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3. RIZIPISCICULTURE

3.1. CHOIX DES RIZIERES

Toutes les rizières ne conviennent pas pour élever des poissons. Il faut bien choisir celles qui sont les plus favorables à la rizipisciculture.

Une bonne maîtrise de l'eau est indispensable pendant au moins 4 mois dans la période comprise entre novembre et juin.
Les assèchements temporaires ainsi que les inondations des rizières entraînent des pertes ou mortalités partielles ou intégrales des poissons élevés.
Dans une vallée, les rizières situées à mi-pente sont les plus favorables à la rizipisciculture :
- elles ont un sol fertile ;
- elles sont à l'abri des inondations.
Les autres rizières présentent plusieurs désavantages:
- les rizières du bas-fond sont soumises à des inondations ;
- les rizières en gradins sont peu fertiles, très petites et l'eau y est difficilement maîtrisée. 
On choisit de préférence des rizières qui ne sont pas trop éloignées de l'habitation. Ainsi, les parcelles peuvent être facilement surveillées et les travaux journaliers d'élevage ne prennent pas trop de temps.

3.2. ETENDUE DU CYCLE RIZIPISCICOLE

L'élevage des poissons dans les rizières se déroule pendant et après le cycle rizicole “vary vakiambiaty”.

Le démarrage de l'élevage dépend du calendrier rizicole et de la disponibilité en alevins.
L'empoissonnement de la rizière peut s'effectuer à partir du huitième jour après le repiquage quand les plantules sont bien enracinées et quand l'eau est devenue moins boueuse.
L'élevage normal se termine à la fin du cycle rizicole. 8 jours avant la récolte de riz, l'eau est diminuée progressivement dans la rizière et les poissons se regroupent dans les endroits les plus profonds de la rizière (étangs-refuges) où ils peuvent être récoltés.
Après la récolte, les poissons peuvent être autoconsommés, vendus ou transférés dans des petits étangs de stockage si l'on désire continuer l'élevage des poissons en contre-saison.
Dans les rizières où l'eau est toujours disponible en quantité suffisante, l'élevage des poissons peut être prolongé de quelques mois après la récolte de riz jusqu'au début de la saison froide au mois de juin.
A partir du mois de juillet, l'élevage devient moins intéressant pour les raisons suivantes :
- la croissance des poissons diminue avec la diminution de la température de l'eau ;
- les risques de vols persistent.

3.3. ESPECES DE POISSONS A ELEVER

Sur les Hautes-Terres malgaches, la carpe commune (Cyprinus carpio) et le tilapia du Nil (Oreochromis niloticus) sont les espèces les plus intéressantes à élever en rizipisciculture.

La carpe commune var. royale (Cyprinus carpio) :
Du point de vue croissance, cette espèce paraît la plus intéressante. De plus, elle s'adapte facilement aux conditions spécifiques des rizières, comme :
- une eau peu profonde ;
- de grandes variations de température, avec parfois des températures très élevées ;
- une eau parfois bien pauvre en oxygène ;
- une eau parfois très boueuse.
Comme contrainte, nous pouvons mentionner que, jusqu'à présent, la disponibilité en alevins n'est pas toujours assurée.
Le tilapia du Nil (Oreochromis niloticus) :
Les conditions spécifiques des rizières ne posent aucun problème pour le tilapia, mais sa croissance est inférieure à celle de la carpe commune sur les Hautes-Terres.
Cette espèce est plus sensible au froid, ce qui rend son élevage moins intéressant à des hauteurs supérieures à 1.200 mètres.
Il se reproduit facilement, ainsi, la disponibilité en alevins ne devrait poser aucun problème.
Il est souvent plus intéressant d'élever plusieurs espèces de poissons en même temps.
Les deux espèces sus-mentionnées peuvent très bien être élevées ensemble dans la même rizière.
En polyculture, nous recommandons d'élever autant de carpes que de tilapias tout en respectant les normes d'empoissonnemment mentionnées dans la fiche s'y rapportant (voir fiche 3.7.(1)).

3.4. CHOIX DE LA VARIETE DE RIZ A CULTIVER

La plupart des variétés de riz disponibles sur les Hautes-Terres malgaches permettent la rizipisciculture.

Les variétés de riz à tige courte ne permettent pas une lame d'eau assez importante pour les poissons.
La préférence est donnée aux variétés de riz qui permettent une lame d'eau d'eau moins 15 à 20 cm en fin de cycle, ce qui correspond à une longueur de tige d'au moins 100 cm.
Les variétés à cycle court ne laissent pas assez de temps aux poissons pour grossir. A la récolte du riz, vous ne récolteriez que des petits poissons. Il vaut mieux utiliser les variétés de riz à cycle long pour prolonger la durée de l'élevage sil'on souhaite produire des poissons de grande taille (plus de 200 g par poisson).
Quelle que soit la durée du cycle de la variété du riz utilisé, il est toujours possible de prolonger la durée de l'élevage des poissons après la récolte du riz à condition que l'on ait de l'eau disponible en quantité suffisante. En général, la contre-saison ne s'étend pas au-delà du mois de juin.

3.5. AMENAGEMENT ET PREPARATION (1)

Même les rizières bien choisies doivent être aménagées et préparées correctement pour garantir la survie et la croissance des poissons.

Il est souhaitable que chaque rizière utilisée en ripisciculture ait sa propre alimentation et son évacuation d'eau. Ainsi, le rizipisciculteur peut mieux maîtriser la quantité (niveau d'eau) et la qualité (fertilité) d'eau dans chaque rizière.
Le canal d'évacuation et le canal de vidange des eaux de la rizière doivent être assez larges pour éviter les inondations.
Toutes les diguettes de la rizière doivent être relevées et consolidées :
- pour éviter les débordements et les ruptures des digues ;
- pour empêcher les poissons sauvages de rentrer ;
- pour pouvoir augmenter la hauteur d'eau lors de l'élevage en contre-saison.
Chaque digue d'une rizière utilisée pour la rizipisciculture doit avoir au moins 50 cm de hauteur et 50 cm de largeur.
Pour faire face aux actions de l'eau, du vent, de la pluie et des poissons, les digues doivent être bien damées. Elles sont très résistantes si la largeur à la base est trois fois plus large que la largeur de la digue au sommet.

3.5. AMENAGEMENT ET PREPARATION (2)

La rizière doit aussi être aménagée pour protéger les poissons contre les prédateurs, les fortes chaleurs et les baisses périodiques du niveau d'eau imposées par la culture du riz. Sans cet aménagement, le nombre des poissons récoltés sera faible.

Au début du cycle ou lors des travaux de culture (sarclage, épandage engrais…), le niveau d'eau est faible dans la rizière et les poissons sont à la merci des prédateurs et des changements de températures importants dûs à la forte chaleur en journée et à la grande fraîcheur pendant la nuit..
Pour éviter trop de pertes, il est indispensable de faire quelques aménagements de la rizière au moment de sa préparation. Il faut absolument creuser des tranchées/canaux larges pour permettre aux poissons de se réfugier et de garantir une bonne survie et production. Cette tranchée est appelée étang-refuge.
L'étang-refuge, pour être efficace, doit avoir 1 à 2 m de largeur et 60 à 80 cm de profondeur.
Les étangs-refuges sont en général périphériques tout au long d'une diguette latérale. L'étang-refuge rejoint toujours la partie la plus basse de la rizière (sortie d'eau). Il faut impérativement que la superficie minimum de l'étang-refuge occupe 5 à 10% de la superficie totale de la rizière pour bien protéger tous les poissons.
Important : la perte de superficie pour la culture du riz due à ces aménagements ne diminue en aucun cas la production du riz grâce à l'effet bénéfique des poissons sur le rendement du riz (voir fiche 3.14.).

3.5. AMENAGEMENT ET PREPARATION (3)

Dans une rizière où on élève des poissons, il faut empêcher les poissons élevés de s'échapper et les poissons sauvages “non désirés” d'y entrer.

Le débit à l'entrée et la sortie d'eau ainsi que le niveau d'eau de la rizière doivent être surveillés régulièrement et corrigés si nécessaire.
L'eau ne doit pas couler en excès dans la rizière car elle emporte avec elle une grosse partie des fertilisants apportés pour augmenter la production de poissons.
Pour obtenir de bons résultats, la rizipisciculture comme la pisciculture doit se faire dans de l'eau stagnante.
Il faut absolument installer des grillages à l'entrée et à sortie d'eau de la rizière. Les grillages empêchent l'entrée des poissons sauvages “non désirés” dans la rizière, en particulier les poissons prédateurs (comme le fibata) et empêchent la fuite des poissons élevés.
Il est possible d'utiliser plusieurs sortes de grillage pour protéger les entrées et les sorties d'eau des rizières : 
- des tôles trouées ;
- des branches tressées ou des soubiques ;
- des grillages métalliques.

3.6. FERTILISATION (1)

Une bonne fertilisation du sol et de l'eau de la rizière assure un bon rendement en riz comme en poissons.

Pour fertiliser le sol des rizières avec maîtrise d'eau, le service de l'agriculture recommande les doses suivantes :
- épandage au moment du labour de la rizière de 5 à 15 tonnes par hectare de fumier (suivant la nature du sol). En moyenne, la dose de fumier utilisée sera de 10 tonnes par hectare (ou 1 kg par mètre carré).
En supplément de la fumure organique, il faut prévoir une fumure minérale de :
- 300 kg/ha de NPK 11.22.16 avant le hersage et 60 à 65 kg/ha d'urée 40 jours après le repiquage ;
ou

- 200 à 400 kg/ha de NPK 15.15.15. ou de NPK 16.16.16. avant le hersage.
En plus de la fertilisation du sol, il faut fertiliser l'eau (voir fiches 1.5.3.). L'utilisation de compostières est la façon la plus simple et la moins coûteuse pour appuyer la fertilisation de l'eau dans la rizière. Un enclos de 4 à 5 mètres carrés sera installé pour chaque 5 ares de rizière.
Les compostières doivent être installées à proximité de l'entrée d'eau de la rizière et le plus loin possible de la sortie d'eau.
Pour accélérer la décomposition, les compostières devront être entourées d'un drain et être en connection avec les étangs-refuges de la rizière. Remplir jusqu'à la surface de l'eau avec des déchets végétaux intercalés avec du fumier (boeuf, porc, poule, canard etc…).
Rajouter chaque semaine des produits fertilisants pour maintenir la couleur verte de l'eau (indication d'une bonne fertilisation) et remuer bien la compostière au moins 1 fois par semaine avec un bâton.

3.6. FERTILISATION (2)

Certaines interventions peuvent provoquer des mortalités de poisson, il faut les éviter en suivant rigoureusement les techniques conseillées.

Lors des interventions au cours du cycle cultural (sarclages, apport d'urée), le niveau d'eau de la rizière sera abaissé. Pour éviter de tuer les poissons, l'eau sera diminuée lentement pour permettre à tous les poissons d'atteindre les étangs-refuges.
Une fois le travail effectué, le niveau d'eau normal sera rétabli.
Certains engrais sont toxiques pour les poissons. Il faut les éviter :
- l'ammoniaque liquide ;
- le chloride d'ammoniaque ;
- le bicarbonate d'ammoniaque.
En rizipisciculture, il faut maintenir le niveau d'eau dans la rizière mais surtout maintenir l'eau stagnante.
Donc, rajouter de l'eau quand le niveau d'eau baisse, mais éviter à tout prix que l'eau ne coule à travers la sortie d'eau. Sil'eau traverse en permanence la rizière, une grande partie des fertilisants et de la nourriture naturelle est emportée et ni les poissons ni le riz n'en profitent.
Dans des conditions d'eau stagnante, une bonne fertilisation de l'eau de la rizière en cours de culture augmente les rendements du riz et des poissons.

3.7. EMPOISSONNEMENT (1)

Avant de contacter le producteur d'alevins pour sa commande, le rizipisciculteur doit calculer le nombre d'alevins nécessaire pour empoissonner ses rizières aménagées et préparées.

Seules les rizières bien aménagées (diguettes ; étangsrefuges ; grillages) pourront être empoissonnées. Dans une rizière sans aménagement, la survie très faible est due aux prédateurs et aux fluctuations trop grandes de la température de l'eau.
Avant de contacter le producteur privé, le rizipisciculteur mesure les dimensions de sa rizière. C'est à partir de ces dimensions qu'il pourra calculer le nombre d'alevins qu'il doit déverser dans sa rizière.
Dans une rizière aménagée et fertilisée suivant les normes, le rizipisciculteur doit déverser 25 alevins par are de rizière (1 are = 100 m2 = 10 × 10 m).
Si l'on est bien décidé à alimenter en plus ses poissons tous les jours, on peut augmenter le nombre d'alevins jusqu'à 50 alevins par are de rizière.
Donc, dans une rizière bien aménagée, fertilisée et alimentée de 40 × 30 m (= 1.200 m2 = 12 ares), il faut déverser 12 × 50 = 600 alevins.
Sans apport journalier d'aliment complémentaire, on déverse seulement 12 × 25 = 300 alevins.
Suivant son propre choix et en fonction de l'altitude et de la disponibilité en alevins, le rizipisciculteur peut élever soit la carpe commune var. royale ou le tilapia du Nil en monoculture soit les deux espèces ensemble en polyculture (voir 3.3.). Autant en monoculture qu'en polyculture, les normes d'empoissonnement doivent toujours être respectées.
Donc, dans une rizière aménagée et fertilisée de 12 ares, on déverse soit 300 carpes soit 300 tilapias soit 150 carpes et 150 tilapias.
Dans la même rizière aménagée, fertilisée mais avec un apport journalier d'aliment complémentaire, on déverse soit 600 carpes soit 600 tilapias soit 300 carpes et 300 tilapias.

3.7. EMPOISSONNEMENT (2)

Il faut transporter les alevins tôt le matin dans des récipients assez grands, remplis avec de l'eau propre et fraîche pour que les alevins puissent tous respirer normalement.

Le jour convenu avec le producteur d'alevins, le rizipisciculteur se rend sur place tôt le matin avec des récipients. Il est important de venir tôt le matin parce qu'il faut éviter de transporter les poissons quand il fait chaud ou très ensoleillé. Ceci réchauffe l'eau et diminue le taux d'oxygène présent. Le nombre de récipients à amener dépend du nombre d'alevins à acheter et la durée du trajet à parcourir.
Suivant la distance à parcourir pour le transport, il est possible de placer 100 à 200 alevins dans chaque récipient contenant 10 litres. Pour une durée de transport jusqu'à une heure, on peut mettre 200 alevins par récipient de 10 l. Au delà d'une durée de transport d'une heure, une densité limitée de 100 alevins par récipient est recommandée.
Pour amener 600 alevins du producteur d'alevins qui habite à une heure de chez vous, il faudra donc 600/200 = 3 seaux de 10 l ou un récipient de transport plus grand (au moins 3 × 10 l = 30 l).
L'eau dans les récipients doit être propre et avoir la même température que l'eau où sont pêchés les alevins.
Les alevins sont comptés soigneusement et délicatement à l'aide d'une petite passoire et placés directement dans le récipient de transport. Le comptage des alevins se fait de préférence à l'ombre pour éviter un réchauffement de l'eau dans les récipients.
Le transport d'alevins est délicat mais, si l'on respecte les normes indiquées, aucun alevin ne devrait mourir lors du transport.

3.7. EMPOISSONNEMENT (3)

Le transport des alevins vers la rizière doit se faire le plus vite possible. Au cas où les alevins remontent à la surface de l'eau dans le récipient, il faut aussitôt remplacer une partie de l'eau du récipient.

Dès que les alevins sont livrés, le rizipisciculteur doit partir aussitôt vers ses rizières avec les poissons.
Toutes les dix minutes environ, il vérifiera les alevins.
S'ils sont tous rassemblés à la surface, c'est qu'il n'y a pas assez d'oxygène dans l'eau pour respirer. Il faut aussitôt changer une partie de l'eau avec de l'eau fraîche et propre pour éviter qu'ils ne meurent asphyxiés.
Si le nombre d'alevins à transporter est très grand, il est préférable de louer une charrette à boeufs bâchée.
Le transport d'alevins s'effectue alors dans de gros fûts de 200 litres remplis à moitié, recouverts d'un tissu humide. On peut transporter ainsi un plus grand nombre d'alevins, par exemple 2.000 alevins jusqu'à une durée de transport d'une heure par fût (= 100 litres d'eau).
Quel que soit le récipient utilisé, si les alevins sont rassemblés en surface, il faut changer une partie de l'eau.
Arrivé à destination, le rizipisciculteur se dirige immédiatement vers l'étang-refuge pour y déverser les alevins.
Avant de faire le déversement, il est conseillé d'égaliser progressivement la température de l'eau dans le seau avec celle de la rizière en changeant une partie de l'eau dans le récipient avec celle propre de la rizière.
Un trop fort écart de température (plus de 5°C) peut être mortel pour les alevins.
Après, on incline lentement le récipient dans l'eau et les alevins sortiront d'eux-mêmes.

3.8. ALIMENTATION COMPLEMENTAIRE DES POISSONS

En complément de la nourriture naturelle, le rizipisciculteur doit aussi alimenter directement les poissons dans ses rizières bien aménagées surtout quand la densité est supérieure à 25 alevins par are. Ainsi, il obtiendra une récolte plus importante à la vidange.

Les carpes et les tilapias peuvent consommer directement toutes sortes d'aliments artificiels qui améliorent leur croissance, comme :
- les sons (riz, blé, maïs, etc…) ;
- les farines (manioc, maïs, pois, haricots, taro, etc…) ;
- les tourteaux (arachides, coton, soja, etc…) ;
- les feuilles de manioc hâchées, …
Pour nourrir les poissons, le rizipisciculteur peut choisir un de ces aliments, mais un mélange d'un ou plusieurs aliments de chacun des trois groupes d'ingrédients, couvre mieux les besoins des poissons.
(voir fiches 1.5.3.(8), 2.4.3.(4) et 2.5.6.(4).
Il est conseillé de nourrir les poissons 1 fois par jour à la même heure (fin de l'après-midi), au même endroit, dans l'étang-refuge.
Quel que soit le type d'aliment distribué, l'appétit des poissons doit être contrôlé tous les jours par le rizipisciculteur en vérifiant sur le fond de l'étangrefuge si toute la nourriture distribuée le jour précédent a été consommée et surtout en observant attentivement le comportement des poissons pendant le nourrissage.
La quantité de nourriture journalière doit être augmentée ou diminuée si nécessaire, en fonction de l'appétit des poissons (voir fiche 1.4.3.(10)).
Pour une rizière empoissonnée avec 50 alevins par are, les doses de son de riz à distribuer par jour sont :
- ½ kapoaka par jour et par are de rizière pendant le premier mois ;
- 1 kapoaka rempli à ras bord par jour et par are pendant le deuxième mois ;
- 1½ kapoaka par jour et par are pendant le troisième mois ;
- 2 kapoaka par jour et par are pendant le quatrième mois jusqu'à la récolte.
Donc, pour notre rizière de 12 ares empoissonnée avec 600 alevins (densité 50 alevins/are), il faut nourrir avec 12 × 0,5 = 6 kapoaka durant le premier mois et 12 × 2 = 24 kapoaka durant le quatrième mois.

3.9. UTILISATION DES PRODUITS PHYTOSANITAIRES (1)

Si les insectes infestent la rizière, celle-ci est traitée avec du DECIS CE à raison de 0,2 – 0,3 litre/ hectare pour assurer la production du riz.

Un traitement phytosanitaire de la rizière en cours d'élevage peut être dangereux pour les poissons. C'est pourquoi, l'utilisation de ces produits est conseillée seulement à titre curatif, c'est-à-dire en cas d'attaque du champ de riz par les poux de riz, les borers, etc …
Tous les insecticides recommandés par le service d'agriculture sont dangeureux pour les poissons, mais certains produits sont plus toxiques que d'autres.
La dose recommandée de DECIS CE n'est pas toxique pour les carpes et les tilapias si la lame d'eau dans la rizière est d'au moins 10 cm. C'est pourquoi, nous conseillons vivement l'utilisation de ce produit en cas d'attaque en cours d'élevage.
La dose prescrite est de 0,2–0,3 l par hectare (= 2–3 ml par are). Pour éviter la mortalité des poissons, il est très important de ne pas dépasser la dose recommandée.
L'application de l'insecticide avec un micro-pulvérisateur est la moins dangereuse pour les poissons. En utilisant cette technique, le produit pulvérisé reste collé aux feuilles et la quantité du produit actif qui tombe dans l'eau est fortement réduite.

3.9. UTILISATION DES PRODUITS PHYTOSANITAIRES (2)

Après l'application du produit, il faut absolument rincer la rizière pour évacuer le produit tombé dans l'eau de la rizière et diminuer les risques de mortalité des poissons.

Avant de traiter la rizière infestée, la quantité de produit nécessaire pour le traitement est calculée en fonction de la surface de la rizière.
Dans le micro-pulvérisateur, la quantité d'insecticide nécessaire pour le traitement de la rizière est diluée dans de l'eau (4 à 6 l/are).
Pour notre rizière de 12 ares, il faut donc 12 × 2 ml = 24 ml de DECIS CE. Cette quantité d'insecticide est diluée dans 12 × 5 l = 60 l d'eau.
Au moment du traitement, le rizipisciculteur maintient au moins 10 cm d'eau dans la rizière. Ainsi, le produit actif tombé dans l'eau est tout de suite dilué à une concentration inoffensive pour les poissons.
L'application se fait tôt le matin ou en fin d'aprèsmidi. En pleine journée, quand il fait chaud, l'insecticide est plus toxique pour les poissons.
On ne traite pas la rizière lorsqu'il va pleuvoir par risque de lessivage du produit.
Tout de suite après l'application du produit, le rizipisciculteur rince la rizière abondamment en faisant rentrer l'eau du canal d'alimentation. Il faut toujours garder au moins 10 cm de l'eau dans la rizière (attention aux grillages !).
Finalement, on ferme la sortie d'eau et on remet le niveau normal d'eau dans la rizière (1/5 de la hauteur du riz).
Attention : à cause de cette manipulation obligatoire, une grande partie des matières fertilisantes et de la nourriture naturelle est emportée. Il faudra donc fertiliser de nouveau l'eau de la rizière (voir fiche 3.6.).

3.10. LUTTE CONTRE LES PREDATEURS

En rizière, les poissons sont très vulnérables car la lame d'eau est souvent faible, en particulier pendant le premier mois de culture et les prédateurs sont nombreux.

La meilleure protection contre les prédateurs consiste à bien aménager les étangs-refuges. Ils doivent être assez profonds pour empêcher les oiseaux d'y prélever des poissons.
La lame d'eau doit toujours être maintenue à son niveau maximal (1/5 de la hauteur du riz).
Il est conseillé d'installer des épouvantails et il est indispensable de ne pas laisser entrer les canards dans la rizière au moins pendant le premier mois de l'élevage.
L'installation des grilles de protection sur toutes les entrées et sorties d'eau de la rizière ainsi que les diguettes relevées et consolidées sont très importantes pour empêcher les poissons prédateurs dont le fibata, de pénétrer dans la rizière. Un seul fibata peut dévorer très facilement presque tous les alevins d'une rizière.
Pendant le premier mois de l'élevage, quand les poissons sont encore petits, il est conseillé de pêcher le plus souvent possible les gros insectes aquatiques, les grenouilles et les têtards qui peuvent s'attaquer aux poissons.
Cependant, il est préférable d'effectuer cette pêche à partir des digues, en évitant de marcher dans la rizière, ce qui rend l'eau boueuse et qui risque d'empêcher les poissons de respirer convenablement.

3.11. RECOLTE DES POISSONS

La récolte des poissons a lieu huit jours avant la récolte du riz. Ainsi, le riz aura quelques jours d'assec pour terminer sa maturation et pour faciliter sa récolte.

Pour récolter les poissons, une semaine avant la récolte de riz, le rizipisciculteur diminue progressivement le niveau de l'eau dans la rizière en protégeant la sortie d'eau par un grillage ou une soubique. Les poissons sont alors obligés de se réfugier dans les endroits les plus bas de la rizière, c'est-à-dire dans l'étang-refuge.
Quand il ne reste plus ou peu d'eau sur l'assiette de la rizière, le rizipisciculteur effectue une dernière vérification et ramasse d'éventuels poissons qui sont restés coincés entre les plants de riz.
Après, il suffit de chasser les poissons dans l'étangrefuge avec des soubiques et/ou des épuisettes. Les poissons qui veulent bien se laisser prendre sont déjà ramassés.
Le rizipisciculteur continue à diminuer le niveau d'eau jusqu'au moment oùiln'y aura plus d'eau dans l'assiette.
Ainsi, tous les poissons restants se sont enfuis dans l'étang-refuge. Il ne reste plus qu'à ramasser les poissons dans l'étang-refuge avec des soubiques et/ou des épuisettes. Les poissons récoltés doivent être manipulés avec précaution, il faut éviter de les blesser.
Les poissons destinés à l'élevage de contre-saison en rizière aménagée seront tockés provisoirement dans un petit étang. Les autres sont vendus ou consommés.

3.12. ELEVAGE DE CONTRE-SAISON EN RIZIERE AMENAGEE (1)

Les rizipisciculteurs qui ont construit autour de leurs rizières des digues assez larges et élevées, peuvent continuer l'élevage de poissons après la récolte de riz s'ils disposent toujours d'une alimentation en eau suffisante.

Après la récolte de riz, on peut continuer l'élevage de poissons en contre-saison dans les rizières aménagées suivant les normes indiquées.
Avant la remise sous eau, pour maintenir la fertilité de la rizière, il faut de nouveau remplir convenablement la compositère avec des produits fertilisants.
Il est également recommandé au rizipisciculteur d'épandre du fumier en petit tas, à raison de 15 à 20 kg/are. A défaut de fumier, de la paille de riz peut être utilisée.
Après le remplissage de la compostière et l'épandage du fumier, la rizière est remise sous eau. Avec des digues de 50 cm de hauteur, il est possible d'obtenir une profondeur d'eau de 30 à 40 cm.
Maintenant, les conditions dans notre rizière ressemblent à celles d'un étang de faible profondeur.
Les poissons récoltés et réservés pour l'élevage en contre-saison sont maintenant transférés de l'étang de stockage à la rizière.
Les poissons issus d'une rizière aménagée, fertilisée et empoissonnée à une densité de 25 alevins sont transférés directement. En revanche, ceux issus d'une rizière aménagée, fertilisée et alimentée (densité à l'empoissonnement 50 alevins/are) sont d'abord rapidement pesés avant le déversement pour pouvoir calculer la ration journalière d'aliment à distribuer.

3.12. ELEVAGE DE CONTRE-SAISON EN RIZIERE AMENAGEE (2)

Avec une fertilisation correcte et une alimentation journalière des poissons, le rizipisciculteur peut facilement doubler le poids des poissons en quelques mois d'élevage supplémentaires dans ses rizières bien fertilisées.

La dose indicative d'aliment à distribuer tous les jours aux poissons correspond à 4% du poids total des poissons (biomasse) pendant toute la durée de l'élevage en contre-saison.
Comme en rizipisciculture, le nourrissage est fait une fois par jour, au même endroit et à la même heure (fin de l'après-midi), ceci pour bien habituer les poissons. De même, la ration journalière est augmentée ou diminuée en fonction de l'appétit des poissons
(voir fiche 3.8.).
Pour une rizière empoissonnée à 6 kg de poisson par are, les doses à distribuer par jour sont :
- 2 kapoaka remplis à ras bord par jour et par are de rizière pendant le premier mois ;
- 3 kapoaka par jour et par are de rizière pendant le deuxième mois.
Il est déconseillé aux rizipisciculteurs d'étendre l'élevage en contre-saison au-delà du mois de juin parce que la température de l'eau devient trop froide et ne permet plus une bonne croissance des poissons.
Après la récolte, les plus beaux et les plus gros poissons peuvent être sélectionnés comme pré-géniteurs.
Le restant de la récolte est vendu et/ou autoconsommé.

3.13. GESTION PISCICOLE

Pour assurer une bonne réussite de la campagne rizipiscicole, une bonne planification des activités et une bonne gestion sont importantes.

Chaque année, au mois de juillet, le rizipisciculteur choisit les rizières à utiliser pour le prochain cycle rizipiscicole. Après avoir mesuré la surface de ses rizières et avoir déterminé son mode d'élevage (fertilisation et/ou fertilisation et alimentation), il doit calculer le nombre d'alevins requis pour l'empoissonnement de sa rizière.
Au mois d'août, il contacte le producteur privé d'alevins pour déposer sa commande. Il profite de l'occasion pour s'informer sur la période de disponibilité d'alevins et leur prix. Ainsi, le rizipisciculteur connaît le montant à prévoir pour l'achat de ses alevins.
Eventuellement, les alevins sont payés d'avance.
Comme le nombre d'alevins, les besoins en intrants sont calculés à partir de la surface rizipiscicole et le mode d'élevage appliqué (fertilisation et/ou fertilisation plus alimentation et contre-saison).
Avant le démarrage du cycle, tous les intrants nécessaires doivent être achetés et/ou mis de côté :
- semence de riz ;
- aliments (son de riz, farine de maïs, tourteaux de soja, etc…) ;
- NPK ;
- Urée ;
- fumier ;
- DECIS CE.
Quelques semaines avant la récolte des poissons, le rizipisciculteur se décide sur la destination de son produit et la (les) date(s) exacte(s) de la(des) récolte(s)
S'il vend une partie de sa production, il fixe son prix et informe les candidats acheteurs. Une partie de la récolte peut être autoconsommée et/ou stockée pour un élevage ultérieur.

3.14. RENDEMENT RIZICOLE

En rizipisciculture, dans une rizière bien aménagée et fertilisée suivant les normes, le rendèment rizicole est égal ou légèrement supérieur au rendement obtenu en riziculture fertilisée, malgré la diminution de la surface rizicole.

Le rendement rizicole de base d'une rizière sans apport quelconque dépend de la fertilité du sol de la rizière et l'altitude. En général, on obtient un rendement rizicole entre 10 et 20 kg par are (= 1.000 à 2.000 kg/ha).
Dans une rizière fertilisée suivant les normes du Service d'Agriculture, le rendement rizicole peut atteindre une production de 35 à 45 kg par are (= 3.500 à 4.500 kg/ha) sur les Hautes-Terres malgaches (riziculture améliorée). Le rendement rizicole des rizières situées à des altitudes élevées (> 1.800 m) est plus faible.
Dans une rizière fertilisée et aménagée pour la rizipisciculture suivant les normes, le rendement rizicole est identique ou légèrement supérieur au rendement en riziculture simple. On peut obtenir un rendement rizicole entre 40 et 50 kg par are (= 4.000 à 5.000 kg/ha).
Attention : malgré une diminution de la surface rizicole de 3 à 5% (voir 3.5. (2)), le rendement rizicole ne diminue pas ; au contraire, elle augmente légèrement grâce à l'action bénéfique des poissons sur le rendement du riz.

3.15. RENDEMENT PISCICOLE

Dans une rizière aménagée, fertilisée et empoissonnée suivant les normes ainsi qu'avec une alimentation journalière des poissons, et une prolongation du cycle de deux mois, on peut arriver à un rendement piscicole de 9 kg/ are/ 6 mois.

Le rendement piscicole de base d'une rizière sans apport quelconque dépend de la fertilité du sol de la rizière (avec une eau stagnante) et des aménagements effectués. Si les aménagements de la rizière ont été bien faits, non seulement le rehaussement des diguettes mais surtout la mise en place de l'étang-refuge (voir fiches 3.5.), le rizipisciculteur peut récolter 60% des poissons initialement déversés (= taux de survie 60%) dans des rizières fertiles.
Avec un empoissonnement de 25 alevins à l'are, et un taux de survie de 60%, une récolte entre 1 à 2 kg de poissons par are en 4 mois est possible dans des rizières fertiles et aménagées suivant les normes.
Dans une rizière fertilisée et aménagée suivant les normes, avec un empoissonnement de 25 alevins à l'are, le rizipisciculteur peut espérer atteindre un rendement piscicole de 3 kg de poisson par are en 4 mois d'élevage, c'est-à-dire sur 25 alevins déversés initialement, on récoltera 15 poissons de 200 g.
Avec un empoissonnement de 50 alevins à l'are et une alimentation journalière des poissons suivant les normes, le rendement piscicole d'une rizière bien fertilisée peut atteindre 6 kg de poisson par are en 4 mois d'élevage, c'est-à-dire sur 50 alevins déversés initialement, on récoltera 30 poissons de 200g.
Un rendement plus important peut être obtenu avec une prolongation du cycle d' élevage en contresaison. En 2 mois d'élevage supplémentaire, une rizière  bien fertilisée peut atteindre un rendement total de 4,5 kg/are, c'est-à-dire au lieu de récolter 15 poissons de 200 g, on récoltera 15 poissons de 300 g. Dans une rizière où les poissons ont été nourris journalièrement, un rendement total de 9 kg/ are peut être atteint, c'est-à-dire au lieu de récolter 30 poissons de 200 g, on récoltera 30 poissons de 300 g.

3.16. BILAN FINANCIER D'UNE RIZIERE EMPOISSONNEE (1)

Avec un bon savoir-faire piscicole et une bonne gestion, le rizipisciculteur peut obtenir une rentabilité par unité de surface de 11.800 Fmg à 14.800 Fmg par are de rizière aménagée, fertilisée et empoissonnée suivant les normes contre 6.550 Fmg par are de riziculture amé-liorée (sans poissons).

Evaluation économique d'une rizipisciculture extensive (unité de 10 ares, valeur en Fmg1)
Charges :
- alevins: 30 × 250 al =7.500
- semences: 400 × 5 kg =2.000
- fumier: 20 × 100 kg =2.000
- NPK: 480 × 30 kg =14.400
- urée: 600 × 6 kg =3.600
- insecticides:1.000
- autres:1.500
total des charges =32.000
Récolte poissons à la fin du cycle rizicole (4 mois)
Revenus:
- paddy: 200 × 450 kg =90.000
- poisson: 2.000 × 30 kg =60.000
total des revenus =150.000
Marges brutes =118.000
En comptant 23 journées de travail, on peut valoriser une journée de travail de rizipisciculture extensive à 5.130 fmg.
Récolte poissons à la fin du cycle contre-saison (6 mois)
Revenus:
- paddy: 200 × 450 kg =90.000
- poisson: 2.000 × 45 kg =90.000
total des revenus =180.000
Marges brutes:148.000
En comptant 25 journées de travail, on peut valoriser une journée de travail de rizipisciculture extensive avec élevage de contre-saison à 5.920 Fmg.

1 prix campagne 1990/1991

3.16. BILAN FINANCIER D'UNE RIZIERE EMPOISSONNEE (2)

De même, on peut obtenir une rentabilité par unité de surface de 16.400 Fmg à 21.800 fmg par are d'une rizière aménagée, empoissonnée et alimentée suivant les normes contre 6.550 Fmg par are pour une riziculture améliorée (sans poissons).

Evaluation économique d'une pisciculture semi-intensive (unité de 10 ares, valeur en Fmg1)
Charges :
- alevins: 30 × 500 al =15.000
- semences: 400 × 5 kg =2.000
- fumier: 20 × 100 kg =2.000
- NPK: 480 × 30 kg =14.400
- urée: 600 × 6 kg =3.600
- aliment (4 mois): 310 × 20 kg =6.200
- aliment (6 mois): 310 × 40 kg =12.400
- insecticides:1.000
- autres:1.500
total des charges (4 mois) =45.700
total des charges (6 mois) =51.900
Récolte poissons à la fin du cycle rizicole (4 mois)
Revenus :
- paddy: 200 × 450 kg =90.000
- poisson: 2.000 × 60 kg =120.000
total des revenus=210.000
Marges brutes=164.000
En comptant 31 journées de travail, on peut valoriser une journée de travail de rizipisciculture semi-intensive à 5.300 Fmg.
Récolte poissons à la fin du cycle de contre-saison
(6 mois)
Revenus :
- paddy: 200 × 450 kg =90.000
- poissons: 2.000 × 90 kg =180.000
total des revenus=270.000
Marges brutes=218.000
En comptant 35 journées de travail, on peut valoriser une journée de travail de rizipisciculture semi-intensive avec élevage de contre-saison à 6.231 Fmg.

1 prix campagne 1990/1991


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