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4.2. Les options techniques associées à l'approche forestière

En matière d'aménagement, les évolutions récentes ont mis l'accent sur l'importance du facteur humain et d'une notion difficile à mesurer et à contrôler: la biodiversité. Ce recentrage s'est parfois effectué au détriment de l'approche forestière et des efforts à consentir pour atteindre une connaissance indispensable de la foret, de ses capacités et de ses potentialités: C'est un risque démesuré. Il n'y aura pas d'aménagement durable sans une maîtrise de qualité de l'espace forestier.

a/ La connaissance du milieu forestier

On a déjà insisté sur l'importance de bien caractériser et décrire le milieu. On trouvera au chapitre VI l'inventaire des moyens et des outils disponibles. Deux points méritent d'être mentionnés et intégrés. La connaissance du milieu forestier doit être menée en collaboration avec les spécialistes:

- des sciences sociales: prise en compte des zones et des produits non ligneux associés à différents usages;
- de l'élevage: caractérisation simultanée de la ressource ligneuse et herbacée, prise en compte des parcours.

b/ L'évaluation du dynamisme des peuplements

De nombreuses expériences ont montré que les insuffisances les plus dommageables n'étaient pas tant à rechercher dans la capacité de mener telle ou telle sylviculture, à préserver certaines formes de biodiversité, ni même à obtenir un compromis entre les usagers, que dans la difficulté à déterminer les capacités de régénération et de reconstitution des peuplements. En pratique, cette déficience se traduit par une mauvaise évaluation de la durée de rotation, de l'assiette de coupe, etc., et par des risques de pénurie ou de dévalorisation de la ressource. Ce point doit faire l'objet d'une attention toute particulière. Si les méthodes qui sont proposées ne permettent pas une estimation précise, il faut au moment des choix d'aménagement agir selon un principe de prudence, et mettre en place un dispositif de suivi qui permettra éventuellement d'adapter les options retenues.

Ce principe de prudence consiste, par exemple en estimant une productivité moyenne de 3 m3/ha/an de bois de feu, à établir un plan d'aménagement provisoire en adoptant un moindre rendement: 2,5 voire 2 m3/ha/an.

c/ Le zonage

Sauf dans les espaces peu anthropisés, le zonage, c'est-à-dire l'organisation spatiale des usages, est conseillé, même si certaines activités comme le tourisme par exemple procèdent de démarches différentes.

Cette notion recouvre deux choses distinctes: d'une part, la répartition de la ressource entre les usagers ou les groupes d'usagers, et d'autre part, l'organisation dans un domaine donné d'un prélèvement particulier. Ce second aspect concerne essentiellement l'exploitation du bois de feu dans le temps et dans l'espace.

Dans le premier cas et d'un point de vue théorique, il n'est pas a priori nécessaire d'envisager un zonage unique associant zones et usagers. D'ailleurs, dans un cadre sylvo-pastoral, une telle démarche est extravagante. On peut donc concevoir des approches "multi-zonages" comportant des partitions bois de feu, pâturages, chasses, produits forestiers, etc. On peut concevoir,... mais il est peu probable qu'une telle solution soit envisagée, dans la mesure où elle constitue une source inépuisable de conflits. Dans la pratique, c'est lors des négociations que ces difficultés peuvent être dépassées et il doit être possible de construire deux zonages structurant l'espace autour des deux spéculations les plus importantes: le bois de feu et l'élevage.

Pour le deuxième aspect du zonage, qui conduit à assujettir l'exploitation du bois de feu au parcours d'un parcellaire donné, il correspond à un choix qui s'impose si l'on veut optimiser, suivre et accompagner l'exploitation par une sylviculture.

d/ Le régime de coupe et les sylvicultures d'accompagnement

- Le choix d'un régime de coupe est lié au type de forêt et aux objectifs fixés. Pour les forêts dont la production la plus importante est le bois d'oeuvre, la futaie ou le taillis-sous-futaie seront la règle. Dans les zones les moins sèches de ces forêts, les coupes de régénération peuvent passer par une coupe à blanc, à condition de laisser sur le sol les houppiers et les branches afin de couvrir le sol.

Pour les espaces forestiers producteurs principalement de bois de feu ou de fourrage, le taillis simple avec coupe rase sera abandonné au profit du taillis fureté, à condition qu'il ne s'agisse pas de forêts surexploitées. Ce mode d'exploitation par ramassage des bois, par furetage des petits bois, par jardinage des gros bois et par émondage et élagage des arbres de parc est tout à fait approprié, tant que les prélèvements de bois ne dépassent pas la production. Par contre, aux abords des grandes agglomérations et dans tous les espaces forestiers surexploités, on adoptera le régime du taillis simple avec mise hors aménagement des espèces fruitières, fourragères et médicinales.

- La révolution et la rotation doivent être adaptées à chaque cas particulier. L'aménagiste veillera à étudier le milieu avant d'édicter des règles telles que celles adaptées actuellement à la forêt de Tientiergou (Niger), à savoir:

en zone de production de bois de feu, adoption d'une rotation d'une dizaine d'années et furetage des arbustes de diamètre (à la base) supérieur à 6 à 8 cm selon les espèces (Quatrième Partie: étude de cas n° 4) pour le bois de feu; la récolte du bois d'oeuvre s'adressera aux espèces de diamètre (à la base) supérieur à 35 cm (soit environ 25 cm à 1,3 m). Si par contre, la forêt est dans un état de dégradation prononcé, la rotation sera plus longue, avec enrichissement des défriches et mise en défens. La règle d'or est d'exploiter moins que la possibilité estimée (principe de prudence déjà évoqué).

- L'aménagiste veillera à préconiser des opérations sylvicoles simples, étudiées avec les riverains et calquées sur leur savoir-faire:

* choix de l'époque et de la hauteur optimales de coupe: au point de vue physiologique, il semble que la période optimale se situe pendant la période de repos de la végétation, c'est-à-dire la saison sèche. Ce choix doit également prendre en considération le calendrier agricole, spécialement dans les régions où des pénuries saisonnières de main d'oeuvre peuvent se produire. La coupe sera effectuée au ras de terre, afin de favoriser l'apparition de rejets proventifs;

* le dépressage de certains rejets d'une souche peut favoriser la croissance des rejets sélectionnés, mais il est trop tôt pour préconiser des règles. Il pourrait être conseillé douze à dix huit mois après la coupe;

* les conversions de jachères abandonnées seront réalisés avec des plants en pots ou des stumps d'espèces à croissance rapide (dont les espèces fixatrices d'azote);

* les semis directs seront rarement conseillés étant donné les multiples protections qu'ils nécessitent pour ne pas être détruits;

* en forêt de production de bois d'oeuvre, les résultats semblent montrer que les éclaircies sélectives peuvent augmenter la croissance en diamètre de certaines essences héliophiles. On peut imaginer que l'éclaircie sera d'autant plus bénéfique que l'arbre qui en profite est jeune, mais aucune expérience ne l'a réellement prouvé en zone tropicale sèche.

- Après une coupe, la mise en défens sera réduite afin de concilier les objectifs des éleveurs et pasteurs. Lorsque la capacité de charge est en équilibre avec le milieu, une mise en défens de 6 à 10 mois est envisageable dans le cas précis d'une régénération végétative des espèces (rejets ou drageons). Dans les forêts à objectif "bois d'oeuvre", la mise en défens préconisée est de trois ans. La multiplication végétative par rejets et par drageons des espèces prioritaires devrait être mieux étudiée afin de raccourcir cette mise en défens rédhibitoire pour les éleveurs et pasteurs transhumants.

- La nocivité des feux de brousse est prouvée. Cependant, dans les régions soudano-guinéennes, les feux précoces (annuels) sont préconisés pour plusieurs raisons (sauf sur sols pauvres):

* la suppression totale des feux est rarement possible; or un feu tardif violent est toujours néfaste pour le sylviculteur (productivité, forme des troncs) et il l'est très souvent pour l'éleveur;

* un feu précoce, associé à une forte charge instantanée (non continue) du cheptel, permet de conserver un espace suffisant au parcours: il opère comme un facteur de conservation des savanes, qui en son absence, se transformeraient en forêts.

Dans les régions sahéliennes d'Afrique, les feux sont moins fréquents, car l'essentiel du tapis herbacé est constitué d'annuelles et en aucun cas, le feu n'assurera des repousses. Les feux précoces doivent être proscrits.

Dans les zones intermédiaires, la protection totale contre les feux (par rapport aux feux précoces) induit une nette diminution de la biomasse des herbacées annuelles.

- Enfin, l'aménagiste aura à favoriser et à gérer la faune sauvage dans tous les cas de figure où le travail des sciences sociales aura abouti à un accord à long terme entre usagers et bénéficiaires. Le tourisme de vision, dont les exemples ne manquent pas, est sans conteste un élément majeur non seulement de développement, mais aussi de maintien de la biodiversité. La création de refuges pour les animaux sauvages (et pour la flore) est une composante essentielle de l'aménagement.

4.3. Options techniques associées à l'élevage

L'élevage est concerné par deux formes de conduite l'élevage extensif (majoritaire) procédant par parcours et par transhumance et l'élevage associé à l'agriculture. Ces deux aspects de l'élevage sont évidemment très différents souvent antagonistes et dans de nombreux endroits en pleine évolution'' en raison de la sédentarisation de certains éleveurs et des progrès de la polyvalence en matière d'agriculture. Il sera nécessaire de bien différencier ces deux faciès de l'élevage.

a/ Connaissance des activités d'élevage et de leurs besoins

Du point de vue de la ressource fourragère, il a été rappelé ci-avant (4.2.) l'intérêt d'en faire une évaluation simultanée à celle de la ressource forestière. Dans les chapitres VI et VII l'accent a été mis sur l'intérêt de qualifier et de quantifier la valeur du fourrage et d'en distinguer l'origine herbacée ou ligneuse.

Ajoutons que l'état sanitaire des troupeaux est à prendre en compte, que le positionnement des points d'eau et des voies d'accès doit être impérativement enregistré, que les parcours et leur alternatives doivent être connus et situés dans l'espace et dans le temps.

Enfin, parallèlement, on ne doit pas négliger la connaissance des "élevages associés à l'agriculture".

Rappelons d'autre part, que l'approche des activités d'élevage passe par la connaissance et l'identification des éleveurs. Il appartient aux sciences sociales de s'investir dans ces études particulièrement difficiles raison de la nature même de cette activité et du caractère local de l'aménagement forestier au regard des parcours empruntés par les éleveurs. L'enjeu est sans conteste important, dans la mesure où l'aménagement doit aider à l'émergence de groupements d'éleveurs capables de participer aux concertations pour la gestion de l'espace sylvo-pastoral.

Les sciences sociales doivent être utilisées pour faire de chaque aménagement local une solution "sur mesure", adaptée aux exigences et aux spécificités locales.

b/ Quelques principes à respecter

Pour gérer l'espace sylvo-pastoral, il importe de:

- conserver aux terres de parcours des dimensions suffisantes pour le libre déplacement des troupeaux. Un bovin se déplace dans un rayon de 15 kilomètres pour pâturer. On évitera le morcellement des zones pastorales et les aménagements infranchissables, car restreindre l'espace pastoral disponible, c'est accroître les risques de difficultés en période sèche;

- préserver les possibilités de transhumance, de changement de régimes de pâturage en cas de besoin. C'est une façon d'améliorer la sécurité de production, quelles que soient les circonstances. Le pasteur cherche, en principe, à éviter le surpâturage, car il a des conséquences sur les performances des animaux. Il cherche surtout à détendre sa liberté de déplacement;

- veiller à ce qu'il n'y ait pas de déséquilibre entre la capacité de charge d'un parcours et la charge animale réelle. La production de fourrage est relativement aléatoire en zones arides et semi-arides. Elle est plus régulière en zones subhumides et humides. Que ce soit en régime de propriété privée ou sur parcours communal (ou communautaire), la maîtrise de la charge animale est très importante. La dégradation de la végétation est d'autant plus lente à se cicatriser que le climat est plus aride et que la pression pastorale aura été plus intense; elle peut même être irréversible;

- jouer sur l'hydraulique pastorale pour améliorer la dispersion du bétail sur les parcours, pour fluidifier les déplacements saisonniers, pour éloigner les animaux des zones fragiles et à protéger. L'accès à l'eau représente l'un des soucis fondamentaux des éleveurs;

- conserver un équilibre satisfaisant entre la végétation herbacée et la strate ligneuse. Le forestier doit admettre que les arbres restent relativement peu denses, soient "déformés" par le bétail et laissent de la place à l'herbe. L'éleveur doit comprendre les avantages que l'arbre est en mesure de lui procurer et il doit le respecter. Cet équilibre plus ou moins instable et artificiel (celui des savanes en particulier) n'est pas forcément en contradiction avec le maintien de la diversité? tant végétale qu'animale, et permet une variété d'usages de l'écosystème;

- s'assurer que le passage sur les champs, après la récolte, soit inclus dans les circuits Pastoraux pour la pâture de pailles et de résidus végétaux.

Tout ce qui précède suppose que les groupes d'intérêts s'organisent et nomment des représentants capables de participer aux concertations pour la gestion de l'espace sylvo-pastoral. L'émergence de groupements d'éleveurs et de représentants lettrés est fortement souhaitée. Pour leur part, les aménagistes ont pour charge, la production d'évolutions et d'innovations techniques et la mise en place des infrastructures et des moyens appropriés. L'administration, quant à elle, doit veiller à ce que les actions individuelles ou privées respectent la pérennité du patrimoine naturel. Elle doit aussi arbitrer les intérêts contradictoires des tenants de la terre, des entreprises privées et des projets d'aménagement.

5. Mise en place et suivi de l'aménagement

L'aménagement est le résultat de nombreuses négociations entre différentes parties. Ces transactions se matérialisent sous différentes formes contractuelles, réglementaires et organisationnelles. La mise en place de l'aménagement concrétise cette évolution, mais l'on ne passe pas d'une ancienne pratique à une nouvelle d'un coup de baguette magique. La mise en place de l'aménagement nécessite une préparation et souvent des mesures d'accompagnement et de soutien particulières. Il peut même s'avérer nécessaire d'en prévoir une mise en place progressive. Pendant cette période, l'appui doit s'intensifier. L'équipe d'aménagement organisée pour "comprendre et proposer" doit évoluer vers "l'accompagnement et la formation". La partition est écrite mais l'orchestre a besoin de répéter. Faute de donner une juste place à cette phase et d'en mesurer l'importance, en particulier dans un contexte où les services forestiers sont souvent désorganisés sinon absents, bien des projets d'aménagement risquent d'échouer en dépit de propositions intelligentes et adaptées.

Pendant cette phase de démarrage, qui est cruciale, aucune ambiguïté ne peut subsister pour ce qui est de l'identité des responsables de l'application du plan d'aménagement. Les études de cas présentées ci-après diffèrent surtout entre elles sur ce point (divers acteurs et responsables).

Le contrôle de l'application du plan conditionne la réussite de l'opération, car il n'est pas question de se limiter à une opération de supervision. Il s'agit surtout de suivre en analysant la pertinence du plan vis-à-vis de l'évolution des contraintes extérieures et intérieures (marché du bois, état des peuplements, démographie) afin d'étudier les modifications susceptibles d'être apportées à l'aménagement. Un aménagement n'est pas figé, il est révisable régulièrement en fonction des données recueillies tout au long de son application.

Ainsi donc, prévoir des outils pour effectuer un suivi de l'aménagement, c'est se donner les moyens de vérifier la pertinence des options retenues et éventuellement de procéder à leur révision en fonction de l'évolution du contexte. Les outils de suivi sont à rechercher dans la mise au point de critères et indicateurs adaptés à la structure locale observée.

Mise en place et suivi de l'aménagement font partie à part entière du plan d'aménagement. Ils doivent avoir été prévus et négociés, en prenant soin de bien désigner les responsables notamment du contrôle et du suivi (par exemple l'équipe d'aménagement).

6. L'évaluation du plan d'aménagement

L'évaluation du plan d'aménagement peut en partie être confondue avec le suivi / contrôle. En principe, l'évaluation n'est pas permanente comme le suivi; elle s'attache plus aux résultats qu'aux modalités, et surtout elle doit être faite par une entité ou des experts extérieurs reconnus, habilités et légitimisés. Son objectif est de valider ou invalider l'acquis, vis-à-vis des principes et précautions qui vont suivre, et de réorienter si besoin le plan d'aménagement.

Les critères et indicateurs en cours d'élaboration et devant être testés en zone de forêts tropicales sèches doivent constituer le référentiel incontournable pour toute évaluation, dès lors qu'ils auront été admis et agréés par les diverses nations et mis par exemple sous la houlette de la Commission pour le Développement Durable, issue de la Conférence de Rio de Janeiro de 1992.

En attendant cette mise au point, certains principes et précautions peuvent guider une évaluation.

D'une part, la réussite d'un aménagement peut être calibrée par des données quantifiables: de marchés ruraux créés, de surface protégée, de cheptel et de charges en pâture atteints, de refuges d'animaux sauvages, etc. Mais il n'est pas possible d'évacuer la double question: Qu'est-ce que ça coûte ? Qu'est-ce que ça rapporte ?

Une évaluation ne peut être réellement objective que si le contrôle et le suivi de l'aménagement ont assuré un travail continu au niveau des coûts des différentes opérations et du bilan recettes dépenses.

A titre d'exemple:

• Le coût des opérations sylvicoles telles que l'éclaircie doit être soigneusement calculé, car les effets (s'il y en a !) ne se feront sentir que pour la deuxième ou troisième rotation après ces travaux. Un calcul économique simple montrerait probablement que, même avec un taux d'actualisation réduit, l'intérêt d'un tel investissement est discutable pour un opérateur privé. Seul l'Etat peut prendre en charge un investissement aussi peu rentable, soit directement en assurant les travaux, soit indirectement en chargeant les usagers de les réaliser, moyennant un rabais sur les taxes par exemple.

• La politique de blocage des prix du bois-énergie, à un niveau inférieur à sa valeur réelle, ne prenant pas en compte la valeur sur pied et le renouvellement de la ressource, est une mesure avantageuse à court terme pour la population urbaine et l'Etat. Ce type de mesure est incompatible avec un approvisionnement économiquement, socialement et écologiquement viable.

Il s'agit en fait que l'évaluation vérifie que les différents acteurs trouvent leur compte dans l'aménagement proposé et réalisé; et ceci, par l'amélioration des conditions de vie parmi lesquelles l'aspect économique est un indicateur traditionnel et fiable (sans pour autant oublier la santé, l'éducation, les infrastructures, etc.).

D'autre part, l'évaluation à considérer que toute action (même efficace) de protection et de valorisation de l'écosystème et de sa biodiversité est vaine et condamnée à terme, si elle ne tient pas réellement compte de principes simples de transparence et d'équité:

• faire en sorte que la gestion soit menée en "bien commun" (de façon participative) avec une répartition équitable des rentes et bénéfices;

• et éviter les dispositifs trop répressifs ou trop contraignants de telle manière que les acteurs aient plus intérêt à suivre les règles de l'aménagement qu'à les enfreindre.

L'évaluation doit aussi vérifier que les principales précautions de réussite sont effectivement prises, telles que:

• le principe de prudence: en revoyant à la baisse l'intensité des prélèvements sur la ressource (dont la production n'est pas obligatoirement constante d'année en année) et en imposant une approche écologique pour estimer la capacité de l'écosystème à absorber l'impact provoqué par ces prélèvements;

• l'adoption de régimes d'exploitation simples plus faciles à contrôler et à superviser (notamment face à l'insuffisance de moyens des dispositifs de suivi et de contrôle);

• l'adaptation des usagers aux possibilités de la ressource et non l'inverse;

• l'intégration de la notion de gestion des patrimoines naturels, concrétisée par les accords de Rio de Janeiro;

• la sécurisation des populations: au cas où l'application de l'aménagement ait pu susciter une dynamique d'organisation de ces populations autour de véritables enjeux locaux.

Chapitre X - Critères et indicateurs

1. L'initiative internationale
2. Les concepts mis en oeuvre: Critères et indicateurs
3. Critères et indicateurs pour l'Afrique tropicale sèche
4. La mise en oeuvre


1. L'initiative internationale

La réflexion sur les critères et les indicateurs d'aménagement durable et de suivi de l'évolution des écosystèmes forestiers est relativement récente.

En 1990 à l'initiative de l'OIBT, les premières directives de gestion durable sont proposées. Elles seront complétées par la publication en 1992 de cinq critères et 27 indicateurs applicables au niveau national, de six critères et 23 indicateurs destinés au suivi de l'unité gestion forestière. C'est ensuite à la CNUED qu'il a appartenu, lors de l'adoption des principes forestiers et de l'Action 21, de relancer le débat et de créer les conditions d'une mobilisation internationale.

Depuis, de nombreuses initiatives ont été prises. Citons entre autres:

Septembre 1993

"Le Séminaire de Montréal", où un groupe de travail propose une formulation comportant 7 critères et 67 indicateurs.

Juin 1994

"Le Processus d'Helsinki", centré sur les forêts tempérées boréales et méditerranéennes, qui propose 6 critères et 27 indicateurs.

Février 1995

"L'Initiative de Tarapoto", concernant l'Amazonie, qui retient 12 critères et 77 indicateurs.

Novembre 1995

"La Réunion de Nairobi", plus particulièrement destinée aux forêts tropicales sèches et dont nous reprendrons les conclusions.

Depuis 1995, une expérimentation internationale coordonnée par le CIFOR est en cours, afin de tester les principaux critères et indicateurs proposés.

Parmi les organismes qui ont été à l'origine de ces différentes initiatives, on retrouve le CILSS, l'OIBT, la FAO, l'IUFRO, WWF, FSC, CIFOR, etc. L'activisme collectif que l'on enregistre autour de ces démarches de réflexion et d'expérimentation correspond à la volonté de mobiliser le maximum:

- de pays: l'efficacité de la démarche est dépendante d'un large consensus international;

- de compétences: le suivi des écosystèmes forestiers est tributaire d'une approche pluridisciplinaire permettant de traiter des multiples aspects de l'écosystème forestier et de ses usages;

- d'intérêts: la mise en oeuvre va demander la collaboration des chercheurs, des développeurs, des gestionnaires, des politiques, etc. Une diversité qui correspond à autant de points de vue et de considérations différentes.

Ce processus vient à peine de débuter, il va nécessiter un approfondissement non seulement de la réflexion et de la négociation, mais aussi un véritable effort pour rendre opérationnel ce qui reste aujourd'hui au stade de la conception, de l'accord de principe et de l'expérimentation.

2. Les concepts mis en oeuvre: Critères et indicateurs

Au sens strict, un critère est un principe auquel on se réfère. Dans le cadre qui est le nôtre, il se définit d'abord par sa nature. Il est géographique, biologique, physique, sociologique, économique, institutionnel, etc. En ce sens, l'ensemble des critères qui sont retenus pour qualifier la forêt sont associés à sa nature, ses fonctionnalités et sa représentation. Cette remarque permet d'illustrer le caractère tout à la fois absolu et relatif de ces concepts. Absolu parce que participant d'un principe et d'un consensus et constituant un référentiel. Relatif car dans la mesure où les critères dépendent de la nature de l'objet étudié, ils peuvent évoluer, tout au moins dans leurs hiérarchies. C'est le cas lorsqu'on passe des zones humides aux zones sèches, d'un point de vue local à un point de vue régional. A titre d'exemple et en reprenant ces derniers binômes (humides/sèches et local/régional), l'intérêt de considérer un critère associé au fonctionnement global de la biosphère peut se discuter selon les différentes situations.

En rapport avec les différentes façons de juger de l'état d'un écosystème forestier, les critères considérés concernent généralement:

- l'écosystème forestier en tant que système biologique, son intégrité, sa diversité et sa vitalité;

- l'écosystème comme support d'un certain nombre de fonctions de production et de protection de l'environnement;

- l'écosystème en tant que centre d'activités socio-économiques, et ses relations avec les différents intervenants;

- et le cadre administratif, institutionnel et culturel dans lequel il s'insère.

Si l'on se réfère au critère, c'est pour juger, évaluer, mesurer. Pour cela, il faut que le critère puisse faire l'objet d'une représentation. L'indicateur est ce qui va permettre de montrer de façon précise ce que recouvre un critère particulier. A titre d'exemple, les indicateurs climatiques seront la température, la pluviosité, etc. Il est aisé d'imaginer à partir de cet exemple que pour un critère donné, les indicateurs peuvent être plus ou moins nombreux, complexes, fiables, synthétiques, quantifiables, etc.

Dans ce sens, tous les critères ne sont pas également lotis, et certains d'entre eux, nécessiteront, pour pouvoir être pleinement pris en compte, qu'un gros effort métrologique soit réalisé. Au demeurant, le choix des indicateurs relève aussi de considérations simples et raisonnables. On leur demande d'être:

- pertinents: leur référence aux objectifs de gestion durable doit être claire;

- clairs: ils sont aisés et faciles à interpréter;

- valables: ils doivent spécifier sans ambiguïté le caractère qu'ils sont sensés mesurer et/ou évaluer;

- applicables: ils sont pratiques à mesurer, et de préférence peu coûteux et rapides à mettre en oeuvre;

- fiables: ils possèdent des caractères objectifs et leur mesure ou leur repérage peuvent être immuablement répétés.


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