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Possibilités de développement de l'élevage du cobaye en Afrique subsaharienne: le cas du Cameroun


Élevage en milieu traditionnel
Performances d'élevage en station
Alimentation et fourrages
Gestion de la reproduction
Conclusions et perspectives
Références

J.D. Ngou Ngoupayou, J. Kouonmenioc, J.M. Fotso Tagny, M. Cicogna, C. Castroville, M. Rigoni et J. Hardouin

Adresses des auteurs: J. D. Ngou Ngoupayou, J. Kouonmenioc et J. M. Fotso Tagny: Institut de recherches zootechniques et vétérinaires (IRZV), Yaoundé, Cameroun; M. Cicogna, C. Castroville, M. Rigoni: Stazione Sperimentale di Zootecnia (SSZ), Università degli Studi, Milan, Italie; J. Hardouin: Institut de médecine tropicale Prince Léopold, Anvers, Belgique. Recherches financées par la CEE dans le cadre du projet de recherche coordonnée «Microlivestock as Food and Feed in Semi-urban Farming Systems».

Dès l'époque précolombienne, le cobaye ou cochon d'Inde (Cavia porcellus L.) était élevé comme animal de boucherie dans les régions andines (Pérou, Colombie, Equateur et Bolivie), zone d'origine de ce rongeur herbivore d'où il s'est répandu sur tous les continents, comme source alimentaire aussi bien que comme animal de laboratoire ou de compagnie.

En Afrique (National Research Council, 1991), le cobaye est identifié comme une source alimentaire au Cameroun, au Ghana, au Nigéria, en Sierra Leone, au Togo et au Zaïre. Notre enquête parmi des chercheurs et zootechniciens de plusieurs pays d'Afrique subsaharienne a mis en évidence que l'élevage du cobaye pour l'alimentation de l'homme est aussi pratiqué au Bénin, au Burkina Faso, en Côte d'Ivoire en Guinée (Conakry), au Mali, au Sénégal et en Tanzanie (figure 1). D'autres données (Fransolet, Horlait et Hardouin, 1994) signalent le cobaye au Gabon.

Malheureusement, cette distribution géographique n'a pas donné lieu à une diffusion adéquate d'informations techniques sur cet élevage. En effet, même si la biologie du cobaye est bien connue (Wagner et Manning, 1976), la littérature concerne principalement cette espèce en tant que modèle pour l'expérimentation biologique. Les recherches sur l'élevage, la sélection, l'alimentation et les techniques de gestion du cobaye en tant qu'animal d'intérêt zootechnique se limitent à certains pays d'Amérique latine (Quijandria, 1988,) où l'élevage de cette espèce est une tradition. En Afrique, les informations sur les systèmes de production et les performances de ce petit herbivore monogastrique dans les conditions locales sont quasiment inexistantes. L'élevage du cobaye est complètement ignoré par les scientifiques, les agents de vulgarisation, les décideurs du secteur agricole et les institutions officielles de la plupart des pays africains (Hardouin, Demey et Fransolet, 1991).

Pour remédier à ce manque d'informations et identifier les contraintes majeures au développement de l'élevage de ce petit herbivore, qui dispose d'atouts manifestes pour les populations pauvres, un programme conjoint de recherches a été entrepris par l'Institut de recherches zootechniques et vétérinaires (IRZV) du Cameroun et la Stazione Sperimentale di Zootecnia (SSZ) de l'Université de Milan (Italie), dans le cadre du projet de recherche «Microlivestock as food and feed in semi-urban farming systems», coordonné par l'Institut de médecine tropicale d'Anvers (Belgique). Le projet, financé par la CE (STD/2), a duré quatre ans à compter de 1990.

Cet article se propose d'exposer les résultats de ces recherches qui peuvent intéresser développeurs et planificateurs

Élevage en milieu traditionnel

Une enquête élargie sur le territoire national a été effectuée en vue d'étudier les différents systèmes de production du cobaye, d'identifier les contraintes et les domaines prioritaires de recherche, d'en faire ressortir la contribution et l'intérêt socioéconomique et d'évaluer la productivité de ce mini-élevage en milieu traditionnel (Ngou Ngoupayou, Fotso et Kouonmenioc, 1994a).

Une préenquête avait permis de déceler deux grandes zones agroécologiques où existe une tradition d'élevage de cobayes au Cameroun (figure 2):

· les hauts plateaux de l'ouest, zone de savanes herbeuses d'altitude (de 1 000 à 2 800 m), à climat équatorial tempéré à deux saisons (température moyenne: 20 °C). L'activité agricole y est très intense, avec une prédominance de cultures vivrières et de caféiers arabica;

· la zone forestière subhumide du centre et du sud, à faible altitude (de 500 à 800 m), à climat équatorial guinéen à quatre saisons (température moyenne: 25 °C). La végétation est constituée de forêts, et les principales cultures sont le plantain, les racines et tubercules, le caféier robuste et le cacaoyer.

Dans chaque zone, quatre foyers ou centres d'élevage de cobayes ont été localisés, et dans chaque centre, 10 éleveurs choisis au hasard ont été interviewés par deux enquêteurs du service d'encadrement, dont un maîtrisant le dialecte local, pour un total de 80 éleveurs. Une trame d'enquête de 42 questions visait à identifier socialement l'éleveur, à caractériser ses activités agricoles, à décrire le système d'élevage de cobayes et son intégration dans le système agricole, à identifier les problèmes de reproduction et de santé et, enfin, à déterminer le rôle socioéconomique de ce mini-élevage.

L'enquête a été complétée par une année de suivi périodique (toutes les deux semaines) de 10 élevages de la zone forestière, en vue de définir la productivité des cobayes en milieu traditionnel.

Résultats de l'enquête

Dans les zones de l'enquête, l'élevage du cobaye est une activité familiale secondaire, pratiquée par les petits exploitants à faibles revenus, en l'occurrence les femmes et les enfants (84 pour cent des cas), exerçant des activités agricoles diversifiées (cultures vivrières, maraîchères et petit élevage mixte). Le petit élevage concerne principalement les volailles (77 pour cent), les porcs (31 pour cent), surtout dans les hauts plateaux de l'ouest, les petits ruminants (27 pour cent) et les lapins (17 pour cent).

L'élevage des cobayes, qui cohabitent parfaitement avec les autres espèces élevées, se pratique en liberté, à même le sol, dans une case en terre battue tenant lieu de cuisine, où les ustensiles et les meubles servent de cachette aux animaux (figure 3). Les équipements d'élevage (mangeoires et abreuvoirs) sont quasi inexistants. Les cobayes ne sont pas abreuvés, et les fourrages verts constituent leur principale source d'eau. Le feu de bois qui sert à la préparation des repas constitue également une source de chauffage, considérée par la plupart des éleveurs comme indispensable à la survie des cobayes. L'effectif moyen est de 17 cobayes par unité d'élevage, avec un maximum de 100 cobayes chez un éleveur.

Les principaux prédateurs des cobayes sont les chats et les chiens des voisins (et non ceux qui cohabitent dans la même concession), suivis des serpents, musaraignes, fourmis magnans et poules qui picorent les petits. Une mortalité importante est aussi due au piétinement, puisque les cobayes vivent dans la cuisine, avec les femmes et les enfants.

L'alimentation des cobayes est à base de fourrages verts de graminées récoltées à l'état spontané le long des routes et des cours d'eau (surtout Pennisetum purpureum et Panicum maximum, et aussi, dans la zone forestière, Setaria megaphilla et Coix lacryma-jobi), déchets de cuisine et résidus de récolte (feuilles de bananier, de maïs et tubercules, dans les deux zones; feuilles de choux, surtout dans la zone occidentale des hauts plateaux; feuilles de manioc, de canne à sucre et palmiste, principalement dans la zone forestière). Seuls quelques éleveurs de la zone occidentale emploient le son de maïs et les concentrés dans l'alimentation des cobayes. La consommation journalière moyenne de matière sèche a été estimée à environ 5 pour cent du poids vif. L'alimentation très diversifiée, caractéristique de l'élevage traditionnel, réduit sans doute les dégâts que l'on pourrait craindre d'une alimentation pratiquée sans aucune base rationnelle de complémentation et sans aucune connaissance des besoins des cobayes ni des caractéristiques nutritionnelles des aliments disponibles.

La bonne intégration de l'élevage du cobaye dans le système agricole est évidente si l'on considère que ces petits herbivores se nourrissent de résidus de récolte et que l'utilisation de leurs déjections comme engrais est assez courante et surtout généralisée dans les zones où les activités agricoles (cultures vivrières) sont intenses.

En matière de conduite de l'élevage, les reproducteurs mâles ne sont jamais séparés des femelles; de même, les nouveau-nés et les jeunes en croissance restent en permanence avec les adultes. En moyenne, le rapport mâle femelle est de 1:3, ce qui donne un nombre de mâles trop élevé pour une bonne productivité. En effet, il s'agit pour la plupart de jeunes mâles en croissance plutôt que de véritables reproducteurs. Il s'ensuit une succession quasi continue de gestations à un rythme incontrôlé et des risques de consanguinité très élevés. La sélection des reproducteurs n'est pas pratiquée, puisque la précocité représente l'un des principaux critères d'abattage, non plus que la réforme des animaux âgés ou malades.

1. Zone de diffusion confirmée en Afrique de l'élevage du cobaye comme animal de boucherie - Confirmed distribution of guinea pig production for meat in Africa - Zona de difusión confirmada en Africa de la cría del cuy como animal de carne

2. Zones identifiées du Cameroun avec tradition d'élevage du cobaye: zone de savane herbeuse d'altitude (A); zone forestière subhumide (B) - Traditional guinea pig production zones in Cameroon: high-altitude grass savannah (A); subhumid forest (B) - Zonas identificadas del Camerún con tradición de cría de cuyes: (A) zone de sabana herbácea alta; (B) zona forestal subhúmeda

3. Elevage traditionnel au Cameroun: cobayes en liberté dans la cuisine - Traditional production in Cameroon: guinea pigs at liberty in the kitchen - Cría tradicional en el Camerún: cuyes en libertad en la cocina Photo/Foto: Fotso et Kouomenioc

Les animaux malades ne reçoivent aucun traitement, et l'assistance du service vétérinaire est inexistante. Parmi les maladies, les éleveurs ont signalé les dermatophytoses, l'amaigrissement avec mort subite, le pelage hérissé avec chute des poils et les parasites cutanés.

L'enquête a montré que l'élevage des cobayes est avant tout un gage de sécurité alimentaire (pour 87 pour cent des éleveurs), mais il est également une source de revenus (46 pour cent). Dans la zone forestière du sud, cet élevage joue aussi un rôle important pour les rites coutumiers (pour 87 pour cent des éleveurs), de loin supérieur à sa valeur économique: les cobayes sont utilisés pour les sacrifices, comme le sont les poules locales dans les hauts plateaux de l'ouest et les petits ruminants dans les savanes du nord.

Etant donnée la faible production, la viande de cobaye n'est pas consommée fréquemment, mais plutôt lors des fêtes ou comme viande de prestige offerte aux visiteurs de marque (figure 4). Les cobayes sont cuisinés éviscérés, avec peau, tête, pattes, foie, cœur, rognons et graisse, après dépilation à l'eau bouillante ou par brûlure, ce qui donne un rendement en carcasse consommable d'environ 70 pour cent. On connaît plusieurs mets à base de cobaye: le cobaye rôti, le ndomba, le cobaye au concombre (namgon), le bouillon de cobaye et le mbongo (figure 5).

Le rôle de réserve monétaire se dégage clairement puisque, d'après les suivis périodiques, les ventes de cobayes sont massives avant les fêtes de Noël et du Nouvel An. Les ventes se font le plus souvent chez l'éleveur, mais la commercialisation est beaucoup plus développée dans les hauts plateaux de l'ouest, qui fournissent la presque totalité des cobayes vendus sur les marchés urbains de la zone forestière du sud.

Au Cameroun, la demande de la viande de cobaye demeure très supérieure à l'offre, grâce à ses valeurs alimentaire et culturelle. Cette situation se traduit, dans les régions du sud par exemple, par son prix moyen de 1 989 francs CFA le kg, soit trois fois plus que celui du poisson (600 francs CFA) et environ le double de celui du boeuf (963 francs CFA), du poulet (1 023 francs CFA), du mouton et de la chèvre (1 082 francs CFA) et du porc (1 119 francs CFA).

Performances d'élevage en station

Pour mieux connaître l'élevage de cobayes et déterminer leurs performances en conditions d'élevage améliorées et contrôlées, tout en évaluant des systèmes simples de logement et d'équipement d'élevage, une colonie de cobayes a été mise en place à la station de l'IRZV de Nkolbisson, dans la banlieue ouest de Yaoundé (Ngou Ngoupayou, Fotso et Kouonmenioc, 1994a).

La colonie a été formée à partir de 107 animaux fondateurs en provenance des élevages de la zone forestière du sud du Cameroun. La population des cobayes de la station a atteint, la troisième année, un maximum de 200 femelles reproductrices et, pendant les trois années des recherches, plus de 900 jeunes sont nés vivants au total. Les cobayes étaient élevés au sol, sur litière de copeaux de bois renouvelée une fois par semaine. Les reproducteurs étaient placés dans des loges de 0,8 x 1 m, avec parois en bois hautes de 0,6 m, par groupe polygamique permanent de 10 femelles et un mâle. De leur côté, les jeunes, après sevrage à trois semaines, étaient élevés pendant la croissance en lots de sujets du même âge et sexe, dans des loges d'engraissement de 0,4 x 1 m. Chaque loge était équipée d'une mangeoire en planche ou en bambou pour le concentré et d'un abreuvoir à volaille premier âge, d'une capacité de 3 litres (figure 6).

L'alimentation était à base de concentré (à 20 pour cent de protéines brutes et 8 pour cent de fibre brute) et de fourrage à volonté. Le fourrage était constitué de graminées vertes telles que Pennisetum purpureum, Panicum maximum, Trypsacum laxum, Brachiaria ruziziensis, ou Cynodon pleictostachius. De la vitamine C était souvent donnée dans l'eau de boisson pour satisfaire les exigences élevées des cobayes.

Les principaux paramètres de reproduction, croissance, mortalité et productivité relevés en station sont repris dans le tableau. La productivité potentielle des cobayes, basée sur les résultats de la colonie expérimentale de la SSZ de l'Université de Milan, correspond à 13,2 jeunes sevrés par femelle par an, un poids des jeunes de 710 g à 15 semaines et une production pondérale annuelle par femelle reproductrice de 10 fois le poids de la mère elle-même (Castrovilli, Rigoni et Cicogna, 1993).

Pendant les quatre années qu'a duré le projet, deux périodes ont connu un taux de mortalité très élevé: la première une mortalité asymptomatique de 25 pour cent des femelles reproductrices; la deuxième, due à une épizootie de salmonellose, a concerné tous les jeunes cobayes qui, pour un essai d'alimentation, étaient nourris exclusivement avec Brachiaria récolté sur un terrain fertilisé par la litière de volaille. Les mortalités ont cessé après nettoyage général et traitement pendant deux semaines à la sulfaguanidine dans l'aliment.

Les autres causes de mortalité recensées étaient les maladies respiratoires, les dermatophytoses (Trichophyton spp.), les gastroentérites et les accidents.

Alimentation et fourrages

Pour mettre au point une alimentation des cobayes qui soit rationnelle et adaptée aux conditions des élevages familiaux du Cameroun, des recherches préliminaires ont été entreprises visant à mieux connaître les caractéristiques alimentaires et les rendements des principaux fourrages disponibles.

Les cobayes ont été comparés aux lapins pour ce qui est de l'utilisation des aliments. Cette comparaison paraissait intéressante puisqu'il s'agit de deux espèces d'herbivores non ruminants très adaptés aux mini-élevages.

Evaluation des fourrages tropicaux

On a fait les essais suivants pour évaluer les caractéristiques nutritionnelles des fourrages tropicaux:

· alimentation monospécifique à base de Panicum maximum, Trypsacum laxum, Cynodon pleictostachius ou Pennisetum purpureum testée sur les performances pondérales des jeunes cobayes (Ngou Ngoupayou, Fotso et Kouonmenioc, 1994b);

· digestibilité des principes nutritifs et de l'énergie déterminée in vivo sur cobaye pour ces mêmes graminées, ainsi que pour Brachiaria ruziziensis et les feuilles de banane (Musa paradisiaca) (Rigoni et al., 1994);

· essais de complémentation des graminées Pennisetum, Panicum et Cynodon avec les légumineuses Glyricidia sepium, Flemingia macrophylla et Centrosema pubescens (Ngou Ngoupayou, Fotso et Kouonmenioc, 1994b).

En termes de performance pondérale des jeunes cobayes sevrés, Cynodon pleictostachius donne de meilleurs résultats que Pennisetum purpureum et Panicum maximum couramment utilisés par les éleveurs; et Panicum est apparemment plus indiqué que Pennisetum pour l'alimentation des jeunes.

Trypsacum, avec presque 20 pour cent de protéines digestibles de moins que Pennisetum sur MS, ne semble pas permettre les mêmes résultats de croissance, tandis que Cynodon, pour lequel on a aussi enregistré le plus haut niveau de consommation dans l'alimentation monospécifique, justifie les performances de croissance par une plus haute teneur en protéines digestibles.

Les essais de digestibilité ont montré que les feuilles de banane, qui sont peu consommées par les cobayes, ont les coefficients de digestibilité et le niveau en protéines digestibles les plus bas.

On peut rappeler que les essais de digestibilité ont été effectués sur des animaux adultes avec des fourrages séchés et par la méthode indirecte (ration de base + fourrage testé). Par ailleurs, avec une alimentation monospécifique, sur des jeunes animaux jusqu'à trois mois d'âge, on a obtenu des indices de conversion (dont les valeurs étaient parfois voisines de 30!) caractéristiques d'une ration inadéquate.

Les meilleures croissances des cobayes ayant été obtenues en Amérique latine avec une alimentation à base de luzerne (Medicago sativa) (Quijandria, 1988), on a essayé la complémentation des graminées avec des légumineuses disponibles au Cameroun. Malheureusement, avec Gliricidia sepium et Flemingia macrophylla on a obtenu une mortalité de 100 pour cent des cobayes. On peut remarquer que, pour Gliricidia, des problèmes de toxicité des racines avaient été signalés pour les rongeurs (et des feuilles pour le cheval) (Skerman, 1977). Seul Centrosema a pu faire l'objet d'une étude de complémentation avec Pennisetum, Panicum et Cynodon, mais l'analyse des gains de poids a montré que tous les animaux ont plutôt perdu du poids pendant la première période de l'essai, et qu'ensuite les gains ont été assez modestes.

4. Cobaye: viande de prestige, réservée généralement au chef de famille et aux visiteurs de marque - Guinea pig: a prestige meat generally reserved for the head of the household and distinguished visitors - Cuy: carne apreciada, reservada generalmente pare el cabeza de familia y los visitantes distinguidos Photo/Foto: Ngoupayou

5. Le ndomba: l'un des mets a base de cobaye. La viande est emballée dans des feuilles préséchées pour la cuisson. Le ndomba se mange généralement avec du manioc (a gauche de la photo) - Ndomba: a dish made from guinea pig meat. The meat is wrapped in dried leaves for cooking. Ndomba is usually eaten with cassava (left) - El ndomba: uno de los platos a base de cuy. La carne está envuelta en hojas previamente secadas pare cocinarla. El ndomba se come generalmente con yuca (a la izquierda de la foto) Photo/Foto: Ngoupayou

6. Logement des cobayes à la Station IRZV Nkolbisson, près de Yaoundé - Guinea pig housing at the Nkolbisson IRZV station near Yaoundé - Alojamiento de cuyes en el centro IRZV Nkolbisson, cerca de Yaoundé Photo/Foto: Ngoupayou

Il serait très intéressant d'essayer la complémentation avec d'autres légumineuses.

Productivité des fourrages et détermination des surfaces nécessaires à l'entretien d'un cheptel

A la suite de la mise en culture au Cameroun, sur parcelles expérimentales, des principales plantes fourragères employées pour l'alimentation du cobaye, on a relevé qu'avec une fréquence de coupe à huit semaines, la surface nécessaire pour l'entretien d'un cheptel familial de 20 cobayes pendant la période des grandes précipitations (quatre mois) varie de 108 m2 pour Brachiaria à 214 m2 pour Trypsacum laxum. Pour une fréquence de coupe à six semaines, ces surfaces varient de 113 m2 pour Brachiaria à 184 m2 pour Trypsacum. Si les parcelles sont fertilisées par l'épandage de la litière des cobayes, la surface nécessaire pour l'entretien du même cheptel se réduit de 25 pour cent environ. On notera que les surfaces indiquées devraient être doublées pour permettre une rotation avec un temps de repos égal à l'intervalle entre les coupes.

On a relevé que la culture de Brachiaria ruziziensis fournit les plus hauts rendements, ce qui peut s'expliquer par son aptitude à couvrir uniformément le sol, à occuper donc tout l'espace qui lui est dévolu. Les espèces Trypsacum laxum, Panicum maximum et Pennisetum purpureum ont montré des rendements plus bas, car il s'agit de graminées de haute taille. Pour un recouvrement de 100 pour cent il faut attendre que les plantes atteignent plus de 50 cm de hauteur.

Utilisation des aliments: comparaison entre cobaye et lapin

L'alimentation de lapins et cobayes peut être basée sur les même types de fourrages verts, résidus de récolte et déchets alimentaires; il est donc intéressant de comparer l'utilisation alimentaire par ces deux espèces.

C'est dans ce but, qu'à la SSZ de l'Université de Milan, un essai de digestibilité in vivo a été fait sur 12 cobayes et 11 lapins adultes (poids moyen de 792 et 3 101 g. respectivement), logés dans les cages métaboliques et nourris avec le même aliment composé, à 20 pour cent de protéines et 21 pour cent de fibre brute (Rigoni, Castrovilli et Cicogna, 1993).

La consommation volontaire d'aliment par jour a été semblable dans les deux espèces (53 g matière sèche (MS)/kg poids vif (PV) pour les cobayes et 48 g MS/kg PV pour les lapins, correspondant à 48 g matière organique digestible (MOD)/kg poids métabolique (PM) pour les cobayes et à 58 g MS/kg PM pour les lapins).

L'utilisation digestive (63 et 62 pour cent) et métabolique (60 et 59 pour cent) de l'énergie n'a pas été significativement différente entre les deux espèces, mais l'utilisation de la matière sèche (65 et 62 pour cent), de la matière organique (65 et 62 pour cent) et, surtout, de la fibre (32 et 26 pour cent) a été meilleure pour les cobayes que pour les lapins, tandis que ces derniers ont montré une meilleure digestibilité pour les protéines (72 et 75 pour cent) et les lipides (67 et 83 pour cent). On peut en conclure que les cobayes apparaissent plus adaptés que les lapins à une utilisation efficace des fourrages riches en fibre.

Elevage des cobayes: performances observées - Observed performance in guinea pig production - Rendimiento observado en la cría de cuyes

Reproduction

Cameroun

Italie

En milieu traditionnel

En station

En station

Moyenne

Variation

Moyenne

Variation

Moyenne

Variation

Age à la 1re mise bas (jours)



135

(118-149)

122

(94-181)

Intervalle entre mises bas (jours)



65

(63-68)

86

(60-148)

Nombre de petits nés vivants par mise bas

1,6

(0-4)

1,9

(0-4)

4

(0-9)

Nombre de petits sevrés par mise bas



1,6


3,1

(0-6)

Croissance







Poids à la naissance (g)

80

(60-110)

85

(60-110)

99

(44-190)

A 3 semaines (sevrage) (g)



161

(80-225)

249

(104-408)

A 4 semaines (g)

175






A 12 semaines (g)

314


346

(280-450)



A 15 semaines (g)



417

(320-530)

737

(467-1 029)

A 23 semaines (g)



526


918

(768-1 168)

Conversion des aliments en poids







3-5 semaines (g/g)





4,4


3-6 semaines (g/g)



5,9




15-18 semaines (g/g)



13,7


12,5


Mortalité







Mortinatalité (%)

13


7


18


Avant sevrage (%)

18


18


8


Sub-adultes (%)

7


1,8


2,5


Rendement en carcasse consommable







A 15 semaines (%)



68


76


A 23 semaines (%)



73


78


Productivité annuelle des reproductrices







Nombre de portées

5


5


4,3


Nombre de petits sevrés

5,6


7,8


13,2


Poids vif produit (kg)

2,5


3,1


9


Carcasse consommable produite (kg)



2,1


6,8


Indice de productivité pondérale relative (IPPR)1 (%)

500


616


1 060


1IPPR = Rapport entre le poids vif des jeunes abattus par mère et par an et le poids vif de la mère elle-même.

Gestion de la reproduction

L'accouplement en consanguinité et les saillies libres sont considérés comme des contraintes majeures de l'élevage traditionnel du cobaye. Une recherche a donc été entreprise à Milan, dans le but de quantifier les effets de ces systèmes de reproduction sur la productivité des cobayes (Cicogna et al., 1994).

On a élevé deux générations de cobayes dans une colonie expérimentale. Les systèmes de reproduction que l'on a observés au Cameroun, dans l'élevage en liberté en milieu traditionnel, c'est-à-dire accouplement en consanguinité stricte (frère et soeur, père et filles) avec saillies libres et reproduction à un rythme incontrôlé, ont été comparés respectivement à l'accouplement entre reproducteurs non apparentés et à la saillie contrôlée au sevrage, c'est-à-dire à trois semaines après la mise bas. Au total, on a analysé les performances reproductives de 62 femelles, sur un total de 209 portées et les croissances individuelles de 708 de leurs descendants de la naissance jusqu'à l'âge de 15 semaines.

L'accouplement entre sujets non apparentés, par rapport aux accouplements entre consanguins, a montré des effets significatifs et positifs sur la maturité sexuelle des femelles (première mise bas à 116 jours d'âge au lieu de 125 jours), sur leur prolificité (3,8 petits nés vivants au lieu de 2,9), sur le poids des petits (98 g à la naissance au lieu de 90 g) et sur leur croissance (765 g de poids à 15 semaines d'âge au lieu de 709 g), avec une réduction de la mortinatalité (15,3 pour cent au lieu de 27,3 pour cent) et du taux de mortalité jusqu'au sevrage à trois semaines (4,1 pour cent au lieu de 12,6 pour cent). C'est ainsi que les reproducteurs non apparentés ont amélioré de 45 pour cent la productivité annuelle par femelle (12,3 kg de poids vif des descendants à 15 semaines/femelle/an au lieu de 8,5).

La saillie planifiée à trois semaines après la mise bas (au sevrage), par rapport aux saillies libres, tout de suite après la mise bas, a montré un effet significatif pour la réduction du stress des femelles reproductrices (perte de poids pendant la lactation et taux de mortalité plus réduits) et pour l'augmentation du poids des descendants à la naissance (96 g au lieu de 91) et jusqu'à cinq semaines d'âge (356 g au lieu de 346), mais n'a pas modifié le nombre de petits par portée, ni le poids final des jeunes à 15 semaines d'âge. En revanche, le plus long intervalle entre mises bas (97 au lieu de 73 jours) a provoqué une réduction de 24 pour cent de la productivité annuelle des reproductrices avec saillie contrôlée (8,7 kg au lieu de 11,4 de poids vif des descendants à 15 semaines par femelle et par an).

Sur la base de ces résultats il faudrait adopter un système de gestion de la reproduction, s'appuyant à la fois sur l'accouplement entre reproducteurs non apparentés et sur le sevrage accompagné de saillie contrôlée deux semaines après la mise bas. En effet, le sevrage à deux semaines, fréquemment pratiqué en Amérique latine (dalle Zárate et al., 1991), permet d'éviter la saillie post-partum ce qui, en éliminant la superposition de la lactation et de la gestation, réduit l'affaiblissement des mères sans augmenter excessivement l'intervalle entre mises bas puisque l'accouplement peut se réaliser pendant le deuxième œstrus (16-17 jours après la mise bas). Cette technique de gestion de la reproduction nécessite l'installation dans les élevages traditionnels de compartiments en matériaux locaux afin de loger séparément les reproductrices avec les petits non sevrés, les jeunes animaux en croissance des deux sexes et les mâles adultes. Avec cette conduite de l'élevage, on pourrait s'attendre à une amélioration de la productivité annuelle par femelle de l'ordre de 33 pour cent pour la rupture de la consanguinité, (moins 12 pour cent pour l'intervalle plus long entre les mises bas) par rapport aux saillies incontrôlées entre consanguins. Ainsi, un petit élevage familial de 10 reproductrices donnerait une production annuelle de 33,25 kg de poids vif au lieu des 25 kg relevés actuellement.

7. Cobayes et fourrages tropicaux (Pennisetum purpureum) - Guinea pig and tropical forage (Pennisetum purpureum) - Cuyes y forrajes tropicales (Pennisetum purpureum) Photo/Foto: Ngoupayou

8. Une reproductrice exceptionnellement prolifique - An exceptionally prolific breeder - Hembra reproductora excepcionalmente prolífica Photo/Foto: Cicogna

Par ailleurs, après l'adoption de ces techniques simples d'élevages, il sera indiqué de passer à l'étude d'un système alimentaire efficace, à la sélection et à l'amélioration génétique du format des animaux et de la prolificité des reproductrices; ce qui contribuera à l'amélioration économique de cet élevage, qu'une famille sur trois pratique dans les zones rurales enquêtées.

On ne peut pas prévoir, pour le moment, les conséquences économiques des améliorations proposées, puisque malheureusement il n'existe aucune donnée globale concernant l'élevage des cobayes pour la boucherie, bien que l'on sache que cette production représente la quasi-totalité de la viande consommée par les paysans des Hautes Andes. En Afrique, cet élevage est encore officiellement ignoré et son existence est même parfois contestée, voire niée.

Conclusions et perspectives

Ces résultats mettent en évidence les nombreux avantages de l'élevage des cobayes. Au Cameroun, il s'agit d'un mini-élevage familial parfaitement intégré dans les systèmes agricoles en place: c'est un gage de sécurité alimentaire et de réserve monétaire qui a une valeur socioculturelle importante pour les populations rurales, même dans les zones censément peuplées.

Ce petit herbivore est très intéressant pour sa prolificité, sa rusticité et son aptitude à convertir en une viande très appréciée les déchets de cuisine et les fourrages récoltés sur les parcelles marginales.

Dans les conditions d'élevage traditionnelles, la productivité des cobayes demeure faible, mais elle pourrait être facilement améliorée par une alimentation adéquate et une conduite de l'élevage contrôlée.

La connaissance des valeurs nutritives des fourrages et des résidus de récolte disponibles s'avère déterminante pour la mise au point d'une complémentation adéquate et pour l'amélioration du système alimentaire des cobayes. Une conduite plus rationnelle de l'élevage en milieu rural pourra être envisagée, après une action efficace de vulgarisation conduisant à l'adoption de simples enclos à la fois pour séparer les différentes catégories d'animaux (reproducteurs mâles, femelles avec les petits jusqu'au sevrage, jeunes à l'engraissement) et pour gérer la reproduction.

Références

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