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Expériences et acquis pays dans la culture du maïs au sud du Bénin

Patrice ADEGBOLA
Projet RAMR/DRA, Lokossa, Bénin

Résumé. Dans le département du Mono, au Bénin, la culture du maïs occupe une place importante dans le système cultural. Les paysans ont mis au point des stratégies de production de maïs pour mieux gérer leurs ressources et les risques. Par ces stratégies, ils exploitent à bon escient les capacités de la nature. Toutefois, ils sont confrontés à des problèmes auxquels la recherche en milieu réel essaie de trouver des solutions, La plus importante est la fertilité des sols. Des technologies à faible utilisation d'intrants intégrant des légumineuses ont été préconisées. Des résultats assez intéressants sont obtenus. Des variétés à haut rendement de maïs sont également testées.

Mots clés. Maïs, système de culture, stratégie paysanne, technologie, variété à haut rendement.

La faible adoption des résultats de recherche par les paysans a conduit, en 1981, les acteurs du développement agricole béninois à adopter une approche de recherche-développement. C'est dans ce cadre que le projet RAMR (Recherche appliquée en milieu réel) de l'Institut national de recherches agricoles du Bénin (INRAB) a lancé ses activités dans le Mono, en 1986.

La RAMR a pour but d'identifier et de tester avec les paysans des innovations agricoles de faible coût, adaptées aux besoins et aux conditions locales. Les activités ont été orientées selon deux axes:

Sont exposés ici les connaissances endogènes en culture du maïs et les résultats de recherche en milieu paysan sur l'amélioration de la culture du maïs dans le Mono.

Après une caractérisation de la zone de recherche, les systèmes de culture à base de maïs sont présentés, puis les résultats de recherche ut

Caractérisation de la zone de recherche

Le département du Mono se situe au sud-ouest du Bénin (figure 1). Il couvre une superficie de 3 800 km².

Le climat de la région est de type tropical avec deux saisons de pluies, d'avril à juillet et de septembre à novembre, et une longue saison sèche, de décembre à mars. La pluviométrie moyenne annuelle est de 1 100 mm, avec de grandes variations d'une année à l'autre (de 870 à 1 800 mm).

On y distingue cinq zones agro-écologiques (figure 2), dont les plus importantes pour l'agriculture sont les plateaux de terre de barre, la dépression des Tchi et la savane arborée. C'est dans ces trois zones que le projet RAMR conduit ses recherches.

Les plateaux, Adja et Comé, sont des bandes de terre de barre constituées de sols ferrallitiques de type niti-sols séparés par une dépression. La densité moyenne de population, de 250 habitants/km², atteint 500 habitants/km² dans les sous-préfectures fortement peuplées comme Tosviklin. Environ 95 % des terres sont consacrées à l'agriculture, dont 60 % pour les cultures annuelles. La dépression des Tchi est une partie de la dépression des vertisols, communément appelée dépression de la Lama. La densité est de l'ordre de 72 habitants/km². La savane arborée est caractérisée par des sols de type ferrugineux tropicaux fragiles (20-40 cm de profondeur) et sensibles aux sécheresses et aux inondations. La densité de population est faible (20 à 40 habitants/km²).

Figure 1. Le Bénin.

Figure 2. Les zones agroécologiques du Mono.

Systèmes de culture

Pour décrire les pratiques de la culture du maïs dans le Mono et, spécifiquement, dans les zones d'intervention du projet RAMR, nous définirons successivement les objectifs, puis l'importance du maïs, les pratiques culturales, les stratégies mises en oeuvre par les paysans et les contraintes à sa production.

Objectifs et importance du maïs

Le maïs est la culture la plus importante de la grande saison, couvrant 60 à 80 % de la superficie consacrée aux cultures annuelles (STRAVER, 1989). Il est cultivé pour la consommation et pour la vente dans les Tchi. Il est destiné à l'autoconsommation dans les régions de forte densité des plateaux et dans la savane arborée. Il constitue la principale source de revenu à Tchi. Le coton et le niébé en deuxième saison sont les principales cultures de rente de la savane et des plateaux (plateau Adja). Aussi les comportements et les réactions des paysans varient-ils selon la zone agro-écologique.

Pratiques culturales du maïs

Techniques culturales

Le maïs est toujours semé en association en grande saison avec les autres cultures annuelles ou pérennes. Dans la plupart des champs et surtout sur le plateau, on note la présence du palmier à huile. Il joue un rôle important dans les systèmes de production paysans.

Les cultures annuelles peuvent être associées au maïs durant des phases de croissance et de développement (association pure).

Elles peuvent être associées seulement au cours de la phase de développement ou juste après la récolte (culture de relais) (DANGBÉGNON, 1987). Les principaux types d'association sont présentés dans le tableau I.

Une autre pratique courante est celle des cultures intercalaires. Le maïs est par exemple semé en ligne de 2 à4 m dans les champs d'arachide.

Le maïs occupe une place de choix dans les systèmes de rotation des cultures pratiquées par les paysans. Il est produit avec des technologies à faible utilisation d'intrants extérieurs. Sur les vertisols, l'engrais chimique n'est pas du tout utilisé en raison de la bonne fertilité de ces terres. Sur les plateaux, le maïs est cultivé en intégrant des légumineuses dans la rotation pour restaurer la fertilité du sol.

Les paysans combinent aussi plusieurs variétés sur un même champ. Cette stratégie vise trois objectifs:

Tableau I. Principaux types d'association.

Cultures annuelles associées au maïs Types d'association
Association pure Culture de relais
Manioc (Manihot esculenta) Souvent Parfois
Pois d'Angole (Cajanus cajan) Souvent  
Niébé (Vigna ugniculata) Rarement Souvent
Coton (Gossypol sp.)   Souvent

Source: DANGBÉGNON (Il 987).

Sur le même champ, le paysan peut également semer la même variété de maïs à différentes dates pour minimiser les risques de sécheresse.

Avec ces pratiques, les paysans obtiennent des rendements souvent faibles, se situant autour de 700 kg/ha en moyenne.

Ainsi, toutes ces pratiques correspondent d'abord et surtout à une gestion des risques de sécheresse et d'inondation. Elles découlent aussi de l'utilisation des possibilités de deux saisons pluvieuses offertes par la nature. Sur le plateau et la savane, les paysans recherchent des variétés précoces afin de libérer rapidement les terres pour les semis du second cycle. C'est également une gestion rationnelle des ressources rares dont dispose le paysan, de la terre sur le plateau Adja par exemple.

Conservation

La conservation du maïs dans des conditions traditionnelles a montré que la variété locale subit une perte de 13 à 15 % de grains, ce qui correspond à 1,5-2 % du poids. Les variétés améliorées subissent une perte deux à trois fois plus grande.

Selon les paysans de Tchi, dans les greniers traditionnels, on peut conserver le maïs de la grande saison deux ans et le maïs de la petite saison deux ans et demi, s'il est bien stocké. Pour réaliser un bon stockage du maïs, il faut s'abstenir d'ouvrir le grenier durant toute la période de stockage. Plusieurs raisons expliqueraient la meilleure conservation du maïs de petite saison:

Un épi bien couvert serait un indicateur de bonne conservation du maïs dans les conditions traditionnelles.

Certains paysans, notamment ceux de la dépression préfèrent semer surtout le maïs de cycle long (4 mois), parce qu'il se conserverait mieux et produirait plus. Toutefois, ils sèment sur une petite partie du maïs précoce pour raccourcir la période de soudure.

Dans les grandes zones de production du coton, comme la savane, les paysans utilisent des insecticides destinés au coton pour la conservation du maïs dans les greniers traditionnels (HOUNLIMASSOU et al., 1990).

Principales contraintes à la production du niais

L'analyse des systèmes de culture à base de maïs dans le Mono indique une faible productivité du maïs essentiellement due aux contraintes suivantes

Les travaux de recherche conduits par le projet RAMR ont été orientés vers ces principales contraintes en vue d'améliorer la production du maïs. Nous présenterons ici des résultats relatifs à la baisse de fertilité des sols, au contrôle d'Imperata cylindrica et aux essais de variétés améliorées de maïs.

Résultats de recherche en milieu réel

Fertilisation

Les travaux sur le relèvement et le maintien de la fertilité des sols ont été essentiellement effectués sur les terres de barre du plateau Adja. En effet, la fertilité des sols y constitue la principale contrainte à la production agricole. Sur les sols dégradés, le paysan obtient des rendements de 100 à 200 kg/ha de maïs-grain. Dans la savane, les rendements moyens de maïs dépassent régulièrement 1 500 kg/ha. Le maïs bénéficie des arrière-effets de la fumure de coton. Les vertisols de Tchi sont fertiles et très propices à la culture du maïs. Les rendements du maïs dépassent 2 t/ha en bonne saison agricole.

Les essais installés en 1986 et 1987 ont révélé que la fumure minérale ne serait économiquement rentable qu'en la combinant avec des techniques d'amendement organique (RAMR, 1989). La RAMR a eu recours aux technologies à faible utilisation d'intrants. Ainsi, les cultures en couloirs de Leucaena leucocephala et de Gliricidia sp., les jachères de Mucuna utilis et d'Acacia auriculiformis ont été introduites.

Les cultures en couloirs sont proposées pour le maintien de la fertilité. Au cours de la première et de la deuxième année, on note une diminution des rendements de maïs dans les couloirs, respectivement, de 17 % et de 24 %. A partir de la troisième année, les rendements de maïs dans les couloirs dépassent ceux du témoin. Mais il se pose encore un problème de concurrence entre le maïs et les arbustives dû à une mauvaise gestion des couloirs par les paysans. il s'accentue en cas de mauvaise pluviométrie.

La jachère de Mucuna utilis est préconisée pour les sols dégradés. Après une année de mucuna, le rendement du maïs local non fumé augmente de 117% en année de bonne pluviométrie (RAMR, 1993). L'accroissement de rendement est de l'ordre de 58 % après deux années consécutives recommandées de jachère de mucuna. Cela est essentiellement dû à la mauvaise pluviométrie de cette année.

Le rendement de maïs local sans fumure sur des parcelles dégradées est passé d'environ 600 kg/ha en 1989 à 1 120 kg/ha en 1992 après deux ans et demi d'Acacia auriculiformis. Cette année, malgré le déficit pluviométrique observé, la variété locale sans fumure a donné 902 kg/ha.

La fumure minérale n'est pas rentable sur le maïs local lorsqu'on l'associe à l'engrais vert utilisé pour relever la fertilité des sols dégradés (RAMR, 1993). Ce résultat, obtenu en 1992, a été confirmé en 1993 (RANIR, 1994). Toutefois elle accroît le rendement des variétés de maïs amélioré. Malheureusement, celles-ci ne sont pas adoptées par les paysans.

Recherche variétale

Les variétés améliorées de maïs interviennent dans tous les essais de fertilisation. Une vingtaine de variétés améliorées de maïs ont été testées depuis 1986. Les résultats de 1992 sont présentés ici.

Deux variétés améliorées de maïs, TZSR-W et NH 2, ont été comparées entre elles et aux variétés locales. L'évaluation des paysans selon leurs critères est consignée dans le tableau Il.

Résistance aux maladies et parasites au champ

Les variétés locales sont plus résistantes aux parasites au champ que les variétés améliorées. Les paysans ont constaté que le pourcentage d'épis de variétés locales moisis au champ à la récolte est plus faible que celui des variétés améliorées. Des deux variétés améliorées, NH 2 résiste mieux et, selon les paysans, elle ressemble aux variétés locales.

Tableau II. Appréciations paysannes des variétés de maïs (en pourcentage).

Critères

Variétés de maïs

  TZSR-W NH 2 locales
Résistance aux maladies et parasites au champ 10 71 90
Stockage 2 67 100
Facilité de mouture 5 94 99
Qualité de la pâte 47 83 83

Stockage du maïs

Les variétés locales se conservent mieux que les variétés améliorées. Cela serait dû au fait qu'elles sont moins parasitées à la récolte. TZSR-W ne se conserve pas du tout. Ces épis ne sont pas bien recouverts et les spathes sont également minces.

Facilité de mouture

La TZSR-W est plus difficile à moudre. Ses grains sont durs et, par conséquent, sa mouture demande beaucoup de temps. Sa mouture coûte 3 à 5 FCFA/kg plus cher que celle de la variété locale. Pour remédier à cela, les paysans l'ont mélangée au maïs local.

Qualité de la pâte

La variété NH 2 et la variété locale donnent une pâte élastique. Lorsque TZSR-W est bien moulue, elle donne une pâte aussi tendre que celle de la variété locale.

A cause de sa précocité, 80 % des paysans pensent que TZSR peut en partie remplacer les variétés locales. Elle est récoltée avant les variétés locales et peut permettre de réduire la période de soudure.

Conclusion et recommandations

Le maïs, en raison de l'importance des superficies cultivées et de la place qu'il occupe dans l'alimentation et dans les revenus des populations du Mono vient en tête dans tous les systèmes de culture pratiqués.

En général, les variétés améliorées introduites ont un meilleur rendement quand les conditions sont bonnes. Les variétés améliorées se conservent mal dans les conditions du paysan et leurs qualités organoleptiques sont peu appréciées. Les variétés ne peuvent intéresser que si l'on améliore les conditions de production, les méthodes de stockage et les prix aux producteurs. Ces variétés doivent être proposées selon les zones, par exemple les variétés précoces pour la savane arborée et les plateaux. Il faudrait encourager l'adoption des nouvelles technologies à faible utilisation d'intrants extérieurs.

La recherche de nouvelles variétés de maïs et d'autres technologies doit se faire avec la participation des paysans. Cette recherche doit prendre en compte non seulement le rendement, mais aussi la gestion des risques, les objectifs de production et les ressources de la majorité des paysans.

Références bibliographiques

DANGBÉGNON C., 1987. Systèmes de connaissance et recherche informelle paysans. Une étude de cas: la culture du maïs sur le plateau Adja (villages Dadohoué et Dékandji). Thèse d'ingénieur agronome.

HOUNLIMASSOU et al., 1990. Rapport d'étude sur la connaissance du milieu à Eglimé. MDR/DRA/RAMR, Cotonou, Bénin.

RAMR, 1988. Rapport d'activité 1987.
MDR/DRA/RAMR, Cotonou, Bénin.

RAMR, 1989. Résultats des essais du volet production végétale du projet RAMR - Campagne agricole 1988-1989. MDR/DRA/RAMR, Cotonou, Bénin.

RAMR, 1989. Agriculture dans la dépression des Tchi. Dynamique paysanne face aux aléas climatiques. MDR/DRA/RAMR, Cotonou, Bénin.

RAMR, 1993. Rapport d'activités du projet Recherche appliquée en milieu réel. Année 1992. MDR/DRA/RAMR, Cotonou, Rép. du Bénin.

RAMR, 1994. Rapport d'activité du projet Recherche appliquée en milieu réel. Année 1993. MDR/DRA/RAMR, Cotonou, Bénin.

STRAVER G., 1989. Essais agricoles: participation et appréciations des paysans. MDR/DRA/RAMR, Cotonou, Bénin.


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