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Demain, le manioc sera-t-il encore l'aliment de base des congolais?

S. Trèche et J. Massamba

Serge Trèche, chercheur affecté au Centre ORSTOM de Brazzaville, est responsable du programme «Etude et amélioration des modalités d'utilisation du manioc au Congo». Joachim Massamba, enseignant et chercheur, est chef du Département de biologie et de physiologie animales de la Faculté des sciences de l'Université Marien Ngouabi de Brazzaville.


Rappel historique
Nature des changements dans les modes d'utilisation du manioc
Causes des changements observés
Conséquences des changements
Actions à entreprendre

Transport des racines de manioc entre le champ et le lieu de rouissage - Transporting cassava roots from the field to the retting site - Transporte de las raíces de mandioca desde el campo al lugar de maceración

Selon les bilans alimentaires publiés par la FAO1, pendant la période 1979-1981, les produits dérivés des racines de manioc représentaient 47 pour cent des disponibilités énergétiques des Congolais; des enquêtes de consommation alimentaire menées en 1983 ont montré que les racines de manioc pouvaient constituer jusqu'à 82 pour cent des apports énergétiques dans certains villages2.

[1 FAO. 1985. Bilans alimentaires. Moyenne 1979-1981. FAO, Rome.

2 Cresta, M. et al. 1985. «Recherches biologiques, nutritionnelles et sanitaires sur les populations de la République populaire du Congo et problèmes liés au développement rural». Rivista di Antropología, LXIII:33-60.]

Rouissage en étang - Pond retting of the roots - Maceración de raíces en estanques

Dans un rapport publié en 1982, une équipe d'experts de la FAO faisait état de mutations alimentaires importantes, motivées par l'insuffisance et la relative stagnation de la production nationale et probablement par le désir d'imitation des modes de vie des pays industrialisés3.

[3 FAO. 1982. Etude de la problématique de l'autosuffisance alimentaire au Congo. Rapport DD/DP/PRC/81/009. FAO, Rome. 265 pages.]

Pour tenter d'apprécier l'évolution récente et étudier l'influence de l'urbanisation sur le modèle de consommation congolais, les auteurs ont entrepris (en 1989) une série d'enquêtes. Leurs objectifs sont, entre autres, de préciser les fréquences et les modalités actuelles de consommation du manioc, de dégager les tendances à partir des souhaits et des préférences exprimés par les consommateurs, et de définir les axes de recherche qui permettront d'adapter le secteur post-récolte du manioc à l'évolution des contextes économique, social et culturel.

Séchoir à cossettes - Cassava chip drier - Secadero de trozos de mandioca

Rappel historique

Originaire du Nouveau Monde, le manioc a été introduit en Afrique centrale au début du XVIIe siècle par des navigateurs portugais4. Auparavant, les principales sources énergétiques étaient constituées de céréales locales (éleusine, millet) et de racines spontanées ou cultivées (ignames).

[4 Regez, P.F. 1989. Essais d'amélioration de la qualité microbiologique et nutritive des aliments a base de manioc tenant compte des habitudes alimentaires observées au Zaïre. Zurich. (Thèse EPFZ n° 8834)]

L'extension de la culture du manioc fut tout d'abord assez lente. Il trouva les conditions de son expansion quand les populations, fuyant les razzias et les disettes, conséquences de la traite négrière, se réfugièrent dans des zones impropres aux cultures jusqu'alors traditionnelles. Encouragée par les colonisateurs, sa consommation s'intensifia sur le territoire de l'actuelle République du Congo à l'occasion de l'institution des travaux forcés, de la création des compagnies concessionnaires et de la construction du chemin de fer Congo-Océan.

Ainsi, en moins de trois siècles, le modèle de consommation alimentaire des populations de la majeure partie de l'Afrique centrale a été bouleversé: le manioc, aliment pauvre en protéines - qui devrait donc être utilisé en association avec des quantités relativement importantes d'aliments riches en protéines (arachide, poisson, gibier) -, s'est presque entièrement substitué aux aliments de base préexistants qui assuraient des apports en nutriments plus équilibrés.

Malgré les efforts entrepris pour introduire les céréales et les encouragements pour cultiver d'autres plantes féculentes, le manioc, avec une production annuelle moyenne de 725000 tonnes pendant la période 1986-1989, est la principale culture vivrière du Congo, loin devant la banane plantain (71 000 tonnes), les autres plantes à tubercules (18 100 tonnes), le maïs (7 600 tonnes) ou le riz (91 tonnes)5.

[5 Ministère de la jeunesse et du développement rural, Direction des statistiques agricoles, 1990.]

Nature des changements dans les modes d'utilisation du manioc

Les données recueillies au cours d'enquêtes6 menées depuis 1989 en zones rurales et à Brazzaville mettent en évidence que l'urbanisation s'accompagne de modifications des pratiques et des régimes alimentaires et que ces changements affectent davantage l'alimentation des jeunes enfants que celle des adultes.

[6 Les données relatives à la consommation des adultes ont été obtenues au cours de deux enquêtes effectuées depuis juin 1989: la première sur un échantillon représentatif des ménages de la population rurale du Congo, définie comme l'ensemble des habitants résidant dans les villages (moins de 2 000 habitants) et les centres secondaires (de 2 000 à 30 000 habitants); la seconde auprès de 900 personnes des deux sexes représentatives de la population adulte de Brazzaville. Les données relatives aux pratiques de sevrage ont été recueillies au cours de deux enquêtes effectuées sur des échantillons de 900 enfants représentatifs des enfants de moins de deux ans des zones rurales et de Brazzaville.]

Alimentation des adultes

La comparaison des fréquences de consommation à Brazzaville et dans les zones rurales (tableau 1) des produits dérivés du manioc les plus courants permet de constater, d'une part, que la chikwangue7 est légèrement moins utilisée à Brazzaville que dans les villages et les centres secondaires et, d'autre part, que le foufou8 remplace les racines rouies cuites à l'eau lorsque l'on passe des villages aux centres secondaires.

[7 La chikwangue est l'aliment le plus élaboré et le plus consommé en Afrique centrale. Il s'agit d'une pâte dense (de 35 à 45 g de matière sèche pour 100 g de produit) de texture élastique, dont le poids, au Congo, peut varier de 500 g à plus de 5 kg selon les régions et selon qu'elle est destinée à être consommée individuellement ou collectivement; le plus souvent, la chikwangue se conserve environ une semaine. Sa préparation à partir des racines rouies comprend plusieurs étapes de malaxage, d'emballage dans des feuilles et de cuisson (voir figure 1).

8 Le foufou, pâte beaucoup moins dense que la chikwangue (environ 20 g de matière sèche pour 100 g de produit), est obtenu en jetant de la farine de manioc dans de l'eau bouillante et en remuant énergiquement pendant la cuisson. Traditionnellement, la farine est obtenue par séchage au soleil de racines rouies préalablement émottées ou découpées en cossettes, pilonnage dans un mortier en bois et tamisage grossier; de plus en plus, les étapes de pilonnage et de broyage sont remplacées par un passage dans un moulin électrique.]

Les Brazzavilloises adultes, bien que restant majoritairement attachées à la chikwangue, sont plus nombreuses que les femmes des zones rurales à lui préférer le foufou et les amylacées importées ou introduites par les Européens (tableau 2) et à vouloir diminuer la place de la chikwangue dans leur alimentation (figure 2).

TABLEAU 1: Consommation des principaux produits dérivés du manioc au Congo - Consumption of main cassava products in the Congo - Consumo de los principales productos derivados de la mandioca en el Congo

 

Villages

Centres secondaires

Brazzaville

(en pourcentage des personnes interrogées ayant consommé au moins une fois la veille le produit considéré)

Chikwangue

61,4

61,7

54,3

Foufou

15,6

23,1

n.d.

Racines cuites

24,2

10,8

n.d.

Source: Résultats non publiés d'enquêtes effectuées de juin 1989 à août 1990 par les auteurs.

TABLEAU 2: Préférences alimentaires exprimées par les femmes adultes - Dietary preferences of adult women - Preferencias alimentarias de las mujeres adultas


Villages

Centres secondaires
(en pourcentage)

Brazzaville

Entre le pain et la chikwangue

Pain

5,3

2,0

21,5

Chikwangue

94,6

98,0

76,2

Entre le foufou et la chikwangue

Foufou

19,5

21,5

35,1

Chikwangue

74,2

75,9

60,4

Personnes déclarant préférer la chikwangue à

Banane plantain

69,3

72,2

71,5

Igname

84,9

87,9

79,9

Riz

__89,9

87,9

77,1

Pomme de terre

92,3

95,2

78,5

Source: Résultats non publiés d'enquêtes effectuées de juin 1989 à août 1990 par les auteurs.

Principales transformations traditionnelles des racines de manioc au Congo - Traditional cassava root processing techniques in the Congo - Principales transformaciones tradicionales de las rade mandioca en el Congo

Pratiques de sevrage

D'une manière générale, les pratiques de sevrage au Congo se caractérisent par un allaitement prolongé, d'une durée moyenne supérieure à 16 mois, et par une utilisation très précoce, mais de courte durée, des bouillies9,10.

[9 Simondon, F. et al. 1989. «Etat nutritionnel des enfants d'âge préscolaire à Brazzaville». Dans Urbanisation et santé dans le tiers monde. Transition épidémiologique, changement social et soins de santé primaires. Collection Colloques et Séminaires, ORSTOM, Paris.

10 Cornu, A. et al. 1990. Enquête nationale sur l'état nutritionnel des enfants d'âge préscolaire au Congo. Collection Etudes et Thèses, ORSTOM, Paris.]

Le lieu de résidence influe sur la nature des bouillies consommées (figure 3), l'âge de leur introduction et l'âge auquel leur consommation est arrêtée (figure 4): les bouillies de manioc11, qui sont utilisées dans 30 pour cent des cas dans les villages, ne le sont plus que dans 1 pour cent des cas à Brazzaville; à l'âge de trois mois, plus de 80 pour cent des enfants des zones rurales (contre 35 pour cent des enfants de Brazzaville) consomment déjà de la bouillie; à l'âge de six mois, respectivement 43, 57 et 72 pour cent des enfants ont cessé d'en consommer à Brazzaville, dans les centres secondaires et les villages.

[11 Les bouillies de manioc peuvent être préparées à partir de farine, généralement grillée, à partir de pâte prélevée avant la première cuisson au cours de la préparation de la chikwangue, ou à partir de l'intérieur de racines précuites; dans tous les cas, le manioc est mis en suspension dans de l'eau froide avant la cuisson, qui s'effectue par chauffage direct ou chauffage au bain-marié.]

TABLEAU 3: Consommation des produits dérivés du manioc par l'enfant de moins de deux ans - Consumption of cassava products by children under two years of age - Consumo de productos derivados de la mandioca por niños menores de dos años


Villages

Centres secondaires

Brazzaville

(en pourcentage des enfants ayant consommé un aliment amylacé la veille au repas considéré)

Nature des aliments consommés

Matin: Manioc

78,0

41,9

2,2



Pain

14,6

54,8

94,2

Autre

7,4

3,3

3,6

Soir: Manioc

91,8

85,4

80,4



Pain

1,3

3,1

9,7

Autre

6,9

11,5

9,9

(en pourcentage des enfants ayant consommé un aliment amylacé la veille au repas considéré)

Formes de consommation du manioc

Matin: Chikwangue

60,1

50,0

Valeurs non significatives


 

Foufou

14,6

54,8


Racines cuites

7,4

3,3


Soir: Chikwangue

57,5

39,0

11,4


 

Foufou

19,8

51,2

88,6

Racines cuites

22,7

9,8

0,0

Source: Résultats non publiés d'enquêtes effectuées de juin 1989 à août 1990 par les auteurs.

Souhait des adultes concernant la consommation de chikwangue - Adult preferences regarding chikwangue consumption - Preferencia de los adultos por el consumo de chikwangue

Nature des bouillies consommées au Congo - Type of pap consumed in the Congo - Naturaleza de las papillas que se consumen en el Congo

Si on examine la nature des aliments consommés à partir du moment où l'enfant a accès au plat familial (tableau 3), on constate que l'urbanisation s'accompagne du remplacement du manioc par le pain au repas du matin, et de celui de la chikwangue par le foufou au repas de midi et du soir.

Causes des changements observés

Deux causes principales peuvent être évoquées.

Disponibilité et prix des produits

Lés différences entre milieu urbain et milieu rural résultent principalement de la précarité des circuits de commercialisation et des contraintes technologiques.

Les bouillies de maïs12, qui sont préparées à partir d'une pâte fermentée (le poto-poto) fabriquée et vendue par un nombre très restreint de femmes disposant du matériel et du savoir-faire nécessaires, sont d'autant plus difficilement accessibles aux enfants que l'autoconsommation alimentaire pratiquée par leur famille est plus stricte. Il en résulte que ces bouillies sont deux fois moins utilisées dans les villages qu'à Brazzaville et que les mères des zones rurales font passer plus précocement leur enfant au plat familial.

[12 Les bouillies de maïs sont préparées à partir d'une pâte fermentée (poto-poto) obtenue après trempage des grains (de un à quatre jours), broyage humide (le plus souvent dans un moulin électrique), lavage à l'eau, filtration à travers une toile de nylon pour retenir la drêche, décantation dans un fût et égouttage en sac. Le poto-poto est vendu sous forme de boules (45 pour cent d'eau) sur les marchés. Lors de la préparation des bouillies, il est mis en suspension dans de l'eau froide avant d'être jeté dans de l'eau bouillante et mis à cuire jusqu'à la consistance désirée.]

Age de consommation des bouillies au Congo - Pap feeding age in the Congo - Edad de consumo de las papillas en el Congo

Les racines rouies cuites à l'eau ne peuvent se trouver qu'à proximité des lieux de rouissage13. La chikwangue est préparée régulièrement dans presque tous les ménages en zone rurale, alors qu'en ville elle est achetée à un prix auquel contribue pour une large part le coût du. transport ou de la matière première utilisée pour sa préparation dans les ateliers urbains. Les cassettes ou la farine utilisée pour la préparation du foufou sont, à l'inverse de la chikwangue, des produits de transport et de conservation faciles; de plus, la farine est souvent moins disponible dans les zones enclavées qu'en ville, où l'existence de moulins électriques simplifie le broyage, étape la plus pénible de sa préparation.

[13 Le rouissage est la première étape des transformations appliquées aux racines de manioc en Afrique centrale. Il consiste à immerger dans de l'eau pendant deux à huit jours des racines, préalablement épluchées ou non selon les variétés et les habitudes locales. L'immersion se fait en bordure de rivière, dans des étangs ou dans des récipients variés (fût, marmite, etc.). Au cours du rouissage, il se produit principalement un ramollissement des racines, qui facilite les éventuelles étapes de défibrage ultérieures; une détoxication (décomposition des composés cyanés sous l'action d'enzymes endogènes, puis solubilisation et volatilisation des ions cyanures libérés); la production par des microorganismes de différents métabolites qui conditionnent en partie les caractéristiques organoleptiques des produits finis.]

Défibrage des racines rouies - Shredding the retted roots - Desfibrado de raíces maceradas

Laminage de la pâte - Rolling the cassava pulp - Laminado de la pasta

Le pain, aliment concurrentiel des produits dérivés du manioc et considéré comme moins cher ou de même prix que la chikwangue par 54 pour cent des Brazzavillois, est, en revanche, très difficilement accessible dans les campagnes en raison de la rareté des boulangeries et de la faiblesse des réseaux de distribution.

Commodité d'usage

Pour un même produit, la commodité d'usage est perçue différemment par les consommateurs potentiels en fonction des contextes écologiques et socio-culturels.

La préparation de bouillies de manioc à partir de farine ou de pâte prélevée au cours de la préparation de la chikwangue apparaît à la mère comme un travail supplémentaire qu'elle n'accepte d'assumer que pendant la période où elle juge que l'enfant est incapable de consommer le manioc sous une autre forme.

La chikwangue est mieux adaptée que le foufou à l'alimentation des ruraux qui, pour l'agriculture ou la chasse, passent souvent la journée loin de leur domicile.

Le pain, aliment prêt à être consommé, tend à supplanter le manioc lorsque le temps ou les possibilités de préparer du foufou ou les sauces accompagnant la chikwangue font défaut.

Conséquences des changements

Les changements peuvent avoir des effets pervers à plusieurs niveaux.

Niveau économique

Depuis l'indépendance, les tentatives de développement de cultures concurrentes, en particulier le riz et le maïs, se sont heurtées à de nombreuses difficultés; médiocre adaptation aux conditions écologiques et édaphiques, réticences des agriculteurs à l'introduction de nouvelles pratiques culturales, etc. A l'inverse de ce qui se passe dans la plupart des pays de la zone à racines et tubercules14, la production de maïs ne parvient pas à concurrencer celle de manioc. Dans ce contexte, tout recul de la consommation des produits dérivés du manioc ne peut se traduire que par une augmentation de la part des denrées importées, en particulier de la farine de blé panifiable, ce qui contribue à l'aggravation de la dépendance économique du pays. De fait, si la moyenne annuelle des importations de blé et produits dérivés pendant la période 1987-1989 (58000 tonnes) est en léger recul par rapport à celle de la période 1984-1986 (62000 tonnes), elle est deux fois plus importante que la moyenne enregistrée de 1975 à 1977 (31 000 tonnes)15

[14 De Bruijn, G.H. et Fresco, L.O.1989. «The importance of cassava in world food production». J. Agric. Sci. (Pays-bas), 37:21-34.

15 CNSEE (Centre national de la statistique et des études économiques) et Ministère du plan et de l'aménagement du territoire. 1990.]

Mise en sac de pâte rouie pour la vente aux ateliers urbains de transformation - Packaging the retted pulp for sale to urban processing plants - Envasado en sacos de la pasta macerada para su comercialización en instalaciones urbanas de transformación

Niveau nutritionnel

Toute modification des régimes alimentaires allant dans le sens d'une diversification est a priori souhaitable; cependant, il ne faut pas tomber dans le travers qui consisterait à vouloir substituer à tout prix au manioc un autre aliment, quelle que soit sa valeur nutritionnelle.

A ce sujet, l'exemple de la substitution de la bouillie de manioc par la bouillie de maïs est frappant. Les déterminations effectuées sur les bouillies au moment de leur consommation montrent que la densité énergétique de la bouillie de maïs (en moyenne 14,1 g MS/100 g de bouillie pour 95 échantillons analysés) n'est pas supérieure à celle de la bouillie de manioc (en moyenne 15,5 g MS/100 g de bouillie pour 61 échantillons analysés) et reste notoirement insuffisante16. De plus, en raison de pertes importantes en nutriments survenant au cours de la préparation du poto-poto, les teneurs en protéines de la bouillie de maïs n'excèdent pas 5 g/100 g MS. L'avantage que procure la consommation de bouillie de maïs par rapport a celle de bouillie de manioc, à un âge où 95 pour cent des enfants sont encore allaités, est en réalité dérisoire.

[16 Svanberg, U. 1989. «Le gros volume alimentaire des produits de sevrage et son effet sur l'apport énergétique et nutritionnel». Dans Pour améliorer l'alimentation des jeunes enfants en Afrique orientale et australe: une technologie à la portée des ménages. Compte rendu d'un atelier tenu à Nairobi, Kenya, 12-16 octobre 1987:310-326. CRDI, Ottawa.]

Marché urbain à Brazzaville: vente de foufou - Urban market in Brazzaville: a foufou stand - Mercado urbano (Brazzaville): venta de foufou

Niveau socio-culturel

Etant donné que plus des deux tiers des Brazzavillois continuent à considérer la chikwangue comme leur aliment préféré (tableau 2), les conséquences socioculturelles que pourrait avoir une amplification des évolutions actuellement observées ne peuvent pas être négligées. L'attrait exercé par les aliments répondant aux exigences de la vie citadine apparaît comme motivé davantage par leur commodité d'usage que par le désir d'imiter le style alimentaire occidental.

Actions à entreprendre

Compte tenu de l'importance de l'enjeu - la sécurité alimentaire des populations dans le contexte écologique de l'Afrique centrale -, les actions à entreprendre doivent laisser au maximum les consommateurs libres de leurs choix, tout en limitant les effets pervers de certaines mutations trop rapides.

Cela ne peut être obtenu que par la mise en œuvre d'une politique volontariste visant a réglementer les importations alimentaires, à contrôler la qualité des produits mis sur le marché et à développer les voies de communication, dont l'insuffisance est le frein principal au développement de la production et de la commercialisation des produits vivriers locaux. Mais il appartient à la recherche, relayée par des programmes de développement, de vaincre un certain nombre de contraintes écologiques et technologiques qui limitent la capacité des produits vivriers locaux a satisfaire les besoins non seulement quantitatifs, mais aussi qualitatifs, compte tenu de l'évolution des styles alimentaires liée à l'urbanisation.

Parmi les cultures adaptées aux conditions écologiques de l'Afrique centrale, la banane plantain bénéficie d'un attachement marqué auprès de plus d'un quart de la population (tableau 2); d'autres, comme les ignames, sont particulièrement appréciées par es personnes originaires de certaines zones bien localisées, mais c'est le manioc qui, par son extension et l'attachement que lui porte la population, apparaît comme le mieux placé pour continuer à assurer la base de l'alimentation des Congolais.

Pour adapter les modalités d'utilisation du manioc à l'évolution des modes de vie, un programme de recherche regroupant des scientifiques de plusieurs disciplines (nutritionnistes, microbiologistes, technologues) et de plusieurs organismes (Institut français de recherche scientifique pour le développement en coopération. Faculté des sciences de l'Université Marien Ngouabi, Institut de recherches pour l'appui au développement agricole en zones tropicales) a été initié en 1989. En s'appuyant sur l'inventaire et la description minutieuse des modalités de transformation et de consommation traditionnelles, et après un approfondissement des connaissances des mécanismes biologiques et physico-chimiques intervenant au cours de ces transformations, ce programme a pour objectifs l'amélioration des procédés traditionnels et l'élaboration de produits nouveaux dérivés du manioc, en particulier des farines composées préalablement traitées pour permettre leur reconstitution sous forme de bouillies de densité énergétique suffisante.

Les recherches étant orientées de manière à tenir compte du contexte économique dans lequel les améliorations proposées sont susceptibles d'être mises en œuvre, des contraintes liées à la vie urbaine et de la situation nutritionnelle du pays, leurs résultats permettront véritablement de juger si le manioc peut et doit rester l'aliment de base des Congolais.


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