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Chapitre 6 Le réexamen des politiques de l'eau dans la pratique


Le réexamen des politiques de l'eau dans la pratique: l'expérience des pays


Ce chapitre illustre la nature du travail de réexamen des politiques de l'eau en se basant sur des cas réels au Yémen, en France, au Mexique, en Angleterre et au Pays de Galles (Royaume-Uni), dans l'état de Victoria (Australie), au Chili, en Indonésie, au Belize, en Turquie et en Lituanie. L'attention se portera en particulier sur le processus de réexamen lui même et sur comment a été organisée la consultation du public. Les résultats obtenus sont commentés dans les rubriques réformes des droits d'eau, privatisation et statut d'entreprise, encourager la tarification et les mécanismes du marché, et réformes de la planification et de la gestion.

Il n'est pas dans l'intention de ce chapitre de donner des conseils normatifs sur comment procéder à un réexamen des politiques, mais plutôt de donner au lecteur un aperçu d'un certain nombre de réexamens qui ont été effectivement menés.

Il est bien évident que chaque pays désire conduire à sa façon le réexamen des politiques, reflétant ainsi les différences nationales s'agissant des problèmes fondamentaux, des particularités culturelles, juridiques, historiques, politiques et institutionnelles, des degrés de développement, des capacités professionnelles et administratives, et d'autres facteurs fondamentaux. Il s'ensuit que ce manuel ne propose pas de schéma directeur tout fait.

Le réexamen des politiques de l'eau dans la pratique: l'expérience des pays


Processus de réexamen
Résultats


Le tableau 3 contient des exemples de réexamens des politiques de l'eau menées récemment par sept pays à divers stades de développement. Certains enjeux d'intérêt général sont commentés ci-après sous les titres "processus de réexamen" et "principaux résultats".

Processus de réexamen

Un problème communément rencontré quand on aborde l'examen des politiques, est que le secteur de l'eau est vaste, fait preuve d'une grande diversité, et que les responsabilités y sont fragmentées, ou, tout du moins, divisées entre plusieurs organismes. Il en résulte qu'une des premières décisions à prendre et de savoir comment organiser la nécessaire coordination de l'information et des points de vue. Malgré l'existence d'un Conseil général de l'eau, le Yémen a jugé opportun de nommer un groupe de travail interdisciplinaire rendant compte à un Comité consultatif présidé par le vice ministre responsable des ressources en eau. Ce comité comprenait des hauts fonctionnaires, au niveau des directeurs de cabinets, de tous les ministères liés à l'eau (encadré 12).

TABLEAU 3
Exemples de réexamens des politiques dans le secteur de l'eau

PAYS

REVISION DES POLITIQUES DE L'EAU: LES DIFFERENTES ETAPES


1. Justification du réexamen

2. Initiatives prises

3. Document de politique générale (avant-projet)/concertation avec les intéressés

4. Principaux aspects des réexamens et réformes

5. Textes et mesures adoptées

Angleterre et Pays de Galles (Royaume-Uni)

1985: Conflits relatifs à la gestion financière des Water Authorities (agences de l'eau).

1986: livre blanc du gouvernement sur la privatisation du secteur de l'eau; préparations de divers rapports.

Publication de documents d'orientation pour concertation et débat parlementaire.

Redessiner les frontières entre le service public et un secteur privé intégré. Contrôle des sociétés privées de services de l'eau.

1988: Projet de loi sur l'eau. Juillet 1989: Loi sur l'eau adoptée par le parlement.

France

Déséquilibre offre-demande aggravé par la sécheresse.

Création d'un Comité national de l'eau. Séminaires régionaux. Séminaire national sur l'eau (Mars 1991).

Débat, dans le cadre du séminaire national sur l'eau, sur les mesures proposées.

Gestion globale et équilibrée de la ressource en eau. Equilibrer l'aménagement et la protection des ressources.

Nouvelle loi sur l'eau adoptée par le parlement en Janvier 1992.

Chili

Le manque de ressources hydriques atteint des niveaux critiques; Conflits entre l'administration et le secteur privé sur des questions socio-économiques et de propriété.

1990: le gouvernement lance un examen de la politique de l'eau. Août 1991: Séminaire national.

Débat sur les mesures proposées lors du Séminaire.

Equilibrer les rôles des secteurs publics et privés; renforcer les garanties sur les droits d'eau détenus.

Projet de législation sur les ressources en eau soumis au Congrès (1992).

Mexique

Déséquilibre croissant entre la demande et les disponibilités en eau pour les villes et l'irrigation.

1989: création d'une Commission nationale de l'eau. Examen des politiques de l'eau.

Publication et diffusion des orientations et stratégies par la Commission nationale de l'eau (Dec 1990).

Encourager l'utilisation rationnelle de l'eau; améliorer la qualité des services de l'eau en renforçant le rôle du secteur privé.

Loi sur les eaux nationales adoptée par le Congrès fédéral en Novembre 1992.

Etat de Victoria (Australie)

Colère des usagers contre une bureaucratie incontrôlable et des dépenses publiques sans réelle supervision.

1980: mise en place d'un Comité d'étude sur les organismes publics ayant un rôle de conseil pour l'élaboration des politiques. 1988: Comité d'étude indépendant mis en place pour étudier les nouvelles propositions de lois sur l'eau.

1981: publication des recommandations du Comité. 1986: publication de documents de travail et de dossiers pour la nouvelle législation sur l'eau. Organisation d'ateliers et de réunions publiques.

Rationalisation dans l'organisation des organismes gestionnaires de l'eau. Restructuration de l'administration centrale de l'eau. Réorganisation juridique. Les agences du secteur public acquièrent un statut d'entreprise.

Loi sur l'eau (restructuration de la gestion centrale) adoptée en 1984. Loi sur l'eau adoptée en Décembre 1989.

Yémen

Ressources en eaux souterraines surexploitées, utilisées de façon improductive et se détériorant rapidement; fragmentation institutionnelle aboutissant à des projets de lois sur l'eau incompatibles.

1992: amen complet des politiques de la ressource en eau par le gouvernement, via un Comité consultatif interministériel et un Comité National de réflexion.

Groupes de travail intersectoriels et inter-régionaux.

Conservation et utilisation durable des ressources en eau; protection de l'environnement.

Rapport global et d'études des politiques du comité de réflexion; séminaire sur les politiques de l'eau; Séminaire national sur l'eau en 1993.

Indonésie

Réorientation de gros investissements publics, avec des subventions importantes pour l'eau; détérioration des infrastructures hydrauliques; déséquilibre régional entre les disponibilités et la demande, changement dans les usages.

1987: Politique du secteur de l'irrigation. 1991: examen complet des politiques de l'eau par le gouvernement; création d'organismes issus du secteur privé pour la gestion de la ressource en eau.

Séminaires nationaux et internationaux sur les politiques de gestion de l'eau. 1994: Propositions pour une nouvelle politique de l'eau et plan d'action pour le deuxième plan sur 25 ans.

Administration de l'eau décentralisée au niveau des bassins fluviaux; privatisation et recouvrement des coûts; étude trans-sectorielle; aménagement régional des ressources en eau.

Politique de l'eau dans le 2ème plan sur 25 ans et le sixième plan de développement. Administration de l'eau décentralisée.

ENCADRE 12: LE PROCESSUS DE RÉEXAMEN DES POLITIQUES AU YÉMEN

En réponse à une gestion des ressources en eau de plus en plus fragmentée et en grande partie incontrôlée ou laissée aux utilisateurs, le gouvernement de l'ex-République Arabe du Yémen avait mis en place un Conseil central de l'eau sous l'égide du ministère de l'eau et de l'électricité. Il était cependant devenu de plus en plus clair que la gestion de l'eau au Yémen, fonctionnant dans une situation de vide politique et d'absence de systèmes réglementaires, n'était pas durable et entraînait un épuisement et une détérioration rapide des ressources, avec une recrudescence des conflits d'eau. Des forages et des prélèvements d'eaux souterraines de plus en plus profonds, ponctuels et non durables, ont eu tendance à accroître le coût de l'eau et ses usages non rentables. Les utilisateurs d'eau maximisaient leurs revenus en s'appropriant les ressources des autres et transféraient sur la société leurs coûts propres, ce qui eut pour conséquence d'épuiser les ressources en eaux souterraines et par suite d'entraîner des baisses de la production alimentaire. Les ressources limitées en eau étaient aussi utilisées de façon improductive et des systèmes coutumiers ou tribaux qui fonctionnaient bien furent remplacés par des bureaucraties inefficaces.

Des mesures s'imposaient alors pour unifier le secteur de l'eau et introduire le jeu de la concurrence pour protéger les ressources. Cependant la mise en oeuvre des mesures ne pouvait être que limitée du fait de ressources humaines et d'un cadre institutionnel insuffisants et de mauvaise qualité, de l'absence de coordination intersectorielle; du fait qu'il y avait aussi un manque d'outils d'analyse, de données suffisantes et fiables, d'instruments politiques efficaces, de mécanismes pour la recherche et le développement et pour l'adaptation des nouvelles technologies.

Après l'unification en Mai 1990, le gouvernement n'avait pu se mettre d'accord sur les grandes lignes d'une politique de l'eau et des structures institutionnelles, ni même sur une loi de base pour l'eau, et en 1991, confronté à deux propositions contradictoires de législation sur l'eau, 1e gouvernement confia au ministre chargé des ressources en eau la tâche d'élaborer une politique de l'eau cohérente qui permette d'obtenir un consensus sur la législation et les structures institutionnelles relatives à la gestion des ressources en eau. Une politique de l'eau centrée sur les enjeux et les objectifs à suivre fut élaborée selon une approche en parallèle.

Un groupe national et interdisciplinaire comprenant des représentants des divers sous-secteurs de l'eau, fut créé pour travailler sur la politique de l'eau. Ce groupe d'étude fît des propositions de mesures, en rendant compte en permanence de son travail à un Comité consultatif. Ce comité était présidé par le vice-ministre et composé de hauts fonctionnaires des cabinets ministériels liés à l'eau. De cette manière un document de politique nationale des ressources en eau. comprenant des propositions d'aménagements institutionnels pour la gestion de ces ressources, fut présenté pour un dernier examen lors d'un séminaire national, et pour être débattu et approuvé en Conseil des ministres. Ces mesures, une fois approuvées, serviront de base à une législation et une administration de l'eau, ainsi qu'aux stratégies et aux programmes dans ce secteur.

En Indonésie l'examen des politiques a été organisé comme une vaste étude multidisciplinaire par la Direction de l'aménagement des ressources en eau, avec l'aide d'expertise nationale et internationale en gestion de l'eau, en économie, en législation et institutions (annexe 1). De la même manière, au Chili le processus de réexamen a commencé par une étude technique conduite par le département de l'eau du ministère de l'équipement. Au Mexique, une Commission nationale de l'eau a été crée en 1989, avec pouvoirs de décision sur la répartition de l'eau. Cette commission a perduré même après l'importante législation de 1992. En France, un Comité national de l'eau, ayant un rôle consultatif et comprenant des représentants du gouvernement, des usagers et des élus, a pris par aux derniers stades du processus qui a conduit à la loi sur l'eau de 1992.

Tôt ou tard dans les régimes démocratiques, il devient nécessaire de publier un document de travail public sur la politique de l'eau dont le but est d'informer la population en général et ceux plus directement intéressés, des problèmes et des enjeux, d'indiquer les grandes lignes des réformes proposées et d'encourager les commentaires et la consultation.

ENCADRE 13: LE PROCESSUS DE RÉEXAMEN DE LA POLITIQUE DE L'EAU DANS L'ETAT DE VICTORIA, AUSTRALIE

Le processus d'élaboration de la nouvelle loi sur l'eau dans la période 1985-89 se divisait comme suit:

· Un document de travail, identifiant les grands principes et les options. L'examen commença sérieusement au début de 1985 en réponse aux déficiences identifiées par les dépositaires d'enjeux au fil des ans. Diverses options pour développer un cadre juridique moderne furent débattues dans un document de travail publié en Septembre 1986.

· Des dossiers sur les enjeux. Dans les mois qui suivirent, six dossiers furent publiés, chacun introduisant des propositions plus élaborées et plus novatrices et de façon plus détaillée. Un dossier expliquait en termes simples le développement historique de la loi costumière et des dispositions statutaires concernant les droits privés pour l'eau, démontrait l'existence d'anachronismes et expliquait comment ils pouvaient être résolus. Un autre présentait les principes d'un système de droits d'eau transférables, comment un têt système pouvait opérer et quels avantages pouvaient en être attendus.

Des propositions pour rationaliser les pouvoirs de différents types de Comités de l'eau étaient également commentées. D'autres dossiers traitaient de la sécurité des barrages, des problèmes de drainage, des eaux souterraines et des procédures envisagées pour s'opposer à des décisions administratives ou faire appel. Dans tous les cas les dossiers furent largement distribués et l'envoi de commentaires écrits sollicité.

· Concertation publique. Il y avait plusieurs grandes voies distinctes de consultation. D'abord, la Commission rurale de l'eau, avec l'aide de la Fédération des agriculteurs du Victoria, a organisé de façon intensive des ateliers de, petits groupes d'irrigateurs à 22 différents endroits, pour discuter d'un éventuel système de droits d'eau transférables. Les divers Comités de l'eau étaient assistés de deux équipes qui les aidaient à comprendre les propositions et à élaborer des plans d'actions opérationnels soumis ensuite à l'accord des ministères. Enfin, début 1987,17 réunions publiques se sont tenues dans différentes régions de l'état pour discuter des questions qui y sont; d'importance notoire, pour répondre aux questions de l'assemblée, et pour encourager l'envoi de commentaires écrits supplémentaires.

· Des informations en retour (feedback). Les questions soulevées lors de chaque atelier d'irrigateurs et de chaque réunion publique étaient rapportées dans une série de bulletins d'information. De nouvelles participations écrites furent sollicitées. Les ateliers donnèrent lieu à plus de 150 participations écrites et les réunions publiques à des centaines supplémentaires.

· Une première version de propositions. Après étude des résultats de la consultation, une première version de propositions pour une loi fut préparée et publiée en Juillet 1988. Ce document fut largement distribué assorti d'un appel à renvoyer de nouveaux commentaires écrits.

· Le Comité indépendant d'examen. Le ministre prit une initiative nouvelle, dont l'objectif était d'élargir l'assise politique du projet de loi, en nommant un comité indépendant chargé d'examiner le projet de loi et de prendre en considération tous les commentaires reçus.

Ce comité était composé de membres désignés de la Fondation australienne pour la protection de l'environnement (Australian Conservation Foundation), l'Association des autorités de l'eau du Victoria (Water Authorities Association of Victoria), la Fédération des agriculteurs du Victoria (the Victorian Farmers' Federation), l'Institut de l'administration de l'eau (the Institute of Water Administration), l'Association des autorités gestionnaires des cours d'eau du Victoria (Association of Victorian River Management Authorities) et l'Association australienne des eaux et des eaux usées (Australian Water and Waste Water Association). Un ancien membre des autorités victoriennes de la conservation des sols (Victorian Soil Conservation Authority) et éleveur extensif de bétail faisait aussi partie du comité. La vice-présidence était assurée par un juriste exerçant en zone rurale et connaissant la question de l'eau tandis que la présidence revenait à un député membre du gouvernement qui avait, dans le passé, été agriculteur et irrigateur.

Le comité distribua près de 3 000 exemplaires de la première version du projet de loi et encouragea partout des commentaires écrits. Il y en eut presque 150, dont la moitié provenant des autorités chargées de l'eau et des systèmes d'égouts ou de leurs organisations représentatives. Des commentaires reçus, le comité étudia les questions d'intérêt majeur et celles touchant aux grands principes. Au cours des cinq mois qui lui étaient impartis, il ne put traiter toutes les questions de détail soulevées par les courriers, même si chaque envoi était lu attentivement. Les contraintes de temps empêchèrent le comité de tenir ses propres réunions publiques.

Il publia un rapport de 63 pages comprenant 127 recommandations générales qu'il transmit au Département des ressources en eau pour être de nouveau étudié. Chaque sujet fut examiné lors de l'élaboration du projet de loi final qui fut débattu par le parlement à la session de printemps de 1989.

Au Royaume-Uni où le secteur de l'eau a été privatisé en Angleterre et au Pays de Galles, on a préparé le terrain en publiant plusieurs rapports officiels, à commencer par un livre blanc et deux rapports d'experts en 1986, une proposition pour la National Rivers Authority en 1987, et de nouveau un livre blanc en 1987 reflétant les réactions suscitées par le premier.

Le Chili aussi a distribué un rapport cadre sur la politique nationale de l'eau aux organismes et départements impliqués dans la gestion des ressources en eau. Après avoir fait l'objet de commentaires, une version de ce document fut débattue au cours d'un séminaire national en 1991, auquel assistaient des membres du gouvernement, des universitaires, des associations de professionnels et des usagers. Le Yémen utilisa aussi la solution du séminaire national pour l'examen final du document sur la politique nationale des ressources en eau. De la même manière en France, une série de séminaires ont eu lieu dans les diverses régions. Ils étaient ouverts à tous les acteurs potentiellement concernés, notamment les exploitants agricoles et les responsables locaux. Les résultats de ces séminaires furent débattus lors des Assises nationales de l'eau en 1991.

Une procédure complexe de consultation du public s'est déroulée dans l'état de Victoria (encadré 13), comprenant un document de travail, des dossiers sur les enjeux, d'autres documents détaillés, des ateliers participatifs en petits groupes, des missions d'explication, des réunions publiques, etc. Un Comité indépendant fut constitué et distribua un grand nombre d'exemplaires d'un premier projet de loi et reçut en retour les commentaires de nombreux acteurs intéressés.

Dans tous les cas ci-dessus, la préparation attentive du terrain pour les réformes en publiant des documents publics et en sollicitant les commentaires des acteurs intéressés, a porté ses fruits en rendant plus facile l'adoption, au bout du compte, des lois et des mesures.

Dans les exemples plus récents de processus de réexamen des politiques de l'eau, on trouve le Bélize et la Lituanie. Au Bélize, les problèmes prioritaires concernaient la baisse de la qualité de l'eau et la fragmentation de la gestion des ressources en eau. L'approche utilisée pour traiter ces problèmes est décrite dans l'encadré 14.

La Lituanie, un pays d'Europe de l'est en transition, était en train de réformer sa législation sur les ressources en eau et les sols, ce qui déclencha un examen de la politique de l'eau. L'objectif de cet examen était d'obtenir des principes directeurs acceptés pour procéder à la nouvelle législation nationale sur l'eau, et le processus d'examen souleva de nombreuses questions liées au contrôle de la qualité de l'eau, aux changements dans les pratiques agricoles et l'utilisation des terres, avec des implications immédiates de décentralisation des administrations de l'eau et la privatisation des installations hydrauliques. Des exemples de différents aspects à considérer sont indiqués dans le tableau 4.

Résultats

Les principaux résultats des réexamens conduits dans les pays du tableau 3 peuvent être étudiés sous quatre angles majeurs: réformes des droits d'eau; privatisation et statut d'entreprise; promouvoir la tarification et les mécanismes du marché; et réforme de la planification et de la gestion.

TABLEAU 4
Facteurs pris en compte pour le processus de réexamen de la politique de l'eau en Lituanie

PROBLÈMES ET ENJEUX

MESURES NÉCESSAIRES

LÉGISLATION

1. Eau souterraine insalubre en zones rurales.

1. Réglementer l'utilisation; fermer les sources d'approvisionnement insalubres; créer des incitations pour de meilleurs approvisionnements individuels ou regroupés en eaux souterraines; vente et distribution d'eau potable par des opérateurs privés.

1. (a) Réglementer, par une nouvelle législation sur l'eau, l'utilisation de l'eau souterraine pour la boisson et la maison; (b) donner à l'administration publique le pouvoir de fermer les puits insalubres et faire appliquer cette mesure.

2. Nécessité d'identifier et de définir des zones de protection de l'eau.

2. Introduire des systèmes de contrôle qualitatif et quantitatif de l'eau.

2, Faire appliquer la législation existante sur les zones protégées.

3. Lisiers des élevages de cochons rejetés directement dans les cours d'eau; manque de technologie appropriée face aux problèmes des lisiers.

3. Incitations à l'installation de dispositifs de traitement de séchage et de stockage; utilisation rationnelle dans l'agriculture. Règles: fermetures des installations qui ne satisfont pas; planifier la restructuration du sous-secteur de l'élevage.

3. (a) Consolider dans la nouvelle législation sur l'eau, les dispositions sur les incitations financières au traitement des eaux usées; (b) donner pouvoir aux administrations publiques pour prendre des mesures d'urgence en cas de pollution grave; (c) créer un code des bonnes pratiques agricoles.

4. Opposition entre (a) l'agriculture intensive et (b) la protection de la qualité de l'eau face à la pollution agrochimique.

4. Décisions de principe reflétées dans la politique d'aménagement du territoire.


5. Pollution des eaux souterraines par les eaux usées municipales dans des parties du Karst.

5. Incitations telles que des crédits avantageux aux municipalités pour-suivant des priorités basées sur les plans d'aménagement de bassins.


6. Les questions relatives à l'utilisation des eaux de surface sont liées aux normes de pollution et de dilution requises en périodes d'étiage (Neverzies).

6. Une politique spécifique pour chaque bassin dans le cadre de la politique de développement régional: par ex. chaque bassin couvre ses coûts en eau ou subventions croisées entre des bassins liés au niveau national.


7. Opposition entre (a) les autorisations et (b) le contrôle de teneur en pesticides, les deux émanant de la même institution.

7. Contrôle de qualité des pesticides par le ministère responsable du commerce selon des critères environnementaux.


8. Financer et mettre en oeuvre le traitement des eaux usées municipales aux normes recommandées par la Commission CE-COMHEL.

8. Reconnaître les contraintes économiques réelles; avoir des investissements en rapport avec les objectifs pour l'assainis-sement domestique, la protection de l'environnement et le coût pour l'économie; s'efforcer de prévenir la pollution plutôt que traiter en fin de chaîne.


9. Recueillir et traiter les ruissellements d'eau de pluie des zones urbaines industrielles.

9. Idem 8.


10. Décharges de déchets solides mal gérées.

10. Définir des priorités pour l'amélioration/assainissement des décharges de déchets solides basées sur un plan national.


11. Considérer la mise en oeuvre par étapes et programmée dans le temps des normes pour les effluents industriels.

11. Autoriser des normes de transition moins contraignantes et des périodes de répit basées sur les plans de restructuration des sous-secteurs industriels.

11. Organiser, à travers la nouvelle législation sur l'eau, l'application par étapes des normes pour les effluents.

12. Nécessité de prendre en compte les conséquences économiques et sociales des objectifs fixés pour la qualité de l'eau et les normes pour les effluents.

12. Horizon pour l'application des normes en relation avec les progrès économiques effectifs et avec la capacité à en assumer le coût aux niveaux national, sectoriel et individuel.

12. Idem 11.

13. Accès, pour l'industrie, à des technologies non polluantes permettant une évacuation sûre des déchets.

13. Incitations au partenariat, sur des bases commerciales, dans les domaines de la technique et de la recherche pour des technologies propres.

13. Idem 3 (a).

14. Inefficacité et problèmes opérationnels du traitement conjoint des eaux usées de l'industrie et municipales.

14. Mise en vigueur des normes pour les rejets dans les stations d'épuration municipales et dans les principaux égouts.

14. Sanctionner, par la nouvelle législation sur l'eau, le non-respect des critères d'autorisation des rejets d'eaux usées.

15. Viabilité incertaine de l'irrigation; nécessité de solutions de rechange pour l'évacuation des lisiers dans les élevages de cochons.

15. Idem 14.

15. Idem 3.

ENCADRE 14: RÉEXAMEN DES POLITIQUES DE L'EAU AU BÉLIZE

L'examen du secteur de l'eau débuta lors d'une réunion nationale et se poursuivit par la mise en place d'une Commission interministérielle temporaire sur l'eau, chargée de préparer un projet pour la politique nationale des ressources en eau et de faire des recommandations concernant les dispositions institutionnelles et juridiques nécessaires. Ce travail donna lieu à une première déclaration de politique nationale des ressources en eau, à des propositions de dispositions institutionnelles, et à une première proposition de législation sur les ressources en eau.

Cet examen des politiques confirma la nécessité d'une participation active de tous les acteurs au Belize pour faire encore progresser et pour mettre en oeuvre une politique de gestion des ressources en eau. Il était nécessaire de centraliser les fonctions normatives et réglementaires pour les ressources en eau, et de les rassembler avec les responsabilités d'évaluation et d'aménagement des ressources dans une même structure - décision qui nécessitait un soutien politique fort et des aménagements institutionnels suffisants et durables, parmi lesquels l'approbation et la promulgation d'une loi centrale sur l'eau. Les nouvelles mesures entraînaient d'autres priorités: améliorer la gestion des informations; établir un système de licences pour l'eau et encourager l'utilisation rationnelle de l'eau ainsi que procéder à un transfert de charges financières sur les utilisateurs.

Les priorités institutionnelles comprenaient une évolution par étapes, avec des transferts successifs de responsabilité pour la gestion et le suivi des ressources en eau à une Commission nationale de l'eau secondée par un département exécutif des ressources en eau. Il est souhaitable que dans le futur, les coûts administratifs de la gestion des ressources en eau soient réduits grâce à une meilleure utilisation des ressources humaines existantes au niveau du gouvernement et à un recouvrement des coûts plus efficace auprès des utilisateurs.

Réforme des droits d'eau

En France et dans l'état de Victoria, en Australie, les réformes ont consisté à remplacer les systèmes de prélèvement et d'utilisation de l'eau basés sur les règles coutumières - et plus particulièrement les droits riverains - administrées par les courts de justice pour le règlement des disputes entre utilisateurs, par des systèmes basés sur des autorisations délivrés par le gouvernement. Le Chili, par contre, envisage de durcir un système peu rigoureux d'autorisations délivrées par le gouvernement.

En gros, en France et dans l'état de Victoria en Australie, les deux premiers pays, les propriétaires riverains étaient libres de prélever et d'utiliser l'eau d'une rivière ou du sous-sol. La décision de passer à un système radicalement différent qui nécessite une autorisation du gouvernement pour le prélèvement et l'utilisation de l'eau, avait des implications pour les droits détenus par les riverains qui perdaient ainsi de leurs droits de propriété sans qu'ils n'aient rien fait pour mériter cette sanction.

Les implications juridiques de ces changements furent (a) la nécessité d'un réexamen radical de la loi existante sur le prélèvement et l'utilisation de l'eau, en particulier par les propriétaires riverains, et (b) décider si les riverains devaient être dédommagés pour la perte de droits légitimes de propriété dont ils seraient victimes. Le même problème s'est posé au Chili où ont été envisagées des réformes au système largement trop généreux des droits d'eau qui conféraient des pouvoirs proches de ceux de propriétaires sur les eaux couvertes par la concession. Les détenteurs de tels droits peuvent avoir le sentiment qu'ils méritent d'être dédommagés d'une façon ou d'une autre pour la perte dont ils vont vraisemblablement faire les frais.

Cette question fut traitée différemment par les différents états. Dans l'état de Victoria, les propriétaires terriens riverains furent confortablement dédommagés grâce à la nouvelle législation reconnaissant leur droit à prélever et à utiliser l'eau sans autorisations du gouvernement pour certains usages bien précis seulement. En France, les droits de prélèvement et d'usage de l'eau des propriétaires terriens riverains ne furent pas touchés par la nouvelle loi mais en même temps, ils durent être enregistrés auprès du gouvernement en vue de nouvelles dispositions administratives soit sous un simple régime de déclaration, soit sous un régime plus restrictif d'autorisations. Le Chili semble avoir opté pour une approche laissant intacts tous les droits obtenus sous la législation existante.

Privatisation et statut d'entreprise

C'était une composante majeure des réformes en Angleterre et au Pays de Galles (Royaume-Uni), dans l'état de Victoria (Australie) et au Mexique. Dans ces trois pays, les services s'occupant de la distribution de l'eau, des systèmes d'égouts et de l'évacuation des eaux usées étaient sous la responsabilité du secteur public, et il en allait de même au Mexique pour les services approvisionnant l'irrigation. Pour des raisons à la fois de rentabilité et de budget public, ces trois pays décidèrent de privatiser ou de donner un statut d'entreprise à leurs services d'eau.

Différentes solutions furent adoptées quant au problème de réglementer les prix dans une situation de monopole ou de quasi-monopole. En Angleterre et au Pays de Galles (encadré 15) des garde-fous statutaires stricts ont été mis en place pour les sociétés privées nouvellement formées, particulièrement en ce qui concerne la qualité du service et les redevances. On a fait en sorte que le pouvoir dont disposent les sociétés de service de fixer le prix des redevances soit conditionné à l'approbation préalable par le gouvernement des propositions des sociétés. Les pouvoirs et obligations des sociétés de service sont de plus clairement détaillées dans les termes de leur licence d'exploitation.

La tâche de superviser les critères et la qualité du service, l'entretien de l'infrastructure et les montants des redevances des sociétés de services de l'eau sont confiés au Directeur général du bureau des services de l'eau - un département gouvernemental non ministériel. Le Secrétaire d'état ou le Directeur général des services de l'eau ont reçu de la loi de 1989 sur l'eau le pouvoir d'imposer des directives aux sociétés de services sur une base temporaire ou permanente.

Dans l'état de Victoria, différentes lois adoptées en Juillet 1992 donnèrent un statut d'entreprise au département des travaux publics de Melbourne de ses environs (Melbourne and Metropolitan Board of Work) et la Commission rurale de l'eau (Rural Water Commission). La commission fut transformée en entreprise et son conseil d'administration restructuré de manière à le doter de compétences dans les domaines commerciaux, juridiques, financiers et de la gestion de l'eau. Le contrôle public de ses opérations s'effectue par un système de contrats d'exécution avec un roulement tous les trois ans, à négocier entre l'entreprise et le ministre responsable de l'eau. Des conseils d'administration régionaux seront aussi mis en place avec des pouvoirs délégués et des modes de fonctionnement similaires.

ENCADRE 15: RÉEXAMEN DE LA POLITIQUE DE L'EAU EN ANGLETERRE ET AU PAYS DE GALLES (ROYAUME-UNI)

Au Royaume-Uni, la politique de privatisation du secteur de l'eau en Angleterre et au Pays de Galles s'est déroulée comme suit;

· Février 1985, débat à la Chambre des communes sur l'ordonnance relative au remboursement des dettes des agences de l'eau (Water Authorities). Le gouvernement tenta d'obtenir de la Thames Water Authority (agence du bassin de la Tamise) un remboursement accéléré d'un prêt qui aurait entraîné une hausse de 10 % des redevances. L'agence informa le gouvernement qu'elle ne rembourserait l'emprunt qu'après avoir reçu l'approbation par motion de la Chambre des communes qui donna finalement raison au gouvernement à une courte majorité. Cet incident convainquit le gouvernement qu'il fallait privatiser le secteur de l'eau,

· Février 1986, publication d'un livre blanc sur la privatisation du secteur de l'eau en Angleterre et au Pays de Galles. Dans ce document le gouvernement proposait de faire passer les dix agences régionales de l'eau dans le secteur privé sans aucun changement de fonctions, conservant ainsi le concept de gestion intégrée de la ressource en eau.

· Mars-Avril 1986, le gouvernement publia deux rapports d'experts sur respectivement, la loi sur l'eau et les systèmes d'égouts, et le milieu de l'eau. La décision de créer une entité différente pour le contrôle de la pollution de l'eau et pour la gestion des ressources fut annoncée pour la première fois en Avril 1987.

· La commission parlementaire sur l'environnement présenta un rapport sur les dispositions existantes concernant le contrôle de la pollution de l'eau. Le lobby écologiste et la Confédération de l'industrie britannique (Confederation of British Industry) prônèrent le transfert des fonctions réglementaires des agences de l'eau à un organisme public indépendant.

· Juin 1987: le Parti conservateur remporta les élections générales.

· Juillet 1987: le gouvernement publia une proposition pour la création d'un organisme public de contrôle au sein d'un secteur de l'eau privatisé, la National Rivers Authority.

· Octobre 1987: deuxième lecture à la Chambre des communes du projet de loi sur les transferts de services publics et sur les redevances d'eau. Ce projet de loi (adopté en 1988) autorisait les agences de l'eau à se restructurer en divisions de services et de contrôle.

· Décembre 1987: publication du rapport sur la politique du gouvernement pour la création d'un organisme public de contrôle au sein d'un secteur de l'eau privatisé (The Government Policy for a public regulatory body in a privatized water industry). Ce document reflétait les critiques à rencontre de certaines propositions du livre blanc de 1986, et jetait les bases d'une séparation des responsabilités de contrôle et de service, qui fut incorporée dans la loi sur l'eau.

· 24 Novembre 1988: parution du projet de loi sur l'eau.

· 6 Juillet 1989: adoption du projet de loi sur l'eau (Water Act 1989).

· 25 Juillet 1991: réexamen et consolidation de la gestion de la ressource en eau suite à la loi sur la ressource en eau de 1991, qui retirait les éléments de gestion de la ressource en eau de la loi de 1989.

La Rural Water Corporation (société de services de l'eau en zones rurales) servira de "société de holding" et sera responsable de l'entretien des services hydrauliques dans tout l'état. Deux filiales seront crées pour assurer un soutien technique, financier et administratif auprès des conseils d'administrations régionaux.

Au Mexique, la nouvelle loi fédérale sur l'eau confère aux groupements d'usagers de l'irrigation le statut et les pouvoirs qui leur sont nécessaires pour gérer efficacement les systèmes d'irrigation, systèmes que le gouvernement a prévu de transférer au secteur privé. Des représentants des clients des services siègent au conseil d'administration des sociétés publiques d'irrigation. Au niveau de l'état, des lois sont entrées en vigueur pour renforcer la flexibilité financière et décisionnelle des services publics urbains d'eau et d'évacuation des eaux usées, en les transformant en sociétés commerciales ayant l'autorité pour fixer le montant des redevances, pour les percevoir, et pour couper le service en cas de non-paiement. Les conseils d'administration de ces sociétés comprennent entre autres des représentants des clients, l'objectif étant d'assurer une certaine responsabilisation.

ENCADRE 16: RÉEXAMEN DE LA POLITIQUE NATIONALE DU SECTEUR DE L'EAU EN TURQUIE

L'examen du secteur de l'eau s'est déroulé comme suit:

Justification du réexamen

· Pourvoir un aménagement des ressources en eau qui soit durable et rationnel du point de vue de l'environnement.

· Déséquilibre grandissant entre la demande en eau et les disponibilités (déséquilibre entre l'offre et la demande).

· Des disponibilités de distribution, à la fois urbaines et rurales, ne correspondant plus aux changements dans les usages de l'eau.

· Des investissements dans le secteur de l'eau atteignant des niveaux peu raisonnables.

Initiatives

· Préparation d'un plan directeur et d'un réexamen des stratégies.

Rédaction d'un premier document directif et consultation du public.

· Plusieurs lois et directives sur la participation du secteur privé et la protection de l'environnement sont proposées.

· Un changement législatif est soumis au parlement pour accélérer le transfert des responsabilités d'E&E des réseaux d'irrigations vers les utilisateurs,

· Ateliers sur le programme de transfert.

· Révision annuelle selon le plan directeur.

Les points forts de l'examen et de la réforme des politiques.

· Institution et création de moyens pour ta protection de l'environnement.

· Utilisation plus productive de l'eau et amélioration de ta qualité des services de l'eau par un rôle accru donné aux organisations d'usagers, par ta privatisation et la réorientation du recouvrement des coûts.

· Soutien aux projets de développement régional tels que le Projet pour le sud-est de l'Anatolie (GAP) et le Projet pour l'Anatolie centrale (KOP).

Législation

· Loi sur la protection de l'environnement adoptée par le parlement en 1983.

· Loi autorisant le secteur privé à construire et exploiter tes centrales hydroélectriques, adoptée en 1984, et amendée et étendue en 1994 pour englober le secteur de la distribution de l'eau,

· Amendement de la législation concernant les sanctions pour retards de paiement des redevances et facilitant le transfert des équipements et des machines d'E&E aux utilisateurs privés en même temps que le réseau lui-même.

La Turquie s'est d'abord occupée de mobiliser le secteur privé pour la production hydroélectrique par la loi 3096 de 1984. Deux projets comprenant des composantes hydroélectriques ont été réalisés suivant des dispositions financières de type construction-exploitation-transfert (CET), et plusieurs autres projets sont en phase de préparation et de négociation. Le modèle de financement CET fut approuvé ensuite, par la loi 3996 de 1994, pour les projets urbains de distribution de l'eau. De gros aménagements hydrauliques pour l'approvisionnement en eau des ménages et de l'industrie ont été planifiés pour être exécutés sur le modèle CET.

Le transfert des responsabilités pour l'E&E des ouvrages d'irrigation publics aux organisations d'usagers telles que les associations, les collectivités locales, les groupements de villageois et les coopératives, était déjà prévu dés 1954 par la loi sur les ouvrages hydrauliques d'état. Le programme de transfert fut accéléré à partir de 1993. Le processus de réexamen des politiques est résumé dans l'encadré 16.

Encourager la tarification et les mécanismes du marché

II y a une question juridique concomitante qui est celle du statut juridique de l'eau vis-à-vis de la terre qu'elle "sert", à savoir, est-ce que les droits d'eau doivent être liés à la propriété ou à la possession de la terre et à une utilisation particulière, ou au contraire doivent-ils avoir un statut indépendant. Un autre point important est de réconcilier la connotation très spécifique de "bien public" de la "marchandise" eau avec la logique de profit qui motive les détenteurs de droits d'eau dans leurs décisions d'attribution, déterminées par le marché.

Dans l'état du Victoria (Australie), des marchés de l'eau limités ont été autorisés à se développer uniquement dans le secteur de l'irrigation et à l'intérieur du même district d'irrigation ou entre des districts différents. Les transferts doivent être préalablement étudiés et approuvés par les autorités du district d'irrigation qui peut parfois imposer des restrictions sur des points tels que: le minimum de droits d'eau que doit conserver tout propriétaire foncier dans un district d'irrigation; le maximum de droits d'eau que peuvent détenir ces mêmes propriétaires; la transférabilité des droits d'eau hors du district. Les transferts peuvent être saisonniers ou permanents, et dans ce dernier cas l'eau devient "liée" à la terre du bénéficiaire. Le fait de "lier" les droits d'eau à la terre implique qu'ils ne peuvent être transférés séparément de celle-ci, ce qui limite les spéculations.

Au Mexique, la nouvelle loi fédérale sur l'eau autorise le transfert des droits d'eau, ceci étant sujet à l'approbation préalable de l'administration si le transfert demandé affecte les droits d'une tierce partie, ou affecte l'hydrologie ou l'écologie du bassin (ou de l'aquifère s'il s'agit d'eau souterraine). Des marchés de l'eau sont aussi autorisés à se développer au sein d'un bassin ou d'un aquifère dans le cadre de stipulations gouvernementales relatives à tout le bassin, à l'état ou au niveau local. Dans le cadre de la nouvelle loi cependant, l'eau souterraine ne peut être transférée séparément de la terre.

Au Chili, les droits d'eau acquis sous la législation existante et ceux qui seront accordés sous la nouvelle, demeureront librement transférables à des usages et des lieus d'utilisation différents par le biais de transactions commerciales. Cependant, toutes les transactions concernant des ouvrages de prélèvement d'eau devront obtenir au préalable une autorisation des pouvoirs publics. De plus, dans le nord aride du pays, la transférabilité sera effectivement entravée du fait que les droits d'eau sont tels qu'ils prennent fin automatiquement quand l'utilisation pour laquelle ils ont été accordés s'arrête.

Réforme de la planification et de la gestion

Les responsabilités dans le secteur de l'eau en France furent renforcées dans la loi globale adoptée en 1992. Le système de bassin, qui remonte aux années 60, permet d'équilibrer les responsabilités centrales d'une part et les prises de décision et le suivi au niveau local et régional d'autre part. Le pays est divisé en six bassins fluviaux et pour chacun d'entre eux la coordination est assurée par le Comité de bassin. Celui-ci étant de fait un parlement régional de l'eau où les usagers soumettent et résolvent leurs différents besoins (encadré 17). Les aspects les plus marquant de la loi de 1992 consistaient à donner de nouveaux pouvoirs aux collectivités locales et de renforcer les pouvoirs des agences financières de bassins - maintenant agences de l'eau.

ENCADRE 17: UNE NOUVELLE LOI SUR L'EAU EN FRANCE

Les droits d'eau en France ont récemment fait l'objet d'une rénovation profonde. La loi du 3 Juillet 1992 considère l'eau comme un patrimoine commun de la nation et associe ainsi étroitement les usagers des six bassins hydrographiques à leur gestion. Elle est fondée sur une approche intégrée dont l'objectif est double: satisfaire les usagers et conserver le milieu naturel.

Le Ministre de l'environnement décide de la politique de l'eau, pose des directives et organise la planification globale en consultation avec, et assisté par, le Conseil interministériel de l'eau. Les aspects spécifiques de la gestion de l'eau sont confiés aux ministères techniques. Les préfets, secondés par les services publics territoriaux, sont responsables au niveau local de la police de l'eau et de la pêche. Ils autorisent les utilisations et les rejets, appliquent la législation spécifique à la pollution et aux installations dangereuses, assurent la conformité aux objectifs de qualité et approuvent les documents planificateurs (eau et pêche).

Une organisation originale

La nouvelle loi encourage la consultation de tous les acteurs dans le domaine de l'eau, dont les besoins sont souvent contradictoires, par le biais d'un système de planification qui détermine les usages légitimes de l'eau (Schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE)).

Cet instrument planificateur est organisé au niveau local par le Comité de bassin et couvre' un bassin versant ou un cours d'eau. Les autorités locales peuvent fournir une aide financière aux aménagements prévus.

La coordination globale au niveau des principaux bassins hydrographiques est assurée par le Schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE), élaboré par le Comité de bassin et approuvé par l'administration centrale.

Le Comité de bassin est, de fait, un "parlement régional de l'eau". Il organise des réunions composées de représentants des usagers, des associations et des collectivités locales, qui en constituent la majorité, ainsi que de représentants de l'état. Il favorise la consultation et la solidarité. Il définit la politique et la gestion des bassins versants. Il se prononce sur les redevances et sur le programme d'intervention que propose son bras exécutif, l'Agence de l'eau.

Au niveau national le Comité national de l'eau rassemble des représentants de différentes catégories d'usagers, des bassins versants et des services publics, et il donne son avis sur la politique nationale de gestion des eaux.


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