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Le décorticage et le broyage

La première transformation des céréales locales est une charge importante pour les femmes en Afrique: quand elle est effectuée manuellement, elle représente à elle seule plus de 80 % du temps (soit 1,75 heure par jour en moyenne) passé par les femmes pour la préparation des repas familiaux (Mc SWEENEY, 1988).

On peut distinguer deux grandes voies pour la première transformation des grains (figure 5).

• La voie du décorticage: avant le broyage, on élimine par abrasion externe du grain le péricarpe et une partie du germe. Les sons (parties externes du grain) sont séparés par vannage et/ou lavage des grains. On ne peut jamais totalement dégermer un maïs par cette méthode, car le germe est enchâssé à l'intérieur de l'albumen. Le grain décortiqué est ensuite broyé en totalité en farine et/ou en semoule.

• La mouture directe du grain entier: après broyage du grain entier, on peut éliminer la totalité ou une partie du péricarpe et du germe par une succession d'étapes de purification (tamisage, sassage, lavage) et rebroyage des produits. On rencontre en Afrique tous les cas de figure: depuis la mouture directe et totale du grain sans aucun tamisage des produits - par exemple au Sénégal (AGEL et YUNG, 1985) ou au Bénin (NAGO, 1989) - jusqu'à la production au Bénin du mawè, une pâte fermentée contenant moins de 1 % de lipides (HOUNHOUIGAN et al., 1993, cf. infra, «Les pâtes fermentées: une spécialité du golfe du Bénin»).

Parmi les différentes opérations unitaires rencontrées dans ces deux voies de première transformation des grains, les étapes de décorticage et de broyage sont les plus importantes en termes de durée et de pénibilité. C'est pourquoi ces deux opérations unitaires font souvent l'objet d'une mécanisation.

Le décorticage

LE DÉCORTICAGE MANUEL

Le décorticage du maïs - et des grains en général est une opération encore largement manuelle en Afrique. Il s'effectue généralement au pilon, après humidification des grains: la teneur en eau des grains (base humide) est généralement amenée à 25-30 % environ, que ce soit pour décortiquer du maïs (TOMETY, 1988) ou du sorgho (SAUTIER et O'DEYE, 1989). Le grain est ensuite vanné puis lavé.

Figure 5. Les deux voies principales de la première transformation du maïs

Le rendement en grain décortiqué peut varier de 58 % (ZAMBEZI, 1992) à 80 % (TOMETY 1988; AGEL et YUNG, 1985; SANOGO et al., 1993), selon la qualité des grains traités et les conditions de décorticage. Ainsi, en Afrique australe, on pratique plusieurs fois l'opération de décorticage, vannage et lavage des grains pour obtenir un grain bien décortiqué (BRUINSMA et al., 1985). Par comparaison, pour le sorgho, les rendements en grains décortiqués sont de l'ordre de 70 à 80 % selon l'épaisseur du péricarpe (SCHEURING et al., 1983). On obtient, dans ces conditions, un sorgho dont la teneur en cendres est de 0,8 %, la teneur en lipides de 1,5 %, et dont la teneur en lysine est aussi divisée par deux (même si la teneur en protéines n'est que faiblement abaissée), ce qui provoque ainsi une diminution très nette des qualités nutritionnelles des produits. Dans le cas du maïs, NINJE et WEAVER (1984) observent des pertes en protéines et en énergie métabolisable de plus de 40 % après décorticage. Il s'agit donc d'une opération coûteuse dans sa composition nutritionnelle.

Le décorticage manuel est une opération longue: TOMETY (1988) a mesuré pour le décorticage de grains de maïs au pilon des débits horaires de 7,5 à 8,5 kg. Cela semble tout à fait comparable au débit mesuré pour le décorticage du sorgho (SCHEURING et al., 1983). Toutefois, FRANÇOIS (1988) considère que le décorticage manuel du maïs est une opération plus longue que pour le sorgho.

LE DÉCORTICAGE MÉCANISÉ

S'il existe quelques modèles de décortiqueurs mûs par la force hydraulique, ou au pied, en Asie et en Asie mineure (FRANÇOIS, 1988), ce sont essentiellement des décortiqueurs à entraînement mécanique qui sont présents en Afrique. Après l'échec relatif des décortiqueurs à cône abrasif (modèles Eurafric, par exemple) - en 1986, MBENGUE et HAVARD ne recensent que 12 décortiqueurs fonctionnels sur 41 dans la région de Diourbel et Thiès au Sénégal -, on rencontre maintenant essentiellement deux types de décortiqueurs mécaniques en Afrique: ceux de type Engelberg et ceux à disques abrasifs.

Les décortiqueurs de type Engelberg dérivent d'un appareil américain destiné au départ au décorticage du café, utilisé par la suite pour le traitement du riz. Ce type d'appareil est maintenant très répandu en Afrique avec des modèles bon marché, d'origine indienne par exemple. Il s'agit d'un appareil à arbre cannelé: le décorticage des grains s'effectue au contact d'un couteau et les sons sont évacués en continu à travers une grille semi-cylindrique. On règle le taux de décorticage par l'écartement entre le couteau et l'arbre cannelé et par le débit de passage du grain à travers l'appareil.

Les grains sont légèrement humidifiés avant passage au décortiqueur, afin de faciliter la séparation des enveloppes du grain. Dans le cas du sorgho, on ajoute 0,5 kg d'eau pour 10 kg de grain (FRANÇOIS, 1988), amenant ainsi l'humidité du grain à 15 % environ. Mais cette étape d'humidification semble moins importante dans le cas du maïs, pour lequel on ajoute simplement une «poignée» d'eau juste avant passage au décortiqueur Engelberg. En sortie de décortiqueur, les grains doivent être vannés et/ou lavés, afin de parfaire la séparation des sons qui est toujours incomplète. Le rendement en grain décortiqué propre peut varier de 70 % (Holtzman et al., 1991) à 80 % (SANOGO et al., 1993). Il faut noter que le taux de grains brisés est important avec ce type de décortiqueur.

Les décortiqueurs à disques abrasifs ont été développés depuis une vingtaine d'années pour le décorticage du mil, du sorgho et du maïs (BASSEY et SCHMIDT, 1989); ils ont été testés dans seize pays africains. Trois modèles de décortiqueurs fonctionnant en continu pour des unités semi-industrielles de transformation (type PRL), puis quatre modèles réduits (type mini-PRL) fonctionnant en mode discontinu pour la prestation de services, ont été développés. Tous ces appareils dérivent d'une batteuse à grains modifiée au Canada, au Prairie Research Laboratory: les grains sont placés dans une chambre de décorticage close, et abrasés par des disques abrasifs en corindon ou résinoïde. Ce dernier matériau semble donner de meilleurs rendements de décorticage pour les mini-PRL, tout en limitant la dépense énergétique. Certains modèles sont munis d'un module d'aspiration des sons: ce nettoyage est effectué en continu dans la chambre de décorticage pour les modèles PRL, tandis qu'il est réalisé après décorticage pour les mini-PRL, dans une chambre d'aspiration munie de balais pour détacher les sons adhérents au grain.

Au contraire des décortiqueurs de type Engelberg, les décortiqueurs à disques abrasifs ne fonctionnent correctement que sur des grains secs (FRANÇOIS, 1988), afin d'éviter l'encrassement des disques abrasifs quand les sons sont humides. Les pertes au décorticage varient énormément (de 10 à 25 %) selon les auteurs (TOMETY, 1988; BASSEY et SCHMIDT, 1989). Il semble toutefois acquis que les pertes au décorticage soient plus faibles pour ce type d'appareil que pour les décortiqueurs de type Engelberg.

Le tableau III résume les avantages et les inconvénients de ces deux types de décortiqueurs mécaniques.

Le décorticage mécanisé est encore une technique peu répandue en Afrique. HOLTZMAN et al. (1991) estiment que moins de 30 % des grains sont décortiqués mécaniquement (à l'aide de décortiqueurs de type Engelberg) à Bamako. Ce pourcentage serait encore plus réduit en zone rurale, et ne concernerait que les régions rizicoles où les décortiqueurs de type Engelberg sont déjà connus. Au Sénégal, dans la région de Diourbel et de Thiès où 41 décortiqueuses de type Eurafric ont été recensées, seules 12 sont encore fonctionnelles en 1986, dont Il en zone urbaine et une seule en zone rurale (MBENGUE et HAVARD, 1986). En Amérique latine, et particulièrement au Mexique et en Amérique centrale, un décorticage du maïs par voie chimique est couramment pratiqué: il s'agit de la «nixtamalisation». Les grains de maïs sont cuits pendant quelques heures dans une solution alcaline (le plus souvent une eau saturée en chaux). Au cours de cette cuisson alcaline une fraction importante des composés pariétaux du péricarpe est solubilisée (MESTREs et al., 1991); le péricarpe devient alors fragile et délitescent. Il est ainsi facilement éliminé par simple frottement des grains les uns sur les autres au cours de l'étape de rinçage. On obtient ainsi le nixtamai, qui est un grain précuit complètement décortiqué mais non dégermé. Les pertes au décorticage sont faibles: de 8 à 17 % (ROONEY et SERNA-SALDIVAR, 1987). Du point de vue nutritionnel, le procédé de nixtamalisation est doublement positif, puisqu'il permet, d'une part, de conserver entièrement le germe, d'autre part, de transformer la niacine sous une forme assimilable.

Tableau III. Caractéristiques des décortiqueurs mécaniques (d'après BASSEY et SCHMIDT 1989 SAUTIER et O'DEYÉ, 1989).

Type de matériel

  Engelberg PRL Mini-PRL
Principe de décorticage Cylindre cannelé et couteau Disques abrasifs Disques abrasifs
Mode de fonctionnement et débit horaire théorique Continu ou discontinu 100 à 600 kg/h Continu 200 à 400 kg/h Discontinu 100 kg/h
Consommation spécifique avec moteur diesel (g fioul/kg grain) 12 à 18 3 à 5 3 à 5
Conditionnement du grain Humidification juste avant décorticage 9 à 15 % base humide Aucun Aucun
Rendement attendu 70 à 80 % 75 à 85 % 75 à 90 %
Séparation des sons mécanique Mécanique en continu pour environ 80 % des sons, le reste manuel Mécanique en continu mais imparfait Selon modèles: après décorticage, ou manuel
Réglage et utilisation Réglage de l'écartement du couteau délicat Réglage uniquement par débit de sortie Réglage par durée de séjour dans le décortiqueur
Pièces d'usure Tamis, cylindre cannelé Disques Disques

Le broyage

On retrouve essentiellement trois grands types de broyeurs en Afrique: le sytème mortier-pilon, les broyeurs à meules et les broyeurs à marteaux. Parmi les systèmes à meules, il faut distinguer les systèmes à meule dormante ou molette, à entraînement manuel, les systèmes à disques, qui sont très polyvalents et peuvent être utilisés aussi bien en mode manuel qu'avec un entraînement animal ou mécanique, et les moulins à cylindres, qui ne sont utilisés que dans des unités industrielles.

LES BROYEURS MANUELS TRADITIONNELS

Le système mortier-pilon est prépondérant en Afrique de l'Ouest, tandis que les moulins à molette sont encore bien présents en Afrique de l'Est et en Afrique australe (FRANÇOIS, 1988; BRUISNMA et al., 1985); ils sont la règle générale en Amérique latine. Le grain est tout d'abord humidifié, soit par ajout d'eau au maïs juste avant broyage, soit par trempage des grains dans l'eau pendant 1 à 24 heures (BRUISNMA et al., 1985; TOMETY 1988). Le grain a alors une humidité comprise entre 22 et 26 % (SAUTIER et O'DEYE, 1989. Cette opération amollit le grain et facilite ainsi son broyage. Le grain est broyé ou pilé - les deux types de moulins manuels peuvent aussi être combinés (MULLER, 1970) - et les femmes effectuent de temps en temps des tamisages afin d'extraire la fraction de granulométrie recherchée.

L'ensemble des opérations de broyage-tamisage est long et le débit horaire de broyage du maïs est compris entre 1 et 3 kg (AGEL et YUNG, 1985; TOMETY, 1988; BRUISNMA et al., 1985) contre environ 4 kg pour le mil (SAUTIER et O'DEYE, 1989). Un débit de 1,5 kg par heure est aussi observé en Amérique latine pour le broyage du nixtamal à l'aide du moulin manuel en pierre basaltique (FERRE, 1992). MULLER (1970) a mesuré qu'au Ghana environ 50 % de la farine obtenue après deux broyages manuels successifs - le premier à l'aide du mortier et du pilon, le suivant à l'aide d'un système à meule dormante passait à travers un tamis de 200 micromètres.

LES BROYEURS À DISQUES

Les grains sont broyés entre deux disques dont l'un est mobile. Les disques peuvent être en métal, en corindon, en pierre granitique ou basaltique. L'écartement entre les disques permet de régler la granulométrie du produit. Sur la surface des disques, on réalise des entailles de forme radiale qui permettent l'évacuation des produits. On peut écraser avec des disques métalliques aussi bien du grain sec que du grain humide, tandis que les moulins à disques de pierre ne peuvent en général traiter que du grain sec, sous peine de voir les rainures s'encrasser avec les produits de mouture; toutefois, la mouture du nixtamal, grain de maïs ayant une humidité proche de 40 %, est effectuée au Mexique à l'aide d'un moulin à disques basaltiques. Les moulins à disques métalliques ne permettent pas d'obtenir directement une farine fine à partir de grains de maïs secs; pour cela, plusieurs passages sont nécessaires.

L'entretien de ce type de moulin consiste principalement dans le retaillage (il faut réaléser les entailles radiales afin de maintenir un débit de traitement élevé) et dans le changement périodique des disques. Ce retaillage est effectué chaque jour en Amérique latine, sur les moulins à disques basaltiques comme métalliques (FERRE, 1992). Il est toutefois difficile de donner une durée de vie précise pour ce type de disques: on considère par exemple au Mali qu'il faut retailler les disques métalliques toutes les 5 tonnes et les changer toutes les 35 tonnes (FRANÇOIS, 1988). L'avantage principal de ce type de moulins (tableau IV), et de ceux à disques métalliques en particulier, reste la polyvalence (aussi bien dans le type de matière première traitée que dans la gamme de granulométrie obtenue).

Les moulins à disques peuvent être entraînés à la main, par un manège à traction animale, ou par un moteur thermique ou électrique.

Des tentatives d'introduction de moulins à disques à traction manuelle ou au pied ont été réalisées en Afrique. ces moulins ont une capacité théorique de

Tableau IV. Caractéristiques des moulins mécanisés (d'après FRANÇOIS, 1988; SAUTIER et OEDEYÉ, 1989)

Type de matériel

  Moulin à meules Broyeur à marteaux
Principe de broyage Ecrasement Percussion
Granulométrie définie par l'écartement entre les disques Granulométrie fixée par la grosseur du tamis de sortie
Utilisations Mouture des céréales sèches ou humides et de certains oléagineux Mouture des céréales sèches
Entraînement Manuel, animal ou mécanique Mécanique
Débit théorique (fonctionnement en continu) 20 à 30 kg/h (entraînement animal) 100 à 500 kg/h (suivant la grille de sortie)
100 à 300 kg/h
(entraînement mécanique)
Maintenance Disques (retaillage, changement) Marteaux (retournement, changement) Grille (changement)

Grille (changement) broyage de 10 à 20 kg par heure environ (BRUINSMA et al., 1985; FRANÇOIS, 1988). Mais le traitement du maïs nécessite deux ou trois passages au moulin pour obtenir la farine de granulométrie souhaitée, ce qui diminue d'autant leur capacité horaire, et ce qui a constitué le plus souvent la cause de leur échec en Afrique (GATE, 1988; FRANÇOIS, 1988; BRUINSMA et al., 1985). Au Honduras, ce problème de granulométrie lié à l'utilisation des moulins à disques à traction manuelle est aussi rencontré, si bien que les femmes sont obligées de repasser le nixtamal plusieurs fois au moulin ou de le rebroyer ensuite à l'aide du moulin traditionnel en pierre basaltique (FERRE, 1982).

Le moulin à traction animale peut constituer une solution intéressante dans certaines zones rurales. Une expérimentation a ainsi été menée récemment au Sénégal et au Burkina Faso où, respectivement, dix et cinq unités ont été montées par des artisans locaux (FRANÇOIS, 1988). Ces unités sont constituées d'un moulin à disques en corindon, entraîné par un manège à traction animale. Le débit horaire de mouture observé est de 10 à 20 kg. Il faut noter que, avant le broyage, le grain ayant subi un décorticage manuel humide doit être séché (HERZOG, 1986).

Les moulins à disques motorisés se sont largement répandus en Afrique depuis les années 40. Les moulins à disques métalliques sont en général préférés du fait de leur polyvalence (BITIBALY et BONOU, 1984). Les modèles importés de marque Hunt et Bentall (anglais) sont les plus courants. On commence toutefois à trouver aussi des répliques indiennes (Amuda), nigérianes ou tanzaniennes (FRANÇOIS, 1988; DEVAUTOUR, 1990). NAGO et HOUNHOUIGAN (1990) ont ainsi dénombré 652 ateliers de mouture à Cotonou au Bénin qui traitent du maïs pour 92 % d'entre eux et qui sont équipés pour la plupart de moulins de marque Hunt. Au Mali, en 1982, on a estimé à 1 000 à 1 500 le nombre de moulins motorisés et à 5 % la proportion de céréales transformées par la mouture mécanique. Mais en milieu urbain, à Bamako, ce sont plus de 30 %, si ce n'est la majorité, des céréales locales qui sont moulues mécaniquement (FRANÇOIS, 1988; HOLTZMAN et al., 1991). Si, indéniablement, la mouture mécanisée se développe en zone urbaine, les problèmes d'entretien de ce type de moulins constituent un frein important à leur développement en zone rurale; en dehors des problèmes liés au suivi de la motorisation, le retaillage des disques métalliques peut rapidement devenir limitant, s'il doit être effectué à plusieurs dizaines de kilomètres du lieu d'utilisation (BITIBALY et BONOU, 1984).

La dureté du grain de maïs sec reste, par ailleurs, une contrainte importante pour ce type de moulins; ainsi, au Togo, certaines variétés améliorées de maïs, à grain vitreux et dur, nécessitent pour l'obtention d'une farine fine un nombre de passages au moulin deux fois plus élevé que pour la mouture des variétés locales (AGOSSOU et al., 1986); le coût de mouture des variétés à grain dur est ainsi plus élevé que celui des variétés locales à grain tendre (TCHAMO, 1993). A Garoua, au Cameroun, on va même jusqu'à voir les meuniers refuser de broyer les grains durs (SILVESTRE et MUCHNIK, 1993).

LES MOULINS À MARTEAUX

Les grains sont projetés sous le choc de marteaux (fixes ou mobiles) tournant à grande vitesse (3 000 à 6 000 t/min) à travers une grille qui laisse passer les particules de granulométrie recherchée. Il est préférable que l'intérieur de la chambre de broyage ne soit pas lisse, afin que les grains entraînés par les marteaux rencontrent suffisamment d'obstacles pour être pulvérisés; ainsi, certains modèles sont équipés de contre-marteaux fixes, ou de plaques d'usure ou de choc, qui freinent la rotation du grain. Les moulins à marteaux ne peuvent écraser théoriquement que du grain sec, sinon on observe un colmatage de la grille de sortie. une augmentation du taux d'humidité des grains de 1 % entraîne une diminution du débit de 10 % (FRANÇOIS, 1988).

Les pièces d'usure sont essentiellement les marteaux, qui peuvent être retournés quatre fois avant leur changement: si les constructeurs donnent en général une durée de vie pour les marteaux de 200 tonnes, la pratique montre qu'il faut plutôt tabler sur une durée de vie de 50 tonnes (BELLO, 1991). Il faut par ailleurs les équilibrer avec soin, de manière à limiter l'usure des paliers causée par les vibrations. Le diamètre de perforation des grilles est variable maïs, le plus couramment, il est proche de 1 mm (ce qui donne des farines ayant une granulométrie inférieure à 700 micromètres); il faut changer la grille de sortie pour modifier la granulométrie des produits. Il arrive fréquemment que les grilles soient endommagées par le passage d'un corps étranger.

Au Sénégal, dans la région de Thiès et de Diourbel, les 605 moulins recensés par MBENGUE et HAVARD (1986) sont des broyeurs à marteaux, qui appartiennent dans les trois quarts des cas à des propriétaires privés. On estime le parc total de moulins à marteaux fonctionnels au Sénégal à environ 2 500 à 4 000 (BRICAS, 1993). En zone urbaine, les moulins de fabrication artisanale dominent (MBENGUE et HAVARD, 1986), ce qui démontre bien le rôle actif joué par l'artisanat local sur le développement de cette filière. En revanche, en zone rurale, la plupart des moulins sont des modèles importés; c'est aussi dans cette zone que l'on rencontre le plus de moulins non fonctionnels. Cela est lié à une mauvaise conduite et/ou à un entretien déficient de ces moulins et, en particulier, à des problèmes liés à la motorisation diesel. Il semble qu'il faille promouvoir les moulins de fabrication locale, dont l'entretien peut être assuré sur place (FRANÇOIS, 1988).

Même s'il existe jusqu'à présent une dualité nette (FRANÇOIS, 1988) entre les pays équipés exclusivement de moulins à marteaux (le Sénégal par exemple) et ceux équipés en majorité de moulins à disques (Bénin, Mali, Burkina Faso, Niger...), il semble que l'on assiste à un changement de tendance en ce qui concerne les équipements de mouture villageoise en Afrique sahélienne: les broyeurs à marteaux se diffusent désormais plus rapidement que les moulins à disques (SAUTIER et O'DEYE, 1989). Ainsi, à Garoua (Cameroun), DEVAUTOUR (comm. pers.) voit le nombre de moulins à marteaux augmenter de 17 à 32 entre mai 1989 et septembre 1990, tandis que le nombre de moulins à disques passe, dans le même temps, de 67 à 64. Les moulins à marteaux offrent en effet l'avantage (tableau IV) d'être moins coûteux à l'achat et de pouvoir être facilement construits localement, par exemple au Sénégal, en Gambie, au Congo, au Cameroun... Ils peuvent être alors jusqu'à trois fois moins chers que les modèles importés (FRANÇOIS, 1988). Les moulins à marteaux sont par ailleurs moins coûteux en énergie, quand on considère que deux ou trois passages sont nécessaires pour un moulin à meules métalliques (ENSIAAC, 1989). Toutefois, ce changement technologique n'est pas sans poser quelques problèmes quand les femmes apportent des grains décortiqués manuellement, donc humides, au moulin: en dehors de la réticence des meuniers à broyer ce type de matière première (du fait du colmatage de la grille de sortie et donc des pertes de débit du moulin), on observe aussi qu'une partie de la mouture reste alors collée à l'intérieur du moulin et ne se détachera qu'après séchage partiel des produits, c'est-à-dire lors des moutures ultérieures. Les femmes sont conscientes de ce phénomène, mais semblent parfois l'accepter avec fatalité, car elles préfèrent un grain bien décortiqué et bien lavé (LOOSE, 1988) dont le goût est fermenté. L'autre possibilité, qui consiste à sécher le grain décortiqué avant passage au moulin à marteaux, est utilisée, notamment, en milieu rural en Afrique australe, au Malawi (NINJE et WEAVER, 1984), et semble aussi en cours d'adoption au Mali (SAUTIER et O'DEYE, 1989).

LES MOULINS À CYLINDRES

Le grain est écrasé entre deux meules cylindriques d'écartement fixe tournant en sens inverse, à des vitesses différentes. Il s'agit d'un procédé essentiellement industriel qui fait appel à une succession d'étapes de broyage (on serre l'écartement entre les cylindres tout au long du diagramme) et de séparation (tamisage, sassage, table densimétrique) des produits; le diagramme de mouture est optimisé pour produire un maximum (rendement proche de 60 %) de grosses semoules (grits) appauvries en lipides (moins de 0,8 %). Pour cela, la première étape consiste en un dégermage, qui nécessite généralement un conditionnement préalable des grains en humidité (proche de 20 %). Il existe toutefois des dégermeurs qui peuvent fonctionner sur grains secs (moins de 15 % d'eau), mais qui aboutissent à des grits comportant plus de 1 % de lipides (WILLM, 1991; OLATUNJI, 1991). Le raffinage des grits coûte cher en termes de rendements; ainsi, on passe au Nigeria d'un rendement en grits proche de 60 % pour des produits comprenant 1,5 % de lipides à un rendement inférieur à 60 % quand la teneur en lipides est inférieure à 1 % (OLATUNJI, 1991). On notera, par ailleurs, que les grains durs donneront des rendements en grits supérieurs à ceux des grains tendres (ALEXANDRE et al., 1993).

Les produits marchands issus de la première transformation

On peut obtenir toute une famille de produits de première transformation, selon le diagramme et les technologies employés (figure 5). Il faut en fait distinguer deux types principaux de produits de première transformation en Afrique de l'Ouest qui sont à la base de l'alimentation quotidienne:

Nous donnerons quelques exemples de produits marchands de première transformation obtenus par ces deux filières en Afrique de l'Ouest; il s'agit essentiellement de produits artisanaux. Nous citerons aussi quelques exemples de productions semi-industrielle et industrielle, comme la production d'amidon de maïs.

Les grains décortiqués, les semoules et les farines

LES PRODUITS ARTISANAUX

• Les grains décortiqués

Le décorticage est une étape non obligatoire du processus de transformation primaire du maïs; il est peu pratiqué au Sénégal (AGEL et YOUNG, 1985), et inexistant au sud du Bénin, par exemple. On peut toutefois trouver des grains décortiqués sur les marchés à Bamako (Mali) ou à Abidjan (Côte-d'Ivoire); ces produits sont en général obtenus par décorticage à l'aide d'un appareil de type Engelberg; étant peu humidifiés avant décorticage, les grains de maïs décortiqués peuvent être conservés un mois. S'agissant d'un procédé de transformation simple et entièrement mécanisé, il n'entre pas dans le domaine de compétence des femmes; les grains décortiqués sont ainsi commercialisés par les détaillants de grains (FUSILLIER, 1991; HOLTZMAN et al., 1991).

• Les semoules

La production artisanale de semoules est plus diversifiée. A Abidjan, les détaillants commercialisent des grosses semoules obtenues par simple concassage des grains décortiqués au moulin de quartier (FUSILLIER, 1991). Au Mali, en revanche, il s'agit d'une production complexe, effectuée par une soixantaine de femmes à Bamako: les grains sont décortiqués à l'aide d'un décortiqueur de type Engelberg, vannés pour éliminer les résidus de sons non séparés par le décortiqueur, puis broyés au moulin de quartier. Le produit est alors scindé en trois fractions par deux tamisages successifs; la farine est écartée (réservée à la consommation familiale), tandis que les fines et grosses semoules sont lavées puis séchées. Il s'agit d'un produit «de luxe» vendu à 300 FCFA le kilo, en moyenne, par sachets en plastique de 500 à 700 g (KANTAO, 1988; HOLTZMAN et al., 1991).

• Les farines

A Ouagadougou (Burkina Faso), SOMDA (1988) a recensé de façon exhaustive 181 productrices-vendeuses de farines de céréales, qui transformeraient en moyenne 3 tonnes de céréales par jour; les produits principaux sont les farines fines séchées de maïs blanc et de sorgho. Elles sont obtenues (figure 6) par décorticage mécanisé, à l'aide d'un appareil de type Engelberg, trempage du grain décortiqué puis broyage au moulin à disques. Les farines fines obtenues sont alors séchées avant leur vente au marché. La clientèle est essentiellement constituée de jeunes couples et de couples de fonctionnaires. De façon similaire, à Abidjan, FUSILLIER (1991) a recensé 81 productrices-vendeuses de farines dont le produit principal est une farine, de maïs cendrée (par adjonction de cristaux de potasse).

A Cotonou (Bénin), la farine de maïs est obtenue par mouture directe du grain sec à l'aide d'un moulin à disques métalliques. il faut en moyenne trois passages pour obtenir une farine jugée suffisamment fine (figure 6); le coût de mouture du maïs sec est ainsi deux fois plus élevé que celui du maïs humide (NAGO et HOUNHOUIGAN, 1990). Le commerce de farine reste limité, puisqu'il ne représente que 1,5 % de la quantité totale produite (tableau V).

Figure 6. Production artisanale des farines de maïs à Ouagadougou au Burkina Faso et à Cotonou au Bénin (d'après Somda, 1988; Thuillier et al., 1991).

Tableau V. Répartition des quantités de maïs transformé quotidiennement à Cotonou en fonction du type de première transformation et de la destination du produit (d'après NAGO et HOUNHOUIGAN, 1990).

Quantité de grain transformé (t/jour) Produit de première transformation
Farine Ogui Mawé Total
Pour la consommation familiale 56,7 7,1 3,3 67,1
Pour la vente 1,0 0 10,5 11,5
Pour la vente après seconde transformation 11,8 42,2 6,0 60,0
Total 69,5 49,3 19,8 138,6

Globalement, le commerce des grains décortiqués, semoules et farines de maïs produits artisanalement reste peu développé en Afrique de l'Ouest. Il s'agit, de plus, d'une activité essentiellement citadine. On peut distinguer, d'une part, les produits issus d'une simple transformation mécanisée du grain (décorticage, mouture grossière) qui sont commercialisés par les hommes, d'autre part, les produits raffinés (semoules ou farines) qui relèvent d'une spécialisation féminine. La commercialisation des farines, en particulier, semble être freinée par un manque de confiance des consommateurs en ce qui concerne la propreté du produit (SOMDA, 1988; HOLTZMAN et al., 1991).

LES PRODUITS INDUSTRIELS ET SEMI-INDUSTRIELS

En dehors de ces activités artisanales, il existe aussi au Sénégal et au Mali des mini-minoteries villageoises qui sont équipées de décortiqueurs à disques abrasifs et de broyeurs à meules ou à marteaux; ces unités sont destinées à produire des semoules et farines de maïs, vendues sur le marché local et urbain. Les diagrammes technologiques sont identiques dans les deux pays, avec une mécanisation de l'ensemble des opérations: les grains sont décortiqués (avec un taux modéré, de 14 à 17 %), broyés grossièrement, et les différents produits (une farine et deux ou trois semoules) séparés par tamisage (SALCEDO et NDIAYE, 1991; GOITA, 1991). Si les semoules se vendent assez bien, on observe en revanche un problème de qualité de la farine: celle-ci n'est pas adaptée pour la fabrication du (GOITA 1991), plat de base fabriqué à partir des farines de maïs, de mil et de sorgho au Mali. Quant aux semoules, elles sont souvent rebroyées en farine par les consommateurs, avant leur utilisation finale (TOMETY, 1988). il existe, par ailleurs, au Sénégal, à Keur Samba Gueye, une unité semi-industrielle pour la production de grits par mouture semi-humide sur cylindres (MEUSER et al., 1986). Mais les consommateurs reprochent à ces produits un manque de purification (TOMETY, 1988); la présence de sons (arrière-goût désagréable) et de lipides (mauvaise conservation).

Il existe, enfin, une filière industrielle de production de semoules et de grits de maïs dans de nombreux pays d'Afrique de l'Ouest (BRICAS, 1982); mais elle fonctionne rarement de façon régulière. Cette filière est essentiellement destinée à la production de grits de brasserie par mouture sèche ou semi-humide (moulins à cylindres) avec un dégermage préalable du grain. Les diagrammes industriels de mouture sur cylindres nécessitent, pour un fonctionnement optimal, des lots de grains homogènes tant en taille, forme et dureté qu'en humidité initiale. Ainsi, la société Maïscam, au Cameroun, s'approvisionne peu sur le marché local; elle demande en effet des lots de maïs de 100 tonnes que peuvent difficilement fournir les grossistes locaux (FUSILLIER, 1993). Il semble toutefois que les maïs produits dans la région de la Bénoué aient été fort appréciés, car à grain dur et permettant ainsi un gain de rendement en grits important (DEVAUTOUR, 1990). Comme pour la filière semi-industrielle, les farines (sous-produits de fabrication des semoules et grits), sont difficilement commercialisées.

Les pâtes fermentées: une spécialité du golfe du Bénin

Dans le golfe du Bénin, et à Cotonou en particulier, près de 50 % du maïs est broyé sous forme humide afin de donner des pâtes fermentées appelées ogui et mawè (figure 7) qui sont la base de nombreux plats. Le mawè occupe une place particulière; en effet, 50 % du mawè fabriqué est commercialisé comme produit intermédiaire (tableau V).

Le mawè destiné à la vente est obtenu après deux étapes de broyage, séparées par un tamisage et un lavage des produits: le rendement de transformation est proche de 70 % (en base sèche). Il s'agit d'un produit raffiné (pauvre en lipides, fibres et cendres), humide (contenant près de 50 % d'eau), conservé emballé à l'abri de l'air, et qui développe ainsi une fermentation de type lactique (HOUNHOUIGAN et al., 1993). Il peut se conserver durant quatre ou cinq jours. Si le mawè existait déjà en tant que produit familial, le produit commercial se distingue par sa qualité, mais aussi parce qu'il tend à révolutionner le marché des produits céréaliers semi-finis à Cotonou: il constitue ainsi à lui seul plus de 90 % des produits intermédiaires du maïs qui sont vendus sur Cotonou, contre 10 % environ pour la farine sèche (tableau V). Ce nouveau concept commence déja à essaimer dans d'autres pays d'Afrique de l'Ouest, puisque l'on retrouve un produit dénommé mawè Cotonou á Lóme, au Togo (MAZAUD et al. 1979).

L'amidon: un produit industriel

L'extraction de l'amidon est l'un des principaux débouchés du maïs dans les pays développés.

L'amidon est extrait de l'albumen après broyage du grain en milieu humide. Pour faciliter cette extraction et la séparation des différents constituants, le grain est mis à tremper pendant plusieurs heures (WATSON, 1984) à 50 °C environ dans une solution aqueuse enrichie en S02 et en acide lactique. Le grain est attendri par cette opération: le germe et le péricarpe deviennent élastiques, tandis que l'albumen devient friable. L'attaque chimique par le S02 et l'acide lactique facilite par ailleurs la libération de l'amidon. Le grain est ensuite soumis à une succession de broyages et tamisages; l'amidon est extrait et purifié par centrifugation puis séché.

L'extraction d'amidon du grain de maïs fait donc appel à une technologie sophistiquée, difficilement maîtrisable de façon artisanale. S'il existe de petites unités d'extraction d'amidon des racines, des tubercules et des stipes de palmiers (CECIL, 1992), on ne rencontre pas ce type d'unités pour le traitement des céréales (FAURE, 1993). Il faut toutefois noter que la production traditionnelle d'ogui (cf. étude de cas) est assez voisine de la technologie d'extraction de l'amidon, mais qu'il s'àgit alors d'un produit précuit, fermenté et insuffisament purifié, dont les propriétés ne correspondraient pas forcément à la demande industrielle.

Figure 7. Fabrication de l'ogui et du mawè commercial (d'après Korthal Altes, 1976; Steinkraus, 1977; Umoh et Fields, 1981; Adeyemi et al., 1987; Hounhouigan et al.,1993)

En Afrique, il existe huit unités industrielles de production d'amidon de céréales, dont six sont situées en Afrique australe (HUGO, 1993). L'approvisionnement en matières premières de ces unités entre en concurrence avec les utilisations alimentaires des céréales; leur avenir et leur développement sont donc incertains.

Il faut noter également que les débouchés de l'amidon sont généralement de type industriel (alimentaire ou non alimentaire) et que la principale raison des échecs d'implantation des petites unités de production d'amidon est la faiblesse ou la non-maîtrise du marché du produit (CECIL, 1992).

Il est donc fort improbable que ce type de transformation puisse avoir un intérêt en milieu rural en Afrique.

La seconde transformation du grain

La seconde transformation met en oeuvre des farines et des semoules pour fabriquer des aliments prêts à consommer ou des produits de cuisson et préparation rapides.

La valorisation des céréales locales africaines, et du maïs en particulier, a fait l'objet de nombreuses études de laboratoire (plus de mille publications ont été recensées, et 146 laboratoires ont travaillé sur ce thème), mais très peu ont été suivies d'applications pratiques (SAUTIER et O'DEYE, 1989).

Les produits industriels ou semi-industriels

Les produits fabriqués en Afrique

LE PAIN ET LES PÀTES ALIMENTAIRES

En Afrique, la substitution partielle du blé pour la fabrication de pain et de pâtes alimentaires a été la principale voie de recherche étudiée pour la valorisation des céréales locales. Cette voie nécessite l'utilisation de farine de céréales locales, produite par mouture sèche en éliminant les matières grasses du germe et les fibres du péricarpe, et ayant par ailleurs une granulométrie inférieure à 180 micromètres. Pour la panification, le taux de substitution à la farine de blé peut alors atteindre 15 à 20 %, avec parfois quelques modifications du procédé de panification comme l'ajout d'additifs variés (monoglycérides, farine de soja, matières grasses solides, etc.) ou un pétrissage séparé et/ou intensifié (SAUTIER et O'DEYE, 1989). Pour la pastification, le taux de substitution peut atteindre 50 %, moyennant une adaptation du procédé de pastification (MESTRES et al., 1990).

Cependant, à l'heure actuelle, ces deux filières ne sont plus utilisées pour la valorisation des céréales locales, du fait, en particulier, d'un rejet des produits par les consommateurs (SAUTIER et O'DEYE, 1989).

LA BRASSERIE

Le marché de la brasserie représente 5 % du marché du maïs en Côte-d'Ivoire et près de 10 % au Cameroun (FUSILLIER, 1991 et 1993).

Les brasseries industrielles, présentes dans la plupart des pays d'Afrique de l'Ouest, utilisent en partie du maïs (environ 30 %) sous forme de grits, dont elles exigent une teneur en lipides inférieure à 1 %, nécessitant ainsi un dégermage poussé du grain de maïs. Au vu de cette qualité recherchée, elles ne peuvent s'approvisionner qu'auprès des maïseries industrielles locales ou auprès du marché international. Il faut toutefois noter qu'il est parfaitement possible de produire une bière de qualité (et qui se conserve six semaines sans dégradation notable) avec des semoules de maïs entier contenant plus de 4 % de lipides, si cette matière première est utilisée rapidement après sa fabrication, afin d'éviter la formation d'acides gras qui donneraient à la bière un goût indésirable (HuG et PFENNINGER, 1980). Ces auteurs préconisent ainsi des unités industrielles intégrées produisant les semoules de maïs au fur et à mesure de leur utilisation en brasserie.

LES FARINES INFANTILES, LE COUSCOUS ET LES BISCUITS

Nous ne citerons que pour exemple ces utilisations industrielles du maïs, qui ne sont que peu ou pas pratiquées, si ce n'est au Nigeria, où il existe par exemple trois types de bouillies infantiles produites industriellement (OLATUNJI, 1993). La fabrication industrielle de biscuits à base de maïs et de couscous de maïs ne présente pas de difficultés techniques majeures.

LES ALIMENTS POUR ANIMAUX

La fabrication des aliments pour animaux peut être un débouché important du maïs dans certains pays africains; ainsi, au Cameroun et en Côte-d'Ivoire, le secteur de la provenderie constitue près d'un tiers du marché commercial du maïs local (FUSILLER, 1991 et 1993).

Dans ces deux pays, un aliment pour poulets est constitué en majorité de maïs (environ 60 %), avec en particulier des compléments riches en protéines (farine de poissons, tourteaux de soja ou de coton) qui représentent près de 25 % du coût de l'aliment final. La principale contrainte à l'utilisation du maïs local reste le problème du séchage du grain et le coût de stockage (FUSILLIER, 1991 et 1993).

On peut toutefois se demander si l'utilisation des variétés de maïs QPM ne permettrait pas d'abaisser le coût de ce type d'aliment par une diminution des apports protéiques complémentaires nécessaires.

Les farines de maïs précuites en Amérique latine

Il existe en Amérique latine deux farines de maïs précuites produites de manière industrielle ou semi-industrielle: la masa, ou farine nixtamalisée, et la farine pour arepa (figure 8).

Au Mexique, ainsi que dans la plupart des pays d'Amérique centrale, la consommation de maïs est presque toujours associée à la nixtamalisation, procédé de cuisson alcaline du grain de maïs entier (cf. supra), qui est ensuite broyé pour donner la masa, source d'une multitude de produits secondaires. En mode manuel, le broyage du nixtamal est une opération longue et pénible: il demande quotidiennement près de trois heures aux femmes (FERRE, 1992). C'est pourquoi une filière artisanale de production de la masa s'est développée. Par exemple, au Mexique, NOVELLO et GARCIA (1987) ont dénombré 12 000 moulins à nixtamal qui préparent et vendent de la masa aux particuliers. Cette filière produisait alors près de 40 % de la masa. Il existe aussi une filière industrielle qui produit une farine nixtamalisée sèche. Toutefois, ce produit n'est pas adapté aux matériels de seconde transformation (problème de texture) et aux demandes des consommateurs (couleur); la filière industrielle (16 unités de production de farine) ne fournit que 10 % des produits nixtamalisés mexicains (JAVIER HARO DE ALBA, 1985).

Au Venezuela, le maïs est essentiellement consommé sous forme d'arepas, qui sont des sortes de galettes. Cependant, l'urbanisation croissante a rendu difficile la préparation traditionnelle de ce produit, si bien qu'une filière industrielle s'est développée pour répondre à la demande des urbains. Il existe ainsi une dizaine d'unités industrielles de production de farines précuites pour arepas qui transforment environ 700 000 tonnes de maïs par an (ABLAN, 1993; ROONEY et SERNA-SALDIVAR, 1987); la reconstitution d'arepas à partir de cette farine ne demande alors plus que quelques minutes de préparations. Le procédé industriel se distingue du procédé traditionnel par l'introduction d'une étape de floconnage (figure8). Contrairement à la situation observée au Mexique, c'est cette fois la filière industrielle, avec l'introduction d'une innovation technologique, qui a le mieux répondu à la demande des consommateurs: on estime ainsi que, en moyenne, chaque Vénézuélien consomme annuellement 30 kg de farine précuite pour arepas (ABLAN, 1993).

Figure 8. Fabrication de la farine pourarepas (Venezuela) et pour la masa (Mexique). (D'après Rooney et Sema-Saidivar, 1987; Mestres et al., 1991).

Les produits traditionnels artisanaux

On peut distinguer cinq grands types de produits traditionnels artisanaux de seconde transformation du maïs (tableau VI). En Afrique de l'Ouest, les produits les plus consommés sont les bouillies et les pâtes cuites, fermentées ou non. On peut toutefois classer les pays d'Afrique de l'Ouest en deux catégories:

Tableau VI. Les différentes familles de plats fabriqués à base de maïs.

Type de plat Nom (Zone géographique)
Pains et galettes  
Non levés, non fermentés Tortilla (Mexique), arepa(Venezuela)
Fermentés et/ou levés Injera (Ethiopie), ablo (Bénin)
Bouillies et pâtes cuites  
Non fermentées Owo (Bénin), Couscous(Cameroun), tô (zone sahélienne)
Fermentées Akassa, ogui et kenkey (Golfe du Bénin)
Produits roulés  
Etuvés Yéké-yéké (Togo, Bénin)
Cuits à l'eau Aklui (Bénin), arraw (Sénégal), moni (Mali)
Produits frits Beignets (Bénin, Cameroun), tostadas et empanadas (Mexique)
Boissons  
Non alcooliques Akpan (Bénin), Uji (Nigéria)
Alcooliques Bières, chakpalo et sodabi(Bénin)

En Afrique de l'Ouest, il n'existe quasiment pas de produits de seconde transformation des céréales locales - du maïs en particulier - d'origine industrielle ou semi-industrielle. En revanche, le secteur informel artisanal de production et de vente de plats céréaliers, notamment à base de maïs, est assez bien développé, surtout dans les pays du golfe du Bénin.

Nous donnerons quelques exemples de valorisation artisanale des produits de base, des produits de grignotage et des boissons.

Les produits de base

Nous prendrons comme exemple deux produits de base béninois: l'akassa et l'aklui.

L'akassa est une pâte cuite fermentée, produite à partir du mawè ou de l'ogui.: après cuisson de la pâte fermentée, le produit est façonné en boule et enveloppé dans des feuilles de teck, de Sterculia tragencata ou de Thalia weltwitshi. Il s'agit d'un produit très largement diffusé (les trois quarts des pâtes fermentées sont destinés à cette production), et qui fait l'objet d'un commerce florissant à Cotonou: NAGO et HOUNHOUIGAN (1990) ont ainsi dénombré plus de 1 300 productrices-vendeuses d'akassa qui transforment quotidiennement près de 33 tonnes de maïs, soit un quart environ du maïs transformé quotidiennement à Cotonou, toutes utilisations confondues (figure 9). On voit donc bien par cet exemple l'importance de l'artisanat alimentaire dans l'alimentation quotidienne des urbains.

Les bouillies parsemées de granules tel l'aklui au Bénin, le moni au Mali ou l'arraw au Sénégal sont avant tout des produits de petit déjeuner. L'aklui est fabriqué à partir du mawè, par granulation de celui-ci puis cuisson en eau bouillante (figure 10). A Cotonou, l'aklui est le deuxième plat le plus consommé le matin après le riz (ALEXANDRE et al., 1993); 200 productrices-vendeuses se consacrent quotidiennement à ce produit (NAGO et HOUNHOUIGAN, 1990). La vente s'effectue aussi bien dans la rue qu'à domicile. Mais, dans tous les cas, il s'agit d'un achat individuel et non familial (ALEXANDRE et al., 1993). La grande majorité des femmes (86 %) préféreraient acheter ce produit plutôt que de le fabriquer; une partie seulement des femmes possède le savoir-faire nécessaire.

Il existe cependant une certaine suspicion envers la qualité hygiénique et organoleptique du produit, et sa consommation diminue quand le revenu moyen et le niveau d'instruction des ménages augmentent. Cet exemple montre cette fois que l'artisanat alimentaire n'a pas su totalement répondre à la demande des consommateurs et qu'il existe sans doute un marché potentiel à conquérir par une amélioration de la production artisanale et/ou par son industrialisation, au moins partielle. On notera à cet égard le relatif succès commercial (jusqu'à 100 tonnes de produit vendues annuellement) des farines infantiles fabriquées par le centre horticole de Ouando (FRANÇOIS, 1988). Avec un prix de vente moyen de 225 FCFA par sachet de 500 g, soit 45 FCFA environ par kilo de bouillie préparée (si on admet un coefficient de dilution de 10), ces farines visent un créneau voisin de l'aklui, avec un coût similaire: le bol d'aklui (400 à 500 g) est vendu 25 FCFA (ALEXANDRE et al., 1993).

Figure 9. Répartition de la destination du maïs transformé quotidiennement à Cotonou au Bénin.

Figure 10. Fabrication de l'aklui (d'après Alexandre et al., 1993

Les produits de grignotage

Parmi les produits de grignotage, on compte les beignets à base de maïs, mais aussi l'ablo, un petit «pain» béninois.

Les beignets à base de maïs sont fréquemment consommés comme produit de grignotage ou comme petit déjeuner au Bénin ou au Cameroun. Il existe de nombreuses recettes (figure 11) utilisant un mélange de farine de maïs, avec de la farine de banane et/ou de la farine de blé ou nécessitant l'emploi d'une poudre d'écorce séchée (Kellet) ayant des propriétés visco-élastiques.

A Ziguinchor, au Sénégal, la production de beignets de maïs nixtamalisé a récemment été développée (MESTRES ET FERRÉ, 1993). Des produits originaux salés ou sucrés frits (figure 12) ont en particulier été créés pour répondre à la demande locale, qui était réticente au goût spécifique des produits nixtamalisés. Les produits obtenus sont vendus à la fois en poste fixe, dans un kiosque, et en vente ambulante. Le développement de tels produits se heurte toutefois encore au problème de broyage du grain nixtamalisé, très délicat à réaliser à l'aide des moulins de quartier (à marteaux) disponibles sur place.

L'ablo est originairement fabriqué à partir du mawè celui-ci est précuit, puis soumis à une fermentation de type panaire (avec ajout de levure) avant d'être cuit à la vapeur sous forme de boulettes enveloppées de feuilles végétales ou de feuilles en plastique. On obtient alors un petit pain qui présente une structure alvéolaire régulière et qui est consommé comme produit de grignotage. NAGO et HOUNHOUIGAN (1990) Ont ainsi recensé 120 productrices-vendeuses d'ablo à Cotonou. Toutefois, la difficulté de réalisation de ce type de petits pains fait que les productrices ont tendance à substituer une farine de riz au mawè.

Les boissons

Il existe deux types de boissons à base de maïs commercialisées en Afrique de l'Ouest. Au Bénin, on trouve en particulier:

Les bières peuvent être produites artisanalement ou de manière industrielle. Du fait de cette concurrence, on assiste, à Cotonou par exemple, à une diminution du marché des produits artisanaux (DEVAUTOUR, 1990), Les productrices-vendeuses se sont alors tournées vers un marché moins concurrentiel, celui des sodas. Elles ont ainsi modifié leur protocole de fabrication (figure 13), développant un nouveau produit, le chakpalo sucré, qui touche une clientèle plus vaste que celle des bières, en particulier les femmes et les enfants.

Cette démarche illustre l'adaptation du milieu artisanal marchand à une évolution de l'offre et de la demande.

Perspectives technologiques pour la valorisation du maïs

La valorisation de la biomasse

Dans le système de production agricole habituellement utilisé, tant en Afrique qu'en Europe, les pailles de maïs représentent 90 % de la matière organique laissée sur le champ. Leur prélèvement pour d'autres types d'utilisations au niveau du village (alimentation animale, énergie) devra donc d'abord être réfléchi en fonction de la diminution dangereuse du taux de matière organique des sois qu'il peut entraîner.

Sous réserve de cette remarque, nous avons pu voir que certaines valorisations de cette biomasse sont possibles dans le contexte d'un village africain, en particulier pour l'alimentation animale (ensilage ou pâturage des chaumes) et pour l'énergie (substitution partielle au bois de feu, production combinée de biogaz et de compost).

Contrairement aux pailles, les rafles peuvent être intégralement prélevées car elles ne représentent que 9 % de la matière organique. Leur prélèvement, qui est d'ailleurs généralement pratiqué en Afrique, où la récolte s'effectue en épis, a donc une incidence agronomique négligeable. Nous avons pu voir que certaines valorisations des rafles sont possibles dans le contexte du village africain (alimentation animale, ensilage, litière; énergie en cuisine domestique) et sont d'ailleurs déjà en partie pratiquées.

Figure 11. Fabrication des beignets (d'après Thuillier et al. 1991; Sylvestre, comm. pers.).

Figure 12. Production des produits nixtamalisés expérimentés à Ziguinchor, au Sénégal (d'après Mestres et al., 1991.

Figure 13. Fabrication du chakpalo sucré (d'après Devautour, 1990).

La qualité du grain

Le choix de la qualité du grain est à raisonner en fonction du type de première transformation utilisé: on préférera en particulier un grain dur si le décorticage est pratiqué, afin de limiter les pertes lors de cette opération, et un grain tendre si le broyage est effectué à sec, en particulier s'il est réalisé à l'aide de moulins à disques. Pour une valorisation industrielle des grains (maïserie), ce sont, d'une part, l'homogénéité des lots et, d'autre part, leur taux d'humidité qui sont les deux critères principaux.

On peut se demander si les variétés QPM, à grain riche en lysine et tryptophane, dont les principaux défauts - tant sur le plan agronomique que sur celui de la qualité des grains (ils sont maintenant semi-vitreux) - ont été largement maîtrisés, ne peuvent être promues, au moins dans le domaine de l'alimentation animale dans un premier temps.

Le stockage du grain

Les choix techniques effectués par les producteurs pour les opérations de séchage-stockage et d'égrenage du maïs dépendent, en particulier, de trois facteurs.

La zone climatique

En zone humide, une très grande importance doit être accordée au séchage qui s'effectuera préférentiellement en épis (cribs ou générateurs d'air chaud utilisant la rafle comme combustible).

En zone sèche, les techniques traditionnelles sont en général bien adaptées. La qualité des grains après séchage de finition (très secs) permet d'envisager le stockage en grains, en particulier en sacs.

Les exigences du marché

Les exigences des circuits commerciaux (manutention et transport en sacs) peuvent amener les producteurs à privilégier le stockage en sacs pour éviter de multiples manipulations. Par ailleurs, certains marchés, en particulier industriels - maïseries, provenderies -, définissent un cahier des charges de la qualité du produit: pourcentage d'impuretés, de grains cassés; humidité; présence de moisissures; homogénéité. L'accès à ces marchés passe pour les producteurs par le respect de cette qualité, et donc en particulier par un séchage satisfaisant.

Les modes de production agricole

Nous avons vu que certaines techniques des opérations de séchage-stockage-égrenage sont liées au sein de «paquets technologiques» à certaines techniques de production. La modification de la productivité impose de nouveaux choix dans ces opérations (cribs).

Un enjeu de la recherche est la mise au point de séchoirs de petite taille, en particulier pour les zones humides, utilisant comme source énergétique la rafle de maïs (cf. recherches de l'IRRI sur les séchoirs à balles de riz).

Faut-il décortiquer, et par quel moyen

Le décorticage est dans tous les cas une opération coûteuse en temps de transformation, ou en termes monétaires si elle est mécanisée, mais aussi en termes de rendements (75 à 90 %) et de qualité nutritionnelle: lors de l'abrasion du grain, on enlève aussi généralement la couche à aleurone et une partie du germe, qui sont deux fractions du grain riches en protéines de qualité nutritionnelle élevée.

Le décorticage, par abrasion externe du grain, ne permet jamais un dégermage total du grain.

Le décorticage n'est véritablement nécessaire que lorsque l'on veut obtenir des produits de mouture grossiers (semoules) pour lesquels les sons nuisent à la qualité organoleptique, et dans lesquels ils ne peuvent être éliminés par simple tamisage. En revanche, pour la production de farine, le décorticage n'est pas indispensable: les sons, réduits en particules très fines, ne nuisent généralement pas à la qualité du produit final.

Les décortiqueurs à disques abrasifs semblent donner de meilleurs résultats, en termes de rendements, que les décortiqueurs de type Engelberg. Ceux-ci ont toutefois une plus grande polyvalence. Il faut noter qu'il existe une méthode de décorticage chimique par voie humide, utilisée en Amérique latine, la nixtamalisation, qui permet une élimination totale du péricarpe sans toucher au germe.

Le problème du dégermage

L'élimination du germe, et des lipides qu'il contient, permet a priori d'allonger la durée de vie des produits par une diminution du phénomène de rancissement. Le germe étant une partie importante du grain (plus de 10 % en moyenne), et son élimination étant accompagnée de celle du péricarpe, l'opération de dégermage se fera avec une perte de 30 à 40 % du grain.

Le dégermage ne peut s'effectuer qu'après fragmentation du grain, par des opérations de tamisage, lavage ou sassage. Les unités industrielles (maïseries) permettent un dégermage efficace du maïs, mais il n'existe pas de technologie de dégermage à sec artisanal ou semi-industriel. Toutefois, il se développe au Bénin une technologie artisanale de production d'une pâte, ou farine, fermentée dégermée (le mawè) qui peut représenter une possibilité intéressante pour la valorisation du maïs. Mais il s'agit d'un produit humide, dont la durée de conservation reste modérée (quatre à cinq jours).

A court terme, on ne peut donc envisager de dégermage à sec dans des unités de transformation rurales du maïs.

Moulins à disques ou broyeurs à marteaux?

Les broyeurs à marteaux sont particulièrement adaptés pour le broyage des grains secs, tandis que les moulins à disques, plus polyvalents, sont particulièrement intéressants pour le broyage des grains humides: le broyage des grains secs ne peut être effectué que par plusieurs passages au moulin à disques.

Il existe maintenant des fabrications artisanales locales de ces deux types de broyeurs. Mais les broyeurs à marteaux restent en général moins chers à l'achat et au fonctionnement que les moulins à disques. C'est pourquoi les broyeurs à marteaux semblent maintenant se développer plus rapidement que les moulins à meules. Cette évolution privilégie toutefois la voie de transformation à sec des grains, au détriment de la diversité des produits obtenus qui est l'apanage de la voie humide.

Les produits semi-finis

Le développement de la mécanisation a induit l'apparition de nouveaux produits commerciaux, comme les grains décortiqués ou les semoules grossières obtenues par concassage des grains décortiqués.

Ces produits sont intéressants car ils laissent la maîtrise de la qualité du produit fini aux ménagères -il n'y a donc pas de doute quant à la qualité du produit semi-fini qui est vanné, lavé et souvent rebroyé avant utilisation. Les expériences de mini-minoteries au Sénégal ou au Mali ont ainsi montré que les semoules de maïs sont assez bien vendues sur le marché local.

Ces produits, d'une durée de conservation probable de plusieurs mois, pourraient par ailleurs être obtenus en milieu rural puis vendus en milieu urbain.

Les produits prêts à cuire

Le marché des produits prêts à cuire est encore peu développé; il existe en effet une véritable crise de confiance du consommateur vis-à-vis de ce type de produits, et des farines sèches en particulier. On remarque, en revanche, le développement du marché d'un produit fermenté comme le mawè; il s'agit d'un produit purifié (dégermé) qui semble bénéficier d'une bonne image de marque, malgré une durée de vie réduite (quelques jours). Ainsi, à Cotonou, où les voies sèche et humide sont globalement à égalité en tonnage de grain transformé, il se vend neuf fois plus de mawè que de farine sèche.

On a noté par ailleurs un problème réel de qualité organoleptique des farines obtenues comme sous-produit de la fabrication des semoules (ces farines sont impropres à la fabrication du tô ou de la «boule»), pour tous les types de transformation: artisanal (les vendeuses de semoules à Bamako), semi-industriel (les mini-minoteries au Sénégal et au Mali) ou industriel (maïserie au Cameroun).

Les produits finis

Dans les pays du golfe du Bénin, le maïs fait l'objet d'une multitude de transformations aboutissant à plus de 40 plats différents à base de maïs. il existe dans ces pays un artisanat alimentaire dynamique qui a ainsi créé, par exemple, deux nouveaux produits marchands à Cotonou: le mawè commercial et le chakpalo sucré.

En revanche, dans les pays sahéliens, les utilisations du maïs reprennent en général celles employées pour le sorgho et le mil. Il semble exister dans ces pays une lacune dans la diversité des plats préparés à base de maïs, et on ne trouve généralement pas de produits transformés marchands à base de maïs. Cette faible diversité alimentaire et l'absence d'une place et d'une image spécifiques du maïs dans le régime alimentaire des sahéliens peut constituer, à terme, un frein à son développement. Après l'échec de la valorisation des céréales locales, et du maïs en particulier, en substitution partielle du blé dans le pain et les pâtes alimentaires, on ne peut que préconiser le développement d'utilisations nouvelles, plus facilement accessibles à l'artisanat alimentaire. On pourrait envisager en particulier l'introduction dans les pays sahéliens de méthodes de transformation et de recettes utilisées dans les pays du golfe du Bénin (mawè, ablo, beignets, aklui, par exemple) ou dans les pays d'Amérique latine, comme les produits nixtamalisés (voir l'expérience à Ziguinchor au Sénégal). Il faut toutefois noter que le développement de cette nouvelle diversité alimentaire nécessitera l'utilisation de broyeurs de grains humides (ce qui pose déjà des problèmes, au Sénégal par exemple, pour l'expérience sur des produits nixtamalisés).

continue


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