5. LES OPÉRATIONS PILOTES DE TERRAIN

5.1 La sélection de sites

5.1.1 Le concept

127. Les lignes directrices du PSSA stipulent que l'accent doit être mis initialement sur les régions à fort potentiel, celles-ci étant définies comme présentant de bonnes perspectives d'augmentation de la production et un bon potentiel économique, notamment pour ce qui est de l'accessibilité des marchés, etc. De manière générale, ces critères ont été interprétés comme concernant les zones ayant de bonnes possibilités d'irrigation, qui ont reçu la préférence. Plus récemment, une certaine attention a également été accordée à l'agriculture périurbaine et urbaine.

128. De nombreux PFRDV ont souligné que, même si le fait de privilégier les régions à haut potentiel représente une stratégie de développement cohérente, il ne prend pas en compte la nécessité de répondre rapidement aux besoins de la majorité des ménages ruraux souffrant d'insécurité alimentaire lesquels, outre qu'ils sont pauvres, résident principalement dans des régions plutôt marginalisées. Certains documents plus récents émanant de la FAO ont pris acte de la nécessité d'infléchir quelque peu les efforts en direction des régions à faible potentiel et exprimé l'intention de ramifier les améliorations potentielles dans toutes les zones agro-écologiques du pays (il s'agit de l'expansion de la Phase I).

5.1.2 Évaluation des résultats

129. Il est évident que la recherche de résultats rapides dans les régions à potentiel élevé a influencé le processus de sélection des sites de PSSA dans les pays à l'étude. L'Équipe chargée de l'évaluation est parvenue à isoler les critères de sélection employés par les pays concernés, dont au moins un a été employé, notamment en ce qui concerne les composantes liées à l'eau et à l'intensification:

130. Il ne semble pas que l'insécurité alimentaire au niveau du ménage ait été utilisée comme critère de sélection des sites dans la plupart des pays à l'étude; cela tient au fait que, dans les sites sélectionnés, le degré d'insécurité alimentaire des ménages, bien que non négligeable, était sans aucun doute moins marqué que dans les régions plutôt marginales (voir la Section 7.1).

131. Dans les pays à l'étude, les sites retenus pour les composantes de diversification correspondaient à ceux sélectionnés pour les composantes d'irrigation et d'intensification (Bolivie, Équateur par exemple). Toutefois, les critères de sélection n'étaient généralement pas axés sur les sites mais plutôt, semble-t-il, sur des groupes spécifiques de la population rurale, tels que les associations de femmes pour l'horticulture, l'élevage ou les activités d'après récolte à valeur ajoutée. En conséquence, les projets se déroulaient parfois dans d'autres sites, sans cohérence avec la sélection des sites pour les activités d'irrigation et d'intensification.

132. L'Équipe chargée de l'évaluation est parvenue à la conclusion que la plupart des régions sélectionnées pour les activités de PSSA représentent sans doute le meilleur choix possible en ce qui a trait à l'amélioration potentielle de l'autosuffisance alimentaire nationale; toutefois, s'agissant de l'amélioration de la sécurité des ménages pris individuellement, il est probable que le PSSA aurait donné de meilleurs résultats dans les régions à potentiel limité (voir Section 7.1).

133. L'Équipe chargée de l'évaluation est d'avis que la réorientation récente du PSSA, qui vise à incorporer certaines régions à potentiel limité, est de bon augure, non seulement parce qu'elle améliore les chances de prendre en compte les besoins des ménages plus vulnérables de la part du PSSA (voir la Section 7.1), mais également parce qu'il faut s'attendre à des difficultés lorsque l'on cherchera à transférer, dans des zones plus marginales, des approches et, en particulier, des résultats obtenus dans les régions à fort potentiel.

134. S'agissant de la transférabilité entre les zones agro-écologiques, il est probable que la composante de diversification offre davantage de souplesse et d'adaptabilité que les activités d'irrigation et d'intensification. C'est pourquoi on peut comprendre que les activités de diversification n'aient pas toujours été appliquées de manière à converger - sur les mêmes sites - avec les activités d'irrigation et d'intensification. Toutefois, cette démarche présente un double inconvénient, à savoir:

    1. les activités de gestion et de coordination des comités de bénéficiaires (associations d'agriculteurs) s'en trouvent compliquées, même si, par ailleurs, ces activités étaient en principe tournées vers les besoins des groupes plus nécessiteux;
    2. elle réduit la complémentarité et la synergie potentielles de la stratégie multidimensionnelle nécessaire à la promotion de la sécurité alimentaire, notamment au niveau du ménage pris individuellement (voir la Section 7.3.3).

5.2.1 Le concept

135. Les principaux bénéficiaires du PSSA ont été, selon la perception générale, les petits exploitants agricoles émergents ainsi que leurs familles. Le concept du PSSA souligne, par ailleurs, que le programme est alimenté par la demande et qu'il doit être adapté aux besoins et à l'expérience de chaque pays; étant donné que le PSSA est considéré comme un processus d'apprentissage continu, il évolue et s'adapte en fonction de l'expérience et des résultats obtenus en cours d'application.

5.2.2 Évaluation des résultats

136. Du fait que le PSSA prend acte du rôle joué par la demande dans l'approche retenue, comme de la nécessité de tenir compte des besoins et des expériences locaux pour la désignation des bénéficiaires potentiels, il faut s'attendre à une certaine multiplicité des méthodes de sélection de ces derniers. Dans les pays à l'étude, trois approches différentes ont été utilisées pour la sélection des bénéficiaires directs destinés à être engagés dans les activités de démonstration, à savoir:

    1. l'approche participative, qui prévoit la désignation, par les groupes ou comités d'agriculteurs, des exploitations où seront effectuées les démonstrations; il s'agit, en général, d'exploitations dirigées par des agriculteurs considérés comme compétents, dignes de confiance et de respect (Équateur, Haïti, Sénégal), de même que par ceux ayant le temps de fréquenter les écoles pratiques d'agriculture (Cambodge);
    2. la sélection par l'équipe du projet PSSA (Bolivie, Bangladesh), qui porte sur les personnes jugées capables de supporter les risques, notamment en ce qui a trait aux innovations et nécessitant certains investissements, comme pour l'installation de canaux d'irrigation ou l'achat d'équipements, et les personnes perçues comme capables de transmettre l'expérience acquise;
    3. une approche mécanique, comme celle adoptée au Bangladesh, où, une fois sélectionnés les villages et les régions irriguées, tous les propriétaires terriens et métayers des régions sont incorporés aux opérations pilotes; autre exemple, la Chine, où dans deux villages bénéficiant d'un projet de maîtrise des ressources en eau, tous les agriculteurs ont été incorporés aux effectifs de démonstration.

137. L'Équipe chargée de l'évaluation considère que, toute choses étant égales par ailleurs, la sélection participative des exploitations agricoles où seront effectuées les démonstrations présente les meilleures incitations pour les bénéficiaires eux-mêmes, et pense qu'on pourrait envisager d'en étendre l'application. Toutefois, il reste à déterminer comment les autres agriculteurs participant aux activités de démonstration et aux groupes de crédit ainsi qu'aux ateliers de formation, se sont trouvés impliqués. Il semble que, dans la plupart des cas, avec toutefois des exceptions, ils aient été membres de la communauté où se trouvaient situées les fermes de démonstration, et que leur adhésion ait tenu à une motivation ou à un intérêt personnel. Ainsi, dans la plupart des projets, un nombre supplémentaire d'agriculteurs a été sélectionné indirectement, par le biais des activités de formation. Toutefois, l'Équipe chargée de l'évaluation doute quelque peu de l'efficacité de telles activités lorsqu'elles ne sont pas directement liées aux initiatives de mise en œuvre (voir Section 5.5.1).

138. L'Équipe chargée de l'évaluation appuie vigoureusement le recours élargi aux associations et organisations d'agriculteurs, non seulement en vue de la participation aux activités PSSA mais également pour la diffusion de l'information sur les résultats. Toutefois, il importe de bien saisir les modus operandi conduisant à une formation et à une implication durable de ces groupes, et de comprendre quelles sont les modalités conditionnant leur bon fonctionnement (voir Section 5.4.2.1).

139. Dans les pays à l'étude, un grand nombre d'agriculteurs participant aux démonstrations sont conditionnés par le marché, du fait qu'ils vendent leurs produits à des grossistes ou les écoulent directement sur le marché, achetant eux-mêmes une portion considérable des denrées alimentaires qu'ils consomment. Ces agriculteurs se placent nettement au-dessus de la moyenne, tant par leurs moyens économiques que par leur niveau d'instruction et leur statut politique et social; il s'ensuit que les agriculteurs moins bien lotis avaient bien moins de chances d'être sélectionnés par leurs homologues ou par l'équipe du projet. Il est vrai que la sélection des petits agriculteurs "émergents", notamment dans les régions à fort potentiel, permet d'obtenir une augmentation rapide et plus perceptible de la production et, partant, des revenus. Toutefois, il aurait été possible d'impliquer davantage les agriculteurs marginaux présentant un moindre potentiel d'amélioration de la productivité dans la promotion d'autres activités génératrices de revenu (diversification).

140. Les femmes ont été représentées dans une certaine mesure lors des démonstrations, davantage semble-t-il pour les activités de diversification que pour la composante d'intensification. Bien que leur représentation ait été inférieure à celle des hommes, l'Équipe chargée de l'évaluation est d'avis que, compte tenu des contextes social, culturel et économique, leur taux de représentation peut être considéré comme acceptable. Il convient toutefois de noter une exception, celle de l'Érythrée, où près de 30 pour cent des ménages sont, de facto, dirigés par une femme en raison de la guerre et des problèmes frontaliers connexes, alors qu'elles ne représentaient que 15 pour cent des agriculteurs impliqués dans les démonstrations.

141. L'examen n'a guère fait apparaître d'exemples d'efforts spécifiques visant à identifier les groupes vulnérables, à savoir les ménages les plus exposés à l'insécurité alimentaire, non plus que d'initiative visant à les cibler. Lorsque les femmes constituent une telle catégorie aux yeux des observateurs, elles font l'objet d'un ciblage particulier. Comme nous le disons plus haut, il semble, en fait, que les femmes aient été particulièrement bien représentées dans les activités de diversification ou de valeur ajoutée appuyées de façon directe par le PSSA ou indirectement par des projets TeleFood, même si ceux-ci sont de faible ampleur.

5.3 La sélection des technologies d'évaluation

5.3.1 Le concept

142. Il était admis, depuis le début, que les démonstrations s'appuieraient sur des méthodes et des techniques pouvant être appliquées en l'absence d'un projet et ne nécessitant pas de facteurs tels que les intrants ne pouvant pas être mobilisés par le truchement du marché, ou nécessitant des effectifs trop importants en main-d'œuvre.

143. Par ailleurs, toujours selon les lignes directrices du PSSA, les technologies faisant l'objet de démonstrations doivent non seulement être acceptables/attrayantes pour les ménages agricoles, à savoir être applicables techniquement, viables au plan économique et acceptables au plan social, mais également ne pas produire d'effets négatifs et, si possible, présenter des avantages pour l'environnement. S'agissant des considérations écologiques, les thèmes retenus portent sur les approches d'intensification respectueuses de l'environnement telles que la protection intégrée contre les ravageurs, les systèmes intégrés de nutrition des plantes (SINP) ainsi que l'intégration, aux systèmes agricoles, des arbres et des autres cultures pour la protection du sol et des ressources en eau, le fourrage et la combustion.

5.3.2 Évaluation des résultats

5.3.2.1 L'irrigation et la gestion des ressources en eau

144. Les agriculteurs de la plupart des pays à l'étude ont beaucoup apprécié la démonstration de techniques telles que les structures d'amenée de l'eau, les vannes et les échangeurs, les canaux secondaires à revêtement de béton ou en terre compactée par opposition aux fossés temporaires traditionnels. Cependant, l'Équipe chargée de l'évaluation a constaté que, par suite des ressources limitées des projets, ce genre d'amélioration ne devenait perceptible que sur une échelle très limitée et seulement au moyen de contributions en nature de la part des bénéficiaires eux-mêmes, ou encore grâce à l'aide d'autres projets, de plus grande envergure. Par ailleurs, même les technologies au coût relativement faible étaient, très souvent, hors de portée des agriculteurs, en l'absence de crédits répondant à leur situation.

145. Des démonstrations portant sur les techniques améliorées d'irrigation à la ferme, telles que l'irrigation par rigoles, l'irrigation à planche ou par bassins, l'utilisation de siphons de différentes dimensions en fonction des cultures ou encore de tuyaux munis de vannes réglables, particulièrement adaptés aux terrains en pente, contrairement aux méthodes traditionnelles d'irrigation par inondation couramment utilisées, étaient plus souvent associées aux activités du Programme de coopération technique. L'Équipe chargée de l'évaluation s'oppose vigoureusement à la stratégie qui consiste à fournir gratuitement des équipements et du matériel tels que les tuyaux munis de vannes réglables et le ciment aux agriculteurs impliqués dans les démonstrations, étant donné que l'objet de ces dernières est d'en encourager l'adoption par les autres agriculteurs (voir Section 5.4.2.3). À l'évidence, la fourniture gratuite à tous les agriculteurs ne saurait être envisagée, si bien que la diffusion de ces techniques demeure étroitement tributaire de la mise en place d'un programme de crédit.

146. Dans les pays du Sahel qu'elle a visités, à savoir la Mauritanie, le Niger, et le Sénégal, l'équipe a constaté que les composantes liées à l'irrigation et à la gestion de l'eau ainsi qu'à l'intensification des sites irrigués ne réglaient pas les questions les plus cruciales, comme les pannes fréquentes des pompes vieillissantes, achetées il y a bien longtemps à des prix généreusement subventionnés et pour lesquelles aucune disposition d'entretien ou de remplacement n'avaient été prévue. Cette question devra être traitée par le PSSA grâce à un dialogue au niveau macro et méso sur les questions de politique avec les instituts de crédit, les organisations d'agriculteurs et les entrepreneurs privés, de même qu'avec les donateurs disposant d'une expérience à cet égard sachant comment y faire face.

5.3.2.2 L'intensification

147. Dans la plupart des pays à l'étude, des ensembles technologiques complets, comprenant la préparation des terres, une gestion appropriée des ressources en eau en vue de l'irrigation, le choix des cultures et leur espacement, l'emploi d'engrais et les mesures de lutte contre les ravageurs et les maladies pour les cultures visées, ont fait l'objet d'évaluations et de démonstrations. L'Équipe chargée de l'évaluation a observé que, dans certains cas, la rationalisation de l'utilisation des intrants avait reçu une certaine attention, notamment, avec l'aide de la protection intégrée contre les ravageurs (IPM), par une moindre utilisation des produits chimiques, parfois appliqués à fortes doses - notamment sur les légumes. Certains efforts ont également été consacrés à la rotation des cultures, même si, bien souvent, le régime de rotation était jugé satisfaisant.

148. Les cultures faisant l'objet de démonstration étaient généralement des cultures classiques de la région, même si, à l'occasion, des cultures nouvelles étaient introduites, telles que les légumes en Bolivie ou les arbres fruitiers en Mauritanie. À l'évidence, il importe dans de tels cas, lorsqu'on encourage une adoption aussi large que possible, que les démonstrations orientées vers la "production" soient complétées par une campagne de sensibilisation des consommateurs mettant en valeur les avantages des nouveaux produits et donnant des renseignements sur la façon de les préparer.

149. La plupart des technologies sélectionnées par le PSSA pour une expérimentation sur le terrain semblaient adéquates. Toutefois, l'Équipe chargée de l'évaluation a observé, sans conteste possible, que certaines technologies choisies pour la démonstration auraient dû faire l'objet d'une sélection plus rigoureuse. Par exemple, en Zambie, compte tenu du prix du maïs et des engrais, il était parfaitement prévisible que le maïs hybride planté dans la province du Sud et la variété améliorée de maïs semée dans la province occidentale n'avaient que peu de chance d'être économiquement rentables. Il en va de même pour le chaulage en raison des coûts de transport - et les problèmes que posent les oiseaux aux cultures de mil sont bien connus. Au Niger, la rotation de monocultures introduite sur un site allait à l'encontre des pratiques courantes et ses résultats ont été médiocres; au demeurant, la technique était déjà connue mais elle n'avait pas été adoptée, pour de bonnes raisons. Une approche plus participative aurait permis d'éviter ce genre de situation. En Haïti, certaines variétés ses sont avérées inadaptées, le riz par exemple (quantité et composition des engrais) ainsi que les variétés de maïs, et certains ajustements ont été nécessaires. L'Équipe chargée de l'évaluation pense donc que, dans certains cas, l'on n'a pas accordé une attention suffisante à la sélection initiale des technologies destinées à la démonstration.

150. Dans certains pays, les démonstrations concernant les pratiques d'agriculture biologique ont été appréciées; c'est le cas de l'Équateur et de Haïti. Toutefois, aucun effort n'a été fait pour traiter de façon spécifique le marché des produits "biologiques", étant donné qu'il n'existe pas de certification des produits biologiques en Équateur ni à Haïti, ni même, à vrai dire, un marché "biologique" reconnu avec des acquéreurs prêts à payer un supplément pour ces produits. En conséquence, l'attrait de la production "biologique" pour les producteurs se limite aux convictions idéologiques et à d'éventuelles économies sur les achats d'engrais et d'autres produits chimiques.

5.3.2.3 La diversification

151. Un large éventail d'activités ont été entreprises au titre de la diversification, au nombre desquelles:

L'organisation d'une formation, comprenant parfois, mais malheureusement pas toujours, l'analyse économique, a contribué de façon importante à faciliter l'introduction et l'acceptation de ces activités.

152. La création de magasins de fourniture d'intrants et de vente de produits de l'agriculture, bien que ne constituant pas au sens strict du terme une activité de diversification, semble jouir d'un bel avenir dans certains pays, notamment lorsque la propriété et la gestion en reviennent à des groupements d'agriculteurs. Ces activités peuvent notamment présenter les avantages suivants:

153. Nous citons, ci-dessous, quelques exemples d'initiatives observées dans les pays à l'étude:

154. Certaines des activités de diversification ont été financées par d'autres sources. Citons, entre autres, les projets TeleFood concernant le petit bétail (Érythrée), les magasins (Tanzanie) et les activités associatives de production (poulets de chair et confitures en Équateur). En outre, on a parfois vu des donateurs s'engager directement (comme DANIDA, dans la production d'œufs en Érythrée).

5.3.3 Questions d'ordre général

155. Il semble que, dans la plupart des pays, la question de la viabilité financière des ensembles de démonstration n'ait pas été prise en compte de façon adéquate. Ainsi, l'Équipe chargée de l'évaluation se demande s'il est bien utile de faire démontrer des technologies qui n'ont guère de chances d'être rentables et/ou qui sont offertes aux fermiers gratuitement ou à des coûts faisant l'objet d'une prise en charge implicite ou explicite par le PSSA. À l'évidence, les chances d'adoption spontanée par les agriculteurs sont très faibles.

156. L'Équipe chargée de l'évaluation a recueilli l'impression d'une certaine indigence au niveau des technologies améliorées et innovantes faisant l'objet de démonstration. Ce facteur, associé au problème évoqué au paragraphe précédent, tend à démontrer que le PSSA devrait améliorer sa coordination, non seulement avec les activités de vulgarisation et autres tournées vers le développement, mais également en direction des institutions universitaires et de recherche dans les pays concernés. Cette démarche permettrait non seulement de prendre en compte toutes les technologies potentiellement disponibles, mais également d'obtenir, de la part de ces institutions, une assistance compétente pour l'évaluation préalable de leur viabilité économique. En outre, les compétences offertes par ces institutions pourraient être mobilisées en vue de sélectionner et d'approuver les documents et brochures de diffusion établis par l'équipe du PSSA.

157. Comme on le verra plus loin dans ce rapport (Section 7.3.3), l'Équipe chargée de l'évaluation pense qu'en raison de la priorité accordée par le PSSA à la sécurité alimentaire - laquelle, notamment au niveau du ménage, fluctue de façon marquée en fonction des saisons - il importe, lors de la sélection des technologies en vue d'une démonstration, d'accorder une attention spécifique à la régulation du flux de revenus et de production tout au long de l'année. L'Équipe chargée de l'évaluation considère que l'on n'a pas accordé jusqu'ici suffisamment d'attention à cet aspect.

158. L'Équipe chargée de l'évaluation pense que, dans la mesure du possible, le PSSA devrait en priorité faire porter les démonstrations sur diverses options parmi lesquelles les agriculteurs seraient libres de faire leur choix, plutôt que de s'efforcer de fournir un ensemble complet de technologies améliorées, dont certaines composantes pourraient ne pas être viables.

159. Bien qu'une certaine attention ait été accordée aux questions liées à l'environnement, l'Équipe chargée de l'évaluation pense que ce volet a été particulièrement négligé (voir Section 7.3.3). Il faudrait, en la matière, privilégier une approche systémique plutôt qu'une approche axée sur le produit, afin d'aborder de façon plus efficace et explicite les questions d'ordre écologique.

5.4 L'approche PSSA

5.4.1 Le concept

160. Le PSSA a été conçu de manière à pouvoir s'appuyer sur des démonstrations et sur les activités de formation comme moyens permettant non seulement de fournir aux agriculteurs et aux entrepreneurs un aperçu des changements technologiques à mettre éventuellement en œuvre, mais également d'offrir l'occasion d'explorer avec les agriculteurs, dans une optique participative, les contraintes découlant des carences des technologies faisant l'objet de démonstrations et la façon d'y remédier. Ce processus hautement participatif, qui prend acte du rôle central joué par l'agriculteur en tant que décisionnaire, vise à lui donner les moyens de se prendre en charge tout en améliorant la pertinence et l'attrait des technologies démontrées.

5.4.2 L'évaluation des résultats

5.4.2.1 Le renforcement de la participation et la responsabilisation des intéressés au niveau local

161. Les politiques de développement ne manquent pas, aujourd'hui, de donner à la participation un rôle central, non seulement comme moyen de promouvoir le débat démocratique et d'encourager la créativité, mais également comme facteur d'efficacité et d'efficience, étant donné que la participation des intéressés, posée comme principe, les encourage à s'engager directement dans la poursuite des objectifs définis conjointement. En dépit du cadre rigide dans lequel se déroulait la conception lors de la phase initiale du PSSA, les autorités nationales savaient apporter les assouplissements nécessaires lorsque les questions liées à la sécurité alimentaire méritaient de recevoir la priorité à l'échelle nationale. Au niveau local, le degré de participation, et notamment la place faite aux femmes, dépendait de l'orientation politique générale du pays, mais aussi de la culture administrative des organisations impliquées et des conditions socio-culturelles au niveau local. Dans quelques pays, l'analyse des contraintes a permis une participation locale limitée à la conception, mais surtout au réaménagement d'activités déjà mises en œuvre dans une certaine mesure. En Équateur, on est allé au-delà de l'établissement d'une simple liste de contraintes, en recourant aux techniques d'analyse des atouts, points faibles, ouvertures et menaces pour réaménager et mettre en œuvre les initiatives du PSSA.

162. Les agriculteurs ont réussi, dans les pays à l'étude, à accentuer leur participation et à prendre en charge les activités PSSA, en empruntant quatre voies d'accès importantes:

163. Les organisations d'agriculteurs. La participation des organisations d'agriculteurs aux activités du PSSA au Sénégal devrait servir de référence pour le PSSA, y compris dans les pays où les organisations d'agriculteurs ont moins de poids. La FAO devrait encourager et appuyer le débat sur ce modèle, dans la sous-région et dans l'ensemble des sous-régions. Dès le lancement du Programme, une responsabilité opérationnelle totale a été dévolue aux deux organisations d'agriculteurs du niveau sous-régional: L'Union des Jeunes Agriculteurs de Koli Wirndé (UJAK) dans la vallée du fleuve Sénégal, et le Comité d'Action pour le Département du Fogny (CADEF) en Casamance inférieure ; les deux organisations appartiennent à la Fédération Nationale des Organisations Non-Gouvernementales du Sénégal (FONGS). Avec l'expansion du programme à de nouveaux sites, la responsabilité de son fonctionnement et de sa gestion financière a été transmise au groupe opérationnel et technique ASPRODEB/AGEP (Association Sénégalaise pour la Promotion de Petits Projets à la Base/Agence d'Exécution des Projets) émanant de l'organisation fédérative, le CNCR (Conseil National de Concertation et de Coopération des Ruraux), qui regroupe 19 fédérations. Les organisations elles-mêmes, au niveau de la base, ont formulé des micro-projets et des activités, en consultation avec les autorités locales et conformément aux lignes directrices générales du PSSA; ces micro-projets étaient ensuite examinés au niveau régional avant d'être soumis à un comité d'approbation national comprenant des représentants du Ministère de l'agriculture, du Ministère des finances, du Conseil national de la sécurité alimentaire appartenant au Bureau du Premier Ministre et de l'ASPRODEB ainsi que de la FAO. Il faut féliciter les autorités d'avoir placé entre les mains des organisations d'agriculteurs la responsabilité de formuler et d'exécuter les projets. Cette démarche doit être reprise ailleurs dans toute la mesure possible, à condition, comme nous le disions précédemment, que la FAO sache résister à la tentation de s'ingérer dans la définition des besoins.

164. Les groupements/associations d'agriculteurs. Outre le cas unique de recours aux organisations d'agriculteurs au Sénégal, le PSSA a su faire un usage judicieux des associations/groupements d'agriculteurs dans de nombreux pays, non seulement comme moyen d'amélioration de l'efficacité grâce à une concentration des activités sur un nombre défini d'agriculteurs avec intensification chronologique et géographique des efforts, mais également comme moyen d'habiliter les agriculteurs à se prendre en charge et d'obtenir leur aide pour l'amélioration de l'impact et de l'effet multiplicateur des activités du PSSA par la diffusion d'initiatives prometteuses. Dans certains pays (Équateur et Haïti), les associations/groupements d'agriculteurs à l'échelon communautaire ou appartenant aux associations d'utilisateurs d'eau des canaux secondaires disposent de représentants dans les comités centraux d'agriculteurs mis sur pied par le PSSA, lesquels jouent, pour l'essentiel, un rôle de coordination et de supervision pour les comités d'agriculteurs opérant dans une région donnée, tout en représentant leurs intérêts lors des contacts avec les organisations extérieures. À n'en pas douter, ces organismes continuent de jouer un rôle important, notamment dans l'atténuation des conflits liés à l'accès à l'eau, ou en fournissant, entre autres initiatives, un modus operandi pour la création de magasins de fourniture d'intrants agricoles à propriété collective. L'Équipe chargée de l'évaluation appuie vigoureusement le recours intensif aux associations/groupements d'agriculteurs pour l'organisation et la mise en œuvre d'activités liées au PSSA, mais souligne aussi qu'il importe de bien comprendre lorsque ce recours n'est pas justifié par la situation. Citons, à ce propos, deux exemples spécifiques:

    1. il importe de reconnaître dans quelles circonstances les activités de groupe au niveau communal sont susceptibles, ou non, de donner de bons résultats. À titre d'exemple, en Bolivie, on s'est efforcé de lancer des parcelles de démonstration exploitées collectivement par des hommes, dans une région où ces derniers tendent à se montrer extrêmement individualistes en matière d'agriculture et de commercialisation. Il n'y a pas lieu de s'étonner que ces parcelles à exploitation collective n'aient pas été bien accueillies - ni rentables - si bien que le PSSA a finalement eu recours à des parcelles de démonstration exploitées individuellement;
    2. il importe que les groupes puissent trouver une bonne raison de rester unis, par exemple lorsqu'ils se lancent dans une activité qui nécessite une action collective ou en bénéficient, et qu'il s'agit notamment d'assurer l'accès équitable à une ressource dont la propriété est commune, l'eau par exemple. De la sorte, lorsque le PSSA encourage la constitution d'un groupement ou d'une association, il est important de réfléchir à la durabilité potentielle de tels groupes. Ainsi, dans la région de Portoviejo en Équateur, on a vu se constituer, dans le cadre du PSSA, des groupements/associations d'agriculteurs n'ayant que peu de chances de survivre à présent que le financement extérieur est interrompu. Il aurait été plus cohérent de recourir aux associations d'utilisateurs de l'eau ayant des chances de poursuivre leurs activités, ce qui aurait aidé à perpétuer certaines des initiatives liées au PSSA telles que l'enseignement collectif et les activités lancées par des groupes.

165. Les écoles pratiques d'agriculture. Les écoles pratiques d'agriculture du Cambodge et de la Zambie illustrent très bien la façon dont les agriculteurs peuvent choisir parmi les options qui leur sont offertes en fonction de leurs besoins et de leurs capacités. Dans de telles circonstances, le rôle des agents de vulgarisation consiste à faciliter l'acquisition de connaissances; ces agents, plutôt que de contribuer à diffuser des messages de vulgarisation élaborés par l'autorité centrale, sont directement en prise avec des problèmes locaux apparus au cours de l'analyse effectuée par l'école pratique d'agriculture. Rappelons que les participants aux écoles pratiques d'agriculture, dont l'effectif est de 25 à 30 personnes, se réunissent régulièrement tout au long de la campagne, depuis la préparation des champs jusqu'à la récolte, afin de se renseigner sur les différentes activités et d'établir la manière de gérer les activités sélectionnées. Au Cambodge, les femmes ont activement participé aux écoles d'agriculture et ont déclaré clairement que, pour elles, les connaissances acquises, outre le fait qu'elles bénéficient à leurs activités, ne manquent pas d'améliorer leur statut social.

166. Les associations d'utilisateurs de l'eau. En dépit du fait qu'il existe, dans les pays à l'étude, une certaine maîtrise de l'utilisation de l'eau avant même le lancement du PSSA, celui-ci a joué un rôle important de promotion et d'amélioration de l'efficacité de l'approche, tout en aidant à son introduction dans d'autres pays. Cette stratégie est en harmonie avec la philosophie qui prévaut actuellement en matière de développement, à savoir restituer aux communautés locales la responsabilité de la gestion des ressources qui sont la propriété commune. S'agissant de l'eau, grâce à l'appui apporté par le PSSA à la formation en matière de gestion et de résolution des conflits, la responsabilité des agriculteurs pour ce qui est de son allocation et de sa distribution est encouragée par les associations d'utilisateurs de l'eau au niveau local. Dans plusieurs pays, le PSSA a introduit ces associations comme moyen permettant de garantir la propriété locale des structures d'irrigation et de drainage, tout en assurant la participation à leur fonctionnement et à leur entretien. La durabilité de ces associations d'utilisateurs de l'eau dépend du paiement ponctuel du droit d'utilisation de l'eau et de la constitution de fonds suffisants pour l'entretien et les réparations. En outre, les membres des associations sont formés à ne plus compter sur les financements publics pour de telles activités, tout en se familiarisant avec le déroulement des projets de remise en état. On en trouve le meilleur exemple au Cambodge, où les agriculteurs, en raison des difficultés auxquelles ils ont été exposés, n'ont pas une culture de dépendance. Cependant, l'encouragement de ce genre d'initiative "collective" ne doit pas négliger certains aspects importants, dont nous proposons ci-dessous trois exemples:

    1. il faut veiller à ne pas réprimer l'expression individuelle. Ainsi, en Zambie, il a fallu tenir compte de la préférence pour les pompes à eau individuelles lors des activités intéressant les utilisateurs de l'eau;
    2. on a observé, de la part du PSSA, une tendance à laisser les questions tenant au régime foncier à l'arrière-plan et à éviter de les affronter. Ainsi, au Bangladesh, où les propriétaires terriens, les fermiers et les métayers cultivent la terre côte à côte dans les mêmes périmètres irrigués, et où les propriétaires de surfaces relativement importantes ainsi que puits instantanés tendent à dominer les associations d'utilisateurs de l'eau, les questions qui se posent sont non seulement techniques et axées sur les rendements, mais aussi liées à la rentabilité, au partage des coûts et des avantages, à l'incidence du régime foncier et aux rapports de force;
    3. le rôle des femmes tend à être plutôt limité au sein des associations d'utilisateurs de l'eau, qui sont généralement dominées par les hommes.

5.4.2.2 Les services de vulgarisation et d'irrigation

167. Les services de vulgarisation et autres services de soutien, qui appartiennent en grande partie au secteur public, ont jusqu'à une date récente joué un rôle décisif dans la promotion du développement. Cependant, au cours de la dernière décennie environ, deux changements fondamentaux sont intervenus dans l'approche au développement: la réduction des services gouvernementaux et la tendance à la décentralisation des initiatives de développement, accompagnées par les encouragements donnés à la prise de responsabilité au niveau local. Le PSSA a été influencé par cette évolution des paradigmes et, comme nous l'indiquons dans la sous-section précédente, il a réagi de façon constructive. Deux institutions parrainées par le gouvernement se sont trouvées prises dans ce mouvement et directement influencées par cette évolution, à savoir les services de vulgarisation et les services liés à l'irrigation. Nous donnons, dans les paragraphes suivants, une illustration de la manière dont ces changements ont affecté le fonctionnement et l'efficacité des activités du PSSA.

168. Les systèmes de vulgarisation. Les agents de vulgarisation relevant du gouvernement sont invités à adopter une approche moins directive et plus participative. Cependant, on observe souvent dans les rangs des agents de vulgarisation une résistance spontanée, notamment due au fait que les agriculteurs tendent à gérer de façon intuitive des contextes de production complexes, tandis que les agents de vulgarisation sont formés de manière plus fragmentée et linéaire, tendant à privilégier massivement l'optimisation des rendements au détriment de l'analyse de la gestion de l'exploitation. Dans l'un des pays qu'elle a visités, l'Équipe chargée de l'évaluation a observé que les agents de vulgarisation acceptaient que les agriculteurs ne suivent pas tous leurs conseils, et cela pour d'excellentes raisons d'ordre économique. Cependant, ces mêmes agents de vulgarisation avaient une attitude nettement "hiérarchique" quant à l'application des recommandations, sans se poser suffisamment eux-mêmes la question de leur validité - par exemple les recommandations concernant l'utilisation des engrais - face à l'évolution des prix et des subventions, et à la lumière des paramètres locaux. L'Équipe chargée de l'évaluation a donc observé, de la part de certains agents de vulgarisation détachés dans le cadre des écoles pratiques d'agriculture, une certaine orientation ou approche "hiérarchique". Il est indubitable que, dans certains cas, cette tendance a été renforcée par les barrières linguistiques et culturelles, qui rendent plus difficile, même lorsqu'elle est souhaitable, l'application d'approches participatives.

169. Les services d'irrigation. Compte tenu de l'évolution des paradigmes mentionnés plus haut, la culture technique qui avait dominé la plupart des services d'irrigation relevant de l'État a dû évoluer. Ces services ont été contraints de se défaire du contrôle des projets au profit des communautés et des associations locales et, partant, de se montrer beaucoup plus sensibles aux questions relevant de la participation locale. Les services intéressés ont dû accorder davantage d'attention aux questions liées à l'efficacité de l'utilisation de l'eau, plutôt qu'aux systèmes d'adduction en tant que tels. Dans certains des pays à l'étude, le PSSA a contribué à faciliter ce recentrage.

5.4.2.3 Le recours aux subventions

170. Deux modalités s'offrent au PSSA pour faire un large usage des subventions, à savoir par le biais de la fourniture gratuite d'intrants et de services de commercialisation aux agriculteurs participants, et par la fourniture d'intrants à des prix et à des taux d'intérêts subventionnés.

171. La fourniture d'intrants et de débouchés commerciaux. Dans le passé, les pouvoirs publics jouaient un rôle très actif de soutien à la distribution des intrants et à la commercialisation des produits. Malheureusement, le secteur privé n'a pas réussi, de manière générale, à combler le vide laissé par les pouvoirs publics lorsqu'ils ont cessé de fournir de tels services. Le PSSA, par le truchement, entre autres, des financements de TeleFood, a parfois contribué à combler cette lacune en appuyant différents types d'initiatives de groupements d'agriculteurs. Ainsi, lorsque les mises de fonds exigées des agriculteurs sont substantielles, les agriculteurs engagés dans les démonstrations bénéficient d'une distribution gratuite d'intrants. C'est le cas, entre autres, pour les structures d'irrigation; les immobilisations sous forme d'équipements, qui représentent de 30 à 60 pour cent de l'investissement total, sont fournies gratuitement; le reste est constitué par la contribution en espèces des agriculteurs pour se fournir en produits locaux tels que le sable et la pierre, ou encore pour l'obtention de main-d'œuvre. Il est fréquent que les intrants soient également fournis de manière gratuite dans le cadre de la composante d'intensification, pour l'achat d'outils agricoles et d'équipements d'après-récolte, et même pour l'acquisition à intervalles annuels de certains intrants tels que les engrais et les produits chimiques, notamment en Afrique de l'Ouest. L'Équipe chargée de l'évaluation considère que de tels dons aux agriculteurs vont à l'encontre des effets souhaités, et notamment de la durabilité à long terme du projet. Elle recommande, au contraire, que tous les intrants, y compris les immobilisations en capital, soient obtenus par le biais d'un crédit. Ainsi, tous les agriculteurs, y compris ceux engagés dans les démonstrations, devront prendre la décision d'accepter ou non le risque représenté par la nouvelle technologie. Rien n'empêche, bien entendu, d'incorporer un mécanisme "d'assurance" approprié à ces activités pilotes en indemnisant les agriculteurs qui, sans être mis en cause, ont davantage subi de pertes qu'ils n'ont retiré de bénéfices du fait du PSSA.

172. La fourniture de crédits. Comme nous le disons plus haut, l'Équipe chargée de l'évaluation n'est pas favorable à l'octroi de dons. Toutefois, un dilemme se pose lorsque les agriculteurs ne disposent pas de liquidités leur permettant d'effectuer les investissements nécessaires et qu'il n'existe, par ailleurs, aucune forme de crédit institutionnel. En conséquence, dans les pays à l'étude, le PSSA a souvent fourni lui-même le crédit, à titre tant individuel que collectif. Bien qu'il soit difficile de se prononcer de façon tranchée sur l'efficacité de tels efforts, les entretiens assortis à la documentation limitée disponible, autorisent à penser que:

173. Le subventionnement des programmes de crédit du PSSA découle de deux éléments: un prix d'achat ou de vente inférieur au marché (Haïti, Érythrée), ainsi qu'un taux d'intérêt inférieur au cours habituel, ce qui est toujours le cas. Les prix subventionnés des intrants en Érythrée et en Haïti résultent de la fourniture d'engrais et d'intrants par des donateurs étrangers au gouvernement, lequel les transmet à tous les agriculteurs. Dans cette hypothèse, l'Équipe chargée de l'évaluation reconnaît qu'il serait virtuellement impossible à un projet tel que le PSSA de ne pas fournir d'intrants aux agriculteurs intéressés à des prix subventionnés. Cependant, il convient d'utiliser toujours le "vrai prix du marché" pour effectuer des analyses de sensibilité des résultats lors de l'appréciation de la viabilité économique des technologies testées5.

174. Il existe actuellement, parmi les praticiens du développement rural, un débat animé quant à l'utilisation de taux d'intérêt subventionnés. Tandis que les économistes classiques, au nombre desquels la plupart des organismes d'aide multilatérale, continuent de soutenir qu'il n'y a pas lieu d'accorder de tels subventions car elles risquent de créer une distorsion des marchés privés du crédit, un nombre croissant d'économistes soutiennent que ces subventions trouvent leur justification dans l'inefficacité du marché, lequel tend à pousser les taux d'intérêt privés au-delà des niveaux d'équilibre, sans parler de la grave pénurie de crédits que l'on observe dans la plupart des régions rurales, malgré les progrès accomplis dans la création d'institution de micro-crédits dans de nombreux pays en développement. L'Équipe chargée de l'évaluation pense que les taux d'intérêt subventionnés peuvent se justifier pour un projet du type PSSA lorsque celui-ci s'inscrit dans la politique nationale.

175. En règle générale, le crédit était accordé directement par le projet, alors que l'Équipe chargée de l'évaluation considère qu'il est préférable qu'il soit canalisé par le truchement d'organismes financiers appropriés. L'Équipe chargée de l'évaluation appuie la notion de responsabilité collective en matière de crédit; toutefois, elle craint que le PSSA n'ait pas, de manière générale, rattaché la notion d'épargne obligatoire à celle de micro-crédit. Par ailleurs, le succès limité du PSSA en matière d'initiative de crédit représente un point faible, car non seulement les perspectives de durabilité des résultats obtenus sur les sites sélectionnés s'en trouvent hypothéquées, mais en outre, cette faiblesse limite la propagation des ensembles technologiques et des mécanismes institutionnels promus par le projet aux ménages agricoles défavorisés dans des régions où les institutions financières sont rudimentaires, voire inexistantes. Il conviendra, dans l'avenir, de développer des coopératives de crédit autogérées en partenariat avec des organismes nationaux et internationaux disposant de savoir-faire et de ressources en matière d'épargne et de crédit. L'Équipe chargée de l'évaluation considère qu'il s'agit là d'une composante critique de la stratégie d'atténuation de l'insécurité alimentaire, notamment au niveau du ménage.

5.5 Les résultats obtenus en matière d'opérations pilotes de terrain

176. Étant donné que les différentes composantes de production du PSSA (gestion de l'eau, intensification et diversification, par exemple) étaient parfois entreprises ensemble, il est difficile d'en isoler les résultats respectifs, notamment en ce qui a trait aux activités de gestion de l'eau et d'intensification. C'est pourquoi, dans cette section, nous analysons ces résultats sous forme agrégée, tout en nous efforçant de les distinguer lorsque les circonstances s'y prêtent, de manière à en illustrer l'impact individuel.

5.5.1 L'adoption des technologies améliorées faisant l'objet de démonstration

177. S'agissant d'un programme tel que le PSSA, qui vise à inciter les agriculteurs à adopter des technologies améliorées par le biais de démonstrations à un groupe restreint, d'agriculteurs, il est possible de distinguer quatre catégories d'adeptes:

    1. durant la phase de mise en œuvre du projet, les agriculteurs qui ont été informés des technologies promues, par exemple dans les écoles pratiques d'agriculture, et qui décident de les appliquer dans leur exploitation;
    2. durant la phase de mise en œuvre du projet, les agriculteurs non participants qui décident d'utiliser ces technologies;
    3. une fois la phase de mise en œuvre du projet achevée, les agriculteurs participant au projet qui continuent d'utiliser les technologies;
    4. une fois la mise en œuvre du projet achevée, les agriculteurs non participants qui décident d'utiliser les technologies.

178. Il n'existe pas de relevé systématique du degré d'adoption des technologies ayant fait l'objet de démonstrations par le PSSA, du fait que ce dernier n'a pas recueilli de façon méthodique des informations, mais aussi parce que de nombreux projets sont encore en phase d'exécution, ou n'ont pris fin que récemment. C'est pourquoi l'Équipe chargée de l'évaluation a dû se former une impression à partir d'entrevues avec les intéressés au cours de ses visites de terrain. Il conviendrait toutefois que le PSSA s'efforce de réunir, de façon systématique, les éléments témoignant du degré d'adoption de ces technologies, en s'appuyant sur les quatre catégories d'adeptes illustrées plus haut.

179. L'Équipe chargée de l'évaluation a pu constater l'existence de la première catégorie d'adeptes dans au moins trois pays, à savoir:

180. Dans de nombreux autres pays visités, les agriculteurs ont indiqué que les sessions de formation avaient été pour eux riches d'enseignements. Cependant, de manière générale, l'Équipe chargée de l'évaluation a constaté que rares étaient les agriculteurs qui, n'ayant pas reçu d'intrants de la part du projet, avaient les moyens ou la volonté de mettre en pratique ce qu'ils avaient appris, car ils ne pouvaient "se permettre" d'acheter les intrants nécessaires. Cette observation vaut particulièrement lorsque d'importantes immobilisations en capital sont nécessaires, par exemple pour l'amélioration de systèmes d'irrigation et de gestion de l'eau ou pour l'achat d'équipements de préparation des sols ou d'après-récolte. En outre, l'absence ou l'insuffisance de débouchés commerciaux entrave de façon évidente l'adoption des méthodes proposées (par exemple pour le Nuoc nam au Sénégal).

181. Bien que l'Équipe chargée de l'évaluation ait, à quelques reprises, recueilli des déclarations selon lesquelles il existait des cas d'adeptes du deuxième type, ces affirmations n'ont pas été corroborées. Cependant, il importe de souligner que ce genre d'adoption est facilitée par la composante irrigation du PSSA. Les agriculteurs qui n'ont pas participé directement aux activités du projet peuvent avoir bénéficié d'une augmentation de la fourniture d'eau, par suite de l'amélioration des systèmes d'irrigation, y compris sous la forme d'une utilisation plus efficace de l'eau par les agriculteurs intéressés au projet. Ces derniers peuvent alors être davantage enclins à intensifier ou à diversifier leurs systèmes de production selon des méthodes proches de celles préconisées par le PSSA.

182. La présence d'adeptes de la troisième et de la quatrième catégories a été observée en Zambie, où les activités du projet ont officiellement été clôturées en 1998, de même qu'en Afrique de l'Ouest. L'Équipe chargée de l'évaluation a observé que les agriculteurs adoptent les technologies ayant fait la preuve qu'elles sont viables même sans subvention du projet. À titre d'exemple:

5.5.2 Incidence sur la sécurité alimentaire des ménages

183. En règle générale, le nombre de ménages directement affectés par les activités de terrain du PSSA est demeuré limité à quelques centaines (voir Annexe 3). Ce chiffre peu élevé s'explique par le fait que dans aucun pays, à l'exception du Sénégal, le PSSA n'est allé au-delà de la phase pilote.

184. Les démonstrations de méthodes nouvelles ont débouché, dans leur quasi-totalité, sur des augmentations marquées du rendement des cultures. Cependant, comme nous l'observons plus haut, il y a lieu de souligner que dans de nombreux cas, ces méthodes avaient déjà fait l'objet de démonstrations dans les pays concernés et que les technologies soumises à démonstration ne proposaient que rarement d'authentiques innovations. En outre, dans quelques cas - par exemple lorsque des combinaisons erronées d'engrais ont été utilisées pour le riz irrigué, en Haïti - les gains de productivité ont été minimes relativement aux pratiques antérieures des agriculteurs.

185. Hormis leur contribution aux augmentations de rendement et de production des cultures liées à la composante d'intensification, les activités d'irrigation comportant des investissements au niveau des structures et un renforcement des organisations d'utilisateurs d'eau ont contribué à augmenter l'approvisionnement en eau des exploitations au cours de la saison sèche, grâce, d'une part, à l'augmentation de la prise d'eau et, d'autre part, à une utilisation plus efficace. En conséquence, les agriculteurs participants ont augmenté leurs emblavures parallèlement à une intensification de culture, passant, par exemple, de deux à trois récoltes par an dans le nord d'Haïti; en outre, du fait de la diversification, ils se sont mis à cultiver des légumes de deuxième campagne (Bangladesh, Tanzanie), et à pratiquer l'aquaculture (Cambodge, Chine). Tous ces facteurs devraient entraîner une augmentation du revenu des ménages concernés.

186. Bien que l'on ne dispose pas de calculs systématiques illustrant les avantages financiers et économiques des technologies soumises à démonstration, il est indubitable que, dans la plupart des cas, les agriculteurs impliqués dans les démonstrations tout au moins, ont vu augmenter leur revenu familial grâce aux améliorations de rendement mais également aux subventions que représente la fourniture d'intrants - ce dernier facteur ayant joué un grand rôle dans le cas des agriculteurs impliqués dans les démonstrations de systèmes d'irrigation. Précisons toutefois que, pour ces derniers, se pose la question de la durabilité étant donné que les intrants, comme les subventions, les crédits et le soutien technique, risquent de venir à manquer. Comme l'a déjà indiqué l'Équipe chargée de l'évaluation, les éléments concrets témoignant d'une adoption des méthodes promues par les agriculteurs non impliqués dans les démonstrations, ou d'avantages économiques et financiers qu'ils en auraient retiré, sont demeurés rares et peu probants.

187. Dans certains cas, les agriculteurs ont déclaré que l'augmentation marquée des rendements ne s'était pas traduite par une augmentation correspondante du revenu du ménage. À titre d'exemple:

188. La composante de diversification a eu des effets particulièrement ramifiés sur la sécurité alimentaire des ménages. Ainsi, les ménages bénéficiaires ont pu améliorer leur sécurité alimentaire grâce à une progression de leurs revenus provenant de la vente de leurs produits; mais cette amélioration devait se faire également de façon directe, grâce à une meilleure nutrition des groupes vulnérables, notamment les femmes et les enfants, qui ont pu consommer davantage d'aliments riches en protéines tels que le blé, les œufs et les légumes.

5.5.3 L'incidence sur la parité hommes-femmes

189. L'Équipe chargée de l'évaluation a pu observer que, dans certains cas, les femmes tiraient nettement profit des activités du PSSA, notamment celles se rattachant à la composante de diversification et dont nous donnons ci-dessous quelques exemples:

190. En dépit des exemples ci-dessous, l'Équipe chargée de l'évaluation reste convaincue que le PSSA n'a pas accompli un effort délibéré pour intégrer de façon explicite la parité hommes-femmes à ses programmes et à ses projets de niveau national. Le Plan d'action parité hommes-femmes et développement récemment adopté par la FAO pour la période 2002-2007 présente un cadre adéquat pour l'intégration de la parité hommes-femmes au PSSA. Prenant appui sur la mission de la FAO qui consiste à promouvoir un monde libéré de l'insécurité alimentaire, ce Plan d'action vise à éliminer les obstacles à la participation égale et active des hommes et des femmes au développement agricole et rural, dans une optique de partage équitable. Ce Plan souligne qu'il est essentiel de parvenir à un partenariat transformé, basé sur l'égalité entre les sexes, car il s'agit d'une condition essentielle d'un développement agricole et rural durable et à dimension humaine. Trois objectifs du Plan d'action sont particulièrement pertinents à la réalisation des objectifs PSSA: a) promouvoir l'égalité entre hommes et femmes pour l'accès à une alimentation suffisante, saine et adéquate au plan nutritionnel; b) promouvoir l'égalité entre hommes et femmes pour l'accès aux ressources naturelles, leur maîtrise et leur gestion, de même qu'aux services de soutien agricole; et c) promouvoir l'égalité entre les sexes dans les processus d'élaboration des politiques et les prises de décisions à tous les niveaux dans les secteurs agricole et rural.

5.5.4 Incidence sur les groupes vulnérables

191. Comme nous l'indiquons plus haut (voir Section 5.1.2), les critères de sélection des sites pour le PSSA ont joué en faveur de régions où ne se trouvait pas la plus forte densité de ménages ruraux les plus vulnérables et les plus exposés à l'insécurité alimentaire. Même dans les régions à fort potentiel où ont été lancé les projets, les activités de PSSA n'ont pas ciblé de façon particulière les groupes vulnérables -par exemple, les travailleurs sans terre. En conséquence, l'Équipe chargée de l'évaluation considère que le PSSA n'a eu qu'un effet minime sur les groupes vulnérables des pays concernés. Elle n'a relevé qu'un seul cas (le Bangladesh) où l'on pourrait avancer que le PSSA a eu un effet positif sur les groupes vulnérables : certains agriculteurs ont indiqué que le salaire journalier versé durant la saison du repiquage avait augmenté de façon marquée par suite des activités d'intensification du PSSA, avec, peut-être, un renforcement supplémentaire dû à l'augmentation des emblavures par les associations d'utilisateurs d'eau (voir Sections 5.4.2.1 et 5.5.5). De telles augmentations de salaire bénéficient de façon directe aux travailleurs sans terre.

5.5.5 Conséquences aux niveaux de la communauté, de la région et du pays

192. Comme on l'a vu plus haut, la proportion des ménages ruraux bénéficiant des activités du PSSA dans tous les pays à l'étude est demeurée très restreinte. En conséquence, le programme n'a eu qu'un impact limité sur la sécurité alimentaire des communautés, et pratiquement inexistant au niveau régional ou national. L'Équipe chargée de l'évaluation a pu toutefois discerner certains effets, au niveau communautaire, dans quelques-uns des pays visités. En voici quelques exemples:

193. Enfin, étant donné que les activités de mise en valeur des ressources humaines du PSSA telles que les écoles pratiques d'agriculture, les journées de mise en pratique sur le terrain et les autres activités de formation intéressaient, en règle générale, d'autres agriculteurs que ceux directement associés aux démonstrations, on peut penser que certains effets, même modestes, se sont produits aux niveaux communautaire, régional ou même national. Dans les cas où ces activités seront institutionnalisées dans le cadre de programmes de vulgarisation réguliers - tels que les écoles pratiques d'agriculture en Zambie et au Cambodge - l'impact en sera probablement potentialisé.

 

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5 Comme nous l'indiquons plus haut (Section 5.3.3), une telle analyse économique manque de façon flagrante dans les pays à l’étude.

 

 


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