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Classification des bois en fonction de l'utilisation finale

Pour une meilleure utilisation des ressources forestières tropicales

J.D. Brazier et C. Webster

J. D. BRAZIER et C. WEBSTER travaillent au Princes Risborough Building Research Establishment, Royaume-Uni.

L'utilisation des bois feuillus tropicaux s'est répandue dans les pays industrialisés après la seconde guerre mondiale et n'a cessé de progresser depuis. Les exportations de bois tropicaux ont triplé au cours des dix dernières années, en provenance principalement du Sud-Est asiatique. La Malaisie, l'Indonésie et les Philippines fournissent à l'heure actuelle près de 80 pour cent des exportations mondiales de feuillus tropicaux, tandis que les volumes de bois en grumes exportés par ces trois pays sont passés en dix ans de 6,6 à 29,5 millions de mètres cubes. Les feuillus, et notamment les feuillus tropicaux, exploités à des fins industrielles ne représentent qu'une faible part (27 pour cent) des volumes totaux abattus, dont de loin la plus grande part est utilisée comme combustible. Cependant, l'exploitation de ces bois est très sélective et dominée dans beaucoup de pays par un petit nombre de bois bien connus et commercialement acceptés; ainsi, les étendues de forêts parcourues par l'exploitation sont absolument hors de proportion avec les volumes de bois à usage industriel extraits. Ce fait n'aurait peut-être pas en lui-même d'importance si l'exploitation commerciale, même lorsqu'elle est très sélective, ne rendait souvent la forêt accessible aux agriculteurs et aux planteurs, ouvrant ainsi la porte à sa dégradation et à sa destruction.

On a donc estimé à juste titre qu'il faut, d'une part, mettre un frein à la régression des forêts et, d'autre part, modifier les pratiques actuelles d'exploitation hautement sélective, si l'on veut sauvegarder à long terme aussi bien les intérêts commerciaux que l'intégration botanique des peuplements forestiers. Comment y parvenir? Un des moyens consiste à utiliser plus extensivement la forêt, donc à exploiter un bien plus grand nombre d'essences. C'est la solution qui a été bien souvent préconisée depuis des années, mais qui, à quelques remarquables exceptions prés, ne s'est jusqu'à présent pas concrétisée.

Tout un ensemble de considérations pratiques ont certes contribué à créer une telle situation, mais celle-ci tient aussi à une raison profonde d'ordre psychologique qui nous paraît importante, et qui n'a peut-être pas reçu toute l'attention qu'elle mérite. Le choix des bois en vue de leur emploi se fait en fonction de l'essence et, s'il est parfois basé sur l'usage traditionnel, le plus souvent ce sont des considérations de disponibilité, de prix, de dimensions et de qualités technologiques qui priment. On peut discuter de l'importance relative à donner à chacun de ces quatre facteurs, mais il est certain que bien souvent l'une des dernières choses dont on se préoccupe c'est de savoir si le bois convient ou, plus exactement, s'il réunit les propriétés technologiques voulues.

Lorsqu'on cesse d'utiliser un bois, généralement pour des raisons de prix ou de difficultés d'approvisionnement, on cherche à le remplacer par une autre essence qui lui soit comparable, en s'adressant le plus souvent à celles qui sont déjà connues sur le marché. Cependant, même si la nouvelle essence convient et qu'on s'attache pendant un temps suffisant à la promouvoir sur le marché, on n'est pas du tout certain de la faire accepter, et le coût de l'opération est souvent considérable. La difficulté vient de ce qu'il faut intégrer l'essence inconnue dans la gamme de celles qui sont déjà utilisées, en démontrant que ses qualités d'emploi sont au moins aussi bonnes sinon meilleures que celles des essences connues et appréciées, et son prix acceptable - ce qui signifie en général plus bas. C'est là tâche ardue devant la volonté bien arrêtée de maints utilisateurs de s'en tenir à ce qu'ils connaissent plutôt que de se hasarder dans l'inconnu.

Un autre facteur qui a contribué à faire de l'essence le principal critère de choix des bois réside dans la forme sous laquelle est généralement présentée l'information les concernant. Les manuels traitant des bois à l'échelle mondiale ou nationale suivent invariablement une classification par essences. Si la diffusion de tels ouvrages exposant dans le détail les résultats d'essais systématiques portant sur les propriétés physiques et technologiques des bois a sans aucun doute permis une utilisation plus rationnelle et plus économique de beaucoup d'entre eux, elle a aussi aidé à perpétuer un système dans lequel une essence donnée est toujours comparée à une autre et les substitutions entre essences fondées sur leurs similitudes. C'est cette prépondérance donnée l'essence comme critère de description et de choix des bois, dans la documentation publiée par de nombreux pays utilisateurs, qui a favorisé les bois connus par rapport à ceux qui étaient moins familiers et fait perdre de vue la nécessité d'une information sur les caractéristiques requises en vue de telle ou telle utilisation.

S'il existe une documentation volumineuse sur les bois par essences, on ne dispose en revanche que de fort peu d'information concernant les propriétés requises en fonction de l'utilisation finale, ce qui devrait pourtant être la seule base logique pour le choix des bois. Nous cherchons actuellement, au Princes Risborough Building Research Establishment, à combler cette lacune, du moins en ce qui concerne le Royaume-Uni, et à procurer à toutes les catégories professionnelles touchant à la production, au classement, à la transformation et à l'utilisation des bois un guide utile pour le choix des essences.

La classification des bois en fonction de leur aptitude à une utilisation finale donnée définit pour chaque type de produit ligneux les propriétés majeures et les niveaux qu'elles doivent atteindre pour que les bois répondant à ces normes puissent fournir des résultats satisfaisants au niveau tant de la transformation que de l'utilisation. La détermination des propriétés à retenir et des niveaux proposés est une question de jugement, dicté par la connaissance des facteurs influant sur les propriétés d'emploi et guidé par les éventuelles spécifications ou normes pour un produit fini donné.

Pour élaborer cette classification à Princes Risborough, on a commencé par les produits ligneux utilisés dans le bâtiment. A l'heure où nous écrivons? on a défini les propriétés requises pour divers types ou éléments de fenêtres, portes et huisseries de portes, revêtements muraux extérieurs, parquets, meubles. Le tableau 1 reproduit, à titre d'exemple, la section concernant les fenêtres.

Connaissant les propriétés requises pour un produit donné, on peut déterminer parmi les bois pour lesquels on dispose d'informations technologiques détaillées ceux qui possèdent les propriétés convenables au degré requis et sont susceptibles de convenir pour le produit considéré. Dans le cadre de l'étude en cours, on a mis au point un système de tri utilisant des cartes à perforations marginales, qui permet de sélectionner les bois possédant l'éventail requis de propriétés. On s'en sert pour sélectionner les bois convenant à un certain usage, puis on en établit la liste pour chacun des produits pour lequel sont définies les propriétés requises; le tableau 2 donne une sélection des bois parmi ceux que l'on peut trouver à l'heure actuelle en Grande-Bretagne et qui conviennent pour les menuiseries de fenêtres. De telles listes peuvent être complétées à mesure que de nouveaux bois sont proposés sur le marché, à condition toutefois que l'on dispose de données technologiques suffisantes pour pouvoir appliquer la procédure de sélection; inversement, ce mode de classification met en évidence les propriétés sur lesquelles on doit avoir des informations pour pouvoir juger de l'aptitude d'un bois à une utilisation déterminée. La classification des bois par propriétés en fonction de l'utilisation finale offre pour la première fois à tous ceux qui produisent, commercialisent ou utilisent le bois le moyen d'apprécier objectivement cette aptitude.

A propos du tableau 1, il y a un certain nombre de points qui appellent des commentaires. Les propriétés pour lesquelles on mentionne des niveaux ou degrés sont celles qui sont habituellement évaluées dans les essais physiques et technologiques des bois; les termes descriptifs employés correspondent, dans la plupart des cas, à ceux adoptés dans la littérature britannique, notamment dans les manuels et autres publications du laboratoire de Princes Risborough. Les propriétés importantes et leurs différents niveaux sont brièvement résumés dans une note au tableau 1.

Performances

Un second point très important concerne les niveaux d'aptitude mentionnés. Au cours de l'élaboration du système de classification, on s'est rendu compte qu'il serait aussi peu réaliste qu'utile de baser les conditions requises pour chaque propriété sur un seul niveau d'aptitude, ce qui serait revenu en fait à formuler des spécifications trop exclusives. De toute évidence, il faut que le négociant, tout comme l'industriel, jouisse d'une certaine latitude dans son choix, compte tenu des conditions et de la durée de service d'un produit, et des moyens dont on dispose pour sa fabrication. Il faut donc prévoir deux niveaux d'aptitude. Le premier, ou niveau d'aptitude optimal, peut être obtenu mais seulement au prix de traitements supplémentaires; l'acceptabilité d'un bois dépend alors du coût combiné de ce bois et des traitements supplémentaires qu'il requiert par rapport au coût d'un bois qui n'en nécessite pas. Pour les menuiseries de fenêtres, par exemple, on peut avoir à choisir entre un bois classé moyennement durable, autrement dit qui n'exige pas de traitement de conservation, et un autre bois moins durable qui doit être traité; ou encore entre un bois qui émousse peu les lames d'outils rapides et un bois abrasif qui exige des lames stellitées. Si le coût du traitement dans le premier exemple ou du stellitage dans le second se justifie par rapport aux autres coûts, on peut accepter dans le premier cas un bois moins durable, dans le second cas un bois plus abrasif. Dans ces deux exemples il n'y a pas abaissement du niveau d'aptitude à l'utilisation considérée. Mais, dans d'autres cas, on peut admettre des normes moins sévères. D'où le deuxième niveau d'aptitude proposé. Au a niveau optimal» pour une propriété donnée peut faire place un «niveau acceptable» qui, quoique plus bas, est néanmoins considéré comme donnant des résultats valables pour beaucoup de conditions d'utilisation.

Si l'on adopte ce système, le classement d'un bois en fonction d'une utilisation déterminée doit indiquer pour chaque propriété si elle se trouve au niveau optimal, au niveau optimal après modification du processus de fabrication, ou au niveau acceptable. Le tableau 2 donne un exemple concernant les bois pour menuiseries de fenêtres. Tous les bois de cette liste atteignent le niveau optimal pour toutes les propriétés sauf celles indiquées par un numéro de code; pour ces dernières le niveau optimal peut être atteint moyennant un traitement spécial si le chiffre est entre parenthèses, les autres chiffres indiquant des propriétés de niveau acceptable.

Les propriétés importantes mentionnées et leurs niveaux correspondent aux conditions du Royaume-Uni. Il est bien évident que, eu égard surtout aux propriétés influant sur le comportement du bois, on peut s'attendre à des différences considérables dans les niveaux optimaux entre un matériau utilisé en milieu tropical et un matériau utilisé en climat tempéré; il est même possible que ces propriétés doivent répondre à des niveaux différents, selon qu'il s'agira d'utiliser le matériau sous ´le climat maritime du Royaume-Uni ou dans certaines parties de l'Europe continentale. Il serait donc bon d'étudier à l'échelle internationale les répercussions des diverses normes ou spécifications nationales touchant les caractéristiques d'emploi et les procédés d'usinage sur les propriétés des bois à considérer et les niveaux à exiger. Il est indispensable à cet égard de se mettre d'accord sur une terminologie commune pour définir les niveaux dans une propriété donnée.

Il convient enfin de souligner que le système proposé, en définissant des niveaux de propriétés, permet de sélectionner les essences en vue d'une utilisation donnée. On l'a parfois décrit comme un système de classement des bois par destination, mais il vaut mieux le définir comme une classification en fonction des utilisations finales; il ne remplace en effet en aucune façon le classement traditionnel par qualités et n'en dispense pas. Ces deux méthodes devraient être conjuguées pour arriver à un système de commercialisation en fonction de l'utilisation finale, et le classement par qualités pourra ainsi répondre aux exigences particulières du produit final.

En quoi, peut-on se demander, cette innovation permet-elle d'utiliser plus rationnellement les ressources mondiales en bois? Tout simplement parce qu'elle facilite l'instauration d'un système de commercialisation des bois fondé non plus sur un nom, mais sur l'utilisation finale. Ainsi qu'on le fait remarquer plus haut, la classification des bois en fonction de cette utilisation indiquant les bois propres à tel ou tel usage, il suffit de la rapprocher des spécifications concernant les qualités et dimensions des bois pour satisfaire aux exigences techniques d'un système de commercialisation axé sur l'utilisation finale. Avec ce système, un lot pourra ne comporter qu'une seule essence, et même le devra si la question d'aspect compte beaucoup. Mais pour de nombreuses utilisations l'aspect du bois n'a guère d'importance, et on peut alors commercialiser ensemble des essences mélangées, pourvu qu'elles répondent à certaines exigences communes en ce qui concerne les propriétés d'emploi et les processus de fabrication. C'est cette possibilité de commercialiser des mélanges d'essences qui permettra de mieux utiliser les ressources forestières tropicales.

UNE SCIERIE EN INDONÉSIE du point de vue économique il est parfois plus rationnel de commencer par la fin

CLASSIFICATION PROPRIÉTÉS DES BOIS POUR FENÊTRES: ENCADREMENTS, APPUIS, CHASSIS FIXES ET MOBILES

Tableau 1. (Propriétés requises et niveaux)

PROPRIÉTÉS DU BOIS

NIVEAUX OPTIMAUX

VARIATIONS ACCEPTABLES

1. Durabilité naturelle (i)

Moyennement à très durable ou périssable ou peu durable après traitement selon (ii)


2. Densité

Résineux de densité moyenne
non inférieure à 0,45

Résineux de densité moyenne 0,37(iii)


Feuillus de densité moyenne non inférieure à 0,53

Feuillus de densité moyenne 0,45 (iii)

3. Retrait ou gonflement

Faible

Moyen

4. Fil

Bois de droit fil, ou fibre légèrement entrecroisée, de direction générale rectiligne

Fibre nettement entrecroisée, de direction générale rectiligne

5. Rapidité de séchage

Rapide à moyennement rapide

Assez lent à très lent (iv)

6. Tendance à fendre au séchage

Absente ou contrôlable


7. Tendance à gauchir au séchage

Absente ou légère

Modérée (v)

8. Emoussement des lames d'outils

Léger ou modéré ou fort si on utilise des outils stellités


9. Usinage

Facile ou facile avec modification de l'angle de coupe


10. Tendance à exsudation de résine

Absente ou peu fréquente après séchage

Voir note (vi)

11. Tendance à corroder les métaux

Absente ou présente à condition d'utiliser des fixations convenablement protégées


12. Tachage au contact des métaux

Absent ou présent si évitable

Présent si esthétiquement

13. Tachage des matériaux en contact par lessivage de couleur

Absent

Présent seulement si non gênant en fonction de l'emplacement

14. Texture

Grain fin à moyen

Grain grossier (vii)

i) Les classifications se rapportent à la durabilité du bois de cœur en excluant tout l'aubier.
ii) Table de conservation des bois.

Cette table fournit des directives générales sur les traitements de conservation à appliquer aux bois de faible durabilité pour porter leur durée de service au niveau requis.

DURABILITÉ NATURELLE


APTITUDE AU TRAITEMENT

Perméable

Moyennement résistant

Résistant

Très résistant

Périssable ou peu durable

Immersion (résineux seulement) Double imprégnation sous vide et pression

Double imprégnation sous vide et pression

Double imprégnation sous vide et pression

Non acceptable

On peut aussi recourir au prétraitement par diffusion au bore (mélange d'acide borique et de borate de sodium) qui améliore la durabilité de tous les bois.

iii) Les bois de densité moyenne inférieure aux à Niveaux optimaux», notamment les bois feuillus tropicaux de densité très variable et les bois résineux de densité inférieure à 0,42, ne doivent être utilisés qu'avec des précautions spéciales en ce qui concerne la longueur de pas des vis employées et les techniques de vissage automatique. Leur utilisation est déconseillée si ces précautions risquent de ne pas être respectées.

iv) Non inclus dans les «Niveaux optimaux» en raison du risque, dans la pratique d'un séchage non uniforme avec des débits de fortes sections; en s'en tenant strictement à des techniques de séchage convenables, les résultats seront aussi bons que Pour des bois à séchage plus rapide.

v) Seulement sous l'angle d'un «Retrait faible».

vi) L'acceptabilité dépend de la finition adoptée et des normes esthétiques requises.

vii) Pour l'utilisation en extérieur, les bois à grain très grossier sont ceux qui se peignent et se vernissent le plus difficilement; un traitement colorant pour extérieur est alors le plus approprié.

Propriétés *

* Pour plus de renseignements sur ces propriétés, voir l'introduction de l'ouvrage Handhook of Hardwoods. 2e édition (HMSO. London. 1972), et Handbook of Softwoods (HMSO, London. 1957).

1. DURABILITÉ. Basée sur la durée de vie du bois de cœur en contact avec le sol en climat tempéré. On distingue 5 classes: très durable (plus de 25 ans): durable (15-25 ans); moyennement durable (10-15ans); peu durable (5-10 ans) et périssable (moins de 5 ans). Tout l'aubier est classé périssable.

2. DENSITÉ. Mesurée à 12% d'humidité.

3. RETRAIT. Faible, moyen ou fort.

4. FIL. Droit fil ou fibre entrecroisée, etc.

5. SÉCHAGE. Rapide, assez rapide, moyennement rapide, plutôt lent, lent, très lent.

6. TENDANCE A FENDRE AU SÉCHAGE. Absente, contrôlable ou présente.

7. TENDANCE A GAUCHIR AU SÉCHAGE. Absente, légère, modérée ou forte.

8. EMOUSSEMENT DES LAMES D OUTILS. Léger, modéré ou fort.

9. USINAGE. Comprend le sciage, le rabotage et autres opérations de coupe. Classé facile lorsqu'on peut obtenir une surface acceptable pour l'emploi envisagé.

10. TENDANCE A EXSUDATION DE RÉSINE. Absente, peu fréquente ou présente.

11. TENDANCE A CORRODER LES MÉTAUX. Absente ou présente.

12. TACHAGE AU CONTACT DES MÉTAUX. Absent ou présent.

13. TACHAGE DES MATÉRIAUX AU CONTACT. Absent ou présent.

14. TEXTURE. Grain fin, moyen ou grossier.

La commercialisation de nombreux bois tropicaux est souvent rendue difficile par leur dispersion qui exige un travail de tri et de collecte pour rassembler des lots suffisants et, même dans ce cas, les actions promotionnelles ne serviront de rien si l'on ne peut assurer ensuite un approvisionnement régulier. Trop souvent, dans le passé, des bois qui s'annonçaient technologiquement intéressants n'ont pu être établis sur le marché, faute de pouvoir alimenter suffisamment ce dernier. Or, avec l'introduction de la commercialisation en fonction des utilisations finales, on peut désormais grouper ces bois avec d'autres possédant la même combinaison de propriétés et ainsi faire tomber beaucoup des obstacles à leur exploitation et en assurer beaucoup plus facilement l'approvisionnement régulier. Autre avantage encore, l'identité botanique dans le cas de bien des utilisations n'aurait plus d'importance pour le négociant ou l'utilisateur; plus besoin de publicité ou de campagne promotionnelle pour imposer un «nouveau nom» - ce qui est souvent un cauchemar pour le fournisseur de bois - du moment que l'on sait que le lot de bois expédié convient parfaitement à l'utilisation envisagée. Cette notion de mélange d'essences en vue d'une même utilisation finale n'est pas aussi nouvelle qu'elle paraît à première vue: on peut citer, par exemple, le contreplaqué marine de norme britannique n° 1088 qui est tiré d'une gamme d'essences répondant à certaines exigences de durabilité naturelle et beaucoup de contreplaqués ordinaires de Malaisie et parfois même d'Afrique occidentale qui sont commercialisés en fonction de la couleur (rouge ou blanche) des faces et non de l'essence, et dont les plis intérieurs sont habituellement constitués d'essences différentes et souvent très diverses. De même, on utilise des mélanges de bois rouges d'Afrique occidentale pour les parquets, et des mélanges de feuillus, provenant souvent de Malaisie, pour fabriquer, entre autres, les parties capitonnées des meubles. Les conceptions actuelles en matière d'utilisation des résineux et feuillus de construction s'orientent vers un groupement des bois en fonction des caractéristiques mécaniques et vers une commercialisation basée sur les niveaux d'aptitude.

Tableau 2. BOIS POUR MENUISERIES DE FENÊTRES

Les bois suivants, disponibles au Royaume-Uni, sont pris parmi ceux qui conviennent pour encadrements, appuis et châssis de fenêtres. Aucun de ces bois n'atteint le niveau optimal pour toutes les propriétés indiquées dans le tableau 1. Celles qui demandent une attention particulière sont indiquées par des numéros correspondant à la liste des propriétés ci-après. Les chiffres entre parenthèses indiquent qu'une modification du processus de fabrication est nécessaire pour atteindre le niveau optimal, et les autres chiffres indiquent des variations acceptables telles que mentionnées dans le tableau 1.

Assamela/Afrormosia (Pericopsis elata)

4 5 (9) 12

Doussié (Afzelia spp.)

4 5 (9) 13 14

Agba (Gossweilerodendron balsamiferurm)

4 (9)

Movingui (Distemonanthus benthamianus)

4 (8) (9) 13

Thuya géant (Thuja plicata)

2 (11)

Sapin de Douglas (Pseudotsuga menziesii)

10

Framiré (Terminalia ivorensis)

(9) (11) 12 13

Iroko (Chlorophora excelsa

4 (9) 14

Mélèze d'Europe (Larix decidua)

7

Acajou d'Afrique (Khaya spp.)

4 (9)

Acajou d'Amérique (Swietenia macrophylla)

4

Dark red meranti (Shorea spp.)

4 5 7(9) 14

Pin sylvestre/Bois rouge du Nord (Pinus sylvestris)

(1) 3 10

Sequoia (Sequoia sempervirens)

2

Teck (Tectona grandis)

5 (8) (9) 14

Sipo (Entandrophragma utile)

4 (9)

Epicéa (Picea abies)

(1) 3

A souligner que la classification et la commercialisation des bois en fonction de leur utilisation finale appellent plus encore, et non pas moins, des données techniques fiables sur l'essence en question, à moins qu'elle ne soit destinée à un emploi peu exigeant. Il faut en effet que le scieur ou tout autre industriel du bois puisse garantir que les bois qu'il vend pour un emploi déterminé possèdent bien les propriétés technologiques voulues. Si l'on insiste sur ce point, c'est parce que dans beaucoup de forêts tropicales, sinon dans la plupart, il reste encore beaucoup à faire pour déterminer les propriétés des essences jusqu'à présent peu ou pas exploitées. C'est là un préalable indispensable à une exploitation plus rationnelle et à l'instauration de systèmes de classification et de commercialisation des bois basés sur leur utilisation finale.

Enfin, il faut voir ce concept de commercialisation en fonction de l'utilisation finale dans l'optique de l'évolution probable en matière de production et de disponibilités en bois. Ce mode de commercialisation et le transfert au transformateur primaire de la responsabilité du choix des bois vont dans le sens de la tendance probable à transformer une part toujours croissante des bois dans les pays producteurs et des besoins qu'elle engendrera. Plus cette tendance s'accentuera, mieux il faudra connaître l'utilisation finale des bois et les caractéristiques nécessaires à cette fin. On arrivera un jour, bien que cela puisse prendre quelque temps, à produire pour les marchés d'exportation des éléments de bois ouvrés répondant aux spécifications de ces marchés. Il n'y a pas si loin, après tout, du panneau latté à la porte isoplane, et de là à d'autres éléments de menuiserie, fenêtres, etc., et parties de meubles.

Si de tels changements dans les pratiques commerciales ne sont pas pour tout de suite, du moins, en attendant, se rend-on toujours plus compte qu'il faut modérer l'exploitation actuelle des ressources ligneuses si l'on ne veut pas détruire la forêt à un rythme scandaleux, notamment dans les régions du monde contribuant pour une grande part au commerce international des bois tropicaux. Bien qu'il n'existe pas de panacée pour ralentir cette destruction, nous pensons que les suggestions avancées ici permettraient au moins une utilisation plus rationnelle des ressources forestières. Grâce en effet à la définition des caractéristiques requises pour les différents usages, le choix sera plus judicieux et plus grande l'économie dans l'utilisation des bois, tandis que, grâce au système de commercialisation, on pourra exploiter des essences qui le sont actuellement peu ou pas du tout, au lieu de les laisser en forêt où elles sont ensuite généralement détruites, et du même coup freiner l'exploitation des forêts et le gaspillage de leurs ressources.


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