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ANNEXE IX: ANALYSE DES RISQUES AU SEIN DU COMITE DU CODEX SUR LES RESIDUS DE MEDICAMENTS VETERINAIRES DANS LES ALIMENTS

1. Introduction

Lors de sa neuvième réunion, le Comité du Codex sur les résidus de médicaments vétérinaires dans les aliments (CCRVDF) s’est montré favorable à l’intégration dans ses travaux d’une approche scientifique d’analyse des risques et est convenu qu’un document thématique sur cette question serait préparé par la France, avec l’assistance de l’Australie, du Canada, des Etats-Unis, de la Norvège, de la Nouvelle Zélande et des Pays Bas pour examen à sa dixième session (ALINORM 97/31 - par 14). La France avait préparé ce document à l'aide de ces pays ainsi que du Royaume-Uni, de la FAO et de l'OMS. Ce document, présenté lors de la 10e session du CCRVDF en 1996, avait suscité un certain nombre de commentaires. Cette nouvelle version de ce texte a pris en compte ces remarques ainsi que l'apport des deux consultations d'experts qui ont été organisées depuis par la FAO et l'OMS sur la gestion des risques et la communication sur les risques.

L’analyse des risques a été décrite dans de nombreux documents du Codex: CL 1995/40 CAC, ALINORM 93/37, ALINORM 95/9, CX/RVDF 94/5, CX/EXEC 96/43/6, rapports des consultations mixtes FAO/OMS tenues en mars 1995 (analyse des risques, limitée en fait à l'appréciation des risques), en janvier 1997 (gestion des risques) en février 1997 (consommation des aliments et évaluation de l'exposition aux substances chimiques) et en février 1998 (communication sur les risques). Elle est aujourd’hui reconnue comme une procédure comportant trois étapes: l’appréciation des risques, la gestion des risques et la communication sur les risques. Ce texte se propose de déterminer dans quelle mesure ces diverses étapes sont prises en compte dans la procédure Codex de détermination des limites maximales de résidus (LMR) de médicaments vétérinaires dans les aliments. Il tentera ensuite de préciser, au regard de cette procédure d’analyse des risques, les rôles respectifs du comité mixte FAO/OMS d’experts sur les additifs alimentaires (JECFA) et du CCVRDF. Enfin il essaiera de dégager, au terme de cette réflexion, quelques propositions pour essayer d’intégrer encore mieux cette procédure d’analyse des risques dans la détermination des LMR et le fonctionnement du JECFA et du CCRVDF.

Les définitions des diverses composantes de l'analyse des risques qui seront rappelées dans ce rapport sont celles qui ont été adoptées à titre provisoire en juillet 1997 par la Commission du Codex Alimentarius et qui figurent au chapitre "Définitions" du Manuel de Procédure.

Le Codex Alimentarius a globalement pour objet la fixation de normes permettant de garantir la sécurité et la salubrité des aliments. Or, l'usage vétérinaire de substances chimiques sous forme de médicament peut avoir une incidence défavorable sur la santé via les aliments. Il s'agit donc d'apprécier à la fois les risques toxiques alimentaires directs consécutifs à l'usage des médicaments vétérinaires et les risques secondaires liés aux éventuelles modifications d'équilibres biologiques ou de pratiques d'élevages qu'ils induisent. L'appréciation des risques toxiques s'inscrit dans le cadre général applicable à l'ensemble des substances dangereuses susceptibles de contaminer les aliments indépendamment de leur origine. La politique d'appréciation des risques devrait être définie au niveau du comité du Codex sur les principes généraux. Cette analyse doit conduire à appréhender, aussi globalement que possible pour ces substances utilisées comme médicaments vétérinaires, le rapport bénéfice/risque pour la santé publique. Dans le domaine toxicologique, elle doit déboucher sur la définition de doses journalières admissibles, la fixation de seuils limites dans les produits animaux comestibles et la proposition de méthodes d'analyses appropriées.

Ce document est évolutif. Il devra intégrer les aspects aujourd'hui méconnus ou négligés susceptibles de se révéler ultérieurement.

2. Mandats du CCRVDF et du JECFA

Lors de sa 16e session tenue en 1985, la Commission du Codex Alimentarius a vigoureusement appuyé la recommandation de la Consultation mixte FAO/OMS d'experts sur les résidus de médicaments vétérinaires dans les aliments, tenue en 1984, et a décidé de créer un comité du Codex sur les résidus de médicaments vétérinaires dans les aliments dont le mandat serait le suivant:

- déterminer les médicaments vétérinaires prioritaires pour l'examen de leurs résidus dans les aliments

- recommander des limites maximales de résidus de ces substances

- élaborer au besoin des codes d'usages

- déterminer des critères applicables au choix des méthodes d'analyse à utiliser pour déceler les résidus de médicaments vétérinaires dans les aliments.

Le CCRVDF, de son côté, est convenu, lors de sa première session, tenue en 1986, de la définition suivante des médicaments vétérinaires: "On entend par médicament vétérinaire toute substance appliquée ou administrée à des animaux producteurs de nourriture, tels que race de boucherie ou race laitière, volaille, poissons ou abeilles qu'elle soit utilisée dans un but thérapeutique, prophylactique ou diagnostique, ou en vue de modifier des fonctions physiologiques ou le comportement.

Le JECFA, comité mixte FAO/OMS d'experts, non intégré dans le Codex Alimentarius, a pour objet d'aider le CCRVDF dans sa mission en évaluant les données scientifiques disponibles relatives au métabolisme, à la pharmacocinétique et à la toxicité des substances médicamenteuses et de leurs résidus. Au terme de son évaluation scientifique, le JECFA adresse au CCRVDF des propositions de Doses Journalières Acceptables et de Limites Maximales de Résidus.

3. Analyse des risques

3.1. Appréciation des risques

L’appréciation des risques est un processus à base scientifique comportant 4 étapes

- identification des dangers
- caractérisation des dangers
- évaluation de l'exposition
- caractérisation des risques
Ce processus a pour objectif d'évaluer les effets adverses, connus ou potentiels, sur la santé résultant de l'exposition de l'homme aux dangers d'origine alimentaire c'est à dire, dans le cas qui nous occupe, de l'exposition aux résidus de médicaments vétérinaires.

3.1.1 Identification des dangers

Cette étape a pour objectif d’identifier les résidus médicamenteux susceptibles de provoquer des effets adverses pour la santé et qui peuvent être présents dans un aliment.

La définition du résidu de médicament vétérinaire adopté par le Codex Alimentarius inclut à la fois la substance parentale administrée à un animal à des fins thérapeutiques et l'ensemble des composés chimiques résultant des transformations métaboliques de cette substance et susceptibles d'être présents dans les denrées provenant de l'animal traité. Ces transformations métaboliques, d'importance variable selon les substances, peuvent, dans certains cas, être intenses et rapides. Dans ce cas, il est difficile, techniquement et donc économiquement, d'identifier l'ensemble des résidus issus de la substance parentale. Donc, en cas de métabolisation importante de la substance étudiée, l'identification des dangers se limite essentiellement, dans la pratique, à cette substance et aux principaux résidus issus de son métabolisme. En conséquence, si pour des raisons pratiques, les valeurs de LMR sont exprimées, le plus souvent, en équivalent de substance étudiée, les calculs d'exposition du consommateur qui en sont dérivés prennent en compte l'ensemble des résidus issus du métabolisme de la substance.

On peut cependant noter deux exceptions à cette règle générale

Enfin une fois réalisée, lors de l'étape de la caractérisation des dangers, l'évaluation quantitative des effets adverses des résidus d'une substance médicamenteuse, la question se pose de l'extrapolation à l'homme des effets toxiques observés chez l'animal de laboratoire. Il s'agit en effet de savoir si les résidus médicamenteux présents dans les denrées issues d'animaux traités sont susceptibles d'exercer vis à vis du consommateur les effets toxiques observés chez l'animal de laboratoire auquel on a administré la substance médicamenteuse étudiée. Pour répondre à cette question, il est nécessaire de pouvoir comparer les profils métaboliques de la substance étudiée chez l'animal de laboratoire, où l'effet adverse a été identifié, et chez l'animal producteur d'aliment qui, une fois traité, sera à l'origine d'une exposition du consommateur à des résidus médicamenteux. C'est l'analogie de ces profils métaboliques qui peut fournir la base scientifique adéquate autorisant l'extrapolation à l'homme des résultats de l'évaluation toxicologique effectuée chez l'animal de laboratoire. Force est de constater qu'actuellement ces informations métaboliques sont lacunaires et que, de ce fait, l'extrapolation de l'animal à l'homme repose davantage sur un postulat que sur l'analogie des profils métaboliques.

3.1.2. Caractérisation des dangers

Il s’agit, à ce stade, d’évaluer qualitativement et/ou quantitativement la nature des effets adverses associés aux résidus de médicaments vétérinaires qui peuvent être présents dans un aliment. Pour mener à bien ce travail difficile une méthodologie est nécessaire pour évaluer les résultats des divers essais toxicologiques et pharmacologiques requis. L'OMS a publié à ce sujet en 1987 dans son recueil "Environmental Health Criteria 70" la méthodologie suivie pour évaluer la sécurité des contaminants présents dans les aliments et la liste des essais toxicologiques à réaliser.

La caractérisation des dangers peut être effectuée occasionnellement à partir d'observations réalisées chez l'homme. Elle est, plus généralement, conduite à partir d'études toxicologiques réalisées chez l'animal de laboratoire. Des études effectuées in vitro peuvent également contribuer à cette caractérisation.

Les études épidémiologiques effectuées chez l'homme sont très utiles car elles permettent de caractériser directement, sans extrapolation, un danger, c'est à dire un effet adverse provoqué chez l'homme à la suite d'ingestion de résidus médicamenteux toxiques. Malheureusement, la puissance statistique de cet outil méthodologique est faible pour identifier avec l'efficacité voulue les effets adverses de faibles teneurs en résidus, en général peu susceptibles de provoquer des effets toxiques de type aigu. La mise en évidence chez l'homme d'effets allergiques provoqués par des résidus de pénicilline constitue à cet égard un cas aussi favorable qu'exceptionnel. Plus fréquemment, des informations utiles peuvent être obtenues pour des substances médicamenteuses également utilisées en médecine humaine. Il est possible, dans ce cas, d'observer des effets adverses provoqués par les doses plus fortes utilisées en thérapeutique humaine. Il reste à traiter l'exercice d'extrapolation des risques chroniques à faible dose. Les essais thérapeutiques réalisés chez l'homme avec des substances médicamenteuses également utilisées en médecine vétérinaire peuvent fournir des indications sur les doses associées à des effets pharmacologiques. La difficulté, dans ce cas, vient de ce que, dans cet exercice propre à la médecine humaine, l'objectif consiste plutôt à déterminer une dose efficace optimale et rarement une dose sans effet, but de l'évaluation de la sécurité des résidus de médicaments vétérinaires.

Les opinions publiques se montrant de plus en plus réservées vis-à-vis de l’expérimentation animale, la recherche scientifique a cherché depuis quelques années à développer des test in vitro susceptibles de limiter le recours à l’expérimentation animale. Malgré les progrès réalisés, il semble que, dans la plupart des cas, du fait de leur caractéristiques simplificatrices, ces tests ne permettent pas de se substituer aux tests in vivo équivalents. Par contre, ils fournissent de très précieuses informations permettant de mieux caractériser qualitativement les dangers.

De ce fait, les limites des études réalisées in vitro et chez l'homme font de l'expérimentation animale la source privilégiée des informations toxicologiques et pharmacologiques nécessaires à l'évaluation de la sécurité des résidus de médicaments vétérinaires. Pour ce faire, le JECFA utilise une batterie très complète d'essais toxicologiques, le plus souvent codifiés par des protocoles OCDE, permettant de rechercher des effets toxiques, généraux ou spécifiques. Cette batterie associe en particulier des essais de toxicité aiguë, subaiguë ou chronique, la recherche d'effets toxiques sur la reproduction, d'effets tératogènes, mutagènes, carcinogènes, immunotoxiques. Les effets indésirables recherchés concernent également des effets pharmacologiques qui peuvent fournir la base de la caractérisation des dangers pour les résidus d'antibiotiques, de tranquillisants, d'anti-inflammatoires etc.

Pour des raisons éthiques et économiques, cette batterie complexe de tests toxicologiques est limitée à la substance parentale et n'est pas utilisée pour l’évaluation de la toxicité de tous les résidus issus du métabolisme de cette substance. Cette méconnaissance du potentiel toxique spécifique de chaque résidu a conduit au postulat selon lequel la substance parentale et l’ensemble de ses métabolites sont conjointement responsables des effets toxiques observés et que la toxicité de chaque métabolite est analogue à celle de la substances parentale.

Pour chaque essai toxicologique, les animaux de laboratoire sont exposés à des doses croissantes de la substance à étudier, choisies de manière à faire apparaître, le cas échéant, des effets adverses. La détermination de la relation entre les doses administrées et les effets observés est une composante importante de cette phase de la caractérisation des dangers. Il s’agit d’établir, si elle existe, la relation entre le degré d’exposition à un agent chimique et la gravité et/ou la fréquence des effets adverses qui en résultent pour la santé. La consultation mixte FAO/OMS, qui s’est tenue en mars 1995, estime que l’établissement d’une Dose Journalière Admissible (DJA), quantité de résidus susceptible d'être ingérée quotidiennement sans risque pour la santé du consommateur, était le point d’aboutissement de cette étape de la caractérisation des dangers. Il faut donc en déduire que, dans le domaine des résidus de médicaments vétérinaires, cette étape concerne à la fois

Dans son approche de la relation dose-effet permettant de définir une dose sans risque pour la santé humaine, le JECFA, jusqu’à maintenant, n’a jamais eu recours aux modèles mathématiques d’extrapolation des risques aux faibles doses pour déterminer ce qui est communément appelé une dose virtuellement sure. La raison avancée est l’absence de validation de ces divers modèles qui peuvent conduire à des conclusions très différentes. Il serait néanmoins utile que le JECFA mène une réflexion à ce sujet. Lorsque les progrès réalisés dans ce domaine permettront de choisir entre les divers modèles validés, il semble que cet exercice ne relèvera pas uniquement de la démarche de l’appréciation des risques mais qu’elle devra également incorporer une composante de gestion des risques. Si, en effet, la démarche scientifique de l’appréciation des risques peut prévaloir lors du choix d'un outil mathématique bien adapté au mécanisme de la génèse de l’effet toxique à modéliser, la décision en matière de dose virtuellement sûre, associée au concept du risque socialement acceptable d’une occurrence d’effets adverses pour la santé du consommateur de 1/100.000, 1/1000 000, ou 1/10.000.000 relèvera à l’évidence de la gestion du risque.

En conséquence la procédure suivie actuellement par le JECFA est plus pragmatique. Elle repose sur la détermination, chez l’animal de laboratoire, d’une DSE et sur la détermination, pour l’homme, d’une DJA déduite de cette DSE par l’application d’un facteur de sécurité. Une DSE est la dose la plus élevée qui dans un essai toxicologique donné, n’a pas provoqué l’apparition d’un effet adverse chez l’animal de laboratoire.

La valeur du facteur de sécurité permettant de déduire une DJA à partir d’une DSE est habituellement de100. Elle se décompose en deux facteurs.

- Le premier est destiné à

- Le second facteur est destiné à prendre en compte la variabilité génétique des consommateurs susceptibles d’ingérer ces résidus médicamenteux, plus grande que celle des animaux de laboratoire impliqués dans l’étude toxicologique considérée.

Cette valeur de 100 du facteur de sécurité peut, en tant que de besoin, être augmentée pour tenir compte de la gravité de l’effet toxique observé ou pour compenser certaines insuffisances dans l’étude toxicologique considérée ou dans l'ensemble du dossier toxicologique fourni. Une DJA est ainsi calculée pour chaque étude toxicologique et ce sera la DJA dont la valeur est la plus faible qui sera finalement retenue.

Cette procédure de détermination de la DJA, est l’expression du postulat selon lequel l’homme est au moins aussi sensible que l’animal de laboratoire le plus sensible exposé au test le plus sensible. Ce concept, ne reposant sur aucune évidence scientifique, a pour objet de compenser, par prudence, les incertitudes inhérentes à cette démarche d’appréciation des risques. Correspondant à la quantité de résidus qui peut être ingérée quotidiennement pendant toute la vie par un consommateur sans risque appréciable pour sa santé, une DJA exprime la volonté de rendre le risque de santé publique si faible qu’il peut être considéré comme négligeable. De ce point de vue, la détermination de cette valeur est, de fait, fortement influencée par le concept de gestion des risques.

Par ailleurs cette approche présente les deux inconvénients suivants, un lié à la nécessité de disposer d’une DSE, l’autre au caractère standard du facteur de sécurité.

En effet, si, pour une quelconque raison, il n’est pas possible de déterminer chez l’animal une DSE, il n’est pas possible d’établir une DJA. Dans ce cas, s'il est néanmoins possible ou souhaitable d'établir des LMR, la démarche retenue, pragmatique, relève de la gestion des risques.

La valeur de 100 du facteur de sécurité souvent retenue ne tient pas compte de la pente de la courbe exprimant la relation entre la dose et la fréquence et/ou l’importance des effets observés. Il ne garantit donc pas toujours la même marge de sécurité dans cette extrapolation de l’animal à l’homme.

Cette phase de caractérisation des dangers est donc un domaine qui mériterait de faire l'objet d’investissements en recherche. Il serait souhaitable en effet d’approfondir les mécanismes générant les effets toxiques observés et, par conséquence, de mieux préciser les modalités permettant de déterminer les DSE et la valeur des facteurs de sécurité. Un effort a été réalisé à cet égard pour les substances créditées d’un potentiel carcinogène. On essaie, dans ce cas, de vérifier si ces substances sont génotoxiques à l’aide d’une batterie de tests courts de mutagenèse. On recherche également les éventuelles lésions précancéreuses susceptibles d’être produites dans des études de toxicité subchroniques. Mais le coût de ces études mécanistiques empêche trop souvent de pousser l’investigation à son terme.

3.1.3. Evaluation de l’exposition

On entend par évaluation de l’exposition, l’évaluation qualitative et quantitative de l’ingestion probable de résidus médicamenteux par le biais des aliments ou de l’exposition à d’autres sources le cas échéant.

L’estimation de cette exposition du consommateur résulte de l’association de la consommation quotidienne en aliments et de la teneur des ces aliments en résidus de médicaments vétérinaires.

Ayant estimé difficile d’évaluer une telle exposition à partir d’une quelconque approche scientifique, le JECFA a préféré, pour l'instant et par souci de simplification, réduire le plus possible le risque pour le consommateur par une estimation délibérément surévaluée de cette exposition. Cette surévaluation provient de l’association d’un scénario du pire des cas et du souci de standardiser la ration alimentaire des consommateurs de l’ensemble de la planète.

Le scénario du pire des cas repose sur le postulat que la totalité des aliments d’origine animale provenant d’animaux susceptibles d’être traités par un médicament vétérinaire est contaminée par les résidus de ce médicament à une teneur au plus égale à la valeur des LMR retenues pour ce médicament. Ce scénario ne constitue pas un reflet objectif de la réalité car fort peu de médicaments vétérinaires font l’objet d’administrations massives concernant l’ensemble d’une espèce animale et, ce, pendant toute la vie de ces animaux. Beaucoup, au contraire, sont d’usage saisonnier voire occasionnel ou encore, utilisés à titre curatif, ne sont administrés qu’aux animaux malades. Enfin les méthodes statistiques de détermination des temps d’attente utilisées par les autorités nationales chargées de l’enregistrement des médicaments vétérinaires renforcent le caractère très protecteur de ce scénario vis à vis de la santé publique. A l'inverse la possibilité d'utilisation incorrecte des médicaments vétérinaires diminue cette marge de sécurité.

Le souci de standardisation internationale s’est traduit par l’adoption de la ration alimentaire quotidienne suivante: 300 g de muscles, 100 g de foie, 50 g de rognon, 50 g de graisse, 100 g d’oeuf, 1,5 l de lait et 20 g de miel. La valeur fixée pour le lait semble particulièrement élevée mais il a été estimé que cette valeur était appropriée pour garantir que de très jeunes enfants ne consomment pas de résidus de médicaments vétérinaires à des doses dépassant les DJA établies. Le JECFA a estimé que l’erreur potentielle résultant de l’utilisation de ces ingérés ne représentait qu’une part mineure de l’incertitude inhérente à la procédure d’appréciation des risques et qu’il était inutile d’investir pour essayer de préciser ces valeurs.

Pour que cette étape de l’évaluation de l’exposition puisse effectivement relever de la démarche scientifique qui caractérise la procédure d’appréciation des risques, il conviendrait néanmoins de reconsidérer les éléments de cette ration alimentaire sur la base d’études d’ingérés plus pertinentes.

Dans la mesure où l’administration de médicaments vétérinaires à un animal est soumise à des conditions bien contrôlées, les valeurs des teneurs maximales en résidus des aliments peuvent également être définies en particulier par l’établissement de temps d’attente appropriés. De ce fait, les valeurs de ces LMR sont établies de manière à ce que l’ingestion quotidienne maximale des résidus soit inférieure à ce qu’autorise la DJA correspondante. En conséquence, on peut considérer que la détermination de ces valeurs de LMR relève plus de l’étape de la caractérisation des risques que de celle de l’évaluation de l’exposition.

3.1.4. Caractérisation des risques

Cette étape vise à estimer qualitativement et/ou quantitativement, compte-tenu des incertitudes inhérentes à l’appréciation, la probabilité de la fréquence et de la gravité des effets adverses connus ou potentiels sur la santé susceptibles de se produire dans une population donnée sur la base de l’identification des dangers, de la caractérisation des dangers et de l’évaluation de l’exposition.

Il s'agit de caractériser les risques pour le consommateur liés aux résidus susceptibles d'être présents dans les produits animaux, en fonction de l'utilisation de la substance, et notamment du temps d'attente dans la mesure où la durée et la dose d'administration sont considérés comme prédéterminés par un objectif d'efficacité.

Il convient d'estimer les conditions d'utilisation de la substance médicamenteuse et les résidus acceptables compte tenu du niveau de risque acceptable pour le consommateur. Le niveau de risque acceptable, à déterminer en principe au niveau de la gestion des risques, a déjà été exprimé, par rapport aux résidus, par le biais de la DJA, dans le cadre de la caractérisation des dangers. Par ailleurs, les éléments recueillis lors de l'identification des dangers, de la caractérisation des dangers et de l'évaluation de l'exposition, permettent, pour un mode d'utilisation de la substance donné, d'établir le profil de résidus dans les tissus animaux et de le relier au profil d'exposition du consommateur. En confrontant ce profil d'exposition du consommateur à la DJA, on peut évaluer si le mode d'utilisation de la substance est acceptable ou non. L'utilisation des différents résultats concernant les teneurs en résidus dans les produits animaux permet ensuite d'estimer, pour un ou plusieurs tissus animaux, le niveau des résidus qui rend possible la distinction entre les utilisations de médicaments vétérinaires permettant ou non de respecter la DJA.

C'est à cette étape de la caractérisation des risques, conformément à l'avis de la consultation mixte FAO/OMS tenue en 1995, que l'on aboutit ainsi à la proposition d'une ou plusieurs LMR, compatibles avec les bonnes pratiques d'utilisation des médicaments vétérinaires qui permettent, sur la base des ingérés alimentaires retenus, de garantir que les valeurs de DJA ne soient pas dépassées.

Le JECFA n’utilise pas de modèle mathématique rigoureux pour déduire des LMR à partir d’une DJA. Les LMR sont établies, sur la base des données disponibles issues des études de métabolisme et de pharmacocinétique, au terme d’une procédure où le pragmatisme tient une large place et la gestion des risques exerce une influence très significative. Les quelques exemples suivant vont illustrer l’intrication étroite entre les démarches d’appréciation et de gestion des risques dans la détermination des LMR.

Les LMR expriment un seuil en-deça duquel doivent rester la totalité des résidus issus de l'utilisation d'une substance médicamenteuse susceptible de présenter un risque pour la santé du consommateur.

Dans la mesure où il n’est pas praticable dans le cadre de plans de surveillance de mesurer analytiquement un ensemble de résidus aux structures chimiques très diverses, les exigences des contrôles imposent que les valeurs de LMR soient exprimées par rapport à une entité chimique unique, appelée le résidu marqueur. Il importe que les teneurs de ce résidu marqueur évoluent dans les divers tissus des animaux traités dans un rapport constant avec l’ensemble des résidus à surveiller pour qu’il puisse en être le reflet. Mais, pour des raisons pratiques évidentes, ce résidu marqueur doit aussi répondre à deux exigences: permettre un dosage pratique et être, commercialement ou non, disponible pour les besoins des contrôles officiels.

Les valeurs des LMR pour les divers tissus (muscles, foie, rein, graisse) sont établies dans des proportions reflétant la distribution tissulaire des résidus. Mais, pour éviter de produire un ensemble trop complexe de chiffres pour les divers tissus et les diverses espèces animales, le JECFA essaie, dans la mesure du possible, d’harmoniser ces valeurs pour en réduire le nombre. De même, lorsqu’il apparaît que les teneurs en résidus dans un tissu serait, à l’échéance du temps d’attente recommandé déterminé par les teneurs en résidus des autres tissus, trop faibles pour permettre un contrôle praticable, le JECFA peut ne pas proposer de LMR pour ce tissu considéré.

Lorsqu’un médicament vétérinaire est destiné à la fois à des animaux producteurs de viande et de lait, la répartition de la DJA entre la viande et le lait est issue d’une approche empreinte de pragmatisme. Elle résulte d'un choix relevant de la gestion des risques. Le CCRVDF devrait, de ce fait, porter une attention particulière à cette question. Pour aider à l'appréciation des options de gestion des risques, le JECFA devrait veiller à fournir des indications précises sur les conditions d'utilisation de la substance et les bonnes pratiques vétérinaires sur lesquelles est basée l'appréciation des risques, afin que les Etats puissent identifier leur marge de manoeuvre au niveau des options de gestion.

Enfin les valeurs de LMR peuvent être réduites pour tenir compte des conditions normales d’utilisation du médicament vétérinaire considéré dans la mesure où ces valeurs plus faibles de LMR peuvent toujours être contrôlées par une méthode analytique praticable.

Bien que le JECFA ne soit pas impliqué dans l’établissement des temps d’attente, il est cependant conduit à se référer à un temps d’attente réaliste pour établir un ensemble cohérent de valeurs de LMR. S’il apparaît que le respect des LMR nécessite l’établissement de temps d’attente trop longs au regard des pratiques d'élevage, le JECFA peut ne pas recommander de LMR. Cette situation peut se rencontrer tout particulièrement pour le lait et les oeufs.

Par ailleurs le JECFA limite actuellement ses propositions de LMR aux espèces animales pour lesquelles les informations nécessaires sont disponibles. Cette approche rigoureuse pose le problème du contrôle des résidus de médicaments vétérinaires pour des espèces animales dites mineures représentant un marché économique trop limité pour justifier, aux yeux de l’industrie pharmaceutique vétérinaire, le financement des études nécessaires. Une réflexion est nécessaire pour définir à ce sujet une approche pragmatique compatible avec une gestion raisonnée du risque.

L’ensemble de cette démarche pragmatique suivie pour établir les LMR montre assez bien la forte interaction dans ce domaine entre l’appréciation et la gestion des risques. L’implication importante des données scientifiques issues de la pharmacocinétique, du métabolisme, des statistiques milite en faveur du maintien du rôle du JECFA en matière de proposition de LMR à l'intention du CCRVDF. Mais il conviendrait cependant que le CCRVDF, essentiellement impliqué dans la gestion des risques, assume davantage sa responsabilité dans ce domaine lorsqu’il est invité à considérer les LMR proposées par le JECFA qui découlent des choix fait par ce comité d’experts en matière de gestion des risques.

3.2. Gestion des risques

On entend par gestion des risques “le processus consistant à mettre en balance les différentes politiques possibles compte tenu des résultats de l’appréciation des risques et, au besoin, à choisir et à mettre en œuvre les mesures de contrôle appropriées et les mesures réglementaires”

La consultation mixte FAO/OMS, qui a été consacrée à ce sujet en Janvier 1997, a tenté de structurer le contenu de ce concept de gestion des risques. Les conclusions en ont été quelque peu schématiques et une réflexion supplémentaire pour mieux définir les composantes de la gestion des risques s’impose. Cette consultation a réparti en quatre ensembles le contenu de la gestion des risques, à savoir l’évaluation des risques, l’appréciation des options de gestion, la mise en œuvre des options de gestion et le suivi et la revue.

3.2.1. évaluation des risques

Cette première phase de la gestion des risques recouvre:

- l’identification d’un problème de santé publique

- la description de ce problème

- le classement du danger ainsi identifié au regard des priorités en matière d’appréciation et de gestion des risques

- l'établissement d’une politique d’appréciation des risques

- le mandatement d’une structure chargée de réaliser l’appréciation des risques.

- la prise en compte des résultats de l’appréciation des risques.

Dans le domaine des résidus de médicaments vétérinaires, toutes ces actions définissant cette évaluation des risques, première étape de la gestion des risques, relèvent de la responsabilité des états membres du Codex réunis au sein du CCRVDF. Les cinq premiers éléments de cette évaluation du risque correspondent au travail réalisé par le CCVDRF au cours de l’étape 1 de la procédure Codex d’élaboration des normes. Lors de cette étape, le CCRVDF établit en effet, selon ces modalités, les listes prioritaires de substances vétérinaires susceptibles de poser un problème de santé publique et les transmet au secrétariat du JECFA pour que les experts OMS et FAO du JECFA procèdent à l’appréciation des risques liées à ces substances (étape 2 de la procédure Codex). Un élément de cette phase, qui apparaît central, mériterait un effort de réflexion important. Il s’agit de l’établissement d’une politique d’appréciation des risques.

La consultation FAO/OMS de 1997 a estimé que cette politique devrait avoir pour objectif de protéger l’intégrité scientifique, la cohérence et la transparence de l’appréciation des risques. Plus spécifiquement, des sujets tel que l’identification des populations à risques, les critères pour définir les priorités à accorder aux dangers, les modalités de détermination des facteurs de sécurité devraient relever de cette composante de la gestion des risques.

La protection de l’intégrité scientifique, de la cohérence et de la transparence de l’appréciation des risques conduits par le JECFA est certainement un élément déterminant pour que la confiance dans le travail réalisé et les propositions de LMR faites par le JECFA soit totale. Dans la mesure où, sensu stricto, le JECFA n’est pas une structure du Codex, une réflexion doit s’engager entre le CCRVDF et la FAO/OMS pour que cet objectif de la gestion des risques soit atteint. Cette réflexion devrait porter sur la gestion des réunions du JECFA par la FAO et l'OMS en s’attardant en particulier sur les modalités du choix des experts qui devraient remplir une déclaration d'intérêt.

Parmi les sujets scientifiques retenus, à titre d’exemple, par la consultation de 1997, le thème relatif aux facteurs de sécurité revêt une importance toute particulière, pour la protection de la santé publique. En effet, l'élaboration des LMR intègre toute une batterie de facteurs de sécurité tels que

- le postulat selon lequel l’homme est, vis à vis d’un résidu potentiellement toxique, au moins aussi sensible que l’animal de laboratoire le plus sensible

- le facteur de sécurité utilisé pour déduire une DJA d’une DSE, incluant aussi le facteur de sécurité supplémentaire, d'une valeur de 2 en général, pour établir une DJA provisoire dans l'attente de compléments d'informations qui devraient permettre de la transformer en une DJA définitive.

- la surévaluation de l’exposition du consommateur aux résidus médicamenteux

- le postulat selon lequel les résidus totaux couverts par les LMR sont considérés comme étant tous aussi toxiques que la substance parentale

- le postulat selon lequel la biodisponibilité des résidus dits libres à partir du tractus gastro intestinal humain est totale

- la réduction de la valeur des LMR pour tenir compte des conditions normales d’utilisation des médicaments vétérinaires

Le CCRVDF n’a pas conduit, pour l’instant, de réflexion sur cette question importante et c’est le JECFA, groupe d’experts chargés de l’appréciation des risques qui a défini la politique en la matière.

La détermination de la valeur de ces divers facteurs de sécurité constitue, à l’évidence, un des éléments essentiels d’une politique de la protection de la santé publique dans la mesure où il s’agit de déterminer l’importance d’un risque socialement acceptable. Ce risque doit être appréciée, en particulier, en fonction de la nature des effets toxiques observés de la qualité des informations fournies sur la toxicité et les teneurs en résidus, du rapport bénéfice - risque dont l’appréciation peut dépendre de la finalité thérapeutique ou zootechnique de la substance étudiée. Il s’agit, en l’occurrence, d’un point central de la gestion des risques qui devrait être considéré par ceux qui en ont la charge et il est pour le moins singulier que le CCRVDF ne se soit jamais préoccupé de cette question importante pour donner au JECFA les directives nécessaires.

Le JECFA intervient également dans l'élaboration de cette politique d'évaluation des risques en proposant au CCRVDF des lignes directrices. On peut prendre à titre d'exemple la procédure d'évaluation du risque microbiologique lié aux résidus d'antibiotiques. Il est utile au bon fonctionnement du Codex que la compétence scientifique du JECFA soit ainsi mise à contribution. Il serait aussi souhaitable que le CCRVDF procède, plus qu'il ne le fait actuellement, à l'évaluation critique de ces propositions.

Par contre, le CCRVDF intervient également dans l'élaboration de cette politique quand il élabore des lignes directrices telles que, par exemple, celle qui permet d'évaluer la sécurité des résidus de médicaments vétérinaires au point d'injection.

La dernière composante de l’évaluation des risques, à savoir la prise en compte des résultats de l’appréciation des risques, relève bien du champ d’activité du CCRCDF. Elle correspond aux étapes 4 et 7 de la procédure du Codex d’élaboration des normes.

3.2.2. L'appréciation des options de gestion

La consultation mixte FAO/OMS a, sans donné de précision, découpé cette phase en trois éléments: identification des options de gestion possibles, sélection de l'option préférée et décision finale. Jusqu'à maintenant, le CCRVDF s'est fort peu investi dans ce domaine pour lequel les états ont la compétence requise.

La consultation mixte FAO/OMS sur la gestion des risques a insisté, à ce sujet, pour que les décisions sur les niveaux acceptables de risque reposent sur des considérations de santé publique. Elle a aussi convenu que d'autres considérations, telles que les coûts économiques, les bénéfices escomptés, la faisabilité technique et les choix de société, pouvaient être appropriées dans la mesure où elles étaient objectivables.

Il est arrivé que le JECFA, de son côté, ait préconisé de ne pas utiliser certains médicaments vétérinaires chez les vaches laitières et les poules pondeuses lorsque les temps d'attente nécessaires pour le respect des LMR établies paraissent peu réalistes au regard des conditions habituelles d'utilisation des médicaments vétérinaires.

3.2.3. Mise en œuvre des options de gestion, suivi et revue

Ces deux dernières composantes de la gestion des risques relèvent essentiellement de la responsabilité des états. Cependant le CCRVDF apporte cependant une aide aux états dans le domaine des méthodes d'analyse utilisables pour le contrôle du respect des LMR établies.

Il est important de réaffirmer que la mise en œuvre de la gestion des risques ne saurait se limiter à la seule recherche analytique des résidus dans les produits animaux et qu'elle intègre également le contrôle des bonnes pratiques au niveau ou en amont de l'utilisation des substances médicamenteuses.

Le JECFA peut également apporter sa contribution à ce sujet lorsqu'il

- étudie la validité des méthodes analytiques proposées pour le contrôle des LMR

- précise les bases statistiques de la détermination des temps d'attente

- émet des recommandations sur les conditions d'utilisation de certains médicaments vétérinaires au regard des LMR établies (cas des tranquillisants chez le porc) pour réduire l'exposition des consommateurs aux résidus de médicaments vétérinaires

3.3. La communication sur les risques

Une consultation mixte FAO/OMS plus récente, tenue en Février 1998 a essayé de préciser le contenu de cette troisième composante de l'analyse des risques définie en 1995 comme étant un échange interactif d'informations et d'opinions sur les risques entre les responsables de leur appréciation et de leur gestion, les consommateurs et les autres parties intéressées. Bien que l'analyse de ce sujet très complexe soit récente et appelle de ce fait une réflexion complémentaire, il apparaît que les auteurs impliqués dans cette communication sont très nombreux et que les structures en charge de l'appréciation et de la gestion des risques ont la responsabilité de communiquer sur leurs domaines de compétence respectifs. Ce rapport se limitera à l'implication dans ce domaine du JECFA et du CCRVDF via leurs secrétariats.

3.3.1. Rôle du JECFA

Le JECFA assure une communication techniquement satisfaisante par le biais

- de ses compte rendus résumés de réunions

- de ses compte rendus de réunions plus détaillés

- des monographies OMS et FAO concernant respectivement l'évaluation des informations toxicologiques et l'étude des teneurs en résidus

- de la publication des informations scientifiques à fournir pour l'évaluation de la sécurité des résidus de médicaments vétérinaires.

Dans une certaine mesure, on pourrait considérer que ces lignes directrices relèvent également de la gestion des risques, même si leur contenu scientifique nécessite une forte implication du JECFA. Il serait donc légitime qu'avant leur publication, elles fassent l'objet d'un examen de la part du CCRVDF.

Pour améliorer le caractère informatif des propositions du JECFA, il serait utile que le JECFA mette bien en évidence, pour chaque substance évaluée, les postulats et les choix effectués au cours du processus d'appréciation des risques qui relèvent de la gestion des risques, sauf s'il s'agit de postulats et de choix systématiques qui ont déjà été explicités dans un document général.

Une plus grande participation aux travaux du JECFA d'experts proposés par les associations de consommateurs ainsi qu'une meilleure transparence dans la nomination des experts favoriseraient grandement ce processus interactif de communication sur les risques.

La publication officielle de ces textes techniques, impliquant la responsabilité de deux organisations internationales comme la FAO et l'OMS, est à l'évidence un exercice difficile demandant du temps, compte tenu de ressources humaines certainement limitées. Cependant, les délais de publication des compte rendus détaillés des réunions du JECFA et des monographies FAO et OMS sont beaucoup trop longs. Ils nuisent de ce fait au bon fonctionnement du CCRVDF qui ne dispose pas en temps voulu des informations nécessaires pour conduire une évaluation critique des propositions de DJA et de LMR issues du JECFA. Un amélioration doit être apportée rapidement à cette situation qui se dégrade avec le temps.

3.3.2. Rôle du CCRVDF

L'implication du CCRVDF dans la communication sur la gestion des risques est extrêmement limitées. Elle est réduite au compte rendu de ses réunions qui, pour des raisons budgétaires, devient de plus en plus synthétique au point qu'il ne constitue plus vraiment un support efficace de communication. L'étape importante d'élaboration des listes prioritaires de substances, à l'origine du travail du JECFA et du CCRVDF ne fait l'objet d'aucune information indiquant, en particulier les motifs qui ont conduit à ces choix. Les critères généraux eux mêmes adoptés en 1986 permettant d'établir de telles listes prioritaires ont également perdu de leur transparence. Il conviendrait, en effet, de vérifier si les modifications adoptées à leur sujet en 1994 sont applicables ou non. Par ailleurs il est important de rappeler que la procédure Codex d'élaboration de LMR ne prend en compte que les substances pour lesquelles des DJA et des LMR ont pu être proposées par le JECFA. Les autres substances, quelles que soient les raisons qui n'ont pas permis de proposer de DJA et de LMR (substances trop toxiques, qualité des dossiers insuffisante) sont écartées de la procédure et purement et simplement ignorées. Aucune information pertinente n'est diffusée sur les raisons qui ont conduit à écarter de la procédure Codex ces substances, dont certaines peuvent être toxiques. Une amélioration doit être apportée à ce sujet.

4. Rôles du JECFA et du CCRVDF

Il conviendrait tout d'abord de rappeler que le JECFA et le Comité du Codex considèrent principalement les risques pour le consommateur liés à la présence de résidus d'une substance médicamenteuse donnée dans les produits animaux. Ils prennent également en compte l'effet de l'utilisation de la substance sur la composition des produits animaux (par exemple IGF1 dans le cas de la BST). Mais certains aspects ne sont pratiquement pas abordés jusqu'ici par le JECFA et le Comité du Codex. Il serait donc utile de définir à quel stade de la démarche d'analyse des risques ils doivent être pris en compte, et par quelle instance:

- interactions entre différentes utilisations de substances médicamenteuses et leurs effets sur les résidus dans les produits animaux: l'utilisation d'une substance, notamment lorsqu'elle est utilisée de façon continue pour modifier la physiologie de l'animal, peut modifier le métabolisme d'une autre substance utilisée simultanément. Elle peut également avoir un impact sur les modalités d'utilisation d'autres substances (par exemple la BST entraîne une augmentation de l'utilisation d'anti-infectieux).

- risques liés à l'utilisation d'une substance pour la santé animale: la question ne se pose pas dans la mesure où les substances étudiées sont utilisées à des fins thérapeutiques et présentent donc de facto un avantage pour la santé animale. Le problème peut exister, par contre, lorsqu'il s'agit de substances à effet zootechnique pouvant générer des risques pour la santé animale.

- risques pour la santé humaine et animale liés à l'influence de l'utilisation de substances médicamenteuses antimicrobiennes sur le développement de résistances des micro-organismes (zoonotiques ou non, pathogènes ou non).

Par ailleurs, l'une des recommandations émises par la Consultation mixte FAO/OMS de 1995 était de séparer dans la procédure d'analyse des risques, autant que faire se peut, les phases d'appréciation et de gestion des risques. L'analyse qui vient d'être faite de la prise en compte de l'analyse des risques dans l'établissement de LMR de médicaments vétérinaires montre que cette recommandation a été globalement suivie dans la mesure où le JECFA, comité d'experts indépendants nommés à titre personnel, se consacre à l'appréciation des risques et le CCRVDF, comité constitué de délégations nationales a, pour l'essentiel, vocation à se préoccuper de la gestion des risques.

Un examen plus attentif du travail réalisé par ces deux comités conduit cependant à nuancer cette impression première et montre que des efforts importants restent à faire au niveau de l'articulation du CCRVDF et du JECFA dans le processus d'analyse des risques. En effet l'organisation du travail et sa répartition entre le JECFA et le CCRVDF étant antérieure à la mise en place du concept d'analyse des risques, des situations de fait existent, parfaitement explicables du point de vue fonctionnel, mais qui ne sont pas conformes à cette recommandation visant à dissocier les responsabilités en matière d'appréciation et de gestion des risques. De ce fait, le JECFA est amené, dans son travail d'appréciation des risques, a intégré des éléments relevant de la gestion des risques. On peut le comprendre et l'accepter pour le bon fonctionnement du système Codex, et ceci en conformité avec la remarque de la consultation de 1995 reconnaissant que, pour des raisons pragmatiques, ce dogme relatif à la séparation des compétences pouvant connaître des exceptions. Mais lorsque ces éléments de gestion des risques touchent au cœur même du concept de la protection de la santé publique, il paraît inapproprié que le CCRVDF n'assume pas à cet égard les responsabilités qui sont les siennes en matière de gestion des risques. Pour ne prendre qu'un exemple particulièrement démonstratif, on peut citer la détermination des valeurs des divers facteurs de sécurité utilisés à diverses étapes de l'appréciation des risques.

Il demeure néanmoins souhaitable que le JECFA continue à apporter son aide technique au CCRVDF dans le domaine de la gestion des risques en proposant des lignes directrices et des protocoles permettant d'améliorer la politique d'évaluation des risques

5. Conclusions

Ce rapport montre que la procédure d’élaboration des LMR de médicaments vétérinaires intègre le concept d'analyse des risques. La séparation des étapes d'appréciation et de gestion des risques est une réalité grâce à la répartition du travail entre le JECFA et le CCRVDF. Il serait souhaitable de renforcer la démarche scientifique caractérisant l'étape de l'appréciation des risques conduite par le JECFA par un approfondissement des connaissances scientifiques nécessaires. Il serait utile d'identifier les points faibles dans ce domaine et de stimuler la recherche scientifique pour qu'elle puisse fournir les informations manquantes. Le CCRVDF, impliqué dans la gestion des risques, devrait se préoccuper davantage des composantes de la gestion des risques, nécessairement utilisées au cours de l'appréciation des risques pour que la séparation souhaitable des responsabilités entre l'appréciation et la gestion des risques soit une réalité.

6. Recommandations

La qualité du travail effectué par le JECFA et le CCRVDF est la condition de l'adoption consensuelle de LMR qui ne doivent pas prêter le flanc à la contestation. Cette qualité est, à la fois, établie et reconnue.

Il est toutefois possible au terme de ce rapport d’avancer quelques propositions susceptibles d’apporter encore des améliorations dans les trois domaines de l'analyse des risques: appréciation, gestion, communication.

Appréciation des risques

- l’élaboration des LMR de médicaments vétérinaires se doit de reposer sur l’analyse objective des données scientifiques pertinentes disponibles. Elle doit sans cesse intégrer les nouveaux concepts issus d’un univers scientifique en perpétuelle évolution.
Il convient à ce sujet d’approfondir les connaissances concernant
- les mécanismes d’action toxique ou pharmacologique pour mieux raisonner les bases de la détermination des doses sans effet et de la fixation des facteurs de sécurité

- les relations structure-activité qui permettraient de faire plus facilement la part des choses entre les résidus à prendre en considération et ceux qui sont sans risque pour la santé publique. La détermination des résidus marqueurs en serait également beaucoup plus fiable

- la comparaison des métabolismes entre les animaux de laboratoire et les animaux destinés à la consommation et l’homme pour améliorer la pertinence de l’extrapolation à l’homme des conclusions des études de toxicité réalisées chez l’animal de laboratoire

- cette évaluation scientifique se doit également de prendre en compte les aspirations de notre société moderne qui exprime avec détermination son souhait de voir réduire le nombre d’animaux mis en expérimentation. Cette attente doit conduire le JECFA à se préoccuper d’intégrer dans ses méthodes d’évaluation des tests alternatifs, plus respectueux de la vie animale. Ces nouveaux tests devront cependant faire au préalable l’objet des validations nécessaires

Il conviendrait, d'une manière générale, que le CCRVDF resitue son action au regard des diverses composantes de la gestion des risques. Au delà des améliorations suggérées dans ce rapport, deux propositions complémentaires sont portées à l'attention du CCRVDF.

Il serait utile qu'avec l'aide du Comité du Codex sur les Principes Généraux, le CCRVDF identifie les facteurs auxquels il pourrait se référer pour évaluer les propositions du JECFA en matière de DJA et de LMR et qui sont autres que l'impact des résidus sur la santé du consommateur: à savoir facteurs sanitaires (santé animale, santé publique tels que l'exposition à des bactéries antibiorésistantes, etc..) et non sanitaires (attentes des consommateurs, organisation et répartition géographique de la production).

Il pourrait être envisagé que le Codex considère l'intérêt d'une approche bénéfices-risques pour l'établissement de LMR de certaines substances.

Il serait souhaitable que le CCRVDF reconsidère la procédure d'élaboration des listes prioritaires de substances dont l'évaluation sera réalisée par le JECFA. En effet, parmi les critères d’éligibilité d’une substance candidate à l’inscription sur une liste prioritaire, il faut que les informations nécessaires soient mises à la disposition du JECFA. La complexité croissante des dossiers fait que seule l’industrie pharmaceutique vétérinaire peut satisfaire cette exigence. De ce fait le JECFA travaille à partir des priorités du CCRVDF qui sont fortement orientées par les choix de cette industrie. Il conviendrait de s’interroger sur la finalité du travail du CCRVDF et du JECFA et sur l’importance respective qu’il convient d’apporter aux problèmes de santé publique et de commerce international. Sans vouloir ignorer l’intérêt qu’il y a à évaluer des substances nouvelles, fer de lance de la thérapeutique moderne, condition de survie de l’industrie pharmaceutique vétérinaire, il ne conviendrait pas pour autant d’oublier des substances plus anciennes encore très largement utilisées. Le problème est que ces substances ne disposent plus de la protection d’un brevet et ne représentent plus un marché économique justifiant les investissements nécessaires pour le financement des études requises. L’effet pervers qui en résulte est que le JECFA s’investit surtout dans l’évaluation de nouvelles molécules qui, sous la pression constante d’exigences techniques croissantes, présentent de plus en plus de garanties de sécurité et qu’il ne se préoccupe peut être pas assez des substances anciennes dont certaines, interdites d’ailleurs ici ou là, peuvent exposer la santé publique à des risques tout à fait significatifs. Il serait urgent d’établir la liste de ces substances et de convenir d’une méthodologie adaptée pour apprécier les risques liés aux résidus de ces substances et/ou de fournir aux parties concernées toutes les informations nécessaires à leur sujet.

Etant donné l’évolution rapide des connaissances scientifiques, il conviendrait que le JECFA puisse publier à intervalles réguliers les bases scientifiques utilisées pour l’évaluation de la sécurité des résidus de médicaments vétérinaires, faisant, en particulier, référence au respect des bonnes pratiques de laboratoire et aux procédures internationalement reconnues pour la validation des méthodes analytiques. Il serait encore plus important que le secrétariat du JECFA publie rapidement les compte rendus des sessions du JECFA.

Par ailleurs, lors de l’évaluation par le CCRVDF des propositions du JECFA, l’inclusion dans une liste dite inactive de substances pour lesquelles des DJA et des LMR n’ont pu être établies ne semble pas répondre à ce qu’on pourrait attendre du CCRVDF dans le domaine de la communication sur les risques. Une réflexion urgente s’impose pour qu’une information appropriée soit diffusée auprès des états membres pour faire connaître les raisons qui n’ont pas permis d'attribuer de DJA et de LMR à ces substances.


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