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Chapitre 4 - DÉSHERBAGE MÉCANIQUE


Méthodes de désherbage
Espèces de mauvaises herbes
Désherbage mécanique préventif et répressif
Méthodes de désherbage mécanique préventif
Méthodes de désherbage mécanique répressif
Désherbage mécanique dans un système de production


Willem Hoogmoed, Chercheur, Département du travail du sol, Université agronomique, Wageningen, Pays-Bas

Une mauvaise herbe peut être définie comme toute plante indésirable poussant dans une culture. Dès lors, toute végétation autre que les cultures de production est considérée comme mauvaise herbe sur les terres cultivables.

Méthodes de désherbage

Pratiquement, on distingue trois méthodes de désherbage, selon la nature des mesures à prendre:

Le désherbage chimique qui utilise des substances chimiques (herbicides) est une des méthodes les plus utilisées.

Le désherbage biologique qui fait intervenir l'action de parasites, de prédateurs ou de pathogènes sur les plantes. Cette méthode consiste à favoriser ou à laisser les insectes ou les maladies s'attaquer aux mauvaises herbes.

Le désherbage physique qui s'applique aux méthodes n'utilisant pas de substances chimiques, d'insectes ou de parasites. Cela concerne par exemple le travail du sol mais également d'autres méthodes telles que la tonte, le brûlage, le paillage, l'inondation et la compétition.

Toutefois, le travail du sol est probablement la méthode la plus utilisée par les cultivateurs à travers le monde pour éliminer les mauvaises herbes. L'expression "désherbage mécanique" fait référence à l'intervention de forces mécaniques qui vont lutter contre les mauvaises herbes. On peut distinguer deux mesures: l'arrachage à la main et l'action des instruments de travail du sol.

Espèces de mauvaises herbes


Stratégies de contrôle des mauvaises herbes


Nous nous limiterons à classer les mauvaises herbes en tenant compte de la façon de les éliminer. Cette classification dépendra de la façon dont les plantes se développent et se propagent.

Les graines jouent un rôle important. En effet, à l'intérieur de ces graines la plante entière est réduite à un petit noyau produit dans les organes aériens de la plante. Les graines peuvent rester vivantes à l'état inactif assez longtemps puis devenir de nouvelles plantes en présence de certaines conditions environnementales telles que la température, l'humidité, la lumière, certaines substances chimiques contenues dans le sol, etc. mais ces conditions ne sont pas encore bien connues. Les plantes dont la viabilité des graines ne subsistent en général qu'une ou deux saisons et sont appelées mauvaises herbes annuelles. Le nombre de graines produites par ces plantes peut être assez élevé.

Les mauvaises herbes pérennes qui peuvent se multiplier et repousser à partir de leurs parties souterraines constituent le second groupe. Parmi ces plantes, on distingue les mauvaises herbes racinaires, qui ont des racines ou d'autres parties souterraines allongées leur permettant de subsister, et les mauvaises herbes bulbeuses qui utilisent des bulbes ou d'autres organes souterrains sphériques.

En général, les plantes de ce second groupe produisent également des graines mais dans des conditions de culture normales (avec un minimum de contrôle), la multiplication végétative joue le rôle le plus important.

Stratégies de contrôle des mauvaises herbes

Par rapport aux systèmes de propagation des plantes envisagées ci-dessus, les mauvaises herbes peuvent être contrôlées de deux manières:

· En détruisant la plante, surtout lorsqu'elle est jeune car c'est plus facile. Si son stade de développement est trop avancé, on peut tenter de l'éliminer sans que cela ne cause trop de dégâts.

· En empêchant les graines ou les parties souterraines de se développer en enfouissant les graines assez profondément sous terre pour qu'elles n'émergent pas et en endommageant les racines, tubercules ou bulbes tant qu'ils sont en terre ou en les amenant à la surface où ils se dessécheront ou gèleront.

La mesure la plus fréquemment utilisée avec les graines consiste à créer des conditions d'émergence favorables, à laisser la plante sortir puis à éliminer les jeunes pousses.

Désherbage mécanique préventif et répressif

Une majorité d'agriculteurs reconnaissent que le désherbage est une des pratiques culturales les plus importantes. Cependant, les mauvaises herbes ne posent réellement un problème que dans certains cas:

si elles ont un effet négatif sur les cultures
si elles gênent les activités sur le terrain
si elles diminuent la qualité des récoltes
si elles attirent les maladies et les parasites

En règle générale, les cultures de petite taille dont la couverture végétale n'est pas très dense sont amenées à entrer en compétition avec les mauvaises herbes.

Lorsque le désherbage s'avère nécessaire, il faut tenir compte de la méthode à suivre et du facteur temps. Les jeunes plants sont évidemment plus fragiles et c'est à ce stade de leur développement que les activités de désherbage sont les plus efficaces. On utilise alors la méthode de désherbage répressif, c'est à dire qu'on élimine les mauvaises herbes dès qu'elles émergent.

Dans le cas où les problèmes surviennent dans les cultures arrivant à maturité, il s'agira soit d'enrayer la cause du problème soit de le traiter pour que les mauvaises herbes n'atteignent pas le stade problématique. Pour prévenir ce genre de situation, on utilise la méthode du désherbage préventif. Ce type de désherbage peut faciliter la tâche du désherbage répressif mais ce dernier est à son tour nécessaire en cas d'échec de la première méthode.

Méthodes de désherbage mécanique préventif


Préparation d'un lit de semences
Opération de travail du sol primaire
Travail du sol après les récoltes (déchaumage)


Préparation d'un lit de semences

L'objectif principal du lit de semences consiste à placer des graines ou le matériel à planter de façon à favoriser une croissance rapide. En effet, plus vite la culture est établie, moins elle court de risques.

Les planches de semis ne devraient pas contenir de mauvaises herbes car elles peuvent ralentir la croissance de la culture. D'ailleurs, lors de la préparation du lit de semences, la terre est tellement retournée que les jeunes mauvaises herbes ont peu de chance de subsister. En fait, la préparation du lit de semences offre la dernière possibilité de traiter la pleine surface d'un champ au cours d'une saison culturale. Après les semis, il est impossible de retourner la terre aux endroits occupés par la culture. Or, dans le cas de mauvaises herbes pérennes, il peut être important de traiter la superficie totale. Les appareils à utiliser sont: les sarcloirs, les queues d'hirondelle, les déchaumeuses à disques, les rotoculteurs, les pulvérisateurs, ces deux derniers devant être utilisés uniquement avec les tracteurs.

Comme chaque retournement de sol entraîne une nouvelle génération de mauvaises herbes, toute opération de désherbage supplémentaire avant les semis diminuera la quantité de graines de mauvaises herbes dans la couche supérieure du sol. Le succès de cette méthode dépend de la quantité de graines et de leur taux de germination. Toutefois, il est nécessaire d'éliminer les jeunes mauvaises herbes dans les lits de semences avant ou au moment des semis. Les semences des cultures doivent être vigoureuses et résistantes et devraient être placées de façon à bien démarrer pour rapidement dépasser les mauvaises herbes.

Opération de travail du sol primaire

Il existe une opération de travail du sol décisive quant à la profondeur de la couche cultivable et qui est réalisée bien avant les activités de semis. Cette opération, le travail du sol primaire, nécessite des charrues ou des cultivateurs lourds. Elle implique la manipulation d'un important volume de terre et a lieu en général une fois par an ou une fois par saison. C'est une arme efficace dans le cadre du désherbage.

Les importantes quantités de terre soulevées permettent, par le recouvrement des plantes, de détruire les organes aériens mais les parties profondes, elles, restent dans la terre où les graines se déposeront. De plus, le sol peut avoir été remué grossièrement de sorte que les plants de grande taille et les parties profondes ne sont pas endommagés.

Une couche de terre très épaisse est nécessaire pour détruire les organes aériens des mauvaises herbes. Or c'est le point faible de ces opérations qui remuent mais ne retournent pas la terre. A ce sujet, les charrues à soc et versoir sont plus efficaces que des engins tels que les araires, les cultivateurs, les herses à disques et même les charrues à disques. Un recouvrement total est possible avec les charrues à versoir si le labour a été effectué correctement. Quand les sillons sont orientés à 90°, la surface originale se met en position verticale et le recouvrement est faible. Même si les sillons sont orientés correctement (135°), la surface originale émergera entre les deux sillons suivants et le recouvrement sera toujours faible à insuffisant. Seul l'emploi d'un implément qui divise la surface du sol à l'avant de la charrue peut assurer un recouvrement important.

Le fait de remuer la terre avec des dents de cultivateur réorganise les particules enfouies dans la terre de telle façon que les particules fines s'enfoncent plus profondément et les particules plus grossières remontent à la surface. Cette action est renforcée dans les lignes où les dents bougent beaucoup et diminue avec la distance par rapport aux dents en intensité et en profondeur. De cette façon les graines en surface s'enfoncent dans la terre, les jeunes pousses peuvent également être recouvertes mais les longs rhizomes remonteront dans le sol et peuvent même apparaître à la surface.

Le travail des engins à disques se situe entre celui de la charrue à versoir et le cultivateur. Les charrues à disques obtiennent les mêmes résultats que les charrues à versoir tandis que les herses à disques obtiennent des résultats plutôt comparables à ceux des dents de cultivateur.

Dans des conditions arides, les opérations de travail du sol augmentent la dessiccation du sol et par là contribuent à la destruction des mauvaises herbes. Toutefois, les graines résistent assez bien à la dessiccation et restent viables plusieurs années dans la terre. Ceci indique simplement que toutes les graines ne meurent pas mais toutes ne sont pas enterrées vivantes non plus. Sous des conditions climatiques européennes, la durée d'une moitié de vie de graines de mauvaises herbes est estimée à un an, sous des conditions de labour normales. Ce qui signifie que la réserve de graines de mauvaises herbes (la "banque de graines" du sol) sera réduite à 1% en sept ans si de nouvelles graines ne sont pas ajoutées.

Pour nettoyer un champ envahi de mauvaises herbes, un labour profond, retournant correctement la terre, devrait suffire pour détruire la majorité des graines de mauvaises herbes. Le risque de voir réapparaître certaines espèces plus résistantes existe si le sol est labouré une nouvelle fois à la même profondeur mais il diminue avec le temps.

La sensibilité de la plante joue un rôle important quant à la redistribution de ses organes. En effet, un bon labour peut totalement détruire une plante rampante mais seulement retarder le développement des plantes à rhizomes profonds. Des rhizomes qui n'ont pas été endommagés peuvent être insensibles mais des rhizomes coupés précédemment ne réapparaîtront pas si ils ont été enfoncés assez profondément dans le sol.

Travail du sol après les récoltes (déchaumage)

Après une récolte, les champs peuvent être débarrassés des mauvaises herbes de grande taille mais les résidus et les graines de mauvaises herbes demeurent et abîment la surface du sol. Racines, rhizomes, bulbes et autres organes reproducteurs peuvent se trouver dans le sol. C'est l'occasion d'un premier désherbage préventif. Car si le sol est labouré superficiellement directement après la récolte, de nombreuses graines immatures sont retournées dans la terre et éventuellement détruites. D'autres graines peuvent être amenées à germer afin de tuer les jeunes pousses dès leur apparition. Toutefois, les graines dormantes ne réagiront pas et il est en général difficile de juger les résultats des opérations de travail du sol après les récoltes si celles-ci sont suivies par un labour plus profond.

Par contre, il est possible d'affaiblir considérablement les mauvaises herbes pérennes en stimulant leur croissance par la coupe puis en détruisant les repousses avant qu'elles ne se développent. On peut, par exemple, labourer un champ envahi de chiendent avec un rotoculteur. La plupart des petits organes séparés des rhizomes du chiendent ne se régénéreront pas et s'il y a des repousses, elles mourront si on les enterre à temps.

Les opérations de travail du sol après récoltes dont l'objectif est de contrôler les mauvaises herbes pérennes auront plus de succès si elles couvrent la superficie totale. Elles peuvent être réalisées en utilisant des queues d'hirondelle, des déchaumeuses, des charrues à disques et des rotoculteurs.

Les résidus de récoltes enterrés peuvent poser un problème dans le cas des pommes de terre. En effet, les tubercules apparaissent plus tard dans la saison et peuvent devenir des mauvaises herbes dangereuses à cause des maladies qu'elles transportent jusqu'à la saison suivante. Les méthodes associées au labour qui laissent les pommes de terre près de la surface peuvent résoudre ce problème dans les régions où le gel et la sécheresse tuent habituellement les tubercules.

Méthodes de désherbage mécanique répressif


Instruments à dents: les herses et les cultivateurs
Les sarcloirs
Les billonneuses


Avant de traiter des instruments et des équipements spécifiques au travail du sol, il faut mentionner la pratique de l'arrachage à la main. Elle est en général utilisée en dernier recours pour débarrasser une récolte sur pied de mauvaises herbes et pour, par exemple, empêcher la formation de graines. Cette pratique n'offre que peu de garanties et nécessite que les mauvaises herbes atteignent une certaine taille pour être arrachées. Mais à ce stade là, elles ont en général déjà causé beaucoup de dégâts.

La meilleure façon de distinguer les méthodes de désherbage mécanique consiste à les classer selon la manière dont la mauvaise herbe est attaquée. Les techniques de désherbage répressif sont basées sur trois principes:

le déracinement (outil généralement utilisé: dents ou pointes de herse)
la coupe (outils utilisés: lame, sarcloir)
le recouvrement (outil utilisé: billonneuse)

Actuellement, la pratique combine ces trois principes, utilisant ces outils ou équipements. Ceux-ci sont examinés plus en détail ci-dessous:

Instruments à dents: les herses et les cultivateurs

L'action d'une pointe de herse combine le déracinement et le recouvrement de terre. On observe que les mauvaises herbes sont recouvertes de terre suite à l'action des dents, provoquant essentiellement l'élimination des mauvaises herbes de petite taille. Un hersage ou un passage avec un cultivateur tardif au cours de la saison nécessitera une couche de terre très épaisse pour éliminer les plus hautes mauvaises herbes. En fait, le déracinement est meilleur à ce stade mais moins efficace et il est conseillé de herser assez tôt dans la saison.

Toutefois, le hersage pose un problème car chaque opération remue à nouveau la surface du sol et provoque la germination des graines. Chaque hersage entraîne en fait une nouvelle génération de mauvaises herbes. Il est donc important qu'il soit répété souvent afin de maintenir les mauvaises herbes à un stade de développement sensible jusqu'à ce que la différence de croissance avec la culture soit assez importante pour laisser agir le désherbage "naturel" par la compétition et la répression.

Les sarcloirs

Les sarcloirs (lames horizontales) et autres outils de ce genre vont couper les tiges des mauvaises herbes juste sous la surface du sol. Une fois séparées des racines, les organes aériens meurent rapidement de même que les racines si elles n'arrivent pas à faire des repousses. Le sarclage est très efficace pour les mauvaises herbes annuelles de grande taille. Dans le cas d'herbes pérennes, il retardera leur développement et peut les éliminer ou repousser leur développement à une période ultérieure si l'action est répétée assez souvent.

Les conséquences de cette méthode ne sont pas encore très bien connues. Les mauvaises herbes pérennes se remultiplient souvent très vite, surtout dans le cas de repousses potentielles amenées par la première opération de désherbage. Quant aux mauvaises herbes annuelles, il arrive souvent que la lame tranchante laisse une partie du système racinaire intacte, qui ne sera détruite que par un recouvrement de terre. En général, les sarcloirs remuent considérablement la terre au niveau de la surface du sol entraînant un recouvrement des mauvaises herbes, surtout des petites. Parfois on augmente les mouvements du sol en soudant quelques petites bandes de métal sur les lames horizontales du sarcloir afin d'obtenir un effet "billonnage".

Les billonneuses

Les billonneuses servent à construire des billons. La terre est emportée avec les mauvaises herbes de petite taille d'un certain endroit (méthode très efficace d'éradication de mauvaises herbes) et déposée sur un billon. On obtient donc une couche de terre importante qui recouvre les mauvaises herbes et les élimine à un taux élevé. Comme pour le hersage, chaque opération entraîne une nouvelle génération de mauvaises herbes. De façon générale, on peut herser les billons après quelque temps, éliminer les mauvaises herbes et ameublir les billons temporairement jusqu'à la prochaine opération de billonnage.

En fait, toutes ces méthodes de désherbage mécanique répressif reposent sur un retournement régulier de la couche supérieure du sol qui empêchera les mauvaises herbes d'atteindre une taille suffisamment haute pour entrer en compétition avec la culture.

Désherbage mécanique dans un système de production

Le choix d'une méthode spécifique de désherbage dépend de plusieurs facteurs tels que la culture, les types de sol et de climat mais aussi du niveau de mécanisation ou du système de production (irrigation, cultures pluviales, en terrasses ou en pente). En général, le désherbage manuel semble la seule solution possible pour les productions de cultures intensives ou maraîchères mais il existe un choix beaucoup plus vaste pour les opérations de plus grande envergure où les tracteurs et les animaux sont disponibles. Dans ce cas, les facteurs à considérer sont plutôt l'efficacité de l'opération, le temps requis, les éventuels dégâts portés aux cultures, etc.

Si les mauvaises herbes sont désherbées mécaniquement sur une longue période, celles qui ne supportent pas le traitement disparaîtront, les autres domineront. La composition de la population des mauvaises herbes peut varier en fonction de ces traitements répétitifs.

Lorsque la situation permet une approche de désherbage intégrée dans laquelle quelques mesures de contrôle chimiques ou biologiques bien définies complètent un désherbage mécanique, les résultats devraient être satisfaisants. Dans la plupart des pays en voie de développement, y compris le Sahel, le désherbage mécanique est le seul moyen de combattre les mauvaises herbes.


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