Rappelons que le marketing peut être défini comme : “L'activité humaine visant à satisfaire des besoins et désirs au travers de processus d'échange”. (Kotler, 1980). La spéculation piscicole ne sera réussie que si cette spéculation est bien organisée, bien planifiée et dispose d'un réseau efficace de distribution des produits.
Nous étudierons globalement dans ce paragraphe, le marché en alevins dans la zone d'action du projet qui comprend la CIRPA de Fianarantsoa et la CIRPA du Vakinankaratra. Nous tâcherons de cerner les traits saillants de ce marché, tout en sachant que chaque site de production d'alevins aura des caractéristiques propres.
La principale production des stations rurales de production d'alevins est constituée par des alevins de carpe commune var. royale (souche importée de Sologne, France en 1959) vendus vivants et principalement sur le site de production. La taille marchande des alevins peut être grossièrement divisée en trois catégories :
- alevins de 2,5 à 2,9 cm | :0,28 g à 0,38 g |
- alevins de 3,0 à 3,9 cm | :0,39 g à 0,99 g |
- alevins de 4,0 cm et plus | :≥ 1,00 g |
Un renouvellement des souches de géniteurs devrait permettre aux producteurs privés de proposer à la vente, des alevins de souche plus performante que celle utilisée jusqu'à présent. Le renouvellement du stock de géniteurs devrait pouvoir être effectif d'ici une période de 3 à 5 ans. Les nouvelles souches de carpe commune “SZARVAS 215” et “SZARVAS P31” en provenance de Hongrie devront permettre aux producteurs privés de proposer, non seulement un produit plus attractif, mais également un produit bien différencié de ce que l'on peut trouver actuellement sur le marché de la zone d'action du projet.
En général, quand une espèce a un potentiel commercial pouvant être développé, ainsi que des opportunités de production qui sont biotechnologiquement réalisables, il existe un marché important de demande de cette espèce, pourvu que son prix de vente induit un profit suffisant et qu'il existe des infrastructures et des canaux de commercialisation adéquats et efficaces pour traiter cette augmentation de production.
Rappelons que l'approvisionnement en alevins est le principal facteur limitant le développement de la carpiculture et, s'il ne fait aucun doute que la carpe commune est fortement appréciée dans la région des Hautes-Terres malgaches et que les opportunités de production sont énormes, il reste à estimer, au moins sommairement, le potentiel de la demande en alevins.
Le marché de demandes en alevins de carpe commune var. royale est essentiellement composé par deux catégories:
les pisciculteurs : ils s'approvisionnent annuellement en alevins, et représentent environ 28% du nombre d'acheteurs pour 14% des alevins achetés directement lors des cessions effectuées par le projet lors de la campagne 1990/19911 ;
les rizipisciculteurs : ils représentent la plus grande part du marché de la demande en alevins avec 72% du nombre d'acheteurs pour 86% des alevins achetés directement lors des cessions effectuées par le projet.
Nous procèderons selon deux méthodes distinctes pour évaluer l'importance du marché de la demande en alevins pour la CIRPA du Vakinankaratra et la CIRPA de Fianarantsoa qui couvre respectivement, une superficie de 18.014 km2 et 15.461 km2.
Cette méthode basée sur des données de références réelles permet d'estimer la croissance annuelle du marché. Cette méthode est assez limitative, car elle ne permet que des estimations assez grossières. De plus, comme les données de références utilisées sont uniquement celles des commandes en alevins recensées par le projet, on ne peut faire des estimations que sur une partie du marché.
A. CIRPA du Vakinankaratra
Le tableau 2.1. récapitule les commandes en alevins relevées par le projet pour six campagnes consécutives.
Tableau 2.1. Commandes en alevins de carpe commune var. royale relevées pour la CIRPA du Vakinankaratra
CAMPAGNE | ALEVINS COMMANDES (unité) |
1985/1986 | 105.144 |
1986/1989 | 632.874 |
1987/1988 | 505.125 |
1988/1989 | 552.650 |
1989/1990 | 650.611 |
1990/1991 | 794.871 |
La formule de l'A.S.L., permettant la projection de la progression de la demande en alevins, se présente comme suit:
A = Augmentation annuelle de la demande | |
Y = Valeur de la demande en lère année | |
X = Valeur de la demande de la dernière année | |
Z = Nombre d'années |
d'où : A 137.945 unités (progression annuelle de la demande)
Nous pouvons ainsi projeter au tableau 2.2. la progression de la commande en alevins, relevée par le projet pour les 3 prochaines campagnes.
CAMPAGNE | PROJECTION DES ALEVINS COMMANDES (unité) |
1990/1991 | 794.871 |
1991/1992 | 932.816 |
1992/1993 | 1.070.761 |
1993/1994 | 1.208.706 |
Rappelons que cette projection ne porte que sur les commandes relevées par la CIRPA/projet, que la collecte des commandes est liée au systéme de vulgarisation utilisé et ne reflète qu'une partie du marché.
B. CIRPA de Fianarantsoa
Le tableau 2.3. récapitule les commandes en alevins relevées par le projet pour deux campagnes consécutives.
Tableau 2.3. Commandes en alevins de carpe commune, var. royale pour la CIRPA de Fianarantsoa.
CAMPAGNE | ALEVINS COMMANDES (unité) |
1989/1990 | 575.245 |
1990/1991 | 997.897 |
Nous ne pouvons pas faire de projection avec seulement deux données de référence, nous noterons simplement que la progression est trés importante entre les deux premières années.
Cette méthode utilise un inventaire des marchés cibles existants et du potentiel pouvant encore être développé.
A. CIRPA du Vakinankaratra
Le tableau 2.4. présente l'inventaire des surfaces aquacoles exploitées ainsi que des surfaces potentielles.
UNITE DE PRODUCTION | SURFACE EXPLOITEE RECENSEE 1989/1990 (ha) | SURFACE POTENTIELLE D'EXPLOITATION (ha) |
Pisciculture en étang | 85 | 450 |
Rizipisciculture | 595 | 12.2001 |
Hypothèses :
le cycle de production est annuel, avec un seul approvisionnement en alevins par cycle de production ;
la densité de stockage en pisciculture en étangs est de 50 alevins/are et de 25 alevins/are en rizipisciculture.
A partir des données techniques et des potentialités, nous pouvons projeter la demande potentielle en alevins par spéculation piscicole. Le tableau 2.5. reprend les résultats de la méthode non mathématique de projection de la demande en alevins de carpe commune pour la CIRPA du Vakinankaratra. Pour la seule CIRPA du Vakinankaratra le potentiel de la demande en alevins a ainsi été évalué à 32.750.000 unités.
Situation actuelle | A développer | TOTAL | ||||
Unité de production | Surface (ha) | Demande en alevins (unité) | Surface (ha) | Demande en alevins (unité) | Surface (ha) | Demande en alevins (unité) |
Pisciculture en étangs | 85 | 425.000 | 365 | 1.825.000 | 450 | 2.250.000 |
Rizipisciculture | 595 | 1.487.500 | 11.605 | 29.012.500 | 12.200 | 30.500.000 |
TOTAL | 1.912.500 | 30.837.500 | 32.750.000 |
B. CIRPA de Fianarantsoa
Le tableau 2.6. présente l'inventaire des surfaces aquacoles exploitées ainsi que des surfaces potentielles.
UNITE DE PRODUCTION | SURFACE EXPLOITEE RECENSEE (ha) | SURFACE POTENTIELLE D"EXPLOITATION (ha) |
Pisciculture en étangs | 72 | 750 |
Rizipisciculture | 324 | 21.4891 |
Le tableau 2.7. reprend les résultats de la méthode non mathématique de projection de la demande en alevins de carpe commune pour la CIRPA de Fianarantsoa. Pour la seule CIRPA de Fianarantsoa, le potentiel de la demande en alevins a ainsi été évalué à 57.472.500 unités.
Situation actuelle | A développer | TOTAL | ||||
Unité de production | Surface (ha) | Demande en alevins (unité) | Surface (ha) | Demande en alevins (unité) | Surface (ha) | Demande en alevins (unité) |
Pisciculture en étangs | 72 | 360.000 | 678 | 3.390.000 | 750 | 3.750.000 |
Rizipisciculture | 324 | 810.000 | 21.165 | 52.912.500 | 21.489 | 52.722.500 |
TOTAL | 1.170.000 | 56.302.500 | 57.472.500 |
A l'aide de ces outils, nous pouvons évaluer le potentiel de la demande en alevins à 90.222.500 unités pour la zone d'action du projet. Nous savons que les commandes recensées par le projet pour la campagne 1990/1991 se sont élevées à 1.800.000 alevins, ce qui représente 2% du marché potentiel de la commande évaluée par la méthode non mathématique de projection. On remarquera encore que ; la progression des commandes d'alevins évaluée par la méthode de l'A.S.L. qui reflète l'impact du projet sur les commandes d'alevins, reste faible par rapport au potentiel des commandes évalué par la méthode non mathématique. Ainsi, pour la CIRPA du Vakinankaratra, les commandes peuvent être évaluées à 1.208.706 alevins pour la campagne 1993/1994, alors que le potentiel est évalué à 32.750.000 d'alevins. Ce phénomène nous paraît essentiellement lié au système de vente d'alevins à partir des stations d'Etat, qui est utilisé jusqu'à présent et qui reste, malgré beaucoup d'efforts, assez faiblement accessible aux rizipisciculteurs potentiels.
Une étude plus approfondie auprès des acheteurs d'alevins pourrait apporter quelques réponses aux réactions des consommateurs observées au cours de nos tournées de cessions d'alevins. Ainsi, on observe :
une préférence pour les alevins de plus grande taille (les alevins de plus grande taille sont plus attrayants sans pour autant présenter des qualités supérieures aux alevins de 3 cm) ;
un non-respect des densités de stockage recommandées, qui peut s'expliquer du fait de l'achat pour une certaine somme d'argent, et non en fonction de la surface des étangs ou des rizières (la rizipisciculture est considérée par la majorité comme une activité marginale plutôt que comme une activité spéculative) ;
une préférence pour des alevins produits à proximité du lieu d'élevage (préjugé à l'encontre d'alevins étrangers) ;
une certaine non-habitude au déplacement important pour l'achat d'alevins en général, quoique des acheteurs parcourent plus de 20 km pour s'approvisionner ;
il existe également une concurrence entre l'achat d'alevins et d'autres intrants agricoles, du fait de la simultanéité de la campagne agricole et piscicole.
Avant de poursuivre, il est important de connaître, au moins sommairement, l'historique des sources d'approvisionnement en alevins dans la région des Hautes-Terres malgaches. Toutes les espèces élevées en rizière ou en étang sont des espèces introduites qui ont été importées progressivement depuis 1870 jusqu'à 1960. Il n'y a donc pas d'espèce endémique, traditionnellement élevée en pisciculture ou rizipisciculture dans la région d'action du projet. A présent, on retrouve à l'état sauvage, dans les cours d'eau et réservoirs, la plupart de ces espèces introduites et acclimatées à Madagascar.
Les sources d'approvisionnement en alevins ont été principalement les stations des Eaux et Forêts et la pêche dans le milieu naturel. On peut affirmer qu'il n'y a que récemment (depuis la campagne 1985/1986), avec le démarrage du projet PNUD/FAO précédent, MAG/82/014, qu'un véritable service de distribution d'alevins a été mis en place, entraînant le développement d'un réseau parallèle de pêche d'alevins.
Parmi les différentes espèces de poissons élevées en étang et en rizière, nous pouvons répertorier principalement, outre la carpe commune var. royale, des carpes communes issues du milieu naturel, différentes espèces de tilapia et le carassin doré (Carassius auratus).
Les principaux compétiteurs des alevins de carpes pourraient être les alevins du tilapia du Nil (Oreochromis niloticus) et du carassin doré. Cependant, comme les sources d'approvisionnement de ces alevins, autre que les captures en milieu naturel, sont peu développées, on ne peut en parler que comme des compétiteurs potentiels.
Nous pouvons classer par ordre d'importance au moins trois types de sources principales d'approvisionnement en alevins de carpe commune var. royale :
les alevins produits et vendus avec l'appui des services gouvernementaux.
Ces sources sont, pour la zone d'action du projet, les deux stations d'Etat
d'Ambatofotsy / Ambatolampy et d'Ampamaherana. Elles sont caractérisées par :
des coûts de production légèrement inférieurs au prix de vente actuel;
des coûts de distribution élevés (pratiquement égaux au double de ceux de production) qui induisent un coût total de production et de distribution nettement supérieur au prix de vente;
des alevins de bonne qualité, autant par la taille que par la croissance;
une capacité de production, d'environ 3.000.000 alevins.
les alevins produits et vendus par des producteurs privés.
Ces sources peuvent être subdivisées en trois catégories. La première catégorie est formée par des producteurs privés (artisanaux) encadrés par le projet, bénéficiant d'un suivi technique poussé et des structures de sensibilisation du projet. Elle se caractérise par :
des techniques de production fiables (normes du projet) ;
des coûts de production nettement inférieurs au prix de vente ;
des coûts de distribution très faibles et même nuls la plupart du temps (vente sur le site de production) ;
un prix de vente officiel de 30 Fmg ;
des alevins de bonne qualité, taille et souche ;
une capacité de production supérieure à 50.000 alevins cessibles.
La seconde catégorie est formée par des producteurs privés (familiaux) identifiés et suivis moins intensivement par le projet. Elles se caractérisent par :
des techniques de production fiables ;
des coûts de production inférieurs au prix de vente ;
des coûts de distribution très faibles ;
un prix de vente proche du prix officiel ;
des alevins de bonne qualité, taille et souche ;
une capacité de production de croisière inférieure à 50.000 alevins cessibles.
La troisième catégorie est formée par des producteurs privés parfois identifiés mais, le plus souvent inconnus du projet et proposant sur le marché des produits très variables tout en ayant des capacités de production très peu stables.
Les alevins pêchés dans des réservoirs naturels et vendus par des pêcheurs indépendants.
Ces sources se caractérisent par :
des coûts de production pratiquement nuls ;
des coûts de distribution très faibles, vente au porte à porte avec des moyens sommaires ;
un prix de vente souvent inférieur au prix de vente officiel ;
des alevins de faible qualité ;
des productions variables mais que l'on peut estimer globalement assez importantes de par le nombre important de sources mais également si l'on considère l'assortiment d'espèces proposées (minimum 1.000.000 d'alevins toutes espèces confondues lors de la dernière campagne 1990/1991).
Il apparaît clairement que la principale source d'approvisionnement en alevins de carpe de qualité est actuellement constituée par les stations des services gouvernementaux. Ces sources d'approvisionnement ne seront viables que tant que les activités de distribution seront assurées et subventionnées par le biais d'un projet d'assistance technique. Néanmoins, un des objectifs principaux du projet consiste à appuyer l'installation de producteurs privés en milieu rural devant se substituer aux stations d'Etat, quant à la vente d'alevins en milieu rural.
Pour les producteurs privés, les principaux compétiteurs du marché d'approvisionnement en alevins pourront être :
d'autres producteurs privés ;
les distributeurs d'alevins pêchés dans les réservoirs naturels.
Si l'on suppose la zone d'action du projet comme homogène, c'est-à-dire distribution homogène des rizières utilisables en rizipisciculture et des étangs piscicoles, on peut évaluer la demande potentielle moyenne en alevins par km2 à :
Ainsi, un producteur privé ayant une production de 100.000 alevins pourrait, dans des conditions idéales, vendre sa production dans une surface de 37,1 km2, c'est-à-dire dans un périmètre centré sur son exploitation d'un rayon de 3,4 km.
Ces valeurs ne sont données ici qu'à titre indicatif, mais permettent quand même de pouvoir donner une plus juste évaluation du potentiel de développement d'une activité qui dépend essentiellement de l'approvisionnement en alevins.
Nous devons également établir une projection des productions potentielles de carpe commune en aval. En établissant un calcul de production de poisson de consommation basé sur les potentiels de pisciculture et de rizipisciculture trouvés précédemment, et en prenant comme hypothèses :
une production moyenne de 1.000 kg/ha/cycle d'élevage en étang ;
une production moyenne de 250 kg/ha/cycle de rizipisciculture en rizière,
nous obtenons les résultats de la projection du potentiel de production de carpe commune var.royale de taille marchande qui sont présentés au tableau 2.8.
Unité de production | Surface (ha) | Production (kg/ha/cycle) | Prévision de la production (t) |
Pisciculture en étangs | 1.200 | 1.000 | 1.200 |
Rizipisciculture | 33.689 | 250 | 8.422 |
TOTAL | 9.622 |
Le potentiel de production de poissons marchands dans les deux CIRPA de Fianarantsoa et du Vakinankaratra s'élève d'après nos calculs, à un peu moins de 10.000 tonnes par an. Ce potentiel de production reste actuellement toujours très sous-exploité et cela principalement en raison du manque de source d'approvisionnement en alevins de qualité.