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Propositions pour la gestion des eaux de surface

ADAPTATION A CHAQUE REGION CLIMATIQUE

En région semi-aride (en particulier les Savanes de l'Est), la mise en culture entraîne une forte augmentation du ruissellement à la parcelle et une réduction de l'évapotranspiration... donc de la production de biomasse. Par conséquent, l'impact de la lutte contre le ruissellement (amélioration de l'infiltration en stockage localisé) peut être considérable en zone semi-aride sur les rendements des cultures qui souffrent autant de sécheresse que de carences minérales: les agriculteurs seront vite intéressés par les techniques de gestion du ruissellement.

En région humide (P > 1000 mm), le défrichement et la mise en culture entraînent une augmentation des risques de ruissellement, des débits de pointe des rivières et donc des risques d'érosion des berges. Par conséquent, on observe une réduction du drainage, de la lixiviation des engrais... et du débit d'étiage des sources et des rivières. La lutte contre le ruissellement (et l'érosion) aura donc relativement peu d'effet sur les rendements des cultures, sauf s'il existe des périodes de sécheresse aux périodes sensibles du cycle de croissance. C'est là une des causes du manque d'effet sur les rendements de la lutte antiérosive dans les collines humides du Rwanda: les autres causes sont la pauvreté chimique et l'acidité des sols.

En conclusion, si on réduit le ruissellement par les techniques culturales et/ou les structures antiérosives appropriées, il est nécessaire d'intensifier la production végétale si on veut éviter d'augmenter les risques de lixiviation des nutriments dans les eaux de drainage et les risques de glissement de terrain sur les fortes pentes: d'où l'intérêt des cultures associées, de la fertilisation et de l'agroforesterie.

LES STRUCTURES DE GESTION DE L'EAU ADAPTEES AU RWANDA

On peut définir quatre modes de gestion des eaux de surface en fonction des conditions climatiques et de la perméabilité des sols. A chacun de ces modes correspondent des structures antiérosives et des techniques culturales particulières (Roose, Ndayizigiye, Sekayange, 1992). Nous ne citerons ici que les plus adaptées.

Les citernes d'eau potable collectant 10 à 50 m3 d'eau propre venant des toits réduisent considérablement les corvées d'eau, améliorent le niveau d'hygiène et permettent un petit élevage en stabulation, la production de fumier et la création d'un jardin multiétagé très intensif autour des habitations.

Les citernes ou mares collectant les eaux de ruissellement (100 à 500 m3) sur les pistes, les versants rocheux ou surpâturés permettent l'abreuvement d'un troupeau et l'irrigation d'appoint de cultures potagères et fruitières de courte saison (voir Haïti).

Les fossés d'absorption totale favorisent l'infiltration des eaux de ruissellement sur les versants de moins de 20 % de pente sur sols profonds et perméables. Ils exigent malheureusement beaucoup de travail (200-350 jours à l'installation, plus 20 à 50 jours par an pour l'entretien) et n'améliorent guère les rendements des cultures (d'où l'abandon par les paysans). Leur principal intérêt réside dans la transformation progressive du paysage en terrasses peu pentues. Les fossés de diversion sont à proscrire en montagne, car ils aboutissent forcément au ravinement des exutoires.

FIGURE 72

: Evolution des terrasses progressives en terrasses horizontales. Proposition du projet CIGAND (d'après Galliker, 1992)

(1) On trouve actuellement sur les collines, de nombreuses terrasses progressives, trop larges entre des talus trop redressés ou même creusés à la base. Après 5-7 années d'évolution, la partie aval de la terrasse s'est engraissée en terre fine, mais la partie amont s'est décapée et tend à devenir stérile: il faut intervenir.

(2) Trouver dans la terrasse la ligne où apparaît le sous-sol stérile ou la roche à environ 1,3 mètre (50 cm + 1/2 dénivelé du talus), planter une nouvelle ligne de graminée et construire un talus incliné à 40 % couvert d'herbes + légumineuses fourragères.

(3) Pour éviter que la terrasse amont soit stérile après les travaux de planage, on peut abattre une dernière fois le mur du talus amont pour lui rectifier sa pente et recouvrir la terrasse amont d'une couche humifère suffisante.


Les microbarrages perméables (cordons d'herbes, de pierres, haies vives, talus enherbés) n'arrêtent pas le ruissellement, mais ralentissent les eaux, dissipent leur énergie et les étalent en nappe en provoquant le dépôt des sédiments. Il se forme rapidement un talus (20 à 30 cm par an) et une terrasse progressive que l'on peut transformer en deux terrasses horizontales (gradin): l'une enrichie (réservée à la culture intensive), et l'autre appauvrie (cultures frugales comme le manioc et les patates douces) dont il faut restaurer la fertilité progressivement (voir figure 72). Le travail est plus progressif (50 jours à l'installation, plus 10 jours/an d'entretien) ainsi que le besoin en fertilisants.

Les gradins horizontaux (terrasses radicales) permettent d'absorber toutes les eaux (pluie + ruissellement entre terrasses) et de capitaliser la fumure qu'on y accumule. Mais il doit être clair que la terrasse radicale exige de gros investissements en travail (500 à 1200 jours par ha à l'installation) et en intrants (10 t par ha de fumier, 1 à 5 t par ha de chaux, plus la fumure propre à chaque culture) avant de restaurer la fertilité naturelle du sol. Il ne faut donc choisir cette méthode que si l'on dispose des intrants et des moyens de valoriser le surplus de production (marché et routes praticables), et si les risques de glissement de terrain sont exclus.

Les microterrasses en escalier (largeur cultivée d'environ un mètre) sur talus enherbés fixés (maximum 50-100 cm) exigent beaucoup moins de travail et stabilisent très bien les versants raides en cas de culture manuelle associée car les racines des cultures restent dans l'horizon humifère d'origine.

LES TECHNIQUES CULTURALES LES MIEUX ADAPTEES

Les techniques culturales qui modifient l'état de la surface du sol, sa rugosité, sa couverture végétale, les activités de la mésofaune et/ou sa capacité d'infiltration, sont souvent très efficaces pour réduire le volume ruisselé et dissiper son énergie.

Le labour à plat en grosses mottes est indispensable sur les sols trop tassés. Il augmente temporairement l'infiltration, améliore le stockage de l'eau et aide à enfouir les résidus de culture et à lutter contre les adventices. Malheureusement, il ralentit l'activité des vers de terre, réduit la cohésion du matériau et augmente son érodibilité par les eaux de ruissellement surtout lorsqu'on sème sur un lit d'agrégats très fins.

Le buttage et le billonnage, parallèlement à la pente, accumulent localement la bonne terre humifère permettant de produire de gros tubercules, mais ces pratiques sont dangereuses sur forte pente car elles concentrent le ruissellement en filets capables de creuser des rigoles et des ravines et d'arracher les graviers et autres cailloux protégeant de la battance de pluies.

Le billonnage cloisonné perpendiculaire à la pente améliore le stockage de l'eau lors des petites averses, mais peut donner lieu à du ravinement ou à des glissements de terrain lors des plus fortes averses. Seuls, de gros billons (H = largeur > 40 m) protégés en permanence par une végétation rampante (ex. patates douces ou légumineuses fourragères) à moins de cinq mètres d'écartement peuvent casser l'énergie du ruissellement sur les versants. L'association avec des haies vives permet de stabiliser rapidement les versants raides (de 20 à 60 %).


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