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3. Les maladies forestières dans le monde


Pourquoi mesurer les effets des maladies forestières?
Types de dégâts causés par les maladies
Forêts naturelles et plantations
Comparaisons géographiques
Importance des effets des maladies
Besoins en spécialistes de la pathologie forestière

D'après les rapports soumis au Symposium et les délibérations des participants, les maladies des arbres sont sans conteste considérées comme un problème universel et dont les incidences sur la productivité forestière sont sérieuses. Des rapports sur des points précis ont été présentés par des pays d'Amérique du Nord (3 pays), d'Amérique latine (9), d'Europe (16), du Proche-Orient (16), d'Extrême-Orient (8), d'Afrique (24) et d'Australasie (3). L'U.R.S.S. est la plus importante des grandes régions productrices de bois pour lesquelles aucun exposé synthétique n'a été présenté. Pour cette vaste zone, on peut seulement supposer que la situation pathologique ne s'écarte guère, du moins dans le sud, de celle que l'on observe pour les essences forestières identiques ou très proches des pays voisins, Tchécoslovaquie, Pologne et Yougoslavie.

Si personne ne nie les conséquences sérieuses des maladies forestières pour la productivité des forêts et, par conséquent, pour l'aménagement forestier en général, les avis diffèrent radicalement lorsqu'il s'agit de chiffrer ces conséquences. Dans certains pays, on a fait beaucoup d'efforts pour mesurer quantitativement l'effet des maladies; dans d'autres, on s'en est beaucoup moins préoccupé. Quoi qu'il en soit, ces tentatives n'ont pas toujours rencontré le même succès. Considérons, par exemple, le champignon cosmopolite Fomes annosus. L'Inde signale seulement que la pourriture des racines par F. annosus provoque des dégâts modérés chez Cedrus deodara; en Belgique, on estime que 100000 hectares, soit 17 pour cent de la superficie boisée, sont menacés par ce champignon; en Norvège, ce champignon cause chaque année la perte de 200 000 mètres cubes d'épicéa, représentant une valeur de 10 millions de couronnes (1,4 million de dollars), et selon une estimation prudente, les forêts des Etats-Unis paient à cette maladie un tribut annuel d'un quart de million de mètres cubes. De ces estimations on pourrait peut-être conclure que la maladie a des effets plus graves en Norvège qu'en Belgique ou en Inde, mais il est presque impossible de chiffrer cette différence. Il serait vain de vouloir faire une comparaison critique de la gravité de la maladie aux Etats-Unis et en Norvège. Une évaluation correcte est d'autant plus difficile que Fomes annosus s'il est parfois létal, d'autres fois ralentit simplement la croissance de l'arbre ou encore détermine une pourriture du cœur (du pied) qui provoque une perte de volume ou de qualité marchande.

FIGURE 8. - Sud-est des Etats-Unis. A gauche, un pin à feuilles courtes; à droite, un arbre gravement atteint de maladie de la petite feuille. L'arbre de gauche et l'autre un peu en arrière, sont les deux seuls survivants d'un peuplement détruit par la maladie. Des travaux de sélection à partir d'arbres comme celui que l'on voit à gauche sur la figure sont en cours pour obtenir des variétés résistant à la maladie et au champignon Phytophthora cinnamomi. La maladie limite les possibilités de produire P. echinata et dans une moindre mesure P. taeda dans le sud-est et le sud des Etats-Unis.

(United States Forest Service)

Pourquoi mesurer les effets des maladies forestières?

Ce qui précède n'est qu'un des multiples exemples de la complexité inhérente à toute tentative de mesurer l'effet des maladies forestières. Mais de telles mesures sont nécessaires, non seulement pour satisfaire la curiosité des spécialistes de pathologie forestière, mais, comme l'indique l'exposé relatif à l'Amérique du Nord, parce que de telles évaluations présentent les mérites suivants:

1. Elles permettent des inventaires plus précis du capital-bois, avec tout ce que cela implique pour l'aménagement forestier.

2. Elles indiquent la gravité réelle des maladies forestières et, par conséquent, les cas où des mesures préventives ou curatives seraient le plus utiles.

3. Elles indiquent les domaines où un complément de recherche est nécessaire pour mettre au point les mesures préventives ou curatives essentielles.

FIGURE 9. - En Inde, le marquage au feu des arbres des avenues est une pratique courante; mais il expose les arbres à l'infection par la pourriture du cœur. Sur la photo, un exemplaire de Cedrela toona ainsi marqué. Les sporophores de Fomes senex se développent dans la lésion.

(Forest Research Institute, Dehra Dun)

Au cours de l'allocution d'ouverture, M. J. a. Westoby a souligné la valeur d'évaluations de ce genre, insistant sur la nécessité de chiffrer les pertes et les dégâts provoqués par les maladies des essences forestières. En outre, la deuxième Recommandation générale rédigée à la fin du Symposium préconisait la généralisation et l'amélioration des évaluations quantitatives des pertes provoquées directement et indirectement par les maladies forestières (et les insectes), ces évaluations étant une base nécessaire pour orienter correctement les programmes de recherche et établir les budgets de la recherche, des enquêtes et de la lutte contre les ennemis des forêts.

Seuls les Etats-Unis et le Canada ont fait une tentative systématique pour évaluer l'ensemble des pertes causées par les maladies forestières. Quelques pays européens ont essayé de le faire pour certaines maladies, ainsi qu'on l'a vu en Norvège pour les attaques de Fomes annosus sur les épicéas. Mais, même dans le cas des Etats-Unis, où les estimations sont les plus complètes, on peut discuter la précision du chiffré de 140 millions de mètres cubes de pertes annuelles totales. Le chiffre de 30 millions de mètres cubes de pertes annuelles pour le Canada est évidemment une estimation des plus prudentes, car seules ont été prises en considération la mortalité et les pertes dues à la pourriture du cœur. Bref, même les tentatives les plus sérieuses sont loin de donner une mesure précise des effets des maladies forestières. Dans beaucoup de pays, on constate seulement que les maladies provoquent dans les forêts des dégâts évidents.

Les effets des maladies forestières semblent ne susciter d'inquiétude que lorsque l'on pratique une foresterie assez intensive. En un mot, c'est seulement lorsque les hommes, ne se contentant plus de récolter les dons de la nature, commencent à cultiver des arbres, qu'ils se préoccupent sérieusement des influences «négatives». Ainsi, bien que les renseignements soient encore fragmentaires et d'une précision discutable, les pays d'Europe se préoccupent depuis longtemps des pertes provoquées par les maladies. Dans d'autres pays, où l'on ne pratique pas encore de foresterie intensive, on peut seulement dire que «aucune maladie importante n'a été enregistrée ou signalée». Même aux Etats-Unis, il n'est apparu essentiel d'évaluer les effets des maladies qu'au moment où il est devenu important de déterminer dans quelle mesure les peuplements naturels pourront produire le bois nécessaire en attendant que toutes les forêts soient aménagées. Avec les progrès de la foresterie de plantation, les forestiers prendront conscience des effets nuisibles des maladies.

Si le développement des plantations entraîne un regain d'attention pour les maladies des arbres, en revanche l'abondance des forêts vierges ou naturelles semble engendrer une certaine apathie à l'égard des pertes dues aux maladies. Cette attitude provient peut-être de ce que l'on pense, comme l'a si bien indiqué I. A. S. Gibson dans son résumé de la situation africaine, que, tant le bois que la maladie étant l'œuvre de la nature, il est inutile de se préoccuper du coût de la maladie. Lorsque l'on a mesuré ces pertes dans les peuplements anciens des Etats-Unis et du Canada, il est apparu que cette attitude risque d'être fort dangereuse. Le facteur qui cause les plus grandes pertes est la pourriture du cœur, trop fréquente dans ces vieux peuplements. Dans quelle situation se trouverait bientôt la foresterie d'Amérique du Nord si l'on ne tenait pas compte de ces pertes dans la planification d'une conversion systématique des peuplements naturels en forêts aménagées!

Types de dégâts causés par les maladies

Les dégâts provoqués par les maladies peuvent être évidents ou invisibles. Malheureusement, les effets les plus évidents - même la mort de l'arbre - ne sont pas toujours les plus importants. Dans leur exposé relatif à l'Amérique du Nord, Davidson et Buchanan énumèrent huit types concevables d'effets indésirables des maladies sur l'arbre ou sur la forêt; cette énumération est reproduite ci-dessous, sans que l'ordre de présentation corresponde à l'ordre d'importance.

1. Mortalité des arbres.

2. Destruction du bois déjà formé. Il s'agit essentiellement des pertes dues à la pourriture du cœur qui détruit ou désintègre le bois. La pourriture des arbres vivants est un type de perte qui se distingue de tous les autres.

3. Réduction l'accroissement: le ralentissement de l'accroissement en hauteur ou en diamètre ajoute ses effets aux pertes en volume.

4. Retard de la régénération - années perdues avant la reprise d'une nouvelle production.

5. Matériel sur pied insuffisant: arbres trop peu nombreux, espacement inégal ou trous dans le peuplement. Terrain incomplètement occupé et, par conséquent, production inférieure au potentiel maximum.

6. Dégénérescence de la composition par essences: maladie des essences les plus précieuses, laissant la place à des essences spontanées ou indésirables.

7. Détérioration du terrain - érosion, compactage, lessivage, etc.

8. Dégradation de la qualité du bois - début de pourriture, taches, fentes, nœuds trop nombreux, poches de résine, et autres réactions pathologiques qui, sans affecter le volume du bois, réduisent la valeur du produit.

Il est assez facile de se représenter mentalement la plupart de ces huit types de dégâts. Mais, exception faite de la mortalité, il est difficile de les observer visuellement et extrêmement malaisé de les mesurer ou de les évaluer quantitativement. En outre, une maladie donnée peut provoquer plusieurs types de dégâts. Ainsi une réduction de l'accroissement est souvent suivie à plus ou moins longue échéance par la mort. Lorsque plusieurs types de dégâts interviennent, soit simultanément, soit consécutivement, leurs effets sont cumulatifs.

Cette liste n'est pas aussi complète qu'elle semble; les délibérations du Symposium ont mis en lumière un autre type d'effet des maladies dont l'importance s'accroît avec le développement des forêts de plantation. Il s'agit d'un phénomène extrêmement difficile à définir et encore plus difficile à chiffrer que l'on pourrait appeler l'«abandon forcé d'essences». C'est un phénomène analogue à la dégénérescence de la composition par essences dont il est question ci-dessus, mais qui ne se confond pas avec elle: dans des cas innombrables, la présence de la maladie interdit de cultiver l'essence à laquelle on aurait donné la préférence. Le terrain, les débouchés et toutes les autres circonstances peuvent être idéals pour cultiver une essence particulièrement recherchée (parfois introduite en tant qu'exotique), mais la maladie oblige à la remplacer par une essence souvent beaucoup moins attrayante. Les milliers d'hectares, en Europe et dans le reste du monde, sur lesquels il a fallu renoncer à planter Pinus strobus du fait de la présence de Cronartium ribicola sont le meilleur exemple de ce type d'influence de la maladie. Comment pourrait-on en mesurer les effets?

Parmi les autres cas de ce genre dont il a été question pendant le Symposium, les exemples suivants méritent d'être mentionnés: l'abandon forcé de Pinus nigra dans les plantations au Danemark à cause de Soleroderris lagerbergii; l'abandon forcé de Cupressus macrocarpa comme essence de plantation à cause du chancre à Monochaetia dans beaucoup de régions d'Afrique orientale; le remplacement forcé de Pinus radiata par Pinus patula, de croissance moins rapide, mais résistante à l'agent pathogène des feuilles Dothistroma pini dans diverses régions d'Afrique orientale; enfin, l'impossibilité de cultiver Pinus radiata dans diverses parties d'Afrique du Sud à cause des déprédations causées par Diplodia pinea.

A l'opposé, il n'y a que trop d'exemples d'échecs ayant pour cause immédiate l'introduction d'une essence exotique dans un terrain qui ne lui convient pas. Dans ces cas, de mauvaises conditions d'humidité, de température, de fertilité du sol ou de pH ou quelque autre facteur édaphique ou du milieu, autre que la pathologie, condamnaient la tentative à l'échec.

FIGURE 10. - Une autre pratique consiste à ébrancher les pins de l'Himalaya (Pinus wallichiana) pour que le soleil pénètre jusqu'à la terre cultivée. La pourriture des cœur par Fomes pini s'introduit par les lésions ainsi provoquées.

(Forest Research Institute. Dehra Dun)

FIGURE 11. - Chancre à Nectria du bouleau merisier (Betula lenta). C'est le plus courant des chancres des feuilles et l'une des plus graves maladies des peuplements de feuillus d'Amérique du Nord. La maladie ne tue que peu d'arbres, mais elle a des effets graves sur la quantité et la qualité du bois produit. Plusieurs espèces de Nectria provoquent ces pertes.

(United States Forest Service)

Forêts naturelles et plantations

Pour autant que des généralisations soient permises, on peut conclure que les - forêts vierges ou naturelles sont sujettes à un groupe de maladies, tandis que les forêts aménagées, et plus particulièrement les plantations, subissent les atteintes d'un autre groupe, assez différent. Dans une plantation, le fait qu'il s'agisse d'une essence indigène ou d'une essence exotique semble influencer plutôt l'intensité probable des répercussions de la maladie que le type de maladie. Cela n'a rien de particulièrement surprenant car, dès qu'elle est cultivée en plantation, l'essence indigène la plus courante devient exotique en ce sens qu'elle est cultivée dans un. milieu où elle n'est pas spontanée.

Dans les peuplements anciens ou naturels, les plus grandes pertes sont provoquées par des maladies qui ne tuent pas les arbres. Les pourritures du cœur, les taches et autres maladies affectant le bois de cœur, physiologiquement inerte, deviennent de plus en plus importantes, comme l'indiquent clairement les estimations des pertes au Canada et aux Etats-Unis. Cela n'a rien d'étonnant, si l'on réfléchit un instant, car la forêt vierge ne comprend que des individus ayant survécu aux maladies létales de la jeunesse et ayant un âge suffisant pour former du bois de cœur susceptible de pourrir.

Avec le développement des forêts aménagées et surtout des plantations, les maladies létales prennent une importance primordiale. Ces maladies ont peut-être causé les mêmes pertes il y a bien des années dans les forêts vierges, mais à l'époque elles sont passées inobservées et n'ont fait l'objet d'aucune évaluation. Les maladies de la racine semblent prendre une certaine importance localisée. Elles sont généralement provoquées par des agents pathogènes déjà établis dans la région et le plus souvent caractérisées par une répartition mondiale ou au moins continentale, avec une grande variété d'hôtes réceptifs. L'introduction d'essences exotiques pour créer des plantations forestières est souvent suivie d'attaques de maladies affectant les tissus vivants d'un seul hôte, c'est-à-dire des maladies létales. Ces maladies, elles, sont généralement provoquées par des agents pathogènes n'ayant qu'un petit nombre d'hôtes et dont l'aire de répartition est limitée. Dans ces conditions, les maladies introduites connaissent un développement maximum. La plupart des plantations sont trop jeunes ou sont aménagées avec une révolution trop courte pour que les pertes par pourriture aient déjà donné lieu ou même puissent déjà donner lieu à des dégâts préoccupants.

Comparaisons géographiques

Toute tentative pour comparer la situation pathologique des forêts de deux continents ou d'autres grandes étendues serait illusoire et d'ailleurs inutile. Ainsi, ce que l'on appelle l'Extrême-Orient, par exemple, présente peut-être une certaine homogénéité politique, sociale et même économique, mais les climats y présentent la plus grande diversité, des températures sub-arctiques aux températures tropicales. Les micro-habitats, les types forestiers et surtout les agents pathogènes et leurs effets varient en conséquence. La diversité pathologique au sein de cette seule région est peut-être aussi marquée qu'entre régions, et même entre continents différents.

L'Amérique du Nord présente une variété de latitudes d'altitudes et de climats tout aussi vaste, accompagnée d'une variété correspondante de types forestiers et d'agents pathogènes spécifiques; ici encore les différences au sein d'un continent sont aussi importantes que celles qui opposent ce continent à d'autres. Si l'Amérique latine est considérée comme un ensemble, ce ne peut être qu'en vertu de la communauté linguistique, car les types végétaux de cet énorme continent vont de la plaine dénudée aux épaisses jungles tropicales. Les problèmes pathologiques propres aux plantations de résineux d'Afrique du Sud sont très différents de ceux qui se posent dans les forêts des zones de pluies tropicales du Libéria. Seules l'Australie et la Nouvelle-Zélande, ayant évolué dans un isolement relatif, présentent une flore particulière et qui n'est pas sans influer sur le tableau pathologique. L'introduction accidentelle d'agents pathogènes forestiers devrait certainement y être plus facile à éviter. Là encore, des siècles de sélection naturelle et d'isolement à l'égard des influences extérieures ont abouti à un équilibre relatif entre les hôtes et les agents pathogènes indigènes; cet équilibre n'a été compromis que récemment par l'homme, lorsqu'il a exploité les forêts, modifié le milieu et introduit des essences exotiques.

Peut-être l'Europe représente-t-elle une entité géographique mieux définie du point de vue des forêts et de la pathologie forestière que ce n'est le cas pour les autres régions délimitées aux fins de ce Symposium. La variabilité des climats y est un peu moins extrême les essences forestières indigènes n'y sont pas trop nombreuses et surtout la foresterie y est pratiquée depuis longtemps avec ce résultat que les maladies des arbres et leurs effets y sont étudiés depuis plus d'années que dans le reste du monde. Pourtant, même dans cette Europe relativement compacte et homogène, les forêts sont divisées en petites unités aménagées de façons différentes selon les essences, le site et le propriétaire. On peut conclure que les problèmes pathologiques propres à ces forêts varieront également.

En définitive, seules des comparaisons très générales sont possibles, et l'on ne peut tirer des problèmes pathologiques qui se posent dans les différentes régions du monde qu'un enseignement général. Il en résulte que les observations faites dans une région donnée risquent de ne pas être applicables ailleurs. La plupart des grandes maladies des arbres forestiers sont causées par des champignons et ceux-ci comme tous les végétaux vivants, réagissent aux facteurs du milieu tels que la température, l'humidité, les sources d'alimentation (arbres hôtes) tout autant que les arbres hôtes eux-mêmes. On peut donc s'attendre à ce qu'il existe, en Afrique du Sud par exemple, des micro-habitats à peu près aussi favorables au développement d'un agent pathogène forestier donné, que certains habitats d'Amérique du Nord par exemple. C'est dans le cadre de ces zones identifiables, mais limitées, de similitude que l'expérience acquise en matière de pathologie forestière dans une région géographique peut être appliquée avec les meilleurs résultats à une autre région.

Importance des effets des maladies

Il n'est pas essentiel de savoir si les maladies des arbres forestiers prélèvent un tribut plus lourd en Extrême-Orient qu'en Afrique ou causent plus de dégâts en Amérique du Nord qu'en Europe; ce qui est important, c'est de savoir qu'elles provoquent des dégâts dans les forêts du monde entier et que la réduction de ces dégâts, grâce à une lutte contre les maladies, est peut-être l'une des manières les plus accessibles d'accroître la productivité forestière.

Le Symposium FAO/UIIRF sur les maladies et insectes des forêts dangereux sur le plan international a certainement attiré l'attention mondiale sur la pathologie forestière et son importance. Les rapports présentés au Symposium et les débats auxquels ils ont donné lieu ont mis en lumière à la fois le nombre et la variété des maladies forestières dans le monde et leurs analogies, et ont amené à se demander quelle est l'importance totale des dégâts, y compris ceux qui n'ont pas été identifiés. Dans beaucoup de pays, les efforts pour répondre à cette question prendront sans doute un caractère beaucoup plus systématique et l'on aura recours à des mesures plus radicales et plus efficaces.

Besoins en spécialistes de la pathologie forestière

Pour en revenir aux avantages qu'il y aurait à mesurer les conséquences des maladies forestières, à savoir:

a) Obtention d'inventaires forestiers donnant de meilleures indications sur le volume net,
b) Etude des programmes de lutte contre les maladies,
c) Orientation des travaux de recherches forestières,

il faut que les conséquences des maladies soient évaluées pour une région, un pays ou une unité d'aménagement donnée pour qu'il soit possible de tirer profit de ces avantages. La personne la mieux qualifiée pour évaluer les conséquences des maladies forestières est sans doute le pathologiste forestier, à condition qu'il bénéficie de la collaboration des aménagistes et des économistes forestiers. Les pathologistes forestiers pourraient également faire des recherches pour mettre au point des moyens de lutte contre les maladies, s'ils disposaient du soutien financier indispensable, d'autant plus que les administrateurs ne se rendent pas compte des pertes et n'affectent pas de crédits à la recherche pathologique.

Dire qu'aucun pays du monde ne dispose d'un nombre suffisant de pathologistes forestiers qualifiés est une évidence qui rend mal compte de la gravité de la situation: dans beaucoup de pays, il n'y en a pas un seul, et, pour ce qui est des répercussions des maladies forestières, on ne connaît que les résultats d'études purement botaniques (mycologiques) ou les observations fortuites d'anomalies remarquées accidentellement par un pathologiste agricole. Même dans les pays les mieux pourvus en pathologistes forestiers, il n'a été possible de mesurer que partiellement l'incidence des maladies forestières.

Quand on sait que les maladies forestières sont répandues dans une région du monde, quand on connaît leur répartition et leurs conséquences, il est possible de mettre en garde les pays des autres régions exposées à des risques analogues par les similitudes du milieu et des hôtes possibles. Ainsi avertis, ils pourront prendre des précautions pour éviter l'introduction des maladies et être informés en temps utile sur les mesures de lutte à prendre en cas d'échec. Peut-être est-ce grâce au caractère hétérogène de la plupart des forêts du monde que les maladies n'ont pas provoqué de pertes encore plus importantes. Mais la foresterie de plantation change la situation et dans certains cas, de façon radicale, en introduisant des essences exotiques dans des milieux étrangers et qui parfois leur conviennent mal. C'est pourquoi on peut s'attendre à voir les maladies et surtout les maladies létales prendre une importance accrue et provoquer des pertes considérables de productivité forestière, ce qui aura des effets défavorables sur les plans d'aménagement forestier dans le monde entier.

Une circonstance heureuse pourra contribuer à réduire les pertes dues aux maladies forestières à l'avenir: en effet, si l'aménagement de plus en plus intensif des forêts, qui se traduit par des plantations pures des meilleures essences choisies dans le monde entier, peut accroître le risque de pertes dues aux maladies, d'autre part, les progrès de l'utilisation permettront de récupérer économiquement au moins une partie des arbres morts. Dès aujourd'hui, ces progrès sont un fait dans beaucoup de régions d'Europe; ainsi, on peut maintenant utiliser économiquement comme bois de feu, du bois en partie pourri et impropre aux sciages ou aux produits de plus grande valeur.

La pathologie forestière dans le monde entier est tout d'abord le fait de plusieurs centaines sinon plusieurs milliers de champignons différents. Certains ne se trouvent que sur un seul continent, un seul arbre hôte, dans un habitat limité. D'autres ont une aire de répartition mondiale, peuvent s'attaquer à une grande variété d'hôtes, et causer divers types de dégâts dans de nombreux habitats différents. Il est évident que, pour le premier type de maladie, la lutte par exclusion est la solution qui s'impose, tandis que les maladies du second type poseront probablement toujours des problèmes. Par exemple, Armillaria mellea, Fomes annosus, Endothia parasitica, Diplodia pinea, Cronartium ribicola et Lophodermium pinastri, sont les noms latins d'importants agents pathogènes forestiers qui, malheureusement,. font partie du vocabulaire courant, même des pathologistes forestiers les moins avertis, qu'ils soient en Amérique du Nord, en Europe, en Amérique latine, en Afrique ou dans d'autres régions du monde.

Le Symposium a permis de mettre en lumière l'extrême importance qui s'attache à évaluer quantitativement les conséquences des maladies des arbres forestiers, pour bien concevoir et orienter les plans d'aménagement et les programmes de lutte contre les maladies et de recherche sur la pathologie forestière. Les principaux pathologistes forestiers - trop souvent les seuls dans leur pays - d'environ 40 pays du monde entier se sont accordés unanimement pour reconnaître le besoin de mieux chiffrer les pertes causées par les maladies. Les pathologistes forestiers reconnaissent et apprécient cette nécessité fondamentale, malheureusement il est trop rare de trouver des pathologistes ou des aménagistes forestiers aux postes de commande des administrations compétentes. Le présent article aura été utile si au moins quelques-uns des aménagistes forestiers qui ne sont pas venus au Symposium sont amenés à prendre conscience de la nécessité d'améliorer les connaissances sur les pertes drues aux maladies forestières. Ces administrateurs seront alors mieux préparés à encourager les pathologistes dans leurs efforts en vue de développer la lutte contre les maladies forestières, efforts qui, en définitive, visent à améliorer les forêts et l'aménagement forestier et à accroître la productivité de nos ressources forestières.


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