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V.- COMMERCIALISATION

Celle-ci se caractérise principalement par l'apport et la distribution de faibles quantités. La seule étude effectuée sur ce sujet se réfère au Lac Péligre (Ref. 8 & 38) en 1985, qui a dévoilé un système très particulier de commercialisation. Le morcellement dans tout le processus rendra très difficile l'introduction d'améliorations techniques telles qu'une chaine de froid et autres infrastructures de service au marché. Pour les autres lacs il n'existe que des données fragmentaires.

5.1. - La Manipulation:

Le produit de la pêche est généralement traité avec peu de considération pour sa nature hautement périssable. Ceci est largement dû au manque de connaissance, mais aussi du fait de la négligence et que la chaïne de commercialisation est, en général, très courte, le produit étant consommé le même jour.

Au Lac Péligre, les pêcheurs tentent maintenir les poissons vivants en les enfilant par les ouies sur une corde qu'ils immergent sous la pirogue; le poisson encore non vendu qu'il rapporte à son lieu de débarquement (généralement où il habite) est ensuite gardé dans une cage (en osier, comme les nasses ou en bois, mais plus grande). Le poisson mort est simplement déposé dans le fond du canot (généralement dans l'eau sale). Les marchandes font de même.

Dans les autres lacs et mares, le poisson est généralement déposé dans l'embarcation, mais souvent aussi gardé, s'il est encore vivant, dans des cages (remises en bois ou en palme). Les pêcheurs à ligne les enfilent aussi sur une corde pour les garder vivant dans l'eau (surtout les poissons plus grands).

Cette façon est excellente et il faut l'encourager quoique cela peut devenir difficile si le volume de captures dépasse les quelques kilos habituels. D'autre part il est nécessaire d'éduquer les pêcheurs et marchand(e)s afin qu'ils appliquent des méthodes hygiéniques aux produits à tous les stades du circuit commercial (garder le poisson en un récipient propre, même si ce ne sont que des feuilles de bananes, par exemple, mais jamais jeter dans le fond du bâteau).

Comme le poisson se vend entier ou étripé en général, sauf lorsqu'il est traité, l'étripage, etc. n'a pas beaucoup d'incidence sur le produit. Cependant lorsque cela se fait (pêche au trémail par ex.) le poisson est maltraité: Déposé par terre, étripage généralement soigné (et bien lavé, mais souvent dans de l'eau contaminée), mais l'écaillage, coupe des nageoires, étêtage etc. du vite-fait.

5.2- Conservation et Transformation:

On peut estimer que 80% des captures commercialisées sont vendues fraiches et consommer le même jour. Le poisson non vendu (sur les marchés) est mis en saumure (pour le vendre le lendemain) et le retard à l'y mettre (le poisson frais étant étalé sans aucun moyen de préservation pendant de longues heures durant la vente) tout comme le degré insuffisant de la saumure et sa condition souvent mauvaise (on ne la change pas assez souvent) facilite la décomposition rapide du produit. Il y a donc un effort important à entreprendre à ce niveau pour améliorer les conditions de préservation (déposer et recouvrir le poisson au moins avec des feuilles de bananiers, par ex., qui aident à garder la fraicheur et à protéger des mouches), le salage (saumure d'un degré suffisant et propre) de même que l'imposition d'une limite de temps (fixage d'une heure limite au marché) où le poisson peut être présenté frais.

Le fumage est rarement pratiqué et il n'y a pas de glace disponible pour conserver le poisson au froid.

5.3- Débarquement:

Il n'y a pas de point de débarquement majeur où concentré ni nécessairement fixé sur les lacs. Au Lac Péligre le poisson est débarqué en de nombreux points par les pêcheurs et les marchandes individuellement, pouvant varier selon les jours et le marché sur lequel elles dirigent le produit. Néanmoins, il serait possible de choisir des points de débarquement fixes pour les marchandes selon des critères de proximité à un marché donné, facilité d'accès et de transport, etc. afin d'y installer des points de contrôle (statistiques) et des infrastructures éventuelles (provision de glace, de sel, d'emballages, etc.).

A l'Etang Saumâtre, la majeure quantité de poisson est débarquée au NO (près de Nan Tête Source) et au camp de pêche près de Fond Parisien. Les captures du Trou Caiman sont débarquées sur la rive N (près de Thomazeau) et ceux du Grand E. de Miragoâne près du déversoir (rive N sur la route) principalement. Dans ces lieux, il sera donc possible d'y installer des centres de réception, en y prévoyant certaines infrastructures et services pouvant attirer les pêcheurs afin d'y concentrer les débarquements permettant ainsi les contrôles et leur conditionnement adéquât (Ref. 4).

5.4- Distribution:

La proportion des captures qui n'est pas consommée localement (auto-consommation et vente sur place) est amenée au marché dans des bassins en général (par les marchandes), mais aussi dans des boîtes, cartons ou simplement enfilée sur une corde (“créi”). Un emballage adéquât (protection de la poussière, des insectes etc.) fait souvent défaut.

Le transport sur les lacs est effectué par les pêcheurs (poisson débarqué) souvent par les marchandes (au Lac Péligre il y a maintenant un marchand pêcheur qui possède un canot motorisé pour ses activités), à pied, à bicyclette, en voiture (tap-tap) ou même à cheval selon les cas. Il n'existe aucune forme de transport spécialisée (isotherme) ni de soin particulier pour le produit.

Pratiquement tous les marchés sont situés dans les zones près des lacs/étangs où s'effectue la pêche, soit:

- 8 marchés aux alentours du Lac Péligre (à part les minuscules marchés locaux), le poisson pouvant être vendu jusqu'à Mirebalais. Dormond semble être le marché le plus important.

- 2 marchés près de l'Etang Saumâtre et du Trou Caiman (Thomazeau et Croix des Bouquets). Un peu de poisson peut aussi arriver à Fonds Parisien et Ganthier, mais on pêche très peu dans ce secteur du lac (par manque de bâteaux). Parfois du poisson arrive même à Port-au-Prince en provenance de l'Etang Saumâtre et du Trou Caiman.

- Un marché près de l'Etang de Miragoâne (Miragoâne). La chaïne de commercialisation est généralement courte:

- Pêcheur/Consommateur.

- Pêcheur/Marchande (souvent même un membre de sa famille)/Consommateur.

- Pêcheur/Marchand(e)/autres intermédiaires (transporteur par ex.) consommateur.

Rarement il y a plus de deux intermédiaires.

5.5- Prix et Volumes:

Ceux-ci peuvent varier énormement quant au volume, au T. Caiman et E. Miragoâne, du fait de l'intensité de l'effort durant les pêches communales. En général ils sont moins variables au Lac Péligre et probablement aussi à E. Saumâtre (quoique qu'ici les variations brusques de volume dûes au mauvais temps - vents forts - peuvent avoir lieu).

Les variations dans les prix dépendent de l'effort de la saison, de l'espèce, et du lieu, mais ne sont pas très variables. Au Lac Péligre, les volumes augmentent à partir du mois d'Août (petite saison sèche) pour atteindre un maximum dans la période Février - Mars (saison sèche et début des pluies). De même le nombre de marchandes fluctue en corrélation avec les volumes commercialisés, chacune apportant une quantité plus ou moins consistante (entre 6 et 8.5kg par semaine en moyenne). Ceci sur base des données pour le marché de Dormond (Ref. 38). Dans la figure 2, ces données ont été présentées sur forme de graphique.

Les prix, ici, varient peu en fait de Gdes. 6.36 à 11.18 pour le téta (poisson préféré), de Gdes. 5.25 à 6.29 pour la carpe et de Gdes. 6.10 à 7.58 pour le tilapia, par kg.

En fait, le poids est un élément difficile à évaluer, même en le mesurant, car le poisson se vend à la pièce et le prix est relativement plus haut plus le poisson est grand. Le degré de fraicheur influe aussi et, de ce fait, le prix diminue au fur et à mesure que la journée avance. Le poisson en saumure (surtout vendu le lendemain) a déjà un prix nettement inférieur.

Les prix évoluent dans le temps et leur structure peut même changer: En 1984 (Ref. 8) lls étaient de 4.4 à 6.6 pour téta, 6.6 – 6.8 pour tilapia et 8.8 – il pour la carpe par kg respectivement.

Les prix actuels semblent à peine plus hauts (~5%) qu'en 1985. Ceci peut s'expliquer par le fait que le pouvoir d'achat n'a pas augmenté et à probablement chuté récemment, ce qui fait qu'un produit donné ne se vendrait simplement pas s'il augmentait au delà d'un certain point, ce qui freine l'inflation.

Le volume hebdomadaire passant par quatre marchés (dormond, Ti Fond, Mirebalais et Dufaly) fin 83/début 84 fut estimé à quelques 450 kg. De ce fait, en estimant le double pour tous les marchés y compris les petits marchés locaux et à 50% la consommation sur place des captures, la production totale à cette époque équivalait à environ:

450 × 2 = 900 × 2 = 1.800 kg/semaine ou
93.6 tonnes/an.

Pour l'Etang Saumâtre, la production annuelle a été estimée à 37 tonnes (Ref. 41). Ce chiffre très bas est dû au manque d'effort (manque de moyens). Dans le passé (Ref. 33) la production y a été estimée à 42–85 tonnes par an.

A Miragoâne, la production annuelle est estimée à 5.65 T. seulement (Ref. 23) et il n'existe aucun chiffre pour T. Caiman.

On peut donc estimer la production annuelle totale pour ces lacs entre 150 et 200 T par an.

Figure 2: Corrélation entre volume de poisson commercialisé, nombre de marchandes et poids moyen de poisson par marchande sur le marché de Dormond (1985). (Yinfield, 1985)

Figure 2

Figure 3: Nombre de marchandes par semaine sur le marché de Dormond (1985). (Yinfield, 1985)

Figure 3

5.6- Préférences des Consommateurs:

Le poisson frais paraît être définitivement le plus apprécié quoique le poisson fumé et salé est également accepté (mais plutôt utilisé comme ingrédient dans les mets plutôt que comme plat). D'autres formes, comme les conserves, sont également acceptées mais sont trop chères pour le citoyen moyen.

Parmi les espèces d'eau douce, le téta, la carpe et/ou tilapia, le cichlosoma et ensuite les autres constituent l'ordre de préférence. Ceci est aussi une question de taille, car les poissons plus grands valent relativement plus.

D'autres facteurs, comme la couleur influe aussi, les rouges étant les plus appréciés et les foncés (noirâtre) le moins.

Certains poissons, comme les aiguilles, ne sont pas consommés, probablement du fait qu'elles ont peu de chair et beaucoup d'épines.

Ces préférences doivent être dans une certaine mesure prises en compte lors des introductions des nouvelles variétés.

5.7- Problèmes

L'obstacle majeur pour le développement du marché est la structure dispersée de celui-ci. Ensuite, les volumes faibles, qui ne justifient pas le développement d'infrastructures appropriées (conservation par le froid par ex.). De ce fait aussi, les pertes actuelles sont faibles (5 à 10% seulement) puisque tout se vend pratiquement le mëme jour.

Il faut néanmoins prévoir que:

- Tout augmentation du volume par le développement de la pêche risque de saturer rapidement le marché.

- La demande n'a pas été étudiée; elle existe probablement au niveau local, mais le pouvoir d'achat fait défaut.

- La demande existe bel et bien dans les marchés plus éloignés (Hinche, Port-au-Prince, etc.) et le pouvoir d'achat global (pas nécessairement individuel) y est majeur, mais la distance exige une manipulation, conservation, emballage et transports adéquâts afin d'y commercialiser un produit acceptable.

- Il faudra le temps venu créer les structures nécessaires

c'est à dire:

  1. Centres de réception (avec chambres froides et glace).
  2. Transport Isotherme
  3. Points de vente avec glacíère.
  4. Eventuellement, installation de traitement: Salage, fumage, etc.

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