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4. Participation du PNUE à la lutte contre la désertification par le boisement et le reboisement

La civilisation urbaine industrielle moderne, l'agriculture et l'utilisation des forêts, de l'eau et des ressources minérales ont provoqué de profonds changements dans la biosphère et dans les sols. Le couvert forestier de la terre a été réduit d'au moins 60 à 65% par rapport à l'ère préhistorique. Plus de 11 millions d'hectares de forêts (7,5 millions d'ha de forêts denses et 3,8 millions d'ha de forêts claires) ont été défrichés et convertis chaque année à d'autres usages, principalement agricoles (FAO, Rome). Des territoires auparavant boisés sont devenus des prairies.

Les campagnes menées contre la désertification au cours de ces dernières années depuis l'UNCOD (2) ont abouti à un certain nombre de réussites notables en matière de fixation des dunes, de boisement et de reboisement.

(2) Conférence des Nations Unies sur la désertification.

Une caractéristique importante de la suite donnée au PACD dans la région soudano-sahélienne, qui est peut-être la région du monde la plus gravement touchée par la désertification, a été la mise en place de dispositifs spéciaux prévoyant que le BNUS contribuerait au nom du PNUE à l'exécution du plan d'action. Les diverses activités menées par le BNUS lui ont permis d'identifier et d'élaborer avec les gouvernements de la région des projets de lutte contre la désertification. Ces projets portent notamment sur la fixation des dunes de sable, le reboisement, la création au niveau du village de petits peuplements forestiers pour l'approvisionnement en bois de feu, l'aménagement de parcours et l'approvisionnement en eau, la surveillance, la formation, la planification et une évaluation plus générale de l'aménagement des ressources.

Nous citerons ici à titre d'exemple des projets suivants qui ont tous reçu une aide par l'intermédiaire du Groupe consultatif de la lutte contre la désertification (DESCON).

DESCON 2/15:

Éthiopie: remise en état de terres forestières, de pâturage et agricoles (en cours; mise en oeuvre active et effective dans les domaines de la conservation du sol et de l'eau et de la remise en valeur de terres dégradées).

2/19:

Kenya: soutien à la composante forestière du projet d'irrigation de Bura.

2/23:

Niamey: ceinture verte autour de la ville (en cours - le BNUS mobilise des ressources supplémentaires pour permettre au gouvernement de poursuivre les activités de plantation)

2/26:

Sénégal: programme intégré de fixation des dunes sur le littoral nord et protection des jardins maraîchers adjacents.

2/29:

Soudan: replantation de la gommerais du Soudan et soutien à la National Desertification Control Coordinating and Monitoring Unit du pays (terminé en mai 1984). La deuxième phase doit avoir lieu dans la province de Darfur.

3/8:

Burkina Faso: études et boisement intégré au niveau du village et de la famille dans les régions de Sapone, Komsilga, Zamze, Dagouma et Nobere (en cours).

4/11:

Éthiopie: création de plantations de bois de feu pour les villes de Dese, Debre Birham, Nazret et Dire Dawa (le BNUS mobilise des ressources pour permettre un financement complet du programme pour toutes les villes)

4/14A:

Mauritanie: programme régional de fixation des dunes et de prévention de leur formation (en cours depuis le début de 1983).

4/14B:

Somalie: programme régional de fixation des dunes et de prévention de leur formation, Composante somalienne (en cours depuis 1984).

4/14C:

Soudan: programme régional de fixation des dunes et de prévention de leur formation, Composante soudanaise (resoumise à DESCON 5).

Le BNUS fournit aussi une aide pour l'élaboration de plans directeurs énergétiques prévoyant une utilisation optimale du bois de feu. Les solutions pourraient consister en des poêles simples mais efficaces, des combustibles de remplacement (par exemple biogaz, bagasse, charbon de bois), des poêles solaires et des programmes de production de bois de feu et de charbon de bois respectueux de l'environnement. Un projet en cours important est celui de la "Ceinture verte" transnationale dans le nord de l'Afrique. C'est le PNUE qui a été chargé de constituer un comité conjoint permanent pour organiser la mise en place de la Ceinture verte. Il s'agit d'une mosaïque d'activités comprenant la protection des zones forestières existantes, le boisement, le reboisement, la fixation des dunes, la production agricole avec des techniques appropriées de culture en sec et irriguée, de pâturage contrôlé, etc.

L'une des principales activités de lutte contre la désertification est constituée par les projets FAO/PNUE relatifs à l'aménagement écologique des parcours arides et semi-arides d'Afrique, du Proche-Orient et du Moyen-Orient (EMASAR) Le principal objectif du programme est de développer et d'améliorer les terres de pâturage arides et semi-arides. Il a démontré que l'on pouvait améliorer les parcours en remédiant aux déficits annuels d'alimentation animale par la plantation d'arbustes et d'arbres fourragers et par la rotation des pâturages et des cultures lorsque la pluviométrie est suffisante.

Le Projet intégré des terres arides (IPAL) a été lancé en 1976 par l'Unesco (dans le cadre du MAB) en coopération avec le PNUE, étant donné l'importance des terres arides au nord du Kenya à la fois pour le soutien de la population autochtone et de l'économie dans son ensemble et parce que ces terres sont gravement menacées par la désertification en raison d'une mauvaise utilisation. Afin d'obtenir les données nécessaires pour la gestion future du peuplement forestier et pour empêcher en particulier la poursuite de sa raréfaction et lui assurer une production durable et suffisante pour répondre aux besoins de la population humaine et animale, l'IPAL a fait des recherches selon quatre lignes directrices. La première concerne la mesure de la biomasse et de la production des principales communautés de forêts claires; la deuxième l'établissement d'une base de départ pour un programme de surveillance des tendances de la population d'arbres; la troisième la mesure des besoins humains en bois; la quatrième enfin la production et la consommation de broutilles pour le cheptel.

Le PNUE a contribué au financement d'un deuxième projet IPAL en Tunisie lancé en 1978. L'un des trois buts principaux de ce projet est de traiter le problème de la régénération des espèces végétales à utiliser pour la fixation des dunes.

Le PNUE a envoyé des missions auprès des gouvernements, à leur demande, pour les aider à élaborer des plans nationaux de lutte contre la désertification et à identifier dans ce domaine des projets hautement prioritaires comprenant une activité de foresterie. Le projet de "Ceinture verte autour de la ville de Niamey" par exemple, qui est actuellement en cours, aidera à lutter contre la désertification due à des coupes excessives de bois autour de la ville. Parmi les récents projets, on peut citer le "Projet pilote de vulgarisation et de sensibilisation à la lutte contre la désertification dans le périmètre de Bir Lahmar" qui vise à développer des zones protégées pour la régénération naturelle de la végétation dans une zone de Tunisie.

Compte tenu des connaissances scientifiques et de l'expérience pratique acquise ces dix dernières années en matière d'agriculture tropicale, de foresterie, d'écologie, de science des sols et de socio-économie rurale, le PNUEA a reconnu qu'il était nécessaire d'accorder une priorité à de nouvelles approches de la mise en valeur des terres, telles que l'agro-foresterie, qui doivent constituer une partie importante et intégrante de la lutte contre la désertification. Au moins une douzaine de réunions internationales sur l'agro-foresterie auxquelles le PNUE a participé ont eu lieu depuis 1977. La valeur attribuée à l'approche de l'agro-foresterie se traduit par les résolutions et les recommandations votées aux grandes conférences des Nations Unies tenues ces dernières années telles que l'UNCOD, 1977; le Congrès forestier mondial de la FAO, 1978; la Session spéciale du PNUE, 1982.

5. Contraintes dans l'exécution du plan d'action pour lutter contre la désertification dans le domaine de la foresterie

L'évaluation générale de l'exécution du Plan d'action au cours des six années 1978 à 1984 a montré que la désertification avait continué de s'étendre et de s'intensifier et que l'ampleur et l'urgence du problème restaient les mêmes que celles constatées à l'UNCOD de 1977. L'exécution du PACD dans le domaine de la foresterie s'est heurtée aux contraintes suivantes:

a) Les investissements dans la foresterie (boisement, reboisement) ne sont généralement pas rentables immédiatement. Les dirigeants des pays veulent avoir rapidement une preuve visuelle de leur action, de sorte qu'ils affectent plus facilement les fonds d'aide et d'autres crédits à des structures telles que routes, barrages, périmètres d'irrigation, billons, bâtiments qui, tout en représentant des investissements importants pour la mise en valeur des ressources, sont accessoires par rapport à la tâche première qui est de stopper la désertification.

b) Le développement et l'utilisation continus des ressources naturelles, y compris les forêts, sont des entreprises à long terme. La pression des besoins immédiats et de l'endettement extérieur dans les pays en développement interdisent ces considérations à long terme.

c) Les régions arides sont souvent habitées par des populations nomades qui participent ou s'intéressent peu à des projets à long terme comme le boisement.

d) Il n'est pas rare qu'un gouvernement, qui consacre ses efforts à la mise en valeur des ressources, entre en conflit direct avec ceux qui tirent leurs moyens d'existence de la terre et l'on considère souvent les projets de boisement comme entrant en concurrence avec l'utilisation des terres pour la culture ou le pâturage.

6. Propositions d'action future

Compte tenu des recommandations en la matière du PACD, des résolutions de l'Assemblée générale ainsi que des décisions du Conseil des gouverneurs du PNUE mentionnées plus haut et compte tenu aussi évidemment des décisions en la matière des organes directeurs de la FAO et d'autres organisations soeurs intéressées, l'action future pourrait être axée selon les principes suivants:

Au niveau national

a) évaluation et surveillance du couvert végétal ligneux;
b) formulation et exécution de projets de foresterie nécessaires dans le pays dans le cadre d'un plan intégré;
c) formation adéquate et appropriée de la main-d'oeuvre.

Au niveau régional

a) création de réseaux régionaux pour le boisement en coopération avec les commissions régionales des Nations Unies afin de renforcer la coopération au plan régional dans trois principaux domaines:

- échange d'informations et d'expériences;
- programmes régionaux de formation;
- programmes de recherche en collaboration;

b) formulation et mise en place de programme régionaux de foresterie sur le terrain au niveau des ceintures vertes transnationales.

Au niveau international

a) plus grande coordination des activités relatives à la foresterie dans le cadre du système des Nations Unies par l'intermédiaire de l'IAWGD;

b) fourniture de crédits supplémentaires par des sources multilatérales pour les programmes et projets de foresterie et d'agro-foresterie.

3.6 Les systèmes pastoraux maghrébins et leur rôle dans la lutte contre la desertification


1. Introduction
2. Les parcours forestiers
3. Les problèmes des parcours maghrébins
4. Réhabilitation des parcours dans le cadre de la lutte contre la desertification
5. Conclusion
6. Références bibliographiques


par
ABDELMAJID EL HAMROUNI*

(*) Institut des Régions Arides - 4119 Médenine, Tunisie

1. Introduction

Près du tiers de la surface des continents est concerné par l'aridité et constitue les régions arides qui s'individualisent en:

- Régions hyperarides ou désertiques: (pluviométrie annuelle, inférieure à 100 mm) à végétation rare, maintenue seulement dans les lits d'oueds qui constituent des cours d'eau à écoulement temporaire. La vie humaine est représentée par le nomadisme mais aussi par le rassemblement autour des oasis. En Afrique du nord leur superficie est de 5 millions de km2 dont 10% constituent des parcours.

- Régions arides: (100 à 300 mm de pluie par an) où l'agriculture est surtout basée sur l'utilisation des eaux de ruissellement. La végétation spontanée est plus abondante que dans les régions désertiques et les parcours naturels sont en meilleur état. Dans les pays du Maghreb, leur superficie est d'environ 550 mille km2 dont 90% sont utilisés comme terres de parcours.

- Régions semi-arides: (300-500 mm de pluie par an) où l'agriculture est dominée par la céréaliculture et l'arboriculture en sec dont les rendements sont acceptables. Les pâturages, plus diversifiés, sont relativement plus productifs. Ils restent néanmoins sous la dépendance du régime irrégulier des pluies et subissent en même temps que les terres de culture une surcharge qui les appauvrit et les expose à l'érosion et à la désertification. Leur superficie représente 30% des 250 mille km2 qui forment les zones semi-arides nord-africaines.

Depuis le néolithique, les pays du nord de l'Afrique pratiquent un élevage extensif basé sur la transhumance et la vaine pâture. Cet élevage est à dominante bovine dans le Nord, ovine dans le Centre, alors que les parties méridionales constituent les territoires des caprins et des camelidés.

Les statistiques officielles donnent pour 1976 et pour les quatre pays du Maghreb, les chiffres suivants en millions de têtes (FAO 1976, dans Le Houérou 1980).

Pays

Bovins

Ovins

Caprins

Camelins

Maroc

3 650

14 300

1 940

210

Algérie

1 300

9 540

2 220

135

Tunisie

890

3 600

950

190

Libye

152

3 000

1 250

60

Totaux

5 992

30 440

6 360

595

Les troupeaux, à la recherche de leur nourriture n'épargnent ni les formations forestières, ni les chamaephytes de la steppe, ni la végétation de bordure des dépressions salées, "chotts ou sebkhats", ni enfin les espèces ligneuses désertiques.

Il convient de noter cependant, que la transhumance, mode d'exploitation des parcours naturels autrefois largement pratiquée, est en voie de disparition, et qu'une fixation de plus en plus accrue des pasteurs est entrain de s'effectuer. Cette tendance à la sédentarisation est souvent traduite par la conquête des terres de parcours pour des mises en valeur agricole et par le fractionnement des grands troupeaux en petites unités qui exercent une forte pression sur la végétation autour des lieux de regroupement de leurs propriétaires. Ces derniers, en voie de mutation, peu imprégnés des habitudes d'une société paysanne, n'ont pas encore abandonné les pratiques d'une société pastorale. Ils déboisent, défrichent et surexploitent l'espace rural dans lequel ils s'installent.

2. Les parcours forestiers


2.1 Forêts feuillues
2.2 Les forêts résineuses
2.3 Les parcours steppiques


Les formations forestières nord africaines peuvent prendre l'aspect de belles futaies régulières quand elles sont en bon état. Elles se présentent souvent, hélas, sous l'aspect de vulgaires broussailles de maquis et garrigues, qui en dérivent par dégradation.

Selon la FAO (1975, in Le Houérou 1980) la superficie en milliers d'hectares et la production ligneuse en milliers de mètres cubes se présentent comme suit:

Pays

Superficie 103 Ha

Bois rond (m3)

Bois de chauffage (m3)

Production totale (m3)

m3/Ha/an

Maroc

5 190

3 154

2 725

5 879

1,13

Algérie

2 424

1 486

1 295

2 781

1,15

Tunisie

1 000

1 818

1 725

3 543

4,22

Libye

534

462

400

862

1,61

Totaux

9 148

6 920

6 145

13 065


Quant à la production subéreuse, son évolution de 1947 à
1969 exprimée en tonnes, figure dans le tableau ci-après (SAMPAIO 1977, in L. Zaraïa 1981).

Pays

1947

1958

1969

Maroc

20 000

34 000

26 000

Algérie

40 000

45 000

17 460

Tunisie

5 500

6 500

8 650

Totaux

65 500

85 500

52 130

Du point de vue implantation humaine en forêt, les enquêtes effectuées en Tunisie font ressortir pour le secteur forestier du Nord, les caractéristiques suivantes:

- la densité de la population forestière est de 1 habitant/ha;
- les regroupements, du type "Douar", sont constitués de 2 à plus de 30 ménages avec une moyenne de 16 à 20;
- la moyenne par ménage est de 7 personnes;
- la population forestière est constituée par 60% de moins de 25 ans;
- chaque ménage a en moyenne à sa disposition;

* 4 ha de terre agricole (clairières forestières)
* 6 ha de forêt
* 2 ha de maquis

- chaque ménage possède

2,7 bovins
1,9 ovins
7,6 caprins

Il convient de noter en outre que les chefs de ménages sont souvent employés sur les chantiers forestiers à raison de 200 à 250 jours par an (reboisements, coupe de bois, récolte de liège, travaux de conservation d'eau et du sol, récolte de boutons floraux du myrte...).

En Algérie, et plus précisément aux massifs des Aurès (Zgag, Belazma, Beni Imloul), il ressort des chiffres disponibles (G. Andersen 1972, d'après Ziani 1974, in Van Swinderen 1973) que la moyenne par ménage est de 6,45 personnes et que 24,8: des hommes ont plus de 16 ans. Par ailleurs, chaque ménage possède en moyenne 0,9 bovin, 8 ovins et 10,5 caprins.

Les populations forestières nord africaines jouissent de droits d'usage, dont le plus important est sans nul doute le pâturage.


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