l

O. edulis

Densité élevée

9 954

5 942

9,8

40,5

512

Densité normale

1 440

1 083

10,0

40,3

161

C. gigas

Densité élevée

56 667

24 900

20,7*

21,6

735

Densité normale

5 333

2 766

19,0*

25,0

202

* Jours de fixation à partir du stade larve D et correspondant à une période de fixation de 4 jours à partir de l'initialisation de la métamorphose.

5.1.4.2 Culture à flux continu

Les efforts déployés pour développer les méthodes en flux ouvert pour la culture larvaire ont plusieurs objectifs. Les larves de certaines espèces sont moins tolérantes que d'autres aux méthodes de culture généralement utilisées en écloseries. Celles des espèces de pectinidés représentent un bon exemple de cette intolérance. Elles montrent habituellement des taux de mortalité élevés et ne peuvent pas être soumis à des densités de culture élevées dans les systèmes statiques.

D'autres écloserie testent actuellement le potentiel de cette technologie en flux ouvert pour mieux profiter des ressources disponibles. Il peut y avoir un besoin pour une production élevée avec les contraintes d'espace physique ou de réduction des coûts alloués à la main d'oeuvre et au temps réservé à l'élevage larvaire. La culture en flux ouvert offre ces avantages. Le temps peut être économisé en augmentant la densité larvaire sans avoir besoin de vider les bacs 3 ou 4 fois par semaine. La méthode peut être dispendieuse en algues puisque l'eau est changée d'une manière continue, et ce même à un faible taux, en étant rejetée. Cependant, la nourriture est relativement peu coûteuse à produire dans les volumes demandés à ce stade du cycle de production.

La conception des bacs est importante quand il s'agit du flux ouvert. Les larves ont besoin d'être retenues dans le bac dans un volume assez grand pour que le temps de résidence des algues apportées dans le bac soit suffisant pour permettre leur consommation par les larves. Le taux d'échange doit être suffisant pour éviter un cumul des déchets de métabolites et des débris, mais il peut s'avérer nécessaire de vider périodiquement le bac après avoir nettoyé les surfaces internes. Ce système est communément utilisé dans la culture des premiers stades larvaires, avant l'alimentation, pour les poissons marins, par exemple Halibut, où des bacs pour ce genre d'élevage sont disponibles et peuvent être adaptés avec un minimum de changement. Plutôt que des bacs à fond plat ou des bacs en cloche de formes coniques généralement utilisés dans la culture des bivalves, ces bacs ont des cônes effilés peu profonds (figure 63).

Figure 63: Installation typique pour la culture à flux ouvert. Voir texte pour description. Les flèches montrent la direction du flux des algues et de l'eau de mer.

Le flux d'eau de mer convenablement traitée (à partir du circuit d'arrivée, A) est contrôlé et ajusté par une vanne à diaphragme et un débitmètre (F). Selon la densité larvaire, le flux est ajusté afin que le flux total entrant quotidiennement (FE - flux entrant, FS - flux sortant) soit identique ou supérieur au volume total du bac (BL - bac larvaire à flux ouvert) nécessaire aux larves cultivées à des densités normales. Si, par exemple, les élevages sont normalement conduits à une densité de 5 000 par litre dans un bac de 500 litres, donc 20 000 larves par litre dans un bac du même volume à flux ouvert auront besoin d'un flux minimum de 2 000 litres par jour. Les larves sont maintenues dans le bac par un filtre «banjo» d'un grand diamètre équipé d'un tamis ayant une ouverture de maille appropriée (voir figure 64 pour plus de détails).

Figure 64: Détails de la partie supérieure d'un bac expérimental à flux ouvert montrant le filtre dit «banjo» (FB) attaché au tuyau de sortie d'eau (FS). Dans cet exemple, l'eau de mer filtrée à 1 mm sur filtre à cartouche (FC) est dirigée dans un bac à écoulement gravitaire (BG) à partir duquel elle pénètre à un taux contrôlé et constant dans le bac larvaire par la base du cône. La nourriture est distribuée sous forme de goutte à goutte dans le bac à partir d'un réservoir d'algue (RA). Le filtre «banjo» est fabriqué à partir d'une section d'un tuyau en PVC de 20 cm de diamètre et ajusté des deux côtés avec un tamis nylon de 60 mm de maille, collé par un solvant sur les côtés coupés du cylindre. Une petite section d'un diamètre approprié est ajustée à un trou percé dans le plastique et connecté au tuyau de sortie. Des filtres «banjos» à grand diamètre sont recommandés pour réduire la force par unité de superficie générée par le flux sortant. Ils doivent être totalement, ou presque, submergés et nécessitent d'être nettoyés tous les jours aussi, le «banjo» est encastré dans un axe pivotant (AP) fabriqué à partir d'une paire de coudes à 90° en PVC. Ce couplage peut pivoter vers le haut pour lever le filtre en dessus du niveau de l'eau pour enlèvement, nettoyage ou remplacement.

Le bac est pourvu d'une vanne de vidange (V), qui sert aussi de point d'entrée à une solution saline saturée. Quand l'apport en eau est arrêté, cette solution sursalée de 2 à 3 litres diffuse dans le tuyau d'écoulement par gravité quand la vanne est fermée. Les larves vivantes vont nager vers la surface de l'eau et de cette façon éviter la solution salée, dense, qui piège les larves mortes et moribondes. Après quelques minutes, la vanne est ouverte partiellement pour éliminer ce bouchon salin et les larves mortes, de la même manière que les œufs morts des poissons marins qui sont accumulés et éliminés ainsi des incubateurs.

Les larves sont nourries par l'intermédiaire de la pompe péristaltique (P) à partir d'un réservoir d'algues refroidi et aéré (RA). La quantité et le taux auxquels la ration est fournie dépendent du nombre de la taille des larves et du flux d'eau qui circule dans le bac (voir les sections 5.1.4.1 et 5.2.3.2). La longueur moyenne de la coquille peut être déterminée en prélevant des échantillons chaque jour, mais l'estimation du nombre de survivantes est plus problématique. Celle de la mortalité peut être appréciée en prenant des sous échantillons dans la solution saline après son évacuation et par dénombrement des larves mortes présentes. Ceci peut être fait tous les 2 ou 3 jours pour en déduire les taux de survie.

Les surfaces internes des bacs à flux ouvert doivent être nettoyées avec une éponge douce de type bristol, attachée à un support d'une longueur adaptée, au moins une fois durant la période de culture d'un lot de larves. Le flux doit être augmenté durant les opérations de nettoyage pour chasser les débris délogés.

L'élevage larvaire dans des bacs à flux ouvert présente des inconvénients qui sont cependant minimes par rapport aux bénéfices générés. Puisque les larves ne sont pas triées régulièrement comme dans le système de culture en eau stagnante, une variabilité de taille considérable va se développer au cours du temps. De plus, les larves doivent être transférées dans des bacs de fixation quand elles atteignent le stade pédivèligere. Cette pratique est classique dans plusieurs écloseries mais pas dans celles, où les larves se fixent sur les côtés et le fond des bacs d'élevage à partir desquels elles ne sont détachées que plus tardivement.

L'enlèvement des larves pedivéligères et de naissain attachés à la surface interne des cônes effilés est extrêmement difficile. Les bacs de fixation sont alors nécessaires, particulièrement pour les stades avancés des larves de différentes espèces d'huître qui se collent aux surfaces (voir 5.4.3).

5.1.5 Croissance et survie larvaires

La croissance ainsi que les stades de développement larvaire de l'huître du Pacifique, Crassostrea gigas, de la coquille de sable, Pecten ziczac, à partir du stade larve D jusqu'à la métamorphose sont illustrés dans la figure 65.

Figure 65: Microphotographies de la croissance et du développement larvaires de l'huître du Pacifique, Crassostrea gigas, (A) et de la coquille de sable, Pecten ziczac, (B).

Les larves des différents groupes de bivalves se développent à des taux de croissance différents. Les larves de pectinidés et palourdes présentent initialement des larves de grande taille et atteignent la taille de fixation et métamorphose à des longueurs de coquille bien plus petites (210 à 230 mm) que les larves d'huîtres ovipares (320 à 340 mm). Une comparaison du taux de croissance de certaines espèces cultivées à 24±2 ºC est présentée dans la figure 66. Certaines espèces, comme le pétoncle calico, atteignent plus tardivement la phase de croissance exponentielle. Elles ont tendance à présenter une phase de latence avant que ne démarre la croissance rapide. D'autres comme la palourde japonaise et l'huître du Pacifique croient rapidement à partir du stade larve D. Le taux de croissance diminue chez toutes les espèces à l'approche de la métamorphose.

Figure 66: Comparaison de la croissance des larves de certaines espèces de bivalves d'eau tempérée cultivées à une température de 24±2 ºC (l'huître plate européenne, Ostrea edulis, l'huître du Pacifique, Crassostrea gigas, la palourde japonaise, Tapes philippinarum et le pétoncle calico, Argopecten gibbus) à partir du stade larve D jusqu'à la métamorphose. Le jour 0 correspond au jour de la fécondation. La flèche bleue indique le jour de la libération des larves d'huîtres plates par les femelles incubatrices.

Pareillement, le taux de survie des larves à partir du stade larve D jusqu'à la métamorphose est variable selon les espèces. Il peut être aussi élevé que 50 à 70 pour cent en moyenne chez certaines espèces d'huîtres et de palourdes et aussi faible que 15 à 30 pour cent chez les espèces de pectinidés. Il dépend beaucoup des protocoles de culture et du degré d'élimination (tri sélectif) des larves à faible croissance durant le processus d'élevage. Les pertes considérables de larves au cours de la culture sont le plus souvent associées à la sélection et donc élimination des individus à croissance lente qu'à la mortalité larvaire proprement dite. La proportion des larves qui atteignent la métamorphose est aussi liée aux conditions de culture incluant le régime et la ration alimentaire, la température et la salinité, et les facteurs qui sont relativement incontrôlables comme la qualité de l'eau de mer et les maladies (voir 5.3).

5.2 Alimentation et nutrition

5.2.1 Introduction

L'alimentation commence aussitôt que les larves sont formées, avec la coquille les recouvrant entièrement et leurs organes notamment le système digestif développé. Avant ce stade, l'énergie utilisée pour la respiration et le développement provient des réserves stockées durant le développement des œufs (oogenèse) par les femelles en maturité (voir 5.3.4). Il est également probable que les embryons en développement soient capables d'absorber les nutriments organiques à partir de l'eau de mer environnant. En effet, il est toujours bénéfique d'ajouter une petite quantité d'algues dans les bacs contenant les embryons 12 heures avant qu'ils n'atteignent le stade larve D et soient capables d'ingérer les particules alimentaires. Il se peut que les cellules d'algues elles mêmes ne soient pas importantes mais que ce rôle activateur proviennent plutôt des nutriments organiques se trouvant dans les cultures d'algues. Cela dit, l'addition d'une petite quantité de diatomées (par exemple Chaetoceros muelleri de 10 à 20 cells par ml) à partir de cultures proche de la phase stationnaire semble être plus efficace.

Une fois que le velum est développé au stade larve D et que la larve à coquille entière nage, les battements des cils acheminent les particules nutritives vers la bouche et fournissent l'énergie pour les activités natatoires (figure 67). A ce point, -Jour 0 comme il est normalement référé - la qualité (composition du régime) et la quantité (ration) de la nourriture apportée aux cultures deviennent importantes.

Figure 67: Les larves se nourrissent en nageant. Les battements des cils de l'organe de la nage, le velum, entraînent aussi des particules pour la nourriture vers la bouche. Les trois larves de pétoncles âgées de huit jours nagent selon un trajet de collision. Les glandes digestives de couleur sombre sont clairement visibles.

5.2.2 Calcul des rations alimentaires

Les régimes alimentaires contenant un mélange d'algues sont bénéfiques. Un mélange de deux ou trois espèces de valeurs nutritives élevées comme des diatomées et des flagellés, ayant des tailles convenables, produisent invariablement une croissance et un développement larvaires améliorées par rapport à des régimes constituées d'une seule espèce (figure 68). Ils améliorent aussi les rendements à la métamorphose et influencent les performances ultérieures de croissance et de survie du naissain.

Figure 68: Croissance (pendant une période de 8 jours), développement (pour cent larves oeillée au 10ème jour) et fixation (pourcentage de naissain par rapport au nombre initial de larves au jour 0) de larves d'Ostrea edulis nourries avec des régimes alimentaires monospécifiques et des régimes composés de trois espèces d'algues précisées. Les valeurs représentent les moyennes d'un grand nombre d'essais.

Les espèces d'algues de tailles adéquates, facilement cultivables et disponibles en collection ne présentent pas toutes une bonne valeur nutritive pour les larves. Mais généralement celles qui sont considérées comme nourriture satisfaisante pour les larves d'une espèce donnée présenteront une valeur similaire pour les autres. Il y a des exceptions à cette règle comme expliqué ultérieurement. L'évaluation de la qualité nutritive d'une espèce particulière d'algue est déterminée non seulement par sa composition biochimique mais aussi par son «ingestibilité» et sa digestibilité. Par exemple, les diatomées avec leurs longues épines siliceuses seront difficiles à ingérer et seront irritantes lors de leur expulsion par les larves au cours de la fermeture des valves. Certaines variétés de Phaeodactylum sont un bon exemple. D'autres espèces, telles que Chlamydomonas coccoides ont des parois cellulaires épaisses qui les rendent indigestibles. Tout de même certaines, incluant Dunaliella tertiolecta, qui sont digestibles sont déficientes en certains acides gras essentiels hautement insaturés (AGHI) nécessaires au développement larvaire, présentent peu ou pas de valeurs nutritives.

Une comparaison des profils des AGHI d'un certain nombre d'espèces d'algues considérées comme nourriture pauvre ou bonne pour les larves est illustrée dans la figure 69. Elle montre aussi les valeurs des concentrations des lipides totaux exprimés en pourcentage du poids de matière organique.

Figure 69: Comparaison entre lipides totaux exprimés en pourcentage de matière organique et abondance relative des différents acides gras hautement insaturés (AGHIs) chez un certain nombre d'espèces d'algues de valeurs nutritives élevées comme faibles pour les larves de bivalves.

Les espèces à valeur nutritive élevée ont tendance à présenter des proportions relativement élevées de 20:5n3 (AEP - acide eicosapentaenoique) ou de 22:6n3 (acide docosahexaenoique ADH) comparativement à plusieurs espèces pauvres d'un point de vue alimentaire. Il semble que les larves de la plupart des bivalves ont une capacité limitée pour synthétiser ces acides gras à partir de précurseurs moins insaturés. Chez certaines espèces délicates une alimentation basée sur une combinaison d'algues riches aussi bien en AEP ou ADH (ou les deux) conduit à de meilleurs résultats. Les larves de palourdes ont tendance à être moins exigeantes à cet égart que celles des huîtres et des pectinidés.

Les proportions relatives en AGHI et la teneur globale en lipides des espèces d'algues d'intérêt pour la production en écloserie varient selon la phase du cycle de production et des conditions de culture, qui différent d'une écloserie à l'autre. Cependant, les espèces de bonne valeur nutritive dans une écloserie le sauront toujours ailleurs en étant cependant attentif aux détails des conditions culturales.

Les diverses espèces de diatomées communément cultivées en écloserie ont des profils similaires en ce qui concerne les AGHI. Elles sont toutes riches en AEP. Les quantités totales d'acides gras particuliers chez différentes espèces de diatomées sont quelque peu variables. Elles ont tendance à être plus élevées dans les cultures au cours de la phase stationnaire que durant la phase de croissance exponentielle.

Parmi les flagellés bruns à petites tailles, Pavlova lutheri présente un profil similaire à Isochrysis galbana (figure 69) mais contient plus de ADH. En revanche, T-ISO, clone d'Isochrysis ne contient que 50 à 70 pour cent de ADH d'Isochrysis galbana quand elle est cultivée côte à côte dans les mêmes conditions de lumière et d'enrichissement. T-ISO est davantage cultivée en écloserie que les autres algues parce qu'elle est plus facile à produire toute l'année et est tolérante aux températures élevées. Les espèces de remplacement pour Tetraselmis sont des Pyramimonas (par exemple P. obovata et P. virginica). Elles ont des profils d'AGHI intermédiaires entre Tetraselmis et Isochrysis mais il est difficile de les cultiver durant certaines périodes de l'année.

5.2.3 Composition du régime et ration alimentaire

Un régime approprié de démarrage pour les larves D et les premiers stades larvaires (<125 mm longueur de la coquille), de la plupart des espèces de bivalves communément cultivées, est un mélange de:

Une des diatomées suivantes:
Chaetoceros calcitrans ou Thalassiosira pseudonana (pour les larves >55 mm) ou Chaetoceros muelleri (pour les larves >90 mm),

Combinée avec:

Une des flagellés suivants:
Isochrysis galbana ou 'T-Iso' ou Pavlova lutheri, en proportion égale en nombre de cellules.

Quand la taille moyenne des larves excède 120 mm (longueur de coquille), des flagellés, de plus grande taille, Tetraselmis spp. (T. chuii, T. suecica, T. tetrahele, etc.), peuvent être ajouter utilement au régime.

Les rations alimentaires sont normalement exprimées en nombre total de cellules d'algues par microlitre (cells par ml) ou par millilitre (cells par ml) du volume de la culture du bac. Noter que 100 cells par ml sont équivalents à 100 000 cells par ml.

Des comptages doivent être faits car les cellules des différentes espèces d'algues varient largement en taille moyenne et, de ce fait, en volume et en poids (voir tableau 1, section 3.1). En calculant la ration pour un régime comprenant deux ou trois espèces, la représentation de chaque espèce dans la ration est calculée sur la base du volume cellulaire équivalent, où (approximativement):

1,0 cell de Isochrysis galbana, T-Iso ou Pavlova lutherii =

0,1 cells de Tetraselmis sp., ou
1,0 cells de Thalassiosira pseudonana, ou
2,25 cells de Chaetoceros calcitrans, ou
0,75 cells de Chaetoceros muelleri

Ainsi, une ration alimentaire adaptée pour les premiers stades larvaires de Crassostrea ou Tapes (et pour la plupart des autres espèces), où la densité cellulaire ciblée est de 100 cells équivalent Isochrysis par ml, peut être obtenue par combinaison des régimes suivants:

125 cells par ml C. calcitrans + 50 cells par ml I. galbana, ou
37,5 cells par ml C. muelleri + 50 cells par ml P. lutherii, ou
50 cells par ml T. pseudonana + 50 cells par ml P. lutherii

N'importe lequel de ces régimes plurispécifiques est excellent pour la plupart des espèces de bivalves communément cultivées en écloserie, quoique la ration en nombre de cells par ml variera avec les espèces et la densité larvaire en culture. Les densités cellulaires rapportées ci-dessus sont idéales pour les larves de diverses espèces de Crassostrea sp., Ostrea edulis, des palourdes Tapes philippinarum, Tapes decussatus, Mercenaria mercenaria, Mya arenaria (et plusieurs autres), et des moules Mytilus edulis et Perna perna aux densités larvaires déjà citées (tableau 10, section 5.1.2.3). Par contre, les larves de plusieurs espèces de pectinidés montrent une meilleure performance globale quand elles sont nourries par les mêmes régimes alimentaires à des rations plus faibles. A titre d'exemple, les larves de Pecten ziczac et Argopecten gibbus, expriment un taux de croissance maximum à une ration totale comprise entre 5 cells par ml au stade larve D, et 18 cells par ml avant le stade pedivéligère. D'autres écloseries utilisent des rations deux à trois fois plus importantes pour des larves de différents pectinidés, mais rarement des rations aussi élevées que pour les huîtres, palourdes et moules, pour une gamme similaire de taille larvaire.

Il est à noter que dans l'exemple des régimes multiples présentés ci-dessus que T-Iso a été omis. Bien que T-Iso soit particulièrement bonne pour l'alimentation des larves de palourdes, de moules et de pectinidés, il y a une certaine réserve en ce qui concerne son utilisation dans des régimes destinés aux premiers stades larvaires des espèces de Crassostrea (figure 70). Comparée avec Isochrysis galbana et, plus encore, avec Pavlova lutherii, les teneurs du plus important des acides gras polyinstaturés (AGPI) ADH sont bien plus faibles. Quand T-Iso est utilisée seule dans un régime alimentaire destiné aux larves de plusieurs Crassostrea sp., aussi bien la croissance que le développement des larves sont sévèrement retardés au delà d'une longueur de coquille de 110 mm. De ce fait les écloseries devraient concentrer leurs efforts sur la culture de petits flagellés tels Isochrysis galbana et Pavlova lutherii.

Les larves peuvent être cultivées du stade D jusqu'à la métamorphose en utilisant des régimes alimentaires bispécifiques, comme celles rapportées ci-dessus. Cependant, dès que les larves dépassent 120 mm de longueur moyenne, il est avantageux d'ajouter une troisième espèce comme une des plus petites des Tetraselmis sp. Le taux de croissance et la proportion de larves qui achèvent leur métamorphose avec succès sont fortement améliorés quand Tetraselmis est incluse dans le régime (figure 68).

Tetraselmis peut être utilisée soit comme substitut direct d'Isochrysis ou Pavlova dans le régime ou mieux encore, elle peut être utilisée comme espèce additionnelle en élaborant un régime trispécifique. Elle ne doit pas, cependant, remplacer une diatomée dans le régime. Chacune des trois diatomées recommandées, mentionnées ci-dessus, contient un autre AGPI important (AEP) connu par son apport nutritif et son rôle significatif dans le développement.

Figure 70: Croissance de larves de (A) Crassostrea gigas, (B) Crassostrea rhizophorae, (C) Mercenaria mercenaria et (D) Tapes philippinarum nourries avec T-Iso (cercles bruns), Chaetoceros calcitrans (cercles jaunes) et un mélange de deux espèces microalgales (cercles oranges).

Quand elle remplace Isochrysis ou Pavlova dans le régime de deux espèces, Tetraselmis est administrée à 10 pour cent de la densité cellulaire appropriée aux plus petits flagellés. Ainsi:

37,5 cells par ml C. muelleri + 50 cells par ml P. Lutherii
deviennent:
37,5 cells par ml C. muelleri + 0,5 cells par ml T. suecica

Quand elle est utilisée comme espèce additionnelle pour une combinaison de trois espèces, chacune des quantités de ces espèces est apportée à 33,3 pour cent de la densité cellulaire cible, correspondant à 100 cells par ml équivalent Isochrysis. Donc:

Deux espèces combinées:
37,5 cells de C. muelleri par ml + 50 cells de P. lutherii par ml =

100 cells équivalent Isochrysis par ml;

Trois espèces combinées:
25 cells de C. muelleri par ml + 33,3 cells de P. lutherii par ml + 3,33 cells de T. suecica par ml = 100 cells équivalent Isochrysis par ml

La quantité microalgale globale utilisée, en terme de volume cellulaire ou de poids est approximativement la même pour ces deux exemples de régimes, les deux étant appropriés pour les larves dont la longueur de coquilles est >120 mm.

Jusqu'ici, l'attention a porté dans cette section sur les directives générales pour les régimes et les rations alimentaires pour les larves. Dans des petites écloseries gérées par leurs propriétaires en se basant sur l'adage «du doigt mouillé» - et souvent avec un budget très serré - peu ou aucune considération n'est portée à la densité algale à la récolte, ou à la formulation avec précision, d'une combinaison des différentes espèces. Un opérateur expérimenté cultivant une ou plusieurs espèces tolérantes de bivalves va pouvoir décider quelle culture d'algue semble être la meilleure pour un jour particulier et ajoutera dans les bacs larvaires suffisamment d'algue de chaque type jusqu'à que la couleur de l'eau lui paraisse convenable.

A l'autre bout de la chaîne - dans les grandes écloseries fournissant du naissain à une échelle industrielle pour leur propre grossissement, ou à la demande des conchyliculteurs privés de la région - les responsabilités et l'échelle de l'investissement financier impose que l'élevage soit maintenu dans un système contrôlé plus rigoureux. Dans ce cas, la priorité est d'optimiser le rapport - coût/éfficacité de la production du naissain et de générer un profit. On discutera ci-après comment ceci peut être obtenu en optimisant l'utilisation des cultures d'algues destinées à l'alimentation larvaire.

5.2.3.1 Stratégies d'alimentation

Pour s'assurer qu'une ration alimentaire suffisante est fournie aux larves, deux stratégies de base sont utilisées en écloserie. La première est d'ajouter les algues dans le volume d'eau de mer contenant les larves en culture avec l'objectif d'augmenter la densité cellulaire jusqu'à une concentration assurant un taux maximum de croissance larvaire. La deuxième stratégie implique l'alimentation de la biomasse larvaire qui augmente concomitamment avec le développement larvaire, en se basant sur le nombre de cellules algales ingérées par les larves de différentes tailles. Cette dernière approche a été brièvement traitée en discutant des cultures de densités à fortes densités larvaires dans la section 5.1.4.1.

Stratégie 1 C'est l'option la plus facile, puisque que le volume d'eau dans le bac est constant durant la période de culture. C'est la stratégie appropriée pour les faibles densités larvaires. En effet, la ration alimentaire est distribuée une fois par jour. Au cours des 24 heures qui suivent, la nourriture sera utilisée jusqu'à épuisement. C'est seulement pendant une brève période de 24 heures que la concentration algale est optimale. Cependant, la stratégie peut être modifiée, et souvent, elle consiste à distribuer 50 pour cent de la ration (ou plus) 8 à 12 heures après la ration principale. L'objectif est de maintenir la densité algale proche de l'optimum durant la plus grande partie de la journée. Pour des taux de mortalités faibles, et si le développement se poursuit, le nombre total des larves est réparti entre deux ou plusieurs bacs pour que la ration ne soit pas trop rapidement consommée.

Stratégie 2 Demande une connaissance du nombre de cellules algales consommées par un nombre connu de larves de différentes longueurs de coquilles (ou poids) pour tous les stades de développement larvaire de la larve D jusqu'à la métamorphose. Après avoir déterminé la taille moyenne et le nombre de larves survivantes au cours des changements successifs de l'eau, l'opérateur peut estimer, pour la biomasse larvaire du moment, la quantité de nourriture à apporter au bac pour maintenir un taux de croissance optimale. De cette manière, des densités élevées de larves peuvent être maintenues avec succès dans un volume donné.

Cependant, une suralimentation est également, sinon plus, préjudiciable pour la performance larvaire que des conditions de sous-alimentation. Comme il a été mentionné auparavant, et pour des densités élevées de larves il peut être nécessaire d'apporter deux fois par jour la densité cellulaire optimale recommandée pour les larves de plusieurs espèces, par exemple environ 100 cells par ml équivalent Isochrysis. L'apport en une seule fois d'une double ration quotidienne de nourriture surpassera en densité et volume la quantité de nourriture pour laquelle la consommation larvaire est à son efficacité maximum. Une suralimentation peut entraîner des mortalités larvaires d'origine bactérienne lorsque les larves sont déjà en situation de stress. Dans ce cas, la ration recommandée est divisée en deux fractions égales. La première est ajoutée directement au bac et l'autre moitié est distribuée petit à petit au cours des prochaines 24-h.

L'utilisation d'un appareillage opto électronique, moderne et sophistiqué, représente l'aboutissement d'un développement logique pour garantir l'alimentation appropriée des larves. Des progrès ont été faits avec des appareils plus simples qui émettent une lumière infrarouge à travers une culture et arrive au détecteur, en reliant la turbidité d'une densité phytoplanctonique optimale dans un volume de culture avec un signal de référence. Quand les cellules algales sont consommées par les larves, la turbidité de l'eau diminue. A certaines valeurs pré-établies, une résistance relais est activée et déclenche une petite pompe péristaltique qui distribue, à partir d'un réservoir aéré, davantage d'algues dans le bac de culture jusqu'à que la turbidité désirée soit restaurée. Le lecteur trouvera plus d'information sur ce sujet dans la section 5.1.4.

5.2.3.2 Calcul des rations alimentaire

Stratégie d'alimentation 1: Les volumes phytoplanctoniques à ajouter dans les bacs d'élevage larvaire pour atteindre les densités cellulaires recommandées sont calculés par l'équation suivante:

Où V = volume des cultures de larves dans le bac en litres.

Exemple:

Information de Base:

Régime et densité cellulaire à apporter:

37,5 cells par ml C. muelleri + 50 cells par ml P. lutherii

Densités cellulaires des algues récoltées:

C. muelleri

4 800 cells par ml

P. lutherii

8 900 cells par ml

Volume de la culture des larves = 800

Calcul:
Volume de C. muelleri nécessaire = 37,5x800/4 800 = 6,25 l
Volume de P. lutherii nécessaire = 50,0x800/8 900 = 4,49 l

Stratégie d'alimentation 2: Le calcul implique la détermination du nombre des cellules d'algues ajoutées de la ration initiale journalière équivalente à 75 cells par ml d'Isochrysis nécessaire durant les 24 heures suivantes pour maintenir la densité cellulaire algale constante. Les étapes du calcul sont détaillées dans l'exemple suivant qui s'applique aux larves de Crassostrea gigas:

Exemple:

Information de Base:

Volume du bac de la culture de larves

- 1 000 l

Nombre de larves C. gigas

- 22,5 millions

Moyenne de la longueur de la coquille de la larve

- 170 mm

Régime algal fourni

- mélange égal en volume cellulaire de:
P. lutherii, C. muelleri, T. suecica

Densités algales à la récolte

- P. lutherii = 15 000 cells par ml
C. muelleri = 7 400 cells par ml
T. suecica = 1 200 cells par ml

Calcul:

a) Fournir une ration initiale de 25 cells par ml de P. lutherii, 18,75 cells par ml de C. muelleri et 2,5 cells par ml de T. suecica = 1,67, 2,53 et 2,08 litres respectivement à la densité cellulaire à la récolte présentée ci-dessus (voir les Stratégie d'alimentation 1 pour la méthode de calcul).

b) Lire le nombre de cellules consommées par les larves des huîtres pacifiques à 170 mm larves pendant 24 heures dans le tableau 13 = 30 100

c) Diviser 30 100 par le nombre des espèces d'algues dans le régime = 10 033 cells par ml Pavlova (1 003 cells dans le cas de Tetraselmis et 7 525 cells dans le cas de C. muelleri en tenant en compte des différences de volume cellulaire.

d) Pour chaque espèce calculer le volume d'algues à la récolte nécessaire au maintien d'une densité cellulaire optimale dans un bac de 1 000 litres contenant 22,5 millions de larves:

D'une manière silimaire, le volume de C. muelleri nécessaire est de:

7 525 x 22.5/7 400 = 22,88 l

et pour T. suecica c'est:

1 003 x 22.5/1 200 = 18,81 l

e) Ajouter les volumes calculés dans (a) ci-dessus directement au bac des larves. Le reste (15,04 minus 1,67 litres pour Pavlova, etc.) est mélangé dans un réservoir froid, aéré de volume suffisant. Doser ce volume à un taux constant durant une période de 24-heures. D'un point de vue pratique, il est recommandé de remplir le réservoir d'algues avec de l'eau de mer jusqu'au volume pompé pendant 24 heures par la pompe péristaltique.

Noter: Les données présentées dans le tableau 13 s'appliquent aux larves cultivées à 24±1°C. A une température fixe d'élevage, la croissance larvaire est généralement prédictible et par conséquent les mesures journalières de la longueur de coquille ne sont pas essentielles. Les mesures doivent, cependant, être opérées à un intervalle de 48-heures et peuvent être estimées les jours intermédiaires en se basant sur l'expérience.

Le taux de croissance des larves, élevées selon la stratégie alimentaire 1 à faible densité ou selon la stratégie alimentaire 2 à forte densité, ne sont pas significativement dfférentes. L'avantage de cette dernière est son efficaccité avec un gain de temps (consacré aux opérations d'élevage) et une meilleure utilisation de l'espace dans l'écloserie. Quand un système opto-électronique est employé pour le contrôle de la nourriture (voir Part 5.1.4.1), les besoins sont calculés selon la stratégie alimentaire 2.

Tableau 13: Nombre de cellules algales ingérées quotidiennement par les larves chez trois bivalves communément cultivés en fonction de la longueur moyenne des coquilles. Les valeurs concernent Isochrysis galbana ou son équivalent en taille.


Cellules (équiv. Isochrysis) ingérées par larve par jour

Moyenne de la longueur de la coquille (µm)

C. gigas

O. edulis

T. philippinarum

100

2 800


4 400

110

6 700


6 000

120

10 600


8 000

130

14 500


10 200

140

18 400


12 800

150

22 300


15 700

160

26 200


18 900

170

30 100

19 200

22 300

180

34 000

28 200

26 000

190

37 900

37 300

29 900

200

41 900

46 300

29 100

210

45 800

55 400

21 900

220

49 700

64 500

14 900

230

53 600

73 500


240

57 500

82 600


250

61 400

91 600


260

65 300

100 600


270

69 200

109 800


280

73 100

118 800



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