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Chapitre 3 - Aménagement de chemins forestiers


Définition
Principes directeurs
Objectifs
Conséquences possibles d'une conception, d'une construction ou d'un entretien inadéquats des chemins forestiers
Pratiques recommandées

Définition

Par aménagement de chemins, on entend la spécification de normes techniques, une étude technique effective, le tracé sur le terrain, la construction et l'entretien des chemins forestiers et des ouvrages complémentaires (ponts, ponceaux, etc.).

Principes directeurs

Les chemins forestiers sont des ouvrages d'art complexes qui jouent un rôle tout à fait essentiel en matière de transport et d'accès aux forêts. Ces chemins sont indubitablement l'élément des opérations de récolte du bois qui pose le plus de problèmes. En effet, une bonne part de l'érosion des sols résultant de ces opérations leur sont directement imputables, souvent en raison de vices de conception ou de construction ou encore d'un mauvais entretien. Néanmoins, exception faite des cas où l'on peut utiliser de grandes voies d'eau, les chemins sont indispensables, non seulement pour l'extraction industrielle du bois d'œuvre, mais aussi pour permettre d'accéder à la forêt aux fins d'aménagement et de contrôle. Dans certains cas, les chemins forestiers peuvent faire partie intégrante du réseau routier public prévu et donc constituer un élément essentiel de l'infrastructure mise en place dans le cadre du développement national.

La conception et le tracé sur le terrain des chemins forestiers doivent être effectués par des ingénieurs compétents qui comprennent la nécessité de déranger le moins possible les sols, d'assurer un drainage convenable et de réduire au minimum les franchissements de cours d'eau. La construction et l'entretien des chemins forestiers sont des tâches complexes qui doivent être supervisées par des ingénieurs et accomplies par des équipes spécialement formées à cet effet.

Objectifs

Les chemins forestiers bien conçus, construits dans un souci de protection de l'environnement et convenablement entretenus devraient satisfaire aux impératifs suivants:

· assurer un accès commode et peu coûteux à la forêt aux fins de transport des produits, d'aménagement et de conservation, tout en servant les intérêts des communautés locales;

· réduire au minimum l'érosion des sols résultant des travaux routiers et restreindre de ce fait la sédimentation dans les cours d'eau;

· conformément aux règles de l'art en matière de conception et d'entretien, réduire au minimum la superficie occupée par les chemins forestiers et les premiers dépôts transitoires, tout en défrichant suffisamment le bord des chemins afin d'assurer une évacuation rapide des eaux après de fortes pluies;

· tirer parti des systèmes de drainage naturels;

· éviter de traverser des lieux à vocation culturelle, religieuse ou touristique, ou encore des zones où la circulation risquerait de perturber la faune ou les populations autochtones;

· assurer la sécurité des travailleurs et du grand public qui seront amenés à circuler sur ces voies ou qui pourraient pâtir de cette circulation.

Conséquences possibles d'une conception, d'une construction ou d'un entretien inadéquats des chemins forestiers

Une construction ou un entretien inadéquats des chemins forestiers peuvent amener aux conséquences suivantes:

· importants frais de construction, d'entretien et de transport;

· faible longévité des chemins, ce qui obligera à en construire de nouveaux à l'occasion des opérations de récolte qui pourraient être effectuées par la suite dans le même secteur;

· très forte sédimentation des cours d'eau pouvant avoir de graves conséquences sur l'approvisionnement en eau, la vie aquatique et la faune sauvage;

· très forte érosion des sols, entraînant une baisse de productivité dans les secteurs forestiers proches des chemins;

· augmentation des risques de glissement de terrain sur les pentes escarpées, avec les répercussions que cela peut avoir sur l'infrastructure, les cours d'eau et les modes d'utilisation des sols;

· perturbation du cycle de reproduction ou du processus migratoire des espèces fragiles.

Excavateur à chenilles aménageant un chemin forestier en terrain montagneux. Ces engins, convenablement utilisés, peuvent contribuer à réduire considérablement l'impact sur l'environnement de ce genre d'activité, notamment en comparaison de la construction de routes a l'aide de bouteurs (Photo: Rudolf Heinrich)

Pratiques recommandées

Pour construire des chemins forestiers, il faut défricher le terrain et déplacer de la terre et des roches de façon à édifier des ouvrages qui puissent supporter le poids de véhicules lourds dans des conditions ambiantes défavorables. Ces activités donnent presque toujours lieu à une augmentation du taux d'érosion. Pour limiter l'érosion et réduire au minimum ses effets destructeurs, on recommande d'adopter les pratiques suivantes:

· Faire appel à des ingénieurs compétents pour effectuer les relevés du tracé des chemins et superviser la construction.

· Réduire au minimum la longueur totale des chemins. Cela permet non seulement de limiter l'érosion que ces chemins peuvent provoquer, mais aussi de défricher le moins possible de forêt et d'accroître la rentabilité en réduisant leur coût de construction et d'entretien.

· Dans une zone forestière donnée, les opérations de débardage par traînage nécessitent généralement un réseau routier deux à trois fois plus long que les opérations de récolte menées au moyen de porteurs ou de téléphériques forestiers, utilisés dans des conditions similaires. Les systèmes de débardage aérien, par exemple à l'aide d'hélicoptères, peuvent s'accommoder de réseaux routiers encore plus restreints. Toutefois, ces systèmes, à l'instar des systèmes de débardage par téléphérage, coûtent plus cher que les systèmes de débardage par traînage, sauf en terrain exceptionnellement accidenté. Il existe donc un moyen terme entre le coût élevé de la construction des chemins forestiers lorsque le réseau routier est dense et le coût élevé du débardage lorsqu'il ne l'est pas.

· Réduire le plus possible la superficie totale de la zone perturbée par la présence de chemins forestiers. Les directives, élaborées pour les forêts ombrophiles du nord de l'Australie, spécifient qu'en terrain régulier ne nécessitant que fort peu de déblaiements, la largeur maximale défrichée doit être inférieure à 7,5 m pour les grandes voies d'exploitation et à 5 m pour les voies d'exploitation secondaires. En terrain plus accidenté, il faut davantage défricher afin de faciliter l'édification de déblais et de remblais et, dans les régions à fortes précipitations, de permettre à la lumière du soleil de sécher les chemins après les tempêtes de pluie. Bien que les pratiques varient selon les régions, le principe général veut que la largeur moyenne des chemins forestiers soit limitée au minimum permettant de disposer de voies convenablement construites et entretenues, où le débardage puisse être effectué de façon efficace et sûre. Cela a pour effet de réduire l'érosion des sols et de restreindre l'étendue de forêt qui doit être défrichée aux fins d'aménagement de l'infrastructure.

· Eviter, dans la mesure du possible, les zones à sols humides et à fort risque d'érosion. L'aménagement de chemins forestiers dans ces zones s'avère coûteux, tant au stade de la construction initiale qu'en ce qui concerne l'entretien supplémentaire qui sera indispensable pendant toute la durée de leur utilisation.

· Réduire au minimum les déblais et les remblais. Sur les pentes raides et érodables, il est préférable d'utiliser des pelles hydrauliques afin de ne pas avoir à édifier des remblais latéraux avec les matériaux déblayés. On peut au besoin avoir recours aux techniques de déblaiement à l'explosif appropriées; il faut alors déposer les matériaux déblayés sur des aires de stockage stables, situées à bonne distance des cours d'eau.

· Tasser convenablement la couche de fondation et laisser sécher avant utilisation. Il vaut mieux construire les chemins forestiers pendant la saison sèche et attendre que la saison des pluies soit terminée avant d'y faire circuler des engins lourds. Il est recommandé d'édifier de solides fondations avec des matériaux locaux adéquats et de répandre si possible une couche de gravier ou de matériau similaire sur la surface de roulement des principaux chemins forestiers.

· Aménager des fossés latéraux et des drainages transversaux convenablement espacés, de façon à permettre l'évacuation de l'eau dans la végétation environnante. Il existe un certain nombre de techniques relativement simples et peu coûteuses que l'on néglige souvent d'employer dans le cas des chemins forestiers. Ces techniques sont pourtant indispensables si l'on souhaite réduire au minimum l'érosion des sols résultant de la construction des routes, notamment dans les régions à fortes précipitations. De plus, leur coût est très largement compensé par la réduction des dépenses de reconstruction des chemins forestiers et par la diminution des retards dus à l'accumulation de boue ou à l'affouillement de certains tronçons.

· Faire en sorte que la végétation des talus latéraux soit restaurée le plus vite possible une fois la construction achevée. A cet égard, les arbustes ou l'herbe sont préférables aux arbres à croissance rapide, car ces derniers risquent d'ombrager le chemin et de l'empêcher de sécher après la pluie. Dans de nombreuses régions tropicales, il est indispensable de maîtriser, au bord des chemins forestiers, le développement des arbres d'espèces pionnières à croissance rapide qui repoussent rapidement après défrichement, de sorte que les chemins puissent sécher convenablement.

· Veiller à ce que les chemins forestiers et les zones perturbées soient suffisamment éloignés des cours d'eau et n'empiètent pas sur les bandes tampons qui les bordent. Lorsqu'il est nécessaire de franchir un cours d'eau, il faut procéder à un relevé minutieux des lieux avant de concevoir l'ouvrage de franchissement et éviter le plus possible de perturber le cours d'eau pendant la construction.

· Lorsqu'on a recours à des ponceaux ou à des ouvrages de drainage similaires pour assurer le drainage transversal ou franchir un cours d'eau, se fonder sur l'intensité locale des précipitations et les coefficients d'écoulement pour déterminer les dimensions et l'espacement de ces ouvrages.

· Veiller à ce que la déclivité des chemins forestiers soit aussi faible que possible, compte tenu de la nécessité d'un accès adéquat à la forêt. Dans certains pays, on recommande une déclivité maximale de 10 à 20 pour cent (6 à 11°), sauf sur de courtes distances, lorsqu'il est indispensable d'augmenter la déclivité pour accéder aux parties hautes du terrain. En région montagneuse, il peut être judicieux d'aménager des chemins forestiers relativement pentus, afin de pouvoir réduire la déclivité dans les portions qui nécessitent des travaux plus importants. Il ne faut cependant pas oublier que les frais d'entretien et les risques d'érosion ont tendance à fortement augmenter avec la déclivité.

· Faire passer, dans la mesure du possible, les chemins forestiers en haut des crêtes sur terrain stable, sauf lorsqu'on utilise des câbles-grues de longue portée sur des chemins aménagés dans le fond des vallées.

· Assurer un entretien convenable de la surface des chemins forestiers, des fossés latéraux, des drainages transversaux et des ouvrages de franchissement. Les chemins secondaires qui ne sont pas utilisés, avant le prochain cycle d'abattage, peuvent être fermés; en ce cas, il peut être judicieux de scarifier la surface du chemin et de restaurer le couvert végétal en plantant de l'herbe ou des arbustes. Tous les chemins qui sont considérés comme essentiels pour l'aménagement ou la conservation des forêts doivent être entretenus afin qu'il soit possible d'y circuler en permanence.

Creusement d'une tranchée en vue de la mise en place d'un ponceau sur un chemin forestier. Le drainage joue un rôle primordial dans l'aménagement des chemins forestiers (Photo: Dennis Dykstra)

Densité efficace des chemins forestiers

Quel que soit le système de récolte, la planification préalable du réseau routier, évoquée au chapitre 2, se traduira presque toujours par une densité des chemins bien inférieure à celle que l'on enregistre lorsque la récolte est faite en l'absence de tout plan de récolte détaillé. Pour une zone donnée, la densité appropriée dépend du type de forêt, du coût de construction et d'entretien des chemins forestiers, des frais de débardage et d'autres facteurs. Dans les forêts tropicales, où le volume par hectare du bois d'œuvre qui peut être récolté est relativement limité, la densité optimale du réseau routier est d'ordinaire beaucoup plus faible que dans les forêts tempérées. En Europe, la densité des chemins forestiers servant à des opérations de débardage par traînage s'établit généralement à quelque 25 m de route par hectare de forêt. Exprimé en volume de bois d'œuvre extrait, cela correspond à une densité efficace d'environ 100 m de route par 1 000 m3 de bois rond extrait. S'agissant d'une forêt tropicale décidue mélangée exploitée dans les conditions typiques de l'Afrique occidentale (où l'on récolte en moyenne quelque 10 m3 par hectare), une densité efficace de 100 m de route par 1 000 m3 de bois rond extrait correspondrait à seulement 1 m de route par hectare de forêt. Ce chiffre est de très loin inférieur aux densités réelles enregistrées communément dans les forêts tropicales, ce qui tendrait à prouver que la densité efficace du réseau routier pourrait être plus élevée dans certaines de ces forêts que dans les forêts tempérées des pays industrialisés.


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