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1. Les facteurs climatiques

Les effets des sécheresses répétées dans les années 70 et 80, notamment en Afrique, ont eu des conséquences graves.

Directement, la sécheresse a eu pour effet sur les systèmes forestiers d'augmenter la mortalité, de rendre plus difficile l'installation de la régénération, de détruire le tapis graminéen très sensible à l'absence d'eau et d'augmenter la pression (écimage) sur les arbres survivants. Cela a abouti à une réduction de la production.

Indirectement, les effets ont été beaucoup plus néfastes pour l'environnement:

- la réduction des rendements a conduit les agriculteurs à opter pour des systèmes de production extensif qu'ils ont installés en défrichant la forêt

- suite à la disparition du tapis herbacé et des points d'eau, les problèmes de migration et la mortalité croissante du bétail ont incité les pasteurs et les éleveurs à accroître leur prélèvement sur la forêt pour nourrir leurs animaux;

- la végétation desséchée a servi de combustible privilégié à des feux de brousse plus violents qu'à l'ordinaire.

Certaines plantes s'adaptent aux variations climatiques: ainsi par exemple, au Sahel, les remarquables capacités de résistance d'Acacia senegal (Poupon, 1979). Après de nombreuses années de déficit pluviométrique, on a pu constater des régénérations remarquables des formations d'Acacia senegal.

On a dans un premier temps une évolution climatique qui fragilise les écosystèmes forestiers et agricoles et ensuite une grave accélération du processus de dégradation en raison d'une modification préjudiciable du comportement humain. Dans d'autres situations, on pourrait imaginer que l'aménagement puisse permettre, par une gestion adaptée de la ressource en eau, de réguler les variations erratiques de la pluviosité.

Le Nordeste brésilien est une région qui a constamment été affectée par la sécheresse. Depuis le début de ce siècle, on dénombre vingt-sept années sèches, soit en moyenne une année sur trois à quatre. La notion de sécheresse est complexe. Elle est provoquée par des totaux pluviométriques annuels déficitaires ou par une mauvaise répartition des pluies et, dans les cas les plus critiques, par la conjugaison de ces deux causes. La "saison des pluies" est en fait une "saison durant laquelle il peut pleuvoir". Elle peut s'étendre sur plus de six mois, alors que la durée totale réelle des épisodes pluvieux ne dépasse pas vingt jours au cours de certaines années déficitaires. A cela, il faut ajouter une grande irrégularité spatiale des précipitations.

Les hauteurs des précipitations annuelles reflètent donc assez mal le phénomène de sécheresse spécifique au Nordeste brésilien. Il peut arriver qu'une année au total pluviométrique satisfaisant soit entrecoupée de périodes sèches de telle sorte que souvent, et malgré plusieurs tentatives de semis, aucun des cycles végétatifs culturaux n'arrive à terme, alors que la végétation naturelle moins exigeante reste verte. C'est la fameuse seca verde ou sécheresse verte (Leprun et al., 1995).

Dans les zones où les précipitations annuelles sont inférieures à 800 mm, il n'est pas rare que 50% du total annuel d'un poste pluviométrique tombe au cours d'une semaine et 90% pendant un seul mois. Une année déficitaire et de mauvaise répartition des pluies, pouvant être qualifiée de sèche du point de vue agricole, peut être bonne pour remplir les réservoirs. Il existe donc différentes approches pour caractériser la gravité d'une période sèche. Le Nordeste brésilien est couvert par un réseau d'observation pluviométrique relativement dense et déjà ancien, avec trois cents postes et plus de soixante-dix années d'existence.

Les régions généralement les plus éprouvées par les sécheresses sont celles du nord et, en particulier, l'ensemble du Ceará, la limite Piauí-Ceará, le Rio Grande do Norte, la Paraiba et l'intérieur du Pernambouc. Les problèmes du Nordeste sont donc plus liés à l'irrégularité spatiale et temporelle des pluies qu'au total pluviométrique annuel et les solutions de ces différents problèmes passent par la conservation et l'utilisation raisonnée de cette eau.

La faiblesse des écoulements peut être appréhendée par les observations suivantes: les rivières sont toujours intermittentes et il ne s'y écoule que 2 à 15% du volume des précipitations, le reste étant repris par l'évaporation. Ces écoulements surviennent en quelques jours. Le Rio Jaguaribe, situé dans l'Etat du Ceará est, avec un bassin versant de 90 000 km2, le plus grand fleuve intermittent du monde. Lors des années sèches, les écoulements sont encore plus concentrés. Ainsi, en l976, 94% du volume annuel s'est écoulé en cinq jours seulement. (Leprun et al., 1995).

2. Les facteurs biologiques et physiques

L'évolution des écosystèmes sera abordée ici très sommairement, l'objectif étant de souligner l'importance de certains facteurs, positifs ou négatifs, dans l'évolution des superficies arborées.

Sur l'origine des savanes, Schnell (197 l) propose trois scénarios qui ne sont d'ailleurs ni exclusifs, ni exhaustifs, mais ils peuvent servir de repères:

- origine naturelle: cette conception envisage que les savanes (principalement graminéennes) se sont installées dans des milieux qui ne pouvaient pas accueillir une végétation forestière abondante, en raison de la pauvreté des sols ou de l'existence d'anciens climats limitants. Dans cette approche, la savane est l'expression d'un milieu carencé et contraint. Cependant, face à des considérations variées comme le développement de certaines savanes en zone humide, les caractères végétaux et animaux du peuplement de diverses savanes, les structures pédologiques et l'ancienneté des feux, l'idée des savanes naturelles cède le pas, dans certains cas au moins, à une théorie relictuelle des savanes;

- origine relictuelle: cette conception repose sur des indications plaidant pour une continuité ancienne des savanes. Elles seraient apparues durant une période plus sèche et se seraient maintenues grâce à l'action des feux;

- origine secondaire: dans cette approche évolutive, une double origine des savanes semble possible: soit ces dernières dérivent d'anciennes formations hydrophiles denses remplacées par des espèces moins hydrophiles (savanes de substitution), soit elles succèdent à des formations arborescentes sèches (forêts denses sèches par exemple) et dans ce cas, on parle de savanes différenciées sur place Cette secondarisation, principalement anthropique, n'est pas facilement prouvable et peu d'indices permettent de la confirmer.

Les deux dernières hypothèses sont compatibles et peuvent expliquer l'évolution actuelle de ces milieux. Il ne faut cependant pas opter pour une généralisation facile. L'origine des savanes est complexe. Il est fort probable que chaque interprétation peut expliquer un cas particulier. Schnell souligne ainsi que "le problème des savanes apparaît très divers, suivant les conditions de climat et de sol. Il n'y a pas un problème de savanes, mais des problèmes de savanes". Aujourd'hui, les auteurs admettent, pour la plupart, qu'elles sont maintenues dans leur état par les feux et que par conséquent elles sont non climaciques.

Au Brésil, Aubréville (1961) montre, dans une étude sur les campos cerrados, que ceux-ci dérivent des cerradoes, formations forestières assez denses. Les campos cerrados seraient des formations ouvertes et dégradées par l'exploitation humaine, le pâturage et surtout les feux. En fait, le feu ne passe pas dans les cerradoes trop fermés; mais, après une exploitation excessive, les feux de brousse ont pu pénétrer ces forêts pour les transformer en campos cerrados. On retrouve là aussi une superposition de phénomènes anthropiques et de maintien d'une formation par les feux.

Au Mali, Nasi et Sabatier (1988) ont proposé un schéma présentant les relations possibles des formations maliennes entre elles (figure n° 4). Il n'y a pas d'évolution vers les forêts denses sèches, du moins dans un avenir envisageable. L'état d'équilibre en absence de feux est alors représenté par les forêts claires.

En Côte d'Ivoire, soixante-cinq ans après la mise en place de l'essai "feux" installé par Aubréville, on peut vérifier que le feu joue un rôle majeur dans la constitution et le maintien des savanes (Louppe et al., 1995).

L'importance des feux dans le maintien et l'évolution de ces milieux est bien réelle et se retrouve confirmée dans de nombreuses situations. Ainsi en Afrique de l'Est, certains botanistes ne considèrent pas le miombo comme une végétation climacique, mais plutôt comme un "pyroclimax". Le climax serait la forêt dense sèche appelée muhulu, remplacée par le miombo, puis en fin de série régressive par une savane de dégradation. L'encadré n° 3 présente sommairement les stades de recolonisation des cultures itinérantes par le miombo en Zambie.

Encadré n° 3: Dynamique de régénération des miombos

Lawton (1972) a synthétisé comme suit la dynamique évolutive de ces forêts claires. Lorsqu'une zone est défrichée pour l'agriculture, les espèces de remplacement qui s'installent sont Diplorhynchus condylocarpon, Hymenocardia acida, Pericopsis angolensis, Pterocarpus angolensis, Syzygium guineense subsp. macrocarpum et Vitex doniana. Les deux dernières espèces constituent des îlots de couverts hauts de quatre mètres qui inhibent partiellement les hautes herbes et la fougère aigle. Dans ces conditions, des espèces de Uapaca (principalement U. benguelensis, U. kirkiana, U. nitida et U. sansibarica) s'établissent spontanément. Quand leur couvert atteint 4 (à 12) mètres de hauteur, la strate herbacée est réduite à un tapis court, clairsemé, largement recouvert d'une litière de feuilles. Dans ces conditions, le feu rampe sur le sol et les espèces de Brachystegia-Julbernardia ainsi que Marquesia macroura peuvent se régénérer. A leur tour, elles surcimeront et ombrageront les Uapaca, bien que quelques Uapaca arborescents puissent survivre. Ce premier groupe d'espèces pionnières forme alors un taillis; leur croissance ne reprendra que lorsque la canopée sera de nouveau ouverte.

Extrait de Lawton, 1972.

De même, Hopkins (in Goodall, 1983) montre que les savanes sont dues à l'évolution régressive des forêts claires, sous l'impact du feu. Il en déduit d'ailleurs que le feu seul ne peut pas engendrer des savanes sous des précipitations inférieures à 2000 mm et il insiste sur le rôle de la mise en culture et du pâturage. Les steppes, quand à elles, sont surtout soumises à l'action anthropique et plus particulièrement au pâturage aérien (ébranchage, abroutissement, etc.).

Figure n° 4: Relations possibles entre les diverses formations végétales, en fonction de différents facteurs (Nasi et Sabatier, 1988)

Un autre exemple de l'influence des facteurs externes sur l'évolution des systèmes forestiers est repris ci-dessous pour expliquer la dynamique des brousses tigrées. Ces formations arbustives xérophites et herbeuses couvrent une grande partie des zones sahélo-saharienne et sahélienne de l'Afrique occidentale et orientale, mais elles sont aussi présentes en Australie et en Amérique centrale (Leprun et Da Silveira, 1992). L'encadré n° 4 évoque les principales caractéristiques des brousses tigrées.

Encadré n° 4: Caractéristiques des brousses tigrées et dynamique

L'étude détaillée et pluridisciplinaire de différentes séquences de brousses tigrées en zones saharo-sahélienne et sahélienne du Mali et du Burkina Faso conduit aux principaux résultats suivants:

- toutes ces formations végétales sont constituées de trois bandes alternées différentes (une micro-dune sableuse herbeuse, un glacis argileux nu, une dépression sablo-argileuse boisée dense);

- la formation, la persistance et l'évolution des brousses tigrées sont SOUS la dépendance de plusieurs facteurs qui sont:

une pluviosité annuelle supérieure à 200 mm et inférieure à 500 mm;

la nature sédimentaire du substrat et la pente du plancher de ce substrat rocheux, qui est nulle ou inférieure à 4%;

la faible épaisseur de la couverture de sols juvéniles au-dessus de ce plancher (inférieur à un mètre, et absent sur dunes épaisses);

la direction des vents dominants de saison sèche, qui est perpendiculaire à l'orientation des bandes (ceci est contesté actuellement);

- l'ensemble de la formation est animé d'une dynamique rapide. Sous l'action des eaux de pluies, le matériel fin du glacis nu s'érode et vient se déposer dans la colature de la bande boisée. L'accumulation des eaux à ce niveau permet la germination et l'avancée des espèces de cette bande sur le glacis. Au cours de la saison sèche suivante, le sable resté à la surface de ce glacis est repris par le vent et il est déposé sur la micro-dune herbeuse qui va se déplacer elle aussi dans le sens du vent:

la vitesse de ce déplacement conjoint des sols et de la végétation varie de 20 à 70 cm par an. Cette dynamique, rapide au nord, se ralentit au sud et s'arrête lorsque les conditions, édaphiques en particulier, ne sont plus réunies;

la brousse tigrée représente un écosystème sahélo-soudanien en milieu subaride, et la bande boisée est une niche écologique humide et riche au sein d'une région sèche semi-aride. Les espèces végétales et animales qui v subsistent sont alors placées aux limites septentrionales de leurs aires de répartition géographique et elles sont donc essentiellement tributaires des variations climatiques et, en particulier, des longues périodes de sécheresse;

si les observations ne militent pas en faveur de la formation des brousses tigrées sahéliennes par la sécheresse et par le surpâturage, ceux-ci sont cependant responsables des modifications floristiques et peuvent être à l'origine de la disparition des témoins les plus septentrionaux.

Extrait de Leprun et Da Silveira, 1992.

Peltier et al. (1994) donnent un aperçu de l'écologie (figure n° 5) d'un type particulier: les brousses tigrées au sud Niger. Le pâturage y est une composante essentielle dans l'équilibre de ces formations. En effet, en freinant le développement des herbacées, il facilite les infiltrations d'eau au profit des arbres:

Figure n° 5: Schématisation de dynamique des brousses tigrées et de leur hydrologie (Peltieret al. 1994 d'après d'Herbes et Seghieri)

"La brousse tigrée se développe sur des plateaux légèrement en pente (de l'ordre de 0 5 à 2%). Elle est caractérisée par l'alternance entre des parties nues sur lesquelles la très grande majorité de l'eau ruisselle et des zones couvertes de végétation sur lesquelles la quantité d'eau qui s'infiltre est supérieure à la pluviosité. L'infiltration de l'eau au niveau de la bande végétalisée est due principalement à l'effet 'peigne" des débris végétaux et des souches d'herbacées ou de ligneux qui ralentit la vitesse de ruissellement ainsi qu'à une activité biologique intense qui crée une importante macroporosité.

L'infiltration de l'eau n'est pas homogène au niveau des zones végétalisées: elle augmente progressivement à partir de la limite amont de celles-ci pour être maximum vers le centre et devenir nulle en aval. Sur une brousse en équilibre pratiquement toute l'eau de pluie est consommée par la végétation et il y a très peu d'eau qui s'écoule en aval des plateaux. Etant donné qu'il y a toujours une zone de décantation en amont de la végétation sur la partie encore nue celle-ci est colonisée au cours des saisons des pluies par une graminée pionnière (Microchloa indica). L'année suivante si cette frange d'herbacées n'a pas été entièrement détruite par le bétail le phénomène de colonisation progresse à nouveau de quelques dizaines de centimètres. Dans le tapis de Microchloa indica de l'année n-1 se développent en année des graminées d'espèces variées et quelques arbres (surtout Guiera senegalensis) dont les graines ont pu se fixer dans les pailles sèches.

Au cours des deux ou trois années suivantes apparaissent d'autres ligneux comme Combretum micranthum. Ensuite lorsque le front pionnier a progressé vers l'amont de plusieurs mètres et que la zone considérée se trouve à l'endroit où l'infiltration est maximum, peuvent se développer des espèces plus exigeantes comme Combretum nigricans ou Combretum glutinosum, voire des espèces ombrophiles comme Gardenia sokotensis. Après plusieurs dizaines d'années, les mêmes arbres se sont développés ainsi que leurs besoins en eau mais ils se trouvent alors en aval de la zone végétalisée. La profondeur d'humectation et la quantité d'eau infiltrée ont diminué si bien qu'ils commencent à mourir. En raison de ce type de progression vers l'amont et sur /es côtés la zone végétalisée prend l'allure d'un croissant du moins lorsque la pente du sol est régulière (...). En général les croissants s'alignent grossièrement si bien que ce type de brousse vu d'avion, montre une alternance entre bandes ondulées végétalisées et bandes dénudées ce qui rappelle un peu le pelage d'un tigre d'où le nom de brousses tigrées. "

Ainsi, les différentes formations des zones sèches forêts savanes, steppes) seraient en étroite relation les unes avec les autres, principalement à cause de variations du climat, des incendies, des populations herbivores et des activités humaines.

3. Les facteurs anthropiques

L'état de dégradation du milieu et de son déboisement sont à rechercher pour une large part dans la modification des comportements humains. Aujourd'hui, les ferments de ces transformations sont essentiellement associés à la croissance démographique, la progression et parfois la régression des techniques et la mise en oeuvre de politiques agricoles et forestières inadaptées.

Trop souvent ces facteurs associent leurs effets et inter agissent négativement avec les autres facteurs de dégradation. Ils se traduisent par la surexploitation des ressources forestières le surpâturage, le défrichement au profit des terres agricoles la mise en oeuvre de politiques et de réglementations inopérantes ou néfastes, la non-maîtrise des feux...

Les populations des zones concernées voient actuellement leur nombre doubler pratiquement tous les vingt à vingt-cinq ans. Une population en pleine croissance démographique implique des besoins en ressources de plus en plus importants. Les structures familiales et les pratiques de gestion prudente des ressources ont été soumises à rude épreuve, spécialement en Afrique et en Inde.

Les migrations forcées (guerres, déplacements de population, sécheresses) obligent des populations à s'installer dans des milieux qui leur sont totalement étrangers. Elles appliquent leurs propres pratiques agricoles, parfois beaucoup plus destructives que celles des autochtones. Ainsi par exemple au Burkina Faso, des migrants venus du nord du pays, poussés par la croissance démographique, l'épuisement des sols et la sécheresse, se sont installés à l'intérieur de la forêt Classée du Nazinon et ont défriché 8000 ha pour leur installation (Soto Flandez et Dilema, 1990).

Dans les zones sèches, le succès des cultures dépend notamment de la disponibilité d'une main d'oeuvre nombreuse, mobilisable rapidement et pendant une très courte période de temps favorable aux semis, puis aux cultures. Cet investissement en travail humain demeure souvent à court terme la seule possibilité d'accroissement de la production agricole. Tant que des améliorations notoires des techniques et du matériel végétal n'auront pas révolutionné le monde agricole de la plupart des zones sèches (et spécialement en Afrique), le revirement de comportement ne s'opérera pas. Les explications globalisantes sur la fécondité africaine "se révèlent de plus en plus inopérantes. Il y a des sociétés africaines et il y a des fécondités africaines...; L'évolution de tous les autres pays en voie de développement montre à l'évidence que la baisse de mortalité précède l'émergence d'un intérêt pour une limitation de la fécondité" (Locoh, 1995).

A partir d'indicateurs trop synthétiques au niveau national, beaucoup de prédictions ont été démenties par les faits. Cependant, le mouvement de baisse est entamé au Botswana, au Kenya, au Zimbabwe, ainsi que vraisemblablement en Afrique du Sud et au sud du Nigeria, à la suite de vastes programmes d'éducation des femmes et de campagnes de contraception.

Le défrichement des terres forestières et leur conversion en terres agricoles sont une des premières causes directes du déboisement. Au delà du fait démographique, ce processus traduit souvent des choix ou des "non choix" en matière de politiques agricoles (cultures extensives, cultures industrielles...) A cette conversion immédiate et permanente, s'ajoute une conversion progressive due au raccourcissement des jachères forestières. Les périodes de repos du sol diminuant, le maintien de la fertilité n'est plus assuré. Le déboisement est aussi imputable à des défrichements destinés à la création d'élevages: c'est un phénomène particulièrement important en Amérique du Sud.

En Afrique et en Inde, le surpâturage des zones forestières est aussi un facteur de détérioration. Pendant la saison sèche, la forêt est un des rares endroits où le bétail peut trouver de la nourriture. La végétation ligneuse est alors broutée et écorcée et les sols asséchés sont compactés empêchant la régénération de s'installer. Les feux, utilisés notamment par les éleveurs pour favoriser la reprise des Graminées, nuisent à la productivité de la végétation ligneuse. Enfin, l'ébranchage excessif, en saison sèche, épuise les arbres et favorise la propagation des feux de brousse.

Cependant, l'équilibre social des villages repose sur une complémentarité entre l'élevage, l'agriculture et l'exploitation des formations ligneuses. Lorsque la charge de bétail ne dépasse pas les limites écologiques, le pâturage est une composante essentielle du dynamisme des écosystèmes. C'est pourquoi la conception actuelle des projets en Afrique vise à la gestion négociée des ressources renouvelables. L'aménagement des ressources sylvo-pastorales doit dans la plupart des cas se substituer à l'aménagement forestier, car si le pâturage reste modéré, il constitue un élément favorable au maintien de l'équilibre général et au progrès économique.

Enfin, notons que la forêt a très souvent été perçue comme un stock de produits sans propriétaire où la récolte était libre: les arbres sont détruits sans considération des conséquences à long terme. Il faut donc procéder à une réappropriation de l'espace forestier. Pour ce faire, le contrôle de l'ensemble des aspects sociaux, économiques et fonciers, qui se traduisent dans l'expression des politiques forestières, agricoles et d'aménagement du territoire, est essentiel.

Chapitre IV - Concept d'aménagement - évolution, principes, impératifs techniques

1. Le rôle et le sens de l'aménagement
2. Aménagement - évolution des approches
3. Les principes de l'aménagement durable
4. Impératifs techniques
5. Dernières considérations générales


Ce chapitre traitera plus spécialement de l'aménagement d'une forêt particulière et non de la mise sous aménagement viable de l'ensemble des forêts et formations forestières d'un pays. Ce dernier aspect est présenté dans la Quatrième Partie: "Etude de cas 4: l'expérience du Niger en matière d'aménagements forestiers", où à partir d'un objectif principal - la simplification des méthodes et des procédures - on cherche à réduire les coûts pour permettre l'aménagement forestier d'un pays en un pas de temps court (10 ans par exemple).

1. Le rôle et le sens de l'aménagement

Lors du chapitre introductif, il est rappelé que l'exploitation excessive du potentiel ligneux, associée aux défrichements agricoles, aux pratiques abusives des feux et parfois au surpâturage, conduit à un désordre qui s'accompagne d'une utilisation contre-productive et dangereuse de la ressource, particulièrement en zones de savanes et de forêts denses sèches. L'aménagement forestier a pour objectif majeur d'éviter ou d'arrêter une telle désorganisation et un tel gâchis. C'est ce que traduit bien l'utilisation en espagnol de l'expression ordenación de montes, qui évoque la nécessité de mise en ordre. En Amérique latine, c'est davantage le terme manejo qui est usité. Il recouvre les notions de manipulation et de conduite, et se rapproche du terme anglais management qui, au sens large, intègre les notions de gestion et de contrôle.

Dans l'urgence, face à une situation tendue par les enjeux et la fragilisation du milieu, il apparaît que pour rétablir un véritable équilibre durable entre "ressource et usage", il est nécessaire d'agir "en toute connaissance de causes et d'effets". Cet engagement a pour conséquence d'installer l'aménagement dans les pas d'une démarche objective et scientifique. Dans d'autres contextes historiques, mais aussi plus récemment, faute de moyens, de compétences ou de volonté, cette attitude a pu faire défaut comme le montrent les descriptions suivantes des pratiques adoptées en Afrique et en Inde.


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