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Chapitre 14 - Économie de la carbonisation et contrôle des coûts


14.1 Analyse économique et contrôle des coûts
14.2 Méthodes d'analyse économique des projets
14.3 Contrôle des coûts des entreprises existantes


On peut diviser les producteurs de charbon de bois en deux groupes. Le premier comprend tous les petits charbonniers au niveau de subsistance qui ne vendent leur charbon que pour se procurer l'argent nécessaire pour acheter de la nourriture, payer leurs impôts, etc. Économie et contrôle des coûts n'ont que peu d'intérêt pour eux; ils ont besoin d'argent liquide, et la vente d'une partie de leur charbon est un moyen d'en acquérir.

Pour le second groupe, la production et la vente du charbon de bois constituent une entreprise dans laquelle la circulation et l'accroissement du capital investi sont la préoccupation essentielle. L'économie de la production et le contrôle des prix de revient sont importants pour ce groupe.

Bien que les producteurs du premier groupe ne se préoccupent guère eux-mêmes de l'aspect économique, les autorités publiques qui cherchent à améliorer l'industrie du charbon de bois doivent procéder à une étude économique de cette production artisanale. L'analyse économique doit être à la base de tout programme d'assistance à ces petits producteurs, qui dans de nombreux pays représentent la plus grande part de la production totale de charbon de bois. Elle permettra de définir l'avenir de ce secteur, de révéler ses aspects positifs et négatifs, et d'évaluer sa viabilité à long terme.

14.1 Analyse économique et contrôle des coûts

Il est difficile de tracer une ligne de séparation nette entre ces deux activités. En règle générale, l'analyse économique intervient directement dans la phase de planification du développement de l'entreprise, pour en projeter la construction et la mettre en état de produire. Son objectif est de démontrer la viabilité économique de la proposition, et ensuite mobiliser les fonds d'investissement nécessaires et indiquer comment ils seront gérés et remboursés. Le contrôle des coûts, quant à lui, s'intéresse davantage à une entreprise qui est déjà sur pied et en fonctionnement. C'est l'outil de gestion qui permet à l'entreprise de rester économiquement viable.

Le contrôle des coûts de production est bâti autour des opérations de l'entreprise, dont il forme une part. Il ne nécessite qu'une compétence en matière d'expertise comptable, ou même de simple comptabilité courante. Il requiert essentiellement l'utilisation de données et de statistiques qui sont recueillies dans l'entreprise elle-même. L'analyse économique exige en revanche des connaissances plus approfondies en économie, et une connaissance technique des opérations envisagées. Un grand projet demande une équipe de techniciens, les uns plus qualifiés en économie, les autres en technologie et ingénierie.

14.2 Méthodes d'analyse économique des projets

Le processus d'analyse économique des projets est souvent appelé étude de faisabilité, mais celle-ci, strictement parlant, n'est qu'une étape dans l'élaboration d'un projet complet. Pour les projets de production de charbon de bois de grande et moyenne taille (3, 22), il faut une équipe d'experts couvrant les domaines de l'économie, de la forêt, du bâtiment et du génie civil, de la technologie de la production envisagée, des finances et de la commercialisation. Une étude complète d'industrie du charbon de bois aura les objectifs suivants:

1. S'assurer qu'il existe un marché ou une utilisation de dimension suffisante pour le charbon de bois et pour les sous-produits, et les chiffrer en détail.

2. Vérifier qu'il existe des ressources suffisantes en matière première convenable, et qu'elles peuvent être exploitées économiquement pendant la durée de vie prévue de l'usine' ou qu'on peut les créer économiquement par des plantations forestières.

3. Choisir les techniques de production à employer, et projeter la chaîne entière de production depuis la récolte des bois jusqu'à l'emballage et à la commercialisation du charbon de bois.

4. Etablir des projections financières complètes montrant le mode de financement, des budgets de dépenses détaillés pour la préparation du terrain, les infrastructures, la construction et le démarrage des installations, la formation du personnel. Ces projections financières doivent porter sur une durée d'une vingtaine d'années environ, jusqu'au point où les dettes engagées dans la construction de l'usine auront été liquidées, et où l'entreprise sera une affaire bien établie. Pour une simple entreprise de fabrication de charbon de bois une projection de 12 à 15 ans peut être suffisante, mais si l'entreprise doit créer des reboisements pour assurer son approvisionnement en bois, il faut étendre la projection financière à la durée d'une révolution complète, jusqu'au moment où il faut replanter ce qui peut représenter 20 ans ou plus. Les projections financières seront sous la forme d'un modèle financier montrant les bénéfices et les pertes, l'origine des fonds, les dépenses, les charges fiscales, la marge brute d'autofinancement.

5. Préparer des dossiers en vue de négociations avec les administrations publiques sur les questions de ressources forestières, implantation des installations, disponibilités en énergie et en eau, dégrèvements fiscaux, besoins d'infrastructures, lutte contre la pollution, etc.

6. Préparer des dossiers et négocier avec les bailleurs de fonds, nationaux et internationaux, pour assurer le financement du projet.

La liste des éléments à rassembler et des tâches à accomplir sont impressionnantes et représentent une grande dépense de temps et d'argent. Fort heureusement, des procédures plus ou moins normalisées ont été établies par les organismes de financement internationaux; elles comportent un certain nombre d'étapes qui ont pour objet de tester la viabilité d'un projet avant d'engager des fonds pour une étude technique et financière complète. Normalement l'étude de projet définitif est précédée d'au moins deux étapes, nommées étude de préfaisabilité et étude de faisabilité. Si les résultats de ces études sont positifs on pourra engager des fonds dans l'élaboration d'un projet complet, aboutissant au financement et à la construction de l'entreprise.

La valeur de l'étude complète dépend en définitive de la qualité des données de base sur lesquelles elle est fondée. Une étude qui s'appuie sur des prémisses fausses est sans utilité. Seule l'expérience de terrain peut indiquer si les données de base sont acceptables ou non. Pour avoir une idée de l'influence d'erreurs dans les hypothèses de base, il est d'usage de tester le modèle financier complet du projet, en prenant différentes valeurs des données essentielles telles que prix de vente du charbon de bois, pourcentage de poussier, rendement en charbon de la carbonisation, coût du bois livré au four, coût de production et de récolte des bois, rapidité de croissance des plantations, etc. Le degré de risque entraîné par des variations dans les principaux facteurs de coût apparaît alors plus clairement, et on peut alors examiner de plus prés ceux qui sont les plus déterminants. Une fois que le modèle financier a été élaboré et programmé sur ordinateur, une telle étude est relativement simple à effectuer. La planification est relativement simple; la tâche la plus difficile, surtout avec les taux d'intérêt élevés actuels, est de construire l'usine et de la faire fonctionner de manière rentable avec les ressources financières disponibles. S'il y a d'importants dépassements de devis ou retards de construction, on peut facilement se trouver dans une situation dans laquelle le projet ne peut être achevé, ou ne peut fonctionner de manière rentable. D'où la nécessité de rechercher des solutions qui permettent de faire du charbon de bois avec un minimum d'investissement de capital.

14.3 Contrôle des coûts des entreprises existantes


14.3.1 Opérations élémentaires
14.3.2 Coûts unitaires et établissement d'un budget
14.3.3 Frais généraux de surveillance et de direction


Trouver le financement nécessaire et construire une grande entreprise nouvelle de carbonisation est aujourd'hui une affaire difficile et coûteuse. Comme nous l'avons dit plus haut, les frais de premier établissement et les charges d'intérêts sont si élevés que quelques retards dans la construction peuvent transformer un projet rentable en une source de déficit permanent. C'est pourquoi il faut accorder plus d'attention à l'amélioration et au développement des entreprises de carbonisation existantes, en se fondant sur la compétence et les ressources propres qu'elles possèdent, et en s'attachant à résoudre les contraintes qui les empêchent de fonctionner avec une efficacité maxima. Il est en général plus facile, et souvent financièrement plus profitable, de développer une entreprise existante plutôt que d'en bâtir une nouvelle de grande taille en espérant la faire fonctionner fructueusement sans difficultés.

Los entreprises établies et les systèmes de production traditionnels ne sont pas toujours prospères ni fondés sur des bases saines. Néanmoins, on trouve dans tout système un fond de savoir-faire et d'expérience qui peut souvent être mobilisé et amené à travailler plus efficacement grâce à un contrôle approprié des coûts.

14.3.1 Opérations élémentaires

La première étape dans le contrôle des coûts consiste à définir les opérations élémentaires et à établir une liste de postes de dépense, qui coïncideront en général avec ces opérations élémentaires. L'exemple qui suit est emprunté à des opérations de carbonisation dans les forêts du Chaco, en Amérique du Sud (3), où l'on trouve une production de charbon de bois à grande échelle' par des méthodes traditionnelles mais bien organisées. Les opérations élémentaires sont indiquées sur la figure 14. On peut les prendre comme postes de dépense, et calculer les coûts unitaires pour chacune d'elles. Le coût de production total étant la somme des coûts unitaires, à condition qu'ils soient exprimés dans une unité de mesure commune, par exemple par tonne de charbon de bois à la sortie du four, l'importance relative de chaque opération élémentaire apparaît clairement. Par exemple, le coût unitaire de la coupe et du débardage des bois en bord de route peut être mettons de 5 $ par stère. Il faut l'exprimer en dollars par tonne de charbon de bois à la sortie du four pour que sa contribution au coût total apparaisse. Ce coût dépend du rendement des étapes suivantes du processus de production. Le seul élément d'importance, en général, est la perte au cours de la carbonisation. Le coût de 5 $ par stère doit être multiplié par le nombre de stères nécessaire pour produire une tonne de charbon de bois. Un chiffre moyen peut être de 7,3 stères de bois par tonne de charbon exempt de poussier. Le coût du bois sur bord de route sera alors: 5 x 7,3 = 36,50 $ par tonne de charbon de bois marchand à la sortie du four. Le même calcul devra être appliqué à tous les coûts unitaires, pour déterminer leur influence globale sur le prix de revient du produit.

Cela exige une connaissance technique du processus de production aussi bien qu'une compétence en matière de comptabilité analytique, de même que pour décider s'il y a lieu de chercher à réduire l'influence de telle ou telle opération élémentaire sur les coûts. On pourrait par exemple accroître le rendement en bois à l'hectare en récoltant davantage de bois de branches de petit diamètre. Mais si ce bois ne donne dans le four que du charbon trop fin, le résultat de ces efforts pourra être négatif. Pour éclaircir ce point, il faudra procéder à des essais. Il est par conséquent nécessaire de conjuguer les efforts du technicien et de l'économiste pour parvenir à un contrôle des coûts efficace.

14.3.2 Coûts unitaires et établissement d'un budget

Il faut fixer des objectifs pour les coûts unitaires lors de l'établissement du budget analytique. Il est plus commode d'évaluer ces coûts pour chaque secteur dans l'unité de mesure usitée à ce point, par exemple stère de bois, tonne de charbon, tonne x kilomètre pour le transport du charbon, etc. La gestion de l'entreprise utilise ces chiffres en leur appliquant des coefficients de conversion appropriés et en les combinant de façon à vérifier les résultats globaux du point de vue du budget général de l'entreprise. Pour mesurer les résultats de l'entreprise il faut procéder à des inventaires périodiques, tous les un à trois mois. Les stocks de matière première, de charbon de bois semi-fini et fini, combinés avec les entrées de bois et les expéditions de charbon de bois au cours de la période d'inventaire, permettant de calculer les résultats d'ensemble. En outre, il faut tenir dans chaque service une comptabilité des matières utilisées, de la production obtenue, du nombre de fournées réalisé. Les événements exceptionnels tels qu'inondations, périodes de pluies prolongées, forte sécheresse, pénurie de main-d'oeuvre, pannes de l'équipement, retards de transport, doivent également être notés dans les registres de production de chaque service. Il faut évidemment avoir les instruments de mesure et de pesage nécessaires.

14.3.3 Frais généraux de surveillance et de direction

N'importe quel système de contrôle de gestion et de budget analytique exige du personnel et coûte de l'argent. Il faut que l'effort consenti en vaille la peine. C'est pourquoi les coûts de direction doivent être calculés et ventilés par secteurs. L'analyse des coûts pour chaque opération élémentaire pourra révéler que certaines opérations devraient de préférence être effectuées en sous-traitance, ce qui normalement demande moins de surveillance et de frais généraux. Dans le cas particulier du transport, une entreprise spécialisée sera souvent moins chère qu'un service de transport interne.

Le rassemblement et l'évaluation des données de contrôle des coûts exigent normalement un technicien supplémentaire, qui pourra être chargé également du contrôle de qualité, etc. Le traitement des données brutes à l'intention de la gestion est ensuite généralement effectué par le personnel administratif de l'entreprise.

Les coûts unitaires calculés pour chaque opération élémentaire sont alors comparés par le responsable de la gestion avec les prévisions budgétaires établies au début de l'exercice, Des mesures peuvent être prises pour réduire les dépassements lorsqu'ils se produisent, et en même temps la situation financière de l'entreprise est révélée au moins mois par mois. Les profits et pertes de l'entreprise ne seront pas connus au centime prés par ce procédé; les résultats financiers exacts sont fournis par la comptabilité financière normale, tenue parallèlement à la comptabilité analytique. Les comptes financiers, toutefois, ne donnent qu'une vue historique des résultats, qui risquent d'être connus trop tard pour permettre de prendre les mesures correctives nécessaires.

Fig. 14 Opérations élémentaires dans la production de charbon de bois


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