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VII. Résultats zootechniques de l'utilisation des fourrages pauvres par l'animal et témoignages concrets


7.1. Rappel du contexte général
7.2. Fourrages pauvres non traités complémentés par des blocs multinutritionnels
7.3. Utilisation des fourrages traités par l'animal
7.4. Blocs multinutritionnels ou fourrages traités à l'urée?
7.5. Conclusion


7.1. Rappel du contexte général

Les objectifs et les systèmes de production de la majorité des pays tropicaux en voie de développement diffèrent beaucoup de ceux des pays tempérés ou à économie développée. En outre, l'alimentation des ruminants dépend généralement de pâturages pauvres et de résidus de culture de qualité médiocre dont, par surcroît, les disponibilités ne sont souvent que saisonnières. La productivité des animaux qui en résulte est donc faible ou modérée. Envisager des niveaux de production très élevés impliquerait le recours à des quantités importantes de compléments à base de céréales et de tourteaux qui sont souvent importés et coûteux. De tels systèmes sont irréalistes. Les objectifs primordiaux de la majorité de ces pays sont plutôt de:

· maintenir le poids ou même la survie des animaux pendant la saison sèche,

· disposer d'animaux en état au début des travaux de labour et de trait,

· accroître la production laitière de chaque vache dans des limites réalistes modestes (un à deux litres en plus par animal et par jour),

· obtenir des bovins en croissance à l'embouche des gains de poids de l'ordre de 300 à 600 g/j.

L'objet de ce chapitre est de montrer comment les techniques de valorisation des fourrages pauvres peuvent contribuer à réaliser ces objectifs.

Nous examinerons également les cas particuliers des systèmes de production animale plus intensifs (Maghreb, Proche Orient, Chine,... dont l'élevage est bien intégré à la céréaliculture) où ces techniques peuvent présenter un intérêt pour certaines catégories d'animaux.

Les améliorations permises par ces techniques devront toujours être raisonnées afin de rester nutritionnellement réalistes et économiques.

7.2. Fourrages pauvres non traités complémentés par des blocs multinutritionnels


7.2.1. Témoignages
7.2.2. Effets sur l'ingestion et les performances


7.2.1. Témoignages

Lorsque les animaux reçoivent les blocs multinutritionnels de façon régulière pendant une période suffisamment longue (plusieurs semaines), les paysans sont unanimes pour constater les effets positifs sur leurs animaux. Nous résumons ci-dessous les témoignages fréquemment relevés chez les agro-éleveurs de Tunisie, du Niger, du Cambodge et du Laos:

a) Une augmentation de l'appétit de l'animal qui se traduit par une amélioration de l'ingestion des fourrages pauvres et/ou du temps de pâturage. Les femmes du Niger (département de Dosso, secteur de Tibiri) rapportent que leurs ovins consomment même les coques d'arachides qui sont habituellement refusées. Les femmes du Cambodge (province de Kandal) constatent, quant à elles, que leurs vaches sont moins sélectives au pâturage. Il en est de même au Nord de la Tunisie (zone Aïn Draham) avec le maquis forestier, mieux exploité par les chèvres "qui se précipitent" sur les blocs à leur retour du pâturage.

b) Une augmentation de la consommation d'eau, due vraisemblablement à l'augmentation de l'ingestion de minéraux mais aussi à l'augmentation de la quantité totale de matière sèche ingérée.

c) Un maintien du poids de l'animal en saison sèche et une amélioration de l'état général des animaux maigres.

d) Une amélioration du pelage (poils) de l'animal, qui devient plus brillant.

e) Une amélioration de l'efficacité dans le travail des animaux de trait et de labour.

f) Les animaux cessent de se lécher et de lécher pierres, sol, murs, et de chercher à manger les plastiques, les chiffons et les os. Ce léchage, appelé "pica" est souvent dû à une carence minérale et principalement en sel et en macro-éléments qui sont apportés par les blocs multinutritionnels.

7.2.2. Effets sur l'ingestion et les performances

L'effet principal de la supplémentation par les blocs est l'augmentation des quantités de fourrages pauvres ingérées. Celle-ci est très significative. Si nous examinons l'ensemble des essais indiqués dans le tableau 21, l'augmentation moyenne des quantités ingérées de pailles de céréales (riz ou blé) est de 28%. Cet accroissement de l'ingestion est la résultante d'une activité microbienne intense, comme discuté antérieurement. TIWARI et al (1990) observent également un accroissement de l'ingestion d'azote qui passe de 31 g à 67,5 g/j chez des jeunes buffles consommant de la paille complémentée soit avec 1 kg de concentré soit avec 750 g de blocs multinutritionnels. Cette augmentation de l'ingestion s'accompagne en outre d'une meilleure efficacité de l'utilisation de l'azote apporté par les blocs.

Tableau 21: Effet de la complémentation des fourrages pauvres avec des blocs multinutritionnels sur les quantités ingérées et les performances zootechniques

Complémentation

Quantités ingérées

Performances animales

0

B

0

B

(kg MS/j)

GMQ (g/j)

Sudana et Leng (1986)






ovins

ND

ND

-53

10

Tiwari et al. (1990)






jeunes buffles

2.8

3.1

90

166

Station de Niono, Mali (1993)






zébus







.paille

4.5

6.0

26

165



.parcours

ND

ND

-64

-10

Hadjipanayiotou et al. (1993)






agneaux (n = 35) paille de blé

ND

ND

-88

-58


brebis (n = 16) paille de blé

ND

ND

41

67


brebis (n = 83) chaumes

ND

ND

-56

-6

Nyarko et al. (1993)






brebis (n = 30) paille de blé

43 (1)

60 (1)

-2.8

6.4




lait (kg/j)

Kunju (1986)






taurillons

4.4

5.7




vaches

ND

ND

3.9

4.7

(1) en g/kg PV 0.75
0 = sans blocs
B = avec blocs
ND = non déterminé

Un accroissement de l'ingestion de fourrage est souvent accompagné d'une augmentation de la consommation d'eau. Dans un essai réalisé au Pakistan, sur trois groupes de jeunes buffles nourris à base de paille de blé, de fourrage vert et d'ensilage d'avoine, avec ou sans blocs multinutritionnels, ALI et MIRZA (1986) observent que la distribution de blocs s'accompagne d'une augmentation moyenne de la consommation d'eau de 25%.

L'ensemble des travaux regroupés au tableau 21 montre que la consommation des blocs (de 100 à 250 g chez les petits ruminants et de 400 à 800 g chez les bovins et buffles) a significativement amélioré les performances des animaux. Avec des rations constituées uniquement de paille ou de chaumes, les blocs ont fortement limité les pertes de poids et ont permis d'entretenir les animaux durant la saison sèche. A apports complémentaires comparables, des rations à base de fourrages pauvres sont globalement mieux valorisées par une supplémentation de blocs mélasse-urée que par une complémentation faite de concentrés (NYARKO et al., 1993). Aussi, des chercheurs de la Station de Recherche Zootechnique du Sahel de Niono au Mali (1993), ont-ils comparé les trois types de compléments suivants: le sel, les blocs multinutritionnels et un concentré commercial (1 kg) sur trois groupes de zébus, maintenus au pâturage pendant cinq mois (mars à juillet). Les croîts observés ont été de + 192 g/j pour le lot "blocs" contre -410 g/j et -99 g/j, respectivement pour les lots "sel" et "concentré"

7.3. Utilisation des fourrages traités par l'animal


7.3.1. Témoignages
7.3.2. Contribution du traitement à l'entretien et la sauvegarde du cheptel
7.3.3. Utilisation des fourrages traités pour une production modeste
7.3.4. Cas particulier des systèmes plus intensifs.


7.3.1. Témoignages

Un des points remarquables est que ces témoignages convergent tous, quelle que soit la situation agro-écologique des éleveurs (Togo, Niger, Tanzanie, Madagascar, Maroc, Mauritanie, Tunisie, Egypte, Cambodge et Laos). Les observations de ces derniers sur les animaux sont les suivantes:

a/ Augmentation de la consommation d'aliments (signalée bien souvent comme un "engouement" pour le fourrage traité). Toutefois, et le témoignage est systématique, cet "engouement" n'est atteint qu'après quelques jours voire une semaine d'accoutumance des animaux. Les paysans notent parallèlement que leurs animaux "consomment plus vite" le fourrage traité. Lorsqu'il est distribué à volonté les refus sont moins importants qu'avant, et ceci est particulièrement observé avec les tiges de mil, de sorgho ou de maïs. Alors que les animaux n'en consommaient pratiquement que les feuilles et les extrémités et délaissaient une forte proportion de tiges, ils consomment ces dernières en quasi totalité après traitement. Cette observation est d'ailleurs doublée de la remarque relative au fait que la tige se casse facilement en petits morceaux par suite du piétinement et du tassement ayant eu lieu dans le silo au moment du traitement. En un mot, le fourrage traité est plus "appétissant" qu'avant. Après épuisement du stock traité tous les éleveurs constatent une désaffection pour le fourrage non traité lorsqu'ils sont contraints d'y revenir.

b/ Augmentation de la consommation d'eau, constatée dans tous les cas où l'eau d'abreuvement est apportée à l'animal (au piquet ou en stabulation). Le nombre de buvées passe de trois à quatre au lieu d'une à deux par jour.

c/ Amélioration de l'état corporel (le meilleur "embonpoint" est très souvent signalé). Les animaux recevant le fourrage traité (comme ration de base ou de complément) maintiennent leur poids en saison sèche, sont moins parasités et plus résistants aux maladies. Leur pelage est plus brillant. Des animaux maigres ou affaiblis mis à la paille traitée récupèrent vite et leur état général est amélioré dans les premières semaines (trois semaines environ) qui suivent la distribution du fourrage traité. Plusieurs paysans du Niger ont sauvé ainsi des animaux cachectiques au milieu et à la fin de la saison sèche grâce à l'utilisation de la paille traitée.

d/ Augmentation du revenu par l'embouche: les animaux d'embouche consommant des pailles traitées complémentées avec des graines de coton, du son, des céréales, ou des fanes de légumineuses (arachide, niébé) s'engraissent plus facilement. On assiste en effet à,

· une réduction de la durée de l'embouche.

· une utilisation moins élevée de compléments souvent achetés.

· une meilleure facilité de vente sur le marché (meilleur état d'embonpoint) pendant la saison sèche où les autres animaux sont maigres.

· un gain financier plus élevé.

e/ Augmentation de la production laitière et amélioration des conditions corporelles de la mère et du veau.

f/ Amélioration de la fertilité: après alimentation au fourrage traité, les chaleurs des vaches sont plus manifestes.

g/ Augmentation de la force de travail et d'endurance des animaux de trait et de labour à qui les fourrages traités sont donnés en priorité dans les pays, notamment du Sahel (80 p.100 au Niger) et d'Asie du Sud-Est.

h/ Enfin un témoignage très révélateur et important est celui de l'augmentation de la production de fumier, de meilleure qualité, par les animaux nourris avec la paille traitée. "Us produisent plus de bouses qui sont plus molles et de couleur plus foncée". Ce témoignage s'accompagne d'observations sur la texture du sol, qui est améliorée, et sur les cultures, qui sont plus vigoureuses et plus productives. Le fumier d'animaux consommant des fourrages traités a ainsi permis à certains paysans de réduire leurs apports d'engrais chimiques. Ceci est en accord avec les résultats de la recherche (§532).

Tableau 22: Effet de la complémentation de la paille par des blocs multinutritionnels et de la farine de poisson sur la croissance de jeunes buffles (Tiwari et al., 1990)

Poids initial (kg)

Quantités ingérées (g MS/j)

Gain moyen Quotidien (g/j)

paille de blé

concentré

farine de poisson

blocs

218

3100

1000

0

746

166

223

3400

1000

50

823

179

227

3400

1000

100

855

288

225

3300

1000

150

851

275

7.3.2. Contribution du traitement à l'entretien et la sauvegarde du cheptel


7.3.2.1. Paille non limitée
7.3.2.2. Stocks de paille limités


7.3.2.1. Paille non limitée

Les cas où les résidus de culture existent en quantité abondante sont relativement fréquents. Malheureusement ces ressources fourragères sont souvent mal gérées (pertes, mauvais stockage, brûlage,...). Le traitement est l'occasion d'en améliorer la valeur alimentaire et, par conséquent, l'état nutritionnel des animaux. Il contribue en même temps à améliorer la gestion de ces ressources.

Le tableau 23 donne un bilan théorique des besoins/apports nutritifs pour le bovin en production. La paille non traitée ne couvre pas les besoins d'entretien (d'où les pertes de poids généralement observées) alors qu'après traitement cette même paille les couvre largement et contribue même à assurer une partie des besoins de production.

C'est ce que traduisent les nombreux témoignages recueillis auprès des paysans du Niger, de Madagascar, etc... qui n'avaient jamais pratiqué le traitement de leurs pailles de riz à l'urée. Ces derniers constatent que l'état corporel de leurs animaux s'améliore en trois ou quatre semaines.

Tableau 23: Bilan théorique de la couverture des besoins nutritionnels de bovins à l'entretien et en production par une paille de riz traitée (PT) ou non (PNT) distribuée à volonté

Etat de production de l'animal

Besoins y compris entretien (1)

Ingestion

Apports (2)

PNT

PT

PNT

PT

TDN (kg)

N x 6.35 (g)

MS (kg/j)

TDN (kg)

N x 6.35 (g)

TDN (kg)

N x 6.35 (g)

Entretien (350 kg PV)

2.85

341

5.25

7.00

2.0

210

3.15

700

Lait (350 kg PV; 4 litres/j)

4.15

659

5.25

7.00

2.0

210

3.15

700

Croissance (200 kg PV; GMQ = 250 g)

2.60

450

3.00

4.00

1.14

120

1.8

400

Traction (350 kg PV; travail modéré)

3.55

570

5.25

7.00

2.0

210

3.15

700

(1) - NRC, 1976
(2) - Valeurs (g/kg MS) pour la paille non traitée (PNT): N X 6,25 = 40, TDN °380 et une consommation journalière 1,5 kg/100 kg PV. et, pour la paille traitée (PT): N X 6,25 = 100, TDN = 480 et 2 kg/100 kg PV.

Tableau 24: Ingestion, gain de poids vif et conversion alimentaire avec une paille de riz non traitée ou traitée à l'urée distribué à volonté ou limitée (Khan et Davis, 1981)

Paille de riz

Non traitée

Traitée

présentée en quantité

limitée

à volonté

MS ingérée (kg/j)

3.45

3.48

4.20

GMQ (g/j)

125

303

310

Conversion alimentaire (kg d'aliment/kg gain)

28

11.5

13.50

7.3.2.2. Stocks de paille limités

La majorité des paysans ou agro-pasteurs n'exploite que des petites surfaces (souvent moins d'un hectare) pour la production de leurs céréales et les quantités de paille ou de tiges produites sont faibles.

1 ha de riz produisant, par culture, 3 t (Afrique) ou 2 t (Asie) de paddy représente, avec un rapport moyen Grain/Paille = 1, un stock de 2 ou 3 tonnes de paille.

Les pailles, dans ce cas, sont généralement distribuées le soir au retour du pâturage, en quantités limitées. Il en sera de même des pailles traitées qui ne constitueront qu'un complément du pâturage de la journée de l'ordre de 3 à 4 kg par jour.

Un exemple emprunté au Cambodge (KAYOULI, 1994b) montre, au tableau 25, qu'à ingestion égale, même modeste (3 kg MS/j), de paille traitée par rapport à la paille non traitée, les quantités de matière sèche digestible et de MAT ingérées sont respectivement augmentées de 35% et multipliées par 3. KHAN et DAVIS (1981) constatent par ailleurs, dans des conditions analogues, une augmentation des GMQ de 180 g/j (tableau 24).

Les paysans des nombreux pays d'Asie (Bangladesh, Cambodge, Laos,...) et du Sahel (Mauritanie, Niger,...) où prévaut cette situation, sont unanimes pour constater le maintien du poids vif et l'amélioration de l'état corporel de leurs animaux, particulièrement pendant la saison sèche.

Cet effet bénéfique de la paille traitée qui, dans ces situations, peut ne représenter que la moitié de la ration totale journalière composée essentiellement de fourrages grossiers tient surtout au fait qu'elle apporte les éléments azotés manquants pour la cellulolyse d'une ration constituée essentiellement de parois végétales (parcours de la journée, paille du soir). Il résulte, aussi, de l'apport supplémentaire d'énergie digestible dû au traitement.

Tableau 25: Exemple de ration à base de paille de riz, traitée ou non, distribuée en quantité limitée (3 kg de matière sèche) à des vaches zébu maintenues au piquet (mesures effectuées chez 5 paysans dans le district de Baty. Cambodge) (Kayouli, 1994b)


Paille Non traitée

Paille traitée

Composition et digestibilité



Matières azotée totales (N x 6,25) (% MS)

3.5

103

Digestibilité de la matière sèche (%)

35

46

Quantités ingérées (kg/j/animal)



Matière sèche

3

3

Matière azotées totales

105

309

Matière sèche digestible

1.05

1.38

En définitive le traitement des fourrages pauvres est justifié aussi bien dans le cas de stocks importants que limités. Dans le premier cas, il incitera le paysan à une meilleure gestion de ses stocks.

7.3.3. Utilisation des fourrages traités pour une production modeste


7.3.3.1. Cas de la production laitière
7.3.3.2. Cas de la croissance et de l'embouche
7.3.3.3. Cas des animaux de travail.


La majorité des élevages d'Asie et d'Afrique ne sont pas spécialisés mais exploités à des fins multiples et il est difficile, sauf peut-être en Inde, et dans quelques cas particuliers d'Afrique en altitude, de parler séparément de production laitière et de production de viande.

Les troupeaux, de taille très variable suivant les systèmes, produisent des veaux allaités par leur mère dont on tire quelques litres de lait pour la consommation familiale, parfois pour la vente, en plus de ce que le veau a retenu pour lui. Les veaux sont soit vendus pour l'embouche extérieure (s'il y a des ateliers spécialisés et un marché organisé) ou sur place (embouche paysanne), soit élevés pour constituer la paire de boeufs indispensable pour les travaux culturaux et le transport.

Les niveaux de production sont modestes, notamment dans le cas du lait produit par des femelles allaitantes de races non laitières.

7.3.3.1. Cas de la production laitière

Tous les témoignages et suivis d'exploitation concordent avec les mesures plus rigoureuses effectuées en station. La substitution de la paille traitée à la paille non traitée se traduit par une augmentation de la production du lait trait et une amélioration de l'état corporel des mères et de la croissance de son veau. Schématiquement la réponse aura tendance à être plus "laitière" en début de lactation et plus "corporelle" en fin de lactation (en raison de l'alternance des phénomènes de mobilisation/stockage des réserves corporelles au cours du cycle lactation/gestation de la femelle).

Tableau 26: Effet du traitement d'une paille de riz sur les performances zootechniques du couple vache allaitante/veau (Perdok et al., 1982)

PAILLE DE RIZ (à volonté)

NON TRAITEE

TRAITEE

nombre d'animaux

17

17

QUANTITES DE M.S. INGEREE (kg/j)




paille

5.20

8.60


concentré

1.50

1.50

LAIT TRAIT (kg/j) EN PLUS DU VEAU

2.42

3.41

GMQ (g/j)




vache

-266

93


veau

181

257

Les références publiées existent surtout en Inde au Sri Lanka et au Bangladesh où les élevages sont plus orientés vers la production laitière, et très peu en Afrique. Sans les citer toutes, on relèvera:

· l'essai, éloquent, de PERDOK et al, (1982) au Sri Lanka qui montre (tableau 26) non seulement une augmentation significative (de 1 kg) de la production journalière de lait de vache Gir, locales, recevant à volonté de la paille de riz traitée par rapport à la paille non traitée et 1,5 kg de concentré dans les deux cas, mais également une augmentation de leur gain de poids vif( + 93 contre - 266 g/j) et de la croissance de leurs veaux (257 contre 181 g/j).

· les observations de REDDY et al (1991) où la paille de riz traitée à 4% d'urée distribuée à volonté avec 1 kg de concentré par jour et par animal permet de couvrir une production de 2.5 à 3 kg de lait par jour alors que la paille non traitée et la même quantité de concentré ne couvre que les besoins d'entretien.

· l'augmentation de la production laitière journalière de 1,7 kg (5,9 contre 4,2) et l'économie de la moitié de l'apport protéique observé par KUMAR et al (1991) en Inde.

· l'augmentation de l'ordre d'1 kg par jour de la production laitière de vaches Tanzania Zébu Shorthorn, pures ou croisées, en Tanzanie, recevant des tiges de maïs traitées à 6% d'urée en plus de feuilles de bananier et d'herbe coupée le long des routes et 2 à 3 kg de concentré (CHENOST et al., 1993).

On peut aussi mentionner les témoignages et résultats de suivis d'exploitations dont nous avons été témoins mais qui ne sont publiés que dans des comptes-rendus de mission:

· Reprise de la traite (jusqu'à 2 à 3 litres par jour) grâce à la distribution pendant la saison sèche de pailles de riz traitées à 5% d'urée par les agro-éleveurs de Dioundali, 200 km au sud de Niamey, Niger (KAYOULI, 1994a) et de la rive droite du Sénégal, Mauritanie (CHENOST, 1995), qui arrêtent normalement de traire à cette époque pour privilégier la croissance du veau.

· Augmentation de la production laitière, mesurée au Niger pendant 4 mois de la saison sèche, qui passe de 160 à 3001 par vache, grâce à la distribution le soir de paille traitée en complément du pâturage de la journée.

· Augmentation allant de 0,5 à plus de 2 litres par jour (moyenne 1 à 1,5) de la production laitière de vaches zébu malgaches locales ou croisées recevant 5 à 6 kg de paille de riz traitée à 6% d'urée en complément du pâturage de diguettes ou de repousses de riz et de 2 à 5 kg de tubercules frais de manioc (CHENOST, 1993) et produisant 4 à 8 l de lait par jour en plus du veau (tableau 27). Un calcul simplifié effectué avec les valeurs énergétiques estimées à partir des valeurs de digestibilité in vitro d'une part, et les teneurs en matières azotées digestibles estimées à partir des MAT d'autre part, montre (tableau 27) que, à quantités de paille ingérées égales (5 kg dans les deux cas), l'augmentation de la valeur énergétique de la paille, due au traitement, autorise une augmentation de la production laitière journalière de 1,5 à 2,0 kg, l'augmentation de la valeur azotée autorisant, quant à elle, une augmentation de l'ordre de 2,5 kg.

Tableau 27: Résultat d'une enquête effectuée sur les hauts plateaux malgaches montrant l'effet du traitement à l'urée sur la production (Chenost. 1993)

(a) - Conditions d'élevage

- Paille de riz, traitée à 6 kg d'urée et 100 kg d'eau par 100 kg de paille (durée 5 semaines)
- Vache Zébu Malgache ou croisée Frisonne ou Danoise - 1 à 5 vaches par paysan
- Niveau de production: 4 à 8 kg/j en plus du veau
- pâturage de jour sur diguettes d'irrigation et repousses de riz
- complément: 5 kg de paille de riz le soir avec 2 à 3 kg de tubercules de manioc

(b) - Résultats de l'enquête

Augmentation de la quantité de lait trait en plus du veau (kg/j en plus)

de 0 à 0,5

de 0,5 à 1,0

de 1,0 à 1,5

de 1,5 à 2,0

> 2,0

Total

constatée sur (nb de vaches)

4

4

12

9

4

33

(c) - Vérification nutritionnelle;


PNT

PT

Augmentation







(PT - PNT)




MS paille ingérée

5

5





(kg/j)







UF








par kg MS paille

0.40

0.55






ingérée

2.00

2.75

0.75




MAD (g)








par kg MS paille

10

40






ingérée

50

200

150




Augmentation permise par l'ingestion supplémentaire d'UF: 0,75/0,4 = 1,8 à 1,9 kg de lait
Augmentation permise par l'ingestion supplémentaire de MAD: 150/60 = 2,5 kg de lait

(0,4 UF/kg de lait)
(60 g MAD/kg de lait)

Enfin, il est intéressant de souligner, comme le remarquent entre autres SAADULLAH et al. (1988) et HADJIPANAYOTOU (1992), que la réponse de la production laitière au traitement est meilleure à ces niveaux de production modestes qu'aux niveaux de production plus élevés. C'est particulièrement le cas dans les observations en exploitations du. Bangladesh (SAADULLAH et al., 1988) lorsque le niveau de production laitière dépasse 2 l de lait en plus du veau. En d'autres termes, et cela rejoint et confirme ce qui a été dit au chap. 6, la réponse est optimum, pour des animaux à faibles besoins dont les rations sont constituées essentiellement de fourrages. Ce sont les animaux "cibles", premiers bénéficiaires du traitement.

7.3.3.2. Cas de la croissance et de l'embouche

De nombreux pays tropicaux pratiquent l'embouche traditionnelle. Celle-ci consiste à utiliser pendant la saison sèche, les résidus de la récolte précédente, la paille de riz, les tiges de mil, de sorgho et de maïs pour les céréales, des fanes de niébé et d'arachide pour les légumineuses, et, parfois, les feuilles de plantes à tubercule (encore sur pied), en les distribuant à des animaux maigres prélevés du troupeau, ou achetés, qui sont maintenus près de l'habitation. Ces résidus sont généralement complémentés par des quantités, très variables (2 à 5 kg) selon leur disponibilité et leur prix, des deux sous-produits les plus fréquents dans ces situations que sont les brisures et les sons des rizeries artisanales et les graines de coton provenant des décortiqueuses, artisanales également (le tourteau produit dans les usines généralement situées dans les grandes villes revenant rarement aux producteurs d'origine, pourtant utilisateurs potentiels).

L'animal profite de cette situation nutritionnelle favorable pour redémarrer sa croissance (phénomène classique de la croissance compensatrice). Les témoignages d'agro-éleveurs du Niger cités plus haut (§731) ayant commencé à utiliser la paille traitée en substitution de la paille en l'état pour ce type d'animaux sont unanimes pour constater:

· soit une réduction de la durée d'embouche, toute complémentation égale par ailleurs,
· soit une possibilité d'économiser (jusqu'à la moitié) le complément tout en maintenant la croissance.

On peut quantifier cette économie en prenant l'exemple (tableau 28) du rationnement d'un zébu de poids vif initial de 200 kg, réalisant une croissance de 500 g par jour pour arriver à un poids final recherché de 300 kg (100 kg de croît), en 200 jours, avec la paille traitée et du son de riz. L'économie de son réalisée est presque de 50%, mais, en contre-partie, le paysan doit prévoir la gestion de son stock de paille, laquelle sera ingérée en plus grande quantité après le traitement.

Les références chiffrées (tableau 11), surtout asiatiques, proviennent à la fois d'essais en stations et de contrôles en exploitations. Elles montrent que le traitement à l'urée permet, à complémentation égale, d'espérer une amélioration des croissances journalières de 200 g (+/-127), par rapport à la même paille non traitée. Cette augmentation est cependant très variable. Les raisons de cette variabilité sont vraisemblablement à imputer aux variations, d'un essai ou d'un contrôle à l'autre, de la qualité non seulement du traitement mais aussi de la complémentation.

L'essai récent de BUI VAN CHINH et al. (1994) au Vietnam comparant une paille de riz en l'état et la même paille soit complémentée avec des blocs mélasse/urée soit traitée avec une association urée (2,5 kg/100 kg) chaux (0,5 kg/100 kg) et sel (0,5 kg/100 kg) indique une réponse intéressante des croîts de génisses Red Sindhi x Yellow Cattle à la complémentation par les blocs (+86 g/j) et au traitement (+172 g/j) pourtant effectué avec des doses d'urée réduites par rapport à la paille distribuée seule (277 g/j).

Tableau 28: Illustration, par le calcul, de l'économie de son de riz réalisable grâce au traitement à l'urée de la paille de riz pour un zébu en embouche paysanne d'un poids initial de 200 kg prenant 100 kg en 200 jours (GMQ = 500 g/j)


TDN

N x 6,25

Composition des aliments (g/kg MS)




Paille de riz non traitée

380

40


Paille de riz traitée

450

100


Son de riz

550

80

Besoins d'entretien et de croissance (poids vif moyen 250 kg, GMQ = 500g)


kg/jour

3.50

0.560

Apports (kg/j)




1. par la paille non traitée ingérée (4 kg)

1.520

0.160



par le son ingéré (4 kg)

2.200

0.320


Total

3.720

0.480


2. par la paille traitée ingérée (4 kg)

2.250

0.500



par le son ingéré (4 kg)

1.400

0.200


Total

3.650

0.700

Stocks pour 250 jours

Paille

Son


Paille non traitée

200 j x 4 kg = 800 kg

200 j x 4 kg = 800 kg


Paille traitée

200 j x 5 kg = 1000 kg

200 j x 2,5 kg = 500 kg

Les comparaisons rigoureuses mettant en évidence l'effet "alcali" du traitement par rapport à la seule complémentation avec la quantité équivalente d'urée sont peu nombreuses. Elles montrent toutes (tableau 29) que le traitement proprement dit est supérieur à la complémentation azotée apportée par l'urée du traitement.

Ce dernier point est très important à souligner car assez nombreuses sont les remarques selon lesquelles le traitement à l'urée ne serait pas avantageux par rapport à la simple supplémentation avec la même quantité d'urée. Il est pourtant maintenant bien démontré que le traitement améliore beaucoup plus la digestibilité et l'ingestibilité des fourrages. Les seules raisons qui pourraient justifier ces remarques sont de deux natures,

· ou bien le traitement a été mal effectué,

· ou encore le fourrage traité n'a pas été distribué dans les conditions nutritionnelles susceptibles de le valoriser (quantités de concentré trop élevées, surtout s'il est riche en céréales).

Tableau 29: Effets comparés du traitement de pailles de riz à l'urée et de leur complémentation avec une même quantité d'urée

PAILLE

NT

CU

TU

W

CU

TU

REFERENCES

Animaux

Quantités de paille ingérées

Gain de poids vif

(Poids vif, kg)

(kg MS/j)

(g/j)

Bovins (130-140)

1.7

1.7

1.9

35

75

110

Saadullah et al., 1981 b et 1982

Bovins

2.1

2.3

2,9-3,0

103

213

237-310

Perdok et al., 1984

Bovins (75-78)


2.2

2.4


207

297

Saadullah et al., 1983

Bovins (166-178)

3.4


3,9-4,8

141


207-336

Kumarasuntharam et al., 1984

Bovins


2.8

4.0


111

246

Jaiswal et al., 1983

Bovins (177-196)

3.6


4.3

304


598

Promma et al, 1985

Paille:

NT - non traitée
CU - complémentée avec urée
TU - traitée à l'urée

7.3.3.3. Cas des animaux de travail.

La plupart des pays en voie de développement, par exemple en Asie, à Madagascar et dans les régions de sorgho et de mil en Afrique,... utilisent les gros ruminants pour les travaux culturaux (culture attelée) et les transports divers.

La mesure de l'efficacité au travail de ces animaux nécessite des méthodes et des appareils sophistiqués et les méthodes d'appréciation en milieu paysan ne peuvent être que subjectives. Toutefois, ceux des paysans ou agro-éleveurs ayant distribué des pailles traitées à leurs animaux constatent tous une meilleure efficacité de ces derniers au travail et le maintien de meilleures conditions corporelles au cours de la saison des travaux. Ils peuvent même revendre leurs animaux à un meilleur prix en fin de campagne parce que ceux-ci sont en meilleur état qu'auparavant. Les marchands de bestiaux achètent les animaux en fin de campagne, à bas prix (parce qu'épuisés et en mauvaises conditions) pour les "retaper" ou en faire des animaux d'embouche.

Dans des conditions de travail d'intensité moyenne, la paille non traitée ne couvre qu'environ la moitié des besoins (tableau 30) et le déficit énergétique et protéique est très élevé. Il s'en suit une diminution de l'énergie au travail et une chute de l'état corporel. L'animal travaille moins bien, plus lentement et il en résulte souvent un retard dans les opérations culturales de semis et de repiquage du riz. Il est donc nécessaire d'apporter un complément constitué de sons de riz ou de graines de coton ou encore de tubercules de manioc (Asie du Sud Est et Madagascar). L'exemple du tableau 30 indique un besoin de 360 kg de son pour une période de 4 mois. Le traitement de la paille permet pratiquement, à lui seul, de couvrir ces besoins et il ne faudra plus que 60 kg de son pour la même période. La quantité de paille traitée nécessaire (7 kg/j pendant 4 mois, soit 840 kg) est plus importante que la quantité de paille non traitée (5 kg/j pendant 4 mois, soit 600 kg).

Tableau 30: EXEMPLES DE RATIONNEMENTS POUR DES BOEUFS EN CONDITION DE TRAVAIL D'INTENSITE MOYENNE


TDN (kg)

N x 6.25 (g)

Besoins entretien + travail

3.55


570


Apports par la paille






apports

déficit

apports

déficit


PNT (5 kg/j)

1.90

1.65

200

370


PT (7 kg/j)

3.20

1.20

700

comblé

Quantités de son nécessaires pour combler le déficit (kg)


déficit

son (kg/j)

déficit

son (kg/j)


PNT

1,65/0,55

3.00

370/80

4.63


PT

1,20/0,55

1.20

comblé


Valeur alimentaire de la paille et du son:


TON (g/kg)

N x 6.25 (g/kg MS)


PNT = Paille non traitée

380.000

40.000


PT = Paille traitée

450.000

100.000


Son

550,000

80.000

Le calcul économique peut ainsi être facilement effectué et l'intérêt de traiter ou non, apprécié suivant les prix respectifs de la paille, de l'urée pour le traitement et du son pour la complémentation.

Un témoignage relevé dans la province du Takéo au Cambodge (KAYOULI, 1994b) illustre bien l'efficacité du traitement et de la complémentation: alors que le paysan n'obtenait un travail correct de sa paire de boeufs que pendant deux heures de labour avec la paille normale, il obtenait un travail correct pendant 4 heures avec la même paire de boeufs recevant la paille traitée, complémentée par des blocs multinutritionnels ou 0,5 à 1 kg de son de riz.

7.3.4. Cas particulier des systèmes plus intensifs.

Dans les pays comme ceux du Maghreb, du Proche Orient ou en Chine et dans les systèmes de production périurbains de certains pays en voie de développement où la production animale est plus intensive, il est possible d'utiliser les fourrages traités dans le système d'alimentation.

Les performances attendues, en terme de production de lait et de viande, sont importantes. La paille ou le fourrage, même traités, ne couvrant que l'entretien et une production modeste, d'ailleurs très variable, ne seront plus suffisants et il faudra les complémenter de façon non négligeable.

La préoccupation devra être, comme nous l'avons vu au §61, de rester dans les limites nutritionnelles permettant de ne pas mettre en cause la cellulolyse. Ces préoccupations seront d'autant plus aiguës que le niveau de complémentation sera important (en deçà, toutefois, des limites nutritionnelles discutées au §612).

Mentionnons pour mémoire, les élevages intensifs de la rive Sud de la Méditerranée, où l'élevage est associé à la céréaliculture et où les pailles constituent une ressource fourragère utile. Il sera plus logique, dans ces systèmes, de donner les pailles traitées aux animaux à besoins modérés, comme les génisses en fin de croissance et les vaches taries, animaux cibles. Les bons foins (annuels comme la vesce/avoine pour le Maghreb), dont on cherchera à améliorer la qualité (stade d'exploitation, qualité du conditionnement et du stockage), étant alors réservés aux vaches fortes productrices.

Les références tempérées concernant les animaux en croissance et les femelles allaitantes, utilisateurs privilégiés des pailles traitées, sont nombreuses. Une synthèse effectuée par DEMARQUILLY et al (1989) permet de résumer en disant qu'à complémentation égale, l'augmentation des GMQ est de l'ordre de 200 à 300 g par jour et, qu'à performances égales, il est possible de réduire la quantité de complément de 1,5 à 2,0 kg.

L'expérience chinoise mérite de retenir l'attention tant du point de vue développement que nutritionnel. Elle constitue un témoignage remarquable en matière d'utilisation des pailles traitées pour la production de viande:

La Chine produit 400 millions de tonnes de grains et dispose de plus de 500 millions de tonnes de résidus de ces cultures (pailles et tiges).

Un programme de vulgarisation du traitement de ces pailles à l'urée a été initié en 1987, principalement dans deux provinces de la Chine centrale. Devant le succès obtenu, il s'est généralisé par phases successives en 1990 et 1992 par le PNUD et le gouvernement chinois lui-même (GUO TINGSHUANG et al, 1993).

11 millions de tonnes de pailles, touchant 3,3 millions d'exploitants, ont été traitées en 1993 pour l'alimentation de mâles "Yellow Cattle" depuis le sevrage jusqu'à leur abattage entre 400 et 500 kg à un âge allant de dix-huit à vingt-quatre mois.

Ce système a été introduit à partir de 1988/1990 chez des exploitants disposant en moyenne de 0,5 à 1 hectare et produisant du blé, de l'orge, du maïs et du coton.

Les pailles sont traitées à raison de 5 kg d'urée et 30 à 80 kg d'eau pour 100 kg de paille dans des fosses cimentées recouvertes de plastique pendant 3 semaines.

Les résultats ont été présentés et discutés de manière critique lors de la Conférence sur "l'Augmentation de la Production du bétail à travers la meilleure Utilisation des Ressources locales", tenue à Pékin, en 1993.

Les animaux (taurillons de 180 kg au départ) reçoivent de la paille traitée à volonté avec un à trois kilos de tourteaux de coton comme seul complément. Ils sont abattus vers 450 kg. Des essais ont été effectués pour évaluer la réponse des animaux au niveau de complémentation sur le plan à la fois zootechnique et économique. Le tableau 31 et la synthèse de ces travaux effectuée par DOLBERG et FINLAYSON (1995) montrent que le croît journalier des animaux répond de manière asymptotique à la quantité de tourteau de coton distribuée, Il plafonne à 800 g/j à partir de 2 à 2,5 kg de tourteau par jour et par animal.

Tableau 31: Réponse des quantités ingérées et des croîts de taurillons "Yellow Cattle" recevant des quantités croissantes de tourteau de coton en complément de paille de blé traitée à l'urée (d'après Fan et al. 1993 (1) et Zhang Wei Xian et Jing Kai. 1993 (2))

Compte-tenu des prix respectifs de l'urée et du tourteau pratiqués les quantités de 1,0 à 2,0 kg/jour/animal de tourteau de coton apparaissent comme le meilleur compromis technico-économique. Elles ont été vulgarisées dans les deux provinces.

Cet exemple illustre bien la possibilité de valoriser des ressources fourragères locales grâce à la fois au traitement et à une complémentation appropriée.

7.4. Blocs multinutritionnels ou fourrages traités à l'urée?

De nombreux paysans ont utilisé simultanément les fourrages traités à l'urée et les blocs multinutritionnels avec les mêmes animaux. Ils signalent une meilleure endurance des animaux et une reprise de poids rapide (DALIBARD; 1994).

Par ailleurs nous avons posé à plusieurs agro-éleveurs la question de savoir quelles étaient leurs préférences par rapport à ces deux techniques: la majorité des paysans trouve les deux méthodes utiles et complémentaires l'une de l'autre. Leur préférence va à la paille traitée qui, selon eux, est un aliment qui "remplit l'animal". Le traitement reste parfaitement justifié à leurs yeux pour certaines catégories d'animaux (traction, embouche) en raison des effets plus rapides et plus élevés alors que les blocs sont considérés comme un complément "stimulateur de l'appétit", souvent qualifié de "médicament", et comme mieux adapté au système d'élevage extensif (notamment transhumance).

Les femmes, dans de nombreux cas, comme au Sahel, détiennent des effectifs importants de petits ruminants. Le traitement à l'urée est physiquement plus pénible pour elles que la fabrication des blocs. Elles se sont donc parfois mises, dans ces pays, à la fabrication voire même à la commercialisation des blocs multinutritionnels.

Lorsqu'on recherche des niveaux de production plus élevés, les blocs multinutritionnels ne sont plus suffisants. Il est nécessaire de fournir aux animaux les compléments "supplémentaires" appropriés permettant de satisfaire les besoins de production recherchés sans nuire à la digestion des fourrages pauvres.

Ces compléments, on l'a vu, doivent être riches en protéines le moins soluble possible comme,

· les tourteaux d'arachide ou de coton, les graines de coton et, surtout, la farine de poisson,
· les autres sous-produits disponibles localement comme les sons et issues de céréales,
· enfin, certains fourrages: fanes de culture vivrières, feuilles et gousses d'arbustes fourragers.

Les travaux de TIWARI et al. (1990) illustrent bien ce phénomène (tableau 22).

En définitive, le bloc multinutritionnel est un moyen efficace pour améliorer la valeur alimentaire (ingestibilité, digestibilité) des pailles, des chaumes et des pâturages pauvres. Il permet de limiter les pertes de poids habituellement enregistrées en saison sèche dans les pays tropicaux. On peut même, dans certains cas, espérer une augmentation modeste de la production laitière et des croîts. Au delà de l'entretien de l'animal, il faudra avoir recours à des compléments appropriés s'associant de manière synergique (et non antagoniste) à l'action bénéfique des blocs.

7.5. Conclusion

La complémentation minimale (catalytique) des fourrages pauvres, dont l'exemple typique sont les blocs multinutritionnels, constitue la première étape permettant d'assurer la sauvegarde et de limiter les pertes de poids du cheptel habituellement enregistrées en saison sèche dans les pays tropicaux. Elle autorise même une augmentation modeste des croissances.

Au delà de l'entretien de l'animal, il faudra avoir recours à des compléments appropriés s'associant de manière synergique à l'action bénéfique des blocs.

Il est également possible de recourir au traitement à l'urée dont les agro-éleveurs constatent la supériorité par rapport aux blocs. Il est en effet bien démontré que le traitement proprement dit est supérieur à la simple complémentation par la même quantité d'urée que celle utilisée pour le traitement.

Le traitement des pailles et des fourrages pauvres naturels dont les stocks sont limités est intéressant car, une fois traités, ces fourrages constituent un complément du pâturage naturel de la journée. Lorsque ces fourrages sont disponibles en quantités non limitées et qu'ils constituent l'aliment de base du cheptel, le traitement est alors particulièrement intéressant. Il incite en outre le paysan à mieux en gérer les stocks qu'auparavant.

Pour les systèmes de production animale dépassant le niveau sauvegarde, le traitement des fourrages constitue une étape ultérieure dans l'amélioration de la productivité du cheptel. La réponse de la production au traitement est d'autant plus nette que les rations sont constituées essentiellement de fourrages. Ces rations s'adressent donc aux animaux à besoins modérés, ou animaux "cibles", premiers bénéficiaires du traitement. Ainsi le traitement à l'urée permet,

· soit une économie de compléments tout en maintenant les performances de l'animal. Il est particulièrement apprécié par les agro-éleveurs et les planteurs de riz qui constatent le maintien de l'efficacité au travail et de l'état corporel de leurs animaux de trait;

· soit, avec la même complémentation, d'augmenter les croissances journalières (environ 200 g/j en plus) et la quantité de lait trait en plus de la tétée du veau (1,5 à 2,5 l/j en plus) par rapport à la paille non traitée

Ces augmentations sont cependant très variables. Cette variabilité est due à la qualité du traitement proprement dit et, surtout, aux conditions de complémentation.

A des niveaux de complémentation plus élevés requis par des systèmes plus intensifs, il faudra être vigilant pour que celle-ci continue à valoriser le traitement et ne vienne pas en gommer le bénéfice.

C'est le risque encouru dans les systèmes de production comme ceux des pays du Maghreb, du Proche Orient et de la Chine, ou encore des zones de production laitière et d'embouche périurbaines de certains pays en voie de développement. La production animale est plus intensive et des erreurs peuvent être commises dans les quantités et la nature des compléments. A cet égard l'exemple chinois illustre bien comment l'utilisation de ressources fourragères locales peut être parfaitement optimisée.

Dans les systèmes de production très intensifs associés à la céréaliculture où la paille est une ressource fourragère indispensable malgré sa valeur alimentaire modeste, il deviendra alors plus logique de donner les pailles traitées aux animaux à besoins modérés, comme les génisses en fin de croissance et les vaches taries, animaux cibles, et de réserver les meilleurs fourrages aux vaches fortes productrices.

En définitive les fourrages pauvres, qu'ils soient traités ou non, sont d'autant mieux utilisés que le niveau de production des animaux qui les consomment est modeste ou, en d'autres termes, que la part du fourrage dans la ration est plus élevée.


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