Quatrième partie - Les aliments

Table des matières - Précédente - Suivante

24. Céréales, racines féculentes et autres aliments essentiellement glucidiques
25. Légumineuses, noix et graines oléagineuses
26. Légumes et fruits
27. Viande, poisson, œufs, lait et produits dérivés
28. Matières grasses
29. Boissons et condiments

 

24. Céréales, racines féculentes et autres aliments essentiellement glucidiques

Ces denrées, qui ont une forte teneur en glucides, sont importantes car elles constituent la base de la plupart des régimes africains. Elles représentent d'ordinaire 70 pour cent ou davantage de l'apport énergétique pour les populations d'Afrique, alors qu'aux Etats-Unis souvent moins de 40 pour cent ont cette origine.

Céréales

Une grande variété de plantes de la famille des graminées ont été de tout temps cultivées par l'homme pour leurs graines comestibles. Il s'agit des céréales. En Afrique, elles tiennent une grande place dans l'alimentation de nombreux peuples. Ce sont le maïs, le sorgho, le mil, le blé, le riz, l'orge, l'avoine et le teff. Le triticale, produit d'un croisement entre le blé et le seigle est une nouvelle céréale de quelque intérêt.

Malgré les différences de forme et de taille, tous les grains de céréales ont à peu près la même structure et la même valeur nutritive: 100 g de grains entiers apportent environ 350 Calories, de 8 à 12 g de protéines, et des quantités utiles de calcium, de fer (mais l'acide phytique peut en inhiber l'absorption) et de vitamines B. Lorsque les grains sont secs, ils sont totalement dépourvus de vitamine C et, mis à part le maïs jaune, ils ne contiennent pas de carotène (provitamine A). Les peuples qui consomment des céréales doivent donc, pour avoir un régime équilibré, y ajouter des aliments riches en protéines, en sels minéraux, en vitamines A et C. (La vitamine D peut être assurée par l'exposition de la peau à la lumière solaire.)

La figure 41 montre la structure d'un grain de blé. Cette structure est la même pour toutes les graines de céréales. Elle consiste en:

· Une enveloppe cellulosique qui ne possède aucune valeur nutritive pour l'homme.
· Le péricarpe et le tégument, deux couches plutôt fibreuses contenant peu d'éléments nutritifs.
· Une couche d'aleurone, riche en protéines, vitamines et sels minéraux.
· L'embryon ou germe qui se compose d'une gemmule et d'une radicule, rattachées au grain par le scutellum. L'embryon est très riche en éléments nutritifs. C'est la partie de la graine qui germe lorsque celle-ci est plantée ou lorsqu'on la fait tremper dans l'eau.
· L'endosperme qui constitue plus de la moitié de la graine et se compose surtout d'amidon.

Il faut noter que, malgré sa petite taille, l'embryon souvent 50 pour cent de la thiamine, 30 pour cent de la riboflavine et 30 pour cent de la niacine contenues dans la graine. La couche d'aleurone et les autres enveloppes externes contiennent 50 pour cent de la niacine et 35 pour cent de la riboflavine. Par conséquent, l'endosperme, qui pourtant constitue de beaucoup la plus grande partie de la graine, ne contient souvent qu'un tiers ou moins des vitamines du groupe B. Il est également plus pauvre que les autres parties en protéines et en sels minéraux.

41. Coupe transversale d'un grain de blé.

Mouture. Si l'on a souligné les points ci-dessus, c'est parce que les graines de céréales destinées à la consommation humaine subissent toutes sortes de traitements qui ont pour but de les débarrasser de leurs couches cellulosiques. Certains visent en outre à obtenir un produit blanc, très fin, qui est surtout constitué par l'endosperme. Toutes ces opérations diminuent la valeur nutritive du grain.

Les modes de broyage traditionnels à l'aide du pilon et du mortier (kinu) ou de pierres donnent généralement des grains qui ont perdu leurs enveloppes périphériques mais ont conservé au moins une partie du germe, y compris le scutellum. Il est certain qu'un traitement très soigné et prolongé par ces méthodes peut donner un produit très fin, mais c'est inhabituel. Un léger usinage, tout comme le broyage domestique, fournira un produit qui aura gardé la plupart de ses éléments nutritifs, et il n'est pas douteux que ce type de mécanisation allège beaucoup le travail de la ménagère.

Par contre, un usinage poussé donnant un produit très bluté est indésirable du point de vue nutritionnel. Les céréales ayant subi pareille transformation, telles que la farine blanche de mais, le riz poli et la farine blanche de froment, ont perdu la majeure partie du germe et des enveloppes périphériques et, par là, des vitamines B ainsi qu'une partie des protéines et des sels minéraux.

Mais les minotiers sont au service du public qui, de plus en plus, exige des produits parfaitement blancs, de saveur neutre et faciles à digérer. Ces demandes ont entraîné, ces dernières années, un très net accroissement de la production de farines fortement blutées et de riz blanc. Les minotiers ont suivi les goûts du public en inventant des broyeurs « perfectionnés » qui éliminent de plus en plus les parties nutritives de la graine pour ne garder que la partie blanche: l'endosperme.

Dans les zones urbaines où l'on utilise de plus en plus de blé, les boulangers ont encouragé cette tendance car la farine blanche de froment possède de meilleures qualités boulangères. Le commerçant, lui aussi, préfère un produit ayant subi un usinage poussé, car il se conserve mieux. Sa faible teneur en matière grasse réduit le risque de rancissement et, étant plus pauvre en vitamines, il attire moins les insectes et autres ravageurs.

Dans beaucoup de pays, les modes alimentaires sont lancées par les consommateurs les plus aisés qui, en Afrique, ont souvent été les communautés d'immigrants. Tant que la nouvelle mode reste limitée à ceux qui jouissent d'un revenu élevé, elle ne cause aucun mal car ces gens-là peuvent s'offrir une alimentation assez complète. Toutefois, elle a gagné d'abord les classes salariées, puis le monde rural.

Cet abandon des traditions au profit d'un raffinement illusoire peut causer beaucoup de mal. Lorsque la mode conduit à consommer comme denrées de base des céréales privées de leurs nutriments par l'usinage, cela provoque diverses manifestations pathologiques chez ceux dont le régime ne comporte pas d'autres aliments pouvant compenser cette perte. Il serait désastreux de voir se répéter en Afrique, dans le dernier quart du vingtième siècle, les souffrances, les maladies et les décès qui furent la conséquence directe, au siècle dernier, de l'adoption par les peuples d'Asie de la pratique du blutage des céréales.

Avec les progrès de l'industrialisation et de l'urbanisation, on a tendance à utiliser beaucoup plus de pain, car c'est un aliment commode pour ceux qui travaillent loin de chez eux. Il serait bon de noter ce phénomène et d'envisager la possibilité de combiner diverses céréales.

On trouve de plus en plus dans le commerce de produits céréaliers pour petit déjeuner et pour l'alimentation des enfants en bas âge. Ces produits, importés pour la plupart, peuvent être pratiques, mais ils sont relativement chers et ne présentent du point de vue nutritionnel aucun avantage naturel sur les céréales indigènes préparées selon les modes traditionnels. Pourtant ils peuvent faire l'objet d'une intense publicité, jouir d'un certain prestige et être considérés à tort comme plus nourrissants. Il faudrait de façon générale en déconseiller l'usage à ceux qui ont de petits moyens.

Maïs. La culture du maïs s'est développée d'abord en Amérique. Des graines furent rapportées en Europe et plus tard en Afrique, où cette céréale constitue maintenant la partie la plus importante de l'alimentation dans maintes régions (figure 42). La popularité du mais vient du fait qu'il a un haut rendement à l'hectare, qu'il pousse dans des régions chaudes et assez sèches (il tolère beaucoup mieux la sécheresse que le riz, mais moins bien que le sorgho et le mil), qu'il mûrit rapidement et possède une résistance naturelle aux ravages des oiseaux. Les grains de mais contiennent des quantités de protéines (10 pour cent) identiques à celles des autres céréales, la plus grande partie sous forme de zéine, protéine pauvre qui ne renferme que peu de lysine et de tryptophane. Cette carence en acides aminés est importante pour expliquer les rapports qui existent entre le mais et la pellagre (chapitre 15) Un grain entier de mais contient moins de niacine (2 mg/100 g) qu'un grain de blé ou de riz, mais pas moins que le seigle ou l'avoine (voir page 89). De nouvelles variétés de mais ayant un meilleur équilibre en acides aminés ont maintenant été mises au point. Le mais opaque-2 en est un exemple, mais sa culture n'est pas encore étendue en Afrique. En revanche, on y a trouvé un type de maïs naturellement riche en lysine et en tryptophane.

L'usinage diminue la valeur nutritive du maïs, comme celle des autres céréales. La popularité et l'emploi accrus de farine de mais très finement moulue (sembe), de préférence au mais broyé selon le mode traditionnel ou légèrement moulu (dona), soulèvent un problème, car cette farine manque de vitamines B. La teneur du maïs en vitamines B (mg/100 g) est donnée ci-dessous:

Produit Thiamine Riboflavine Niacine
Grain de maïs entier 0,35 0,13 2,0
Mais légèrement broyé (dona) 0,3 0,13 1,5
Mais finement moulu (sembe), taux d'extraction: 65 pour cent 0,05 0,03 0,6

Il ressort de ce tableau qu'il est nécessaire de manger 600 g de farine sembe pour avoir une quantité de thiamine identique à celle qu'apportent 100 g de dona. Pourtant le sembe coûte plus cher.

Les vitamines B perdues lors de l'usinage peuvent être remplacées dans les farines de mais et autres céréales par l'adjonction de préparations de vitamines jusqu'à ce que le taux désiré soit atteint. L'enrichissement s'est révélé efficace dans maints pays. Une loi garantissant une quantité convenable de vitamines B dans les farines de céréales pourrait offrir aux pays africains une solution acceptable et satisfaisante.

Riz. Le riz, comme d'autres céréales, est une graminée cultivée, dont certaines variétés sauvages existent depuis des siècles en Asie et en Afrique. On emploie en Afrique la méthode de culture asiatique en rizières inondées (figure 43). Les couches périphériques et le germe du grain de riz contiennent 80 pour cent de la thiamine, alors que l'endosperme, qui représente pourtant 90 pour cent du poids du grain, en renferme moins de 10 pour cent. Les acides aminés limitants du riz sont la lysine et la thréonine.

44. Usinage et étuvage préalable du riz. Chaque point noir figure une particulede thiamine. Dans le riz brut (A), on les trouve surtout dans les couches périphériques et le germe. Quand il a été usiné (B), le grain de riz est devenu pauvre en thiamine. Durant l'étuvage préalable (C), la thiamine passe dans l'endosperme (D); si le riz est alors usiné et la couche extérieure enlevée (E), le grain reste assez riche en thiamine

La méthode traditionnelle de pilonnage du riz dans un mortier en bois et de vannage dans un panier élimine environ la moitié des parties externes et du germe, et il reste un produit dont 100 g contiennent environ 0,25 mg de thiamine (légèrement moins que le dona).

Le battage puis le polissage du riz, destinés à produire le riz blanc très estimé qui sera vendu dans le commerce, enlèvent pratiquement la totalité des couches périphériques et le germe du grain, et 100 g du produit ainsi obtenu ne contiennent pas plus de 0,06 mg de thiamine environ (semblable à celle du sembe). C'est beaucoup trop peu. En Asie, bien des gens de condition modeste ne mangent rien d'autre que du riz pendant une grande partie de l'année. Un individu consommant 500 g de riz poli par jour ne prendra que 0,3 mg de thiamine; la même quantité de riz ayant subi un traitement traditionnel ou une légère mouture apportera approximativement 1,25 mg de thiamine, soit la quantité requise par un homme moyen.

Nous avons dit à propos du maïs qu'une loi faisant obligation aux minotiers d'ajouter des vitamines aux farines pourrait être efficace. Mais cela n'est pas aussi facile avec le riz, car si le mais, le blé et beaucoup d'autres céréales sont achetés sous forme de farine, le riz, lui, est acheté et consommé sous forme de grain. On a tenté, en Extrême-Orient, d'ajouter des vitamines sous une forme concentrée en mélangeant au riz quelques granules artificiels. Ce procédé ne s'est pas révélé entièrement satisfaisant, en partie parce que l'une des vitamines B. la riboflavine, est de couleur jaune, ce qui est inacceptable pour ceux qui désirent un produit uniformément blanc.

Il existe pourtant un moyen d'obtenir un riz bien traité, assez blanc et contenant néanmoins des quantités convenables de vitamines B. C'est l'étuvage, habituellement réalisé à l'usine mais qui peut être exécuté au foyer.

Le paddy, ou riz non décortiqué (mpunga), est généralement passé à la vapeur. L'eau est absorbée par le grain entier, y compris l'endosperme, et les vitamines B qui sont hydrosolubles se trouvent ainsi également réparties (figure 44). Le paddy est ensuite séché, débarrassé de ses enveloppes cellulosiques, et peut alors être usiné de la façon ordinaire. Même s'il est fortement usiné et poli, il contient encore la majeure partie de la thiamine et des autres vitamines B.

A l'heure actuelle, en Afrique, les populations pour qui le riz constitue la denrée de base le cultivent et le traitent habituellement elles-mêmes, ou peuvent se permettre une alimentation plus variée comprenant du riz fortement usiné et d'autres aliments. Le riz devenant de plus en plus populaire, il est à craindre que le béribéri ne devienne plus fréquent sur le continent. Le moyen le plus simple et le plus efficace de prévenir ce risque serait de pratiquer l'étuvage systématique du riz à l'usine.

Mais la solubilité des vitamines B présente aussi des inconvénients. Le riz trop bien lavé perd une partie des vitamines B qui se dissolvent dans l'eau. De même, si la quantité d'eau dans laquelle on fait bouillir le riz est trop grande, une bonne proportion des vitamines B passera dans l'eau de cuisson. C'est pourquoi le riz devrait toujours être cuit dans la quantité exacte de liquide qu'il absorbera. S'il y a un excèdent, on l'utilisera pour un potage ou un ragoût car cette eau contient des vitamines B précieuses qu'il ne faut pas gaspiller.

Blé. Le blé est cultivé en altitude en Afrique de l'Est, où il constitue un aliment important pour certaines populations. Beaucoup d'autres parties de l'Afrique sont impropres à cette culture, de sorte qu'on y trouve surtout du blé importé. Cette céréale tient une place de plus en plus importante dans le régime alimentaire, en milieu urbain spécialement et parmi les salariés, de sorte que lorsqu'il faut l'importer cela représente pour le pays une ponction de devises sans cesse croissante.

Le blé est généralement moulu pour être transformé en farine et, comme pour les autres céréales, sa teneur en nutriments dépend du degré de blutage, c'est-à-dire du taux d'extraction. Celui-ci représente la proportion du grain entier que l'on retrouve dans la farine après la mouture. Ainsi, un taux d'extraction de 85 pour cent signifie que 85 pour cent du poids du grain entier est conservé dans la farine, et que 15 pour cent ont été éliminés. Par conséquent un taux d'extraction élevé signifie une perte relativement minime de nutriments contenus dans les enveloppes et dans le germe, et un taux faible une perte importante.

Les farines à taux d'extraction bas présentent des avantages du point de vue commercial: elles sont plus blanches, donc plus appréciées; elles sont plus pauvres en matière grasse et ont donc moins tendance à rancir; elles contiennent moins d'acide phytique et les sels minéraux sont peut-être mieux absorbés; elles possèdent de meilleures qualités boulangères.

Pour le consommateur, les inconvénients de ces farines tiennent au fait qu'elles contiennent moins de vitamines B. de sels minéraux, de protéines et de matières cellulosiques (ou fibres).

Du point de vue nutritionnel et économique il faudrait prendre en considération la possibilité de mélanger la farine de blé à d'autres céréales locales, ou même à de la farine de manioc.

L'acide aminé limitant du blé est la lysine

Mils et sorghos. La culture des mils et sorghos est largement pratiquée en Afrique et ailleurs. Ils résistent mieux que le mais et d'autres céréales à la sécheresse et sont donc couramment et avantageusement cultivés dans des régions arides où les précipitations sont rares et imprévisibles.

Ce sont d'intéressantes cultures alimentaires car la quasi-totalité des mils et des sorghos contiennent plus de protéines - et de qualité plutôt meilleure - que le maïs, et ils ont une assez forte teneur en tryptophane. Ils sont aussi riches en calcium et en fer.

Comme on a tendance à les broyer au foyer plutôt qu'au moulin, les pertes en vitamines, en sels minéraux et en protéines sont moins fréquentes. Ils sont pourtant supplantés dans de nombreuses régions par le riz irrigué et le mais, encore que l'on continue de les produire pour la brasserie.

De nombreux mils sont malheureusement sujets aux attaques des petits oiseaux (figure 45) et l'épi a aussi l'inconvénient de perdre ses grains.

Il exite plusieurs variétés de mils et de sorghos. En Afrique, les trois plus importantes sont:

Le mil à chandelle (uwele, Pennisetum typhoideum). Ce mil ressemble assez au jonc des marais mais son inflorescence peut être beaucoup plus longue et plus épaisse; elle atteint parfois 1 m x 8 cm (figure 46).

L'éleusine cultivée (ulezi, Eleusina coracana). Son inflorescence a la forme d'une main molle. Ses grains sont plus petits que ceux du mil à chandelle. On l'utilise fréquemment pour la brasserie.

Le sorgho, maïs de Guinée ou durra (mtama, Sorghum vulgare). Il existe de nombreuses variétés de sorgho, dont la plupart ont une haute taille et une grande inflorescence; il existe aussi des variétés naines. Les graines sont généralement assez grosses mais leur couleur et leur forme diffèrent selon les variétés. Le sorgho exige plus d'humidité que le mil mais moins que le maïs. C'est un bon aliment car beaucoup de variétés contiennent une quantité de protéines supérieure à celle de la plupart des autres céréales.

Avoine. L'avoine ne tient pas une grande place dans l'alimentation africaine. Elle est cultivée dans quelques zones froides des hauts plateaux, où on la prépare sur place, généralement sans mouture. C'est une bonne céréale qui contient une quantité de protéines plutôt supérieure à celle du maïs, du riz ou du blé, mais qui renferme aussi beaucoup d'acide phytique susceptible d'inhiber l'absorption du calcium. De la farine d'avoine importée est disponible pour la préparation du porridge et entre dans la fabrication de certains aliments du premier âge.

Seigle. Le seigle n'est guère cultivé en Afrique et, même en Europe, il ne tient pas une grande place dans l'alimentation en général.

Orge. En Afrique, l'orge est cultivée dans certaines régions à blé, où on la consomme généralement, après préparation familiale, sous forme de bouillie épaisse ou ugali. En Europe, on la destine surtout à présent à l'alimentation des animaux et à la fabrication de boissons alcoolisées comme la bière et le whisky.

Triticale. Cette nouvelle céréale a été obtenue par croisement entre le blé et le seigle. Elle s'annonce très intéressante du point de vue rendement et valeur nutritive. Elle convient mieux aux climats tempérés.

Teff. Le teff (Eragrostis tef) est une céréale importante en Ethiopie où elle jouit d'une grande faveur, bien que son rendement à l'hectare soit assez faible. On le moud généralement pour en faire de la farine qui sera cuite et mangée sous forme d'injera, genre de galette sèche. La valeur nutritive du teff est identique à celle des autres céréales, cependant il est plus riche en fer et en calcium. Le fait qu'on en consomme beaucoup dans certaines parties de l'Ethiopie peut expliquer pourquoi l'anémie ferriprive y est rare.

Plantes amylacées et racines féculentes

Un certain nombre de tubercules comestibles, de racines et de rhizomes tiennent une grande place dans l'alimentation de maints peuples du monde. En Afrique, le manioc, la patate douce, le taro, l'igname et l'arrow-root sont les aliments principaux de cette catégorie. La culture de la pomme de terre commune est largement pratiquée dans les parties plus froides du continent.

Ces denrées sont généralement faciles à cultiver et ont un bon rendement à l'hectare; elles sont riches en amidon et, par conséquent, offrent une source d'énergie assez commode. En tant que denrées de base, cependant, elles sont toutes inférieures à n'importe quelle céréale, parce qu'elles contiennent beaucoup moins de protéines (généralement moins de 2 pour cent contre 10 pour cent environ pour les céréales), bien que le taro et l'igname puissent contenir jusqu'à 6 pour cent de protéines de bonne qualité. Elles contiennent également moins de sels minéraux et de vitamines.

Manioc. Bien que le manioc (Manihot esculenta) soit originaire d'Amérique du Sud, il est maintenant largement cultivé dans de nombreuses parties de l'Afrique. Sa culture se pratique aisément à partir de boutures; il pousse en terrain pauvre, exige relativement peu de soins, résiste à des conditions météorologiques défavorables et est peu attaqué par les animaux nuisibles et les maladies. C'est l'une des cultures les plus productives avec souvent des tubercules énormes. Malgré toutes ces qualités, le manioc présente le gros inconvénient de ne contenir guère que des glucides. Il «remplit le ventre » et produit de l'énergie mais, à moins que d'autres aliments ne figurent au régime, le consommateur risque fort de souffrir de malnutrition. Il est spécialement peu indiqué comme source principale d'énergie pour les bébés et les jeunes enfants, à cause de sa faible teneur en protéines. Aussi faut-il lui adjoindre généreusement des céréales et des légumineuses ou d'autres aliments protéiques.

Le manioc contient moins de 1 pour cent de protéines, contre 10 pour cent pour le maïs et autres céréales (figure 47). Aussi n'est-il pas surprenant que le kwashiorkor, maladie due à une carence en protéines, frappe beaucoup plus souvent les jeunes enfants qui, après le sevrage, sont soumis à une alimentation à base de manioc que ceux auxquels on donne du mil ou du mais. Il est également moins riche en fer et en vitamines B que les graines de céréales.

Le manioc contient parfois un glucoside cyanogénétique. Celui-ci se trouve surtout dans l'enveloppe externe du tubercule, de sorte que pour le débarrasser de cette substance amère et toxique, différentes méthodes spéciales d'épluchage et de trempage ont été mises au point.

Les feuilles de manioc sont fréquemment utilisées comme légume vert. Elles ont la même valeur nutritive que les autres feuilles vert foncé et sont une source extrêmement appréciable de carotène (vitamine A), de vitamine C, de fer et de calcium. Elles contiennent aussi des protéines. Afin de conserver une quantité maximale de vitamine C, ces feuilles ne devraient pas être cuites plus de 20 minutes.

On peut manger les racines rôties ou bouillies mais le plus souvent, après trempage, on les fait sécher au soleil pour les réduire ensuite en une farine blanche et poudreuse. Cette dernière est ordinairement meilleur marché que les farines de maïs et de blé, et il n'est pas rare qu'on la mélange à celles-ci de façon frauduleuse. Elle est aussi utilisée par certaines entreprises étrangères pour la fabrication de biscuits. On l'emploie en Afrique de l'Ouest pour préparer le fufu (genre de bouillie).

Lorsque les problèmes alimentaires et nutritionnels sont surtout dus à une insuffisance générale des approvisionnements et de l'apport énergétique, la culture du manioc mérite peut-être d'être encouragée compte tenu de son rendement élevé à l'hectare et de ses autres avantages agricoles.

Patates douces. La patate douce, qui est originaire d'Amérique, est largement cultivée en Afrique tropicale, généralement à partir de boutures de tiges. Les tubercules sont de forme irrégulière et de taille variable. Tout comme le manioc, la patate douce contient relativement peu de protéines. Elle renferme un peu de vitamine C, et les variétés colorées, les jaunes particulièrement, fournissent d'utiles quantités de carotène. On mange souvent les feuilles de patate douce qui possèdent des propriétés très semblables à celles des feuilles de manioc. Cependant, comme pour les autres tubercules, la ménagère ne doit pas prélever trop de feuilles car le rendement des racines pourrait en pâtir.

Ignames. Il existe d'innombrables variétés d'ignames, dont un grand nombre d'origine africaine. Elles diffèrent par la forme, la couleur, la taille, ainsi que par les qualités culinaires, la structure des feuilles et le goût. A côté des multiples variétés cultivées, on trouve des variétés sauvages qui sont également consommées.

La culture des ignames est plus largement répandue dans l'ouest de l'Afrique que dans l'est. Au Nigéria par exemple, en dépit de la popularité croissante du manioc, l'igname conserve la première place parmi les plantes-racines.

Les ignames exigent un climat chaud et humide et un sol riche en matières organiques. Ces facteurs limitent leur culture en Afrique de l'Est.

Une bonne culture de l'igname requiert des tranchées profondes et plus tard, la pose de tuteurs, tout comme pour les plants de vigne, pour permettre aux vrilles de s'y enrouler. Elle exige plus de travail que le manioc et son rendement, bien qu'élevé, est généralement un peu inférieur. En revanche, les ignames contiennent normalement deux fois plus de protéines que le manioc (2 pour cent), mais encore bien moins que les céréales.

Taro. Le taro (Colocasia sp.) est originaire d'Asie mais il est largement cultivé dans les contrées africaines où les pluies sont relativement abondantes pendant une grande partie de l'année. On le trouve couramment dans les zones boisées (Ashanti) et sur les versants montagneux où les précipitations sont importantes (Kilimandjaro). On le cultive souvent en association avec les bananes ou les plantains (Bouganda) et le palmier à huile. La plante a de grandes feuilles en «oreilles d'éléphant ». On mange les tubercules et les feuilles. La valeur nutritive du taro est identique à celle du manioc. Dans certaines régions d'Afrique, on remplace sa culture par celle du macabo (Xanthosoma sp.), plante à peu près semblable mais plus robuste, originaire d'Amérique du Sud, dont le rendement à l'hectare est supérieur à celui du taro.

Pommes de terre. La pomme de terre est venue d'Amérique du Sud en Europe où on a commencé à l'exploiter comme produit bon marché, utile et d'un rendement intéressant, capable de se substituer à ce qui pouvait alors être l'aliment de base, tout comme le manioc remplace aujourd'hui les céréales dans une grande partie de l'Afrique. Cependant, la grande famine qui a sévi en Irlande au siècle dernier n'a que trop montré combien il était dangereux de s'appuyer presque uniquement sur une seule culture. Il a suffi d'une mauvaise récolte de pommes de terre pour provoquer plus d'un million de morts et une émigration encore plus nombreuse.

De l'Europe, les pommes de terre ont gagné l'Afrique où elles sont cultivées dans les zones fraîches, en altitude. Si leur culture est bien menée, dans des conditions convenables de sol et de climat, le rendement à l'hectare peut être très élevé. Comme d'autres tubercules féculents, elles contiennent moins de 2 pour cent de protéines, mais celles-ci sont d'assez bonne qualité. Les pommes de terre fournissent aussi de petites quantités de vitamines B et de sels minéraux; 100 g contiennent environ 15 mg de vitamine C, mais cette quantité se réduit durant le stockage. A moins que les conditions d'entreposage ne soient très satisfaisantes, les pommes de terre ne se conservent pas bien. En Afrique, le producteur vend souvent une bonne partie de sa récolte et se nourrit du reste pendant quelques mois, réservant sa moisson de céréales pour la saison sèche.

Arrow-root. Cette plante africaine (Tacca involucrata) se cultive là où les pluies sont suffisantes et se consomme de différentes manières, souvent rôtie sur le feu ou bouillie. Sa valeur nutritive est semblable à celle de la pomme de terre.

Autres aliments essentiellement glucidiques

Bananes et bananes plantains. Les bananes et les bananes plantains devraient logiquement être traitées dans la rubrique consacrée aux fruits, mais du point de vue nutritionnel il est plus juste de les mentionner avec le manioc et les autres aliments amylacés. Différencier les nombreuses variétés de bananes et bananes plantains est difficile. Dans notre optique on peut décrire ainsi les plantains: ce sont des bananes que l'on cueille encore vertes et que l'on fait cuire avant de les manger. La banane qui est consommée crue, comme les autres fruits, contient moins d'amidon et elle est plus sucrée.

A l'origine, les bananes et les bananes plantains poussaient à l'état sauvage dans les zones forestières humides et chaudes. L'homme les a probablement consommées depuis des temps immémoriaux. Leur culture est aujourd'hui très répandue dans maintes régions humides de l'Afrique. Quelques groupes ethniques, comme les Bagandas en Ouganda et les Wachaggas en Tanzanie, en font leur aliment de base. Elles sont cueillies vertes et épluchées. On peut alors les faire griller pour les manger, mais il est plus courant de les couper en morceaux que l'on fait cuire à l'eau et qui sont ensuite servis avec de la viande, des haricots ou d'autres aliments. On les fait souvent sécher au soleil pour les transformer en farine; 100 g de bananes vertes ou de bananes plantains contiennent 32 g de glucides (amidon surtout), 1,2 g de protéines, 0,3 g de lipides, et fournissent ]35 Calories. Elles contiennent beaucoup d'eau. En raison de leur très faible teneur en protéines, les enfants qui, dès le sevrage, sont soumis à un régime à base de bananes sont souvent atteints de kwashiorkor; 100 g de bananes contiennent environ 20 mg de vitamine C et 120 µg de vitamine A (sous forme d'équivalent ß-carotène). Les fruits et légumes frais sont donc beaucoup moins importants dans les rations alimentaires dont la denrée de base est la banane que dans celles qui sont essentiellement constituées de céréales ou de plantes-racines. Les bananes ont cependant une faible teneur en calcium, en fer et en vitamines B. Comme la banane ne fournit que 80 Calories/100 g. il faut en manger 2 kg pour s'assurer ne fût-ce que 1 500 Calories.

Sucre. Le sucre, tel qu'on le trouve dans le commerce, est composé presque à100 pour cent de saccharose et est essentiellement un glucide pur. En Afrique, presque tout le sucre produit localement provient de la canne, tandis qu'en Europe il est surtout extrait de la betterave. Dans les régions de grande culture de la canne, la consommation de sucre et de sirop de canne (canne mâchée) est généralement importante. Dans les autres parties du monde, la consommation de sucre a tendance à augmenter avec le développement économique. (Au Royaume-Uni, elle est actuellement d'environ 50 kg par personne et par an, soit cinq fois plus élevée qu'il y a 100 ans.) La consommation moyenne annuelle en Tanzanie est maintenant d'environ 6 kg par habitant, mais elle est également en progression. Une augmentation de la consommation de sucre s'accompagne généralement d'une plus forte incidence de certaines maladies nutritionnelles et de caries dentaires. Le sucre, utilisé avec modération, est un luxe agréable, mais il ne devrait pas être consommé en quantité telle qu'il écarte du régime d'autres aliments apportant des protéines, des vitamines et des sels minéraux. Il serait bon de ne pas dépasser une ration de 12 kg environ par personne et par an. Le sucre blanc ne contient ni vitamines, ni protéines, ni lipides, ni sels minéraux. Il est une bonne source d'énergie et pour bien des gens, son goût suave ajoute au plaisir de manger. Du point de vue énergétique, le rendement à l'hectare est très souvent élevé sur les plantations bien conduites.

Miel. En Afrique, on recueille beaucoup de miel des ruches sauvages et, dans les campagnes, on élève de plus en plus les abeilles dans des morceaux de bois creux que l'on suspend. L'attrait de cette spéculation tient davantage au prix élevé de la cire d'abeille qu'au miel lui-même. Cependant, en Afrique comme en Europe et ailleurs, le miel a acquis la fausse réputation de posséder une valeur nutritive toute spéciale. En fait, il ne contient que du sucre (hydrate de carbone), de l'eau et des traces infimes d'autres nutriments. Bien qu'il ne soit pratiquement qu'une source d'énergie, il constitue un aliment attrayant pour beaucoup de gens.


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