Chapitre 4 Laits de consommation

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Laits liquides

Destruction des micro-organismes

Dans le but d'assainir le lait et de prolonger sa durée de conservation, on lui applique généralement un traitement thermique qui détruit partiellement ou complètement sa flore microbienne.

Lorsque l'on soumet une population microbienne à l'action d'une température donnée pendant un temps déterminé, une certaine proportion de cette population est détruite. Ce fait se traduit par deux lois expérimentales. La première loi montre qu'à l'intérieur d'une même espèce et pour un traitement thermique déterminé, le nombre de survivants est fonction de la durée du traitement. La seconde loi fait apparaître que pour une même espèce, et pour obtenir un taux de réduction donné de la population, la durée de traitement nécessaire est fonction de la température de traitement. Ces deux fonctions sont des exponentielles. Leur représentation graphique est la «courbe de survie» pour la première et la courbe du temps de réduction pour la seconde. Une représentation plus commode consiste à porter en ordonnée le logarithme du temps de chauffage et en abscisse la température: on obtient dès lors une droite dite «de survie».

Les lois de destruction des micro-organismes sont de même nature que celle régissant la dégradation des molécules biochimiques du lait. Les effets du chauffage sur les micro-organismes, les enzymes, les protéines et autres constituants du lait, qui déterminent notamment son goût, son aspect, sa valeur nutritive, etc., résultent de l'accroissement de la vitesse de certaines réactions. Des réactions se faisant très lentement à la température ordinaire peuvent s'accomplir à une vitesse très grande, sous l'action de températures élevées. Il a été établi que chaque fois que la température augmente de 10 °C, la vitesse de réaction est multipliée par un facteur à peu près constant, appelé «coefficient de température». Ce coefficient est de 5 à 10 pour la destruction des spores microbiennes et de 10 à 25 pour la destruction des bactéries.

Il existe, pour chaque espèce microbienne ou chaque souche, ou pour chaque réaction, une droite de combinaisons temps-température délimitant deux domaines. Dans celui de droite apparaît la modification considérée. Pour déterminer les combinaisons temps-température, on établit les courbes de destruction des micro-organismes, ainsi que celles de l'apparition des modifications que l'on veut éviter (par exemple, apparition du goût cuit du lait). Le choix de ces combinaisons est d'autant plus réduit que l'on veut détruire un grand nombre d'espèces microbiennes et d'enzymes tout en respectant l'état du milieu, en évitant des modifications du produit sur le plan organoleptique, nutritionnel et technologique (figure 9).

D'une manière générale, les hautes températures appliquées pendant un temps très court ont un effet plus puissant sur la destruction des microorganismes et des enzymes que sur les modifications des constituants du lait, ce qui justifie l'intérêt des traitements UHT. De plus, en assurant une montée en température et un refroidissement rapides, les procédés UHT évitent les effets cumulatifs des traitements thermiques et réduisent ainsi les modifications physicochimiques du lait.

Pour caractériser la cinétique de destruction d'une population d'une souche microbienne donnée, à une température donnée et dans un milieu défini, on utilise le «temps de réduction décimale» qui correspond à la destruction de 90 pour cent de la population microbienne, donc à la division par 10 (ou réduction décimale) de son effectif initial. Si, par exemple, il faut 2 minutes pour passer d'une population microbienne de 1 millions 100 000, il faut autant de temps pour passer de 100 000 à 10 000, ou de 10 000 à 1 000.

Le caractère de relativité de la destruction des micro-organismes par la chaleur montre que l'efficacité du traitement thermique est fonction du nombre initial de germes contenus dans le lait. On voit ainsi la nécessité pour assainir un lait, tout en respectant ses qualités originelles, qu'il soit peu chargé en microorganismes. D'où l'importance de conditions hygiéniques de récolte du lait puis de son refroidissement et de son traitement rapide.

L'efficacité du couple temps-température sur les micro-organismes dépend de plusieurs facteurs, dont:

FIGURE 9 Choix d'un traitement thermique (la zone hachurée recouvre les combinaisons temps-température qui permettent de détruire les germes sans provoquer le août de cuit dans le lait)

Procédés de traitement thermique

Ces procédés ont un objectif commun, à savoir la destruction des germes pathogènes. Ils se différencient par la durée de conservation qu'ils donnent au lait, conséquence d'une destruction plus ou moins complète des autres microorganismes. Indépendamment de l'ébullition, dont l'intérêt est incontestable, mais limité au niveau domestique, on distingue deux catégories de traitement:

Pasteurisation

A la suite de nombreux travaux, on a défini les combinaisons temps température capables d'assurer la destruction des germes pathogènes. On s'est fondé pendant longtemps sur la destruction du plus thermorésistant, à savoir le bacille tuberculeux, qui nécessite un chauffage de 12 secondes à 72 °C. Actuellement, on prend en compte le bacille Coxiella burnetti qui nécessite une durée de chauffage de 15 secondes à 72 °C.

A la suite des travaux de Dahlberg ( 1932), un certain nombre de combinaisons temps-température assurant une destruction équivalente ont été sélectionnées compte tenu d'une marge suffisante de sécurité.

Le lait pasteurisé contient toujours une flore résiduelle (bactéries lactiques, germes saprophytes variés) dont l'importance est notamment lice à la charge microbienne initiale. Son développement doit être empêché en réfrigérant le lait immédiatement et rapidement après chauffage à une température de +2 °C à +4 °C. Même à ces températures, le lait n'est pas totalement stabilisé en raison de la présence éventuelle de germes psychrotrophes thermorésistants.

Pour conserver au lait pasteurisé son caractère hygiénique, il est indispensable de le soustraire aux recontaminations qui ne manquent pas de se produire au cours de la distribution du lait en vrac et qui rendent alors nécessaire son ébullition avant consommation. C'est pourquoi, dès sa réfrigération, le lait pasteurisé doit être conditionné en emballages de détail (bouteilles en verre ou en plastique, cartons, sachets plastique).

La pasteurisation est définie par un chauffage à 72 °C maintenu pendant 15 ou 20 secondes. Elle est souvent désignée sous le nom de procédé high temperature short time ou HTST, c'est-à-dire procédé à haute température et de courte durée. Ce type de pasteurisation est utilisé dans le monde entier. Toutefois, lorsque le lait cru est de qualité microbiologique médiocre ou mauvaise, il faut augmenter la température et le temps de chauffage. C'est ainsi que celle-ci peut atteindre ou dépasser 80 °C avec une durée de chambrage atteignant 1 ou 2 minutes.

L'effet de la pasteurisation HTST bien conduite est tout à fait négligeable sur les qualités organoleptiques et nutritionnelles du lait. Ce n'est que lorsque le traitement est plus sévère qu'apparaissent des modifications défavorables touchant particulièrement la saveur (goût de cuit).

La plupart des appareils utilisés sont constitués par un ensemble de tubes ou plus généralement de plaques entre lesquelles les fluides circulent en continu à contre-courant. Une installation classique comprend les éléments ci-après:

L'installation est complétée par divers appareils de contrôle (thermomètres) et de régulation du degré de chauffage et de sécurité (dispositif de déviation du lait insuffisamment chauffé). Elle peut être reliée à un nettoyeur centrifuge, à une écrémeuse, à un homogénéisateur et à un dégazeur. Un schéma d'une installation à plaques est donné à la figure 10.

Les normes et les prescriptions sanitaires concernant le lait pasteurisé varient selon les pays. En l'absence d'une réglementation, on peut toutefois considérer qu'un lait pasteurisé conditionné est de qualité satisfaisante quand, à la vente au consommateur, il présente les caractères ci-après:

Schema d'une installation de pasteurisation

Acidité 1,5 à 1,8 g/litre d'acide lactique
Stabilité à l'ébullition  
Epreuve de phosphatage négative
Bactéries aérobies mésophiles à 30 °C moins de 30 000/ml
Bactéries coliformes moins de 10/ml
Escherichia coli absence dans 1 ml
Antibiotiques et inhibiteurs absence

Le lait pasteurisé destiné à être vendu en vrac, à la sortie du pasteurisateur, doit présenter les mêmes caractéristiques. Ensuite, il subit généralement, au cours de la distribution, des recontaminations qui lui font perdre les avantages du traitement thermique, et doit être bouilli avant d'être consommé.

On considère qu'un lait pasteurisé conditionné a une durée de conservation d'environ 8 jours, maintenu à la température de +4 °C à +6 °C. Toutefois, cette durée ne peut être atteinte que dans la mesure où:

Stérilisation

Elle a pour objectif la destruction totale des micro-organismes (y compris les spores), ainsi que des enzymes et des toxines. En fait, la destruction des germes dans les conditions de température et de durée appliquées de façon à altérer le moins possible le lait et notamment ses qualités organoleptiques risque de ne pas être absolue. Des micro-organismes vivants ou revivifiables peuvent subsister. Pour cette raison, le traitement de «stérilisation» vise, en pratique, à obtenir un produit restant stable au cours d'une longue conservation (de 5 à 6 mois), c'est-à-dire exempt de germes susceptibles de s'y développer et d'y provoquer des altérations. Parmi ces germes seuls les non pathogènes subsistent éventuellement, les plus thermorésistants d'entre eux étant détruits pour des combinaisons temps/température très inférieures. Dans le cas des spores, la plus résistante d'entre elles (celle de Clostridium botulinum, d'ailleurs très rare dans le lait), en admettant qu'elle ne soit pas tuée, ne trouverait pas dans le lait «stérilisé» des conditions permettant sa croissance. Ainsi, les risques de non-stérilité n'ont de conséquences éventuelles que sur la conservation du lait. C'est pourquoi la notion de «stérilité» (c'est-à-dire de stérilité absolue) est remplacée par celle de «stérilité commerciale». Bien entendu, cette stérilité n'est maintenue que si le lait est conditionné en récipients hermétiquement clos (récipients en verre, en métal, en matière plastique, en carton).

Le lait destiné à la stérilisation doit être de bonne qualité: peu chargé en micro-organismes et en enzymes thermorésistantes et stable à la chaleur. La stabilité au cours du chauffage varie avec les espèces (le lait de vache est plus stable que celui de chèvre ou de brebis) et avec les races.

Dans la plupart des méthodes modernes de stérilisation, il est recommandé de faire précéder ce traitement proprement dit d'une pasteurisation ou, mieux, d'un chauffage à haute température ou préstérilisation. Cette pratique a un double but:

Une bonne méthode de préstérilisation consiste en un chauffage du lait en flux continu dans un appareil UHT à 130-140 °C pendant 3 à 4 secondes. 11 est ensuite refroidi vers 70-80 °C, homogénéisé puis envoyé à la stérilisation.

L'homogénéisation, indispensable avant la stérilisation des laits complets ou partiellement écrémés, consiste à projeter du lait à 70 °C environ sous forte pression (de 1 SO à 350 atmosphères) dans une tubulure obstruée par un clapet conique maintenu sur son siège par un ressort dont la tension est réglable. Pour s'écouler, le lait doit vaincre la résistance opposée par le clapet. Sous l'action du choc contre le clapet, du laminage entre celui-ci et son siège, et de la détente brutale du lait, il se produit un éclatement des globules et une stabilisation de l'émulsion de matière grasse. On distingue deux procédés de stérilisation:

Stérilisation en récipients clos

Méthode discontinue. Un premier procédé' le plus simple, consiste à soumettre le lait préalablement mis en bouteilles hermétiquement bouchées à un chauffage à la vapeur, en autoclave, à 120 OC pendant une vingtaine de minutes La montée et la descente en température sont progressives et lentes. Le goût et la couleur du lait sont altérés, sa teneur en vitamines hydrosolubles est diminuée. Lorsque le lait est fortement contaminé en spores bactériennes, sa stabilité n'est pas assurée.

La méthode est améliorée par l'emploi d'autoclaves rotatifs ou à paniers agités, ce qui accélère les échanges thermiques et permet l'application d'un traitement un peu moins sévère et ainsi de limiter les modifications des propriétés organoleptiques.

Malgré ces améliorations, les appareils fonctionnant de façon discontinue ont l'inconvénient de nécessiter une durée totale de traitement longue due à la lenteur de la montée en température et du refroidissement, ce qui, de plus, est défavorable à la qualité organoleptique du lait. Néanmoins, ils rendent de bons services pour de petites quantités de lait.

Méthode continue. Elle est utilisée lorsque les quantités de lait sont importantes. Les bouteilles sont rapidement portées à la température souhaitée. Dans le cas des bouteilles en verre ou des boîtes en métal, on utilise généralement l'appareil à pression d'eau ou stérilisateur hydrostatique. Celui-ci est constitué de trois colonnes verticales: une colonne ou chambre de stérilisation sous pression de vapeur reliée à l'atmosphère par deux colonnes d'eau symétriques faisant équilibre à la pression qui règne dans la chambre.

Les récipients sont introduits de façon continue dans des supports solidaires d'un transporteur à chaîne parcourant les trois colonnes. Certains appareils permettent leur agitation permanente. Ils passent dans la première colonne qui sert de réchauffeur; le lait y est amené de la température ambiante à environ 100 °C. Ils entrent ensuite dans la seconde, ou stérilisateur, où le lait est porté à une température comprise entre 1 10 et 120 °C selon la technique utilisée. Ils vont ensuite dans la troisième colonne où ils sont refroidis.

Le choix de la combinaison temps/température de stérilisation se fait entre deux techniques. L'une consiste en un chauffage pendant 40 minutes à 110 °C; I' autre, pendant 20 minutes à 115-120 °C. Dans tous les cas, il est recommandé de préstériliser le lait à 135-140 °C pendant 3 à 4 secondes.

Lorsque l'on utilise des bouteilles en matière plastique, on utilise généralement des appareils à surpression pneumohydrostatique qui évitent la déformation des récipients. Le lait peut atteindre une température de 1271 30 °C.

Stérilisation en vrac ou en flux continu. Les procédés précédents ont l'avantage d'être relativement simples, y compris sur le plan mécanique. Cependant, ils nécessitent un chauffage long qui provoque des modifications, notamment du goût et de la couleur. En cherchant à les réduire, on risque alors des altérations d'origine microbienne et enzymatique.

Par contre, en chauffant le lait à température élevée ( 135-150 °C) pendant un temps très court (de 1 à 5 secondes), on assure la destruction des microorganismes et des enzymes sans endommager ses propriétés organoleptiques et biochimiques. Ce procédé n'est possible qu'en flux continu. Il s'est généralisé sous le nom de traitement Ultra-HauteTempérature ou UHT. Dans la préparation des laits liquides de consommation, il est utilisé:

Les procédés UHT mettent en œuvre:

Le chauffage indirect se fait dans des échangeurs comparables à ceux utilisés pour la pasteurisation, mais adaptés aux conditions du traitement. Les appareils doivent être particulièrement bien étudiés et réalisés en ce qui concerne, notamment, l'écoulement du lait, le transfert de la chaleur et l'homogénéité du chauffage. La température de chauffage est généralement limitée à 145 °C pendant 3 à 4 secondes.

Le chauffage direct se fait par mélange intime de lait et de vapeur, ce qui assure une élévation quasi instantanée de la température du lait vers 140150 °C et le maintien de celle-ci pendant environ 2 secondes. Une partie de la vapeur se condense dans le lait, ce qui le dilue (d'environ 10 pour cent). Il est donc nécessaire de faire suivre le chauffage d'une évaporation permettant de ramener la matière sèche du lait à sa teneur initiale.

Le chauffage direct peut être réalisé selon deux procédés:

Les procédés UHT ne se justifient que pour de grosses quantités de lait. La conservation du lait UHT conditionné aseptiquement est en principe de 6 mois à température ambiante (20 °C). Dans les régions chaudes, elle est plus limitée; à 30 °C elle ne peut guère dépasser trois mois.


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