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Le monde forestier


Un nouveau matériau ligneux: Le scrimber
Pollen de pin comestible
Des briquettes pour remplacer le bois de feu
Essais d'agroforesterie au Gabon

Un nouveau matériau ligneux: Le scrimber

C'est d'Australie que nous vient une nouvelle technique de transformation des bois de petit diamètre, mise au point par l'Organisation de la recherche scientifique et industrielle du Commonwealth (CSIRO). Ce procédé, de même que le produit qui en résulte, a été baptisé scrimber.

Le scrimber permet d'obtenir des pièces de bois de qualité charpente à partir de grumes de petit diamètre, en dissociant le bois en faisceaux de fibres reliés entre eux et en le reconstituant en poutres à l'aide d'une colle résistante à l'eau. Plus de 85 pour cent de la grume est utilisée, alors que le coefficient de conversion n'est que de 40 pour cent avec les méthodes courantes de; sciage. Ce bois reconstitué devrait ouvrir de nouveaux débouchés pour des plantations forestières de 7 à 10 ans ou pour les produits d'éclaircies normales. Bien que les recherches et les essais aient été axés sur Pinus radiata, le procédé pourrait s'appliquer à une large gamme d'essences.

Le scrimber a été inventé il y a une dizaine d'années par un chercheur de la CSIRO. John Coleman, qui a eu l'idée de soumettre le bois à ce qu'il a appelé le scrimming, consistant à briser la structure du bois juste assez pour permettre de le reformer à la dimension voulue, au lieu de détruire l'alignement naturel des fibres pour les réaligner ensuite comme dans les procédés plus classiques.

ÉTAPES DE FABRICATION DU SCRIMBER - de la grume non traitée (en bas) à la poutre finie (en haut)

Après écorçage, les billes de bois sont écrasées par une série de rouleaux qui les dissocient en faisceaux de fibres restant attachés entre eux et alignés, ce qui maintient dans une large mesure l'orientation primitive des fibres. Ces faisceaux sont ensuite séchés, encollés, assemblés selon la forme désirée et passés dans une presse à chaud.

La fabrication industrielle du scrimber a commencé au bout de huit années de recherche et de mise au point par la Division de la chimie et de la technologie du bois de la CSIRO et la Repco Research Pty. Ltd., qui a installé une usine pilote près de Melbourne. Cette usine produit des poutres rectangulaires de 200 x 80 mm, mais les chercheurs responsables affirment que l'on pourrait sans doute arriver à produire d'énormes poutres de 2 x 0,50 m de section.

La première usine de production de scrimber a été construite à Mount Gambier (Australie-Méridionale) par la South Australian Timber Corporation (SATCO), filiale de production et de commercialisation du Département des bois et forêts d'Australie-Méridionale. Cette usine utilisera le bois de Pinus radiata provenant des vastes reboisements qui entourent la ville de Mount Gambier, pour produire du scrimber en quantités commerciales.

Selon Geoff Wilson, journaliste australien spécialiste de la production forestière, ce nouveau matériau est idéal pour les agriculteurs qui veulent faire des plantations forestières à courte révolution aussi bien que pour les forestiers reboiseurs. Il ajoute que le scrimber pourrait être un produit de coût assez élevé, visant à conquérir des débouchés par sa qualité plutôt qu'à chercher à concurrencer les sciages normaux.

Australian Forest Grower

Pollen de pin comestible

Comme leurs homologues australiens (voir ci-dessus l'information sur le scrimber), les chercheurs forestiers chiliens étudient un nouveau produit possible de Pinus radiata. Une étude insolite sur la récolte et le traitement du pollen de pin à des fins alimentaires a été récemment achevée à Conception par la CONAF (Corporación Nacional Forestal Chilena). Ce projet est l'aboutissement d'un prix remporté en novembre 1985 à un concours organisé par la Confédération du commerce et de l'industrie dont l'objet était de proposer de nouvelles formes d'emplois ruraux rémunérateurs.

L'idée avait été lancée par Manuel Pedreros, chercheur chimiste qui avait travaillé pour la CONAF dans la région. Le projet a démarré en janvier 1986 avec l'appui financier de la CONAF. La phase initiale du travail de terrain a commencé en avril. On a recherché tout d'abord quels seraient les meilleurs matériels pour effectuer la récolte du pollen. Différentes solutions ont été examinées, la préférence étant donnée aux matériels peu coûteux et simples d'emploi.

Cette phase s'est poursuivie jusqu'en juin, époque à laquelle la récolte et le traitement des fleurs ont commencé. Quarante-cinq personnes en moyenne ont été employées jusqu'en octobre. Ce travail a été mené principalement dans la zone côtière et dans la zone intérieure non irriguée de la province de Concepción, où des placettes expérimentales de 400 m² ont été mises en place pour la récolte de fleurs de Pinus radiata (pin de Monterey) et de P. pinaster (pin maritime) à divers stades de maturité.

Les fleurs récoltées étaient transportées dans des sacs de polyéthylène jusqu'au centre d'extraction installé à l'Institut national d'enseignement forestier de la CONAF à Escuadrón. On a découvert là qu'il était possible de hâter la maturation en soumettant le matériel récolté à une température constante comprise entre 20 et 22°C, limites entre lesquelles la fleur tend à s'ouvrir et à libérer son pollen. Les grains de pollen ainsi obtenus étaient ensuite soumis à un tamisage en vue d'obtenir un produit final exempt d'impuretés.

Environ 4000 litres de pollen, équivalant en poids à 150 kg, ont été récoltés durant cette période de quatre mois. Le pin maritime produisait semble-t-il, une quantité dé pollen supérieure à la moyenne, ce qui a été attribué au fait qu'il avait poussé de manière entièrement spontanée, sans aucune intervention humaine. On a constaté qu'un arbre adulte donnait environ 2 litres de pollen par saison, un hectare de pineraie pouvant produire jusqu'à 2000 litres par an.

Chaque ouvrier peut récolter environ 20 litres de fleurs par jour, mais le traitement destiné à obtenir du pollen pur réduit ce volume de 90 pour cent. Les 20 litres de fleurs fournissent donc 2 litres, soit 0,75 kg de produit final par journée de travail de récolte.

La récolte de pollen naturel n'avait, semble-t-il, jamais été tentée auparavant à des fins alimentaires mais seulement à des fins d'amélioration génétique dans la région. L'extraction de pollen par les abeilles (pollen d'apiculteur) était jusque-là la seule méthode employée au Chili ou ailleurs.

Selon Manuel Pedreros, le pollen de pin renferme 22 acides aminés essentiels, plus 28 acides aminés d'importance secondaire. Il contient en outre des minéraux, des huiles essentielles, des enzymes, des hydrates de carbone et des protéines, ainsi que toutes les vitamines indispensables à la vie humaine, et de plus il est totalement homogène. Il a une odeur agréable et n'a aucune saveur particulière; il peut donc être employé comme additif enrichissant dans n'importe quel produit alimentaire sans provoquer de changement perceptible dans les caractéristiques essentielles des produits.

On étudie actuellement d'autres utilisations possibles de ce produit, qui pourrait trouver des débouchés considérables en Europe et aux Etats-Unis, où le pollen d'apiculteur se vend très bien.

La CONAF a donné tout son appui à ces recherches, considérant qu'elles pourront d'une part fournir une nouvelle utilisation pour les pins, et d'autre part créer de nouveaux emplois pour la main-d'œuvre rurale non qualifiée, freinant ainsi l'exode rural. Autre aspect intéressant, la récolte de pollen se fait en hiver, à une époque où les possibilités d'emploi pour les travailleurs sont peu nombreuses.

Des sociétés forestières privées s'intéressent d'ores et déjà à cette forme de production pour les vastes pineraies artificielles de la région. Une société envisage de produire à elle seule 100 tonnes de pollen pur de pin par an, donnant ainsi des emplois à 600 travailleurs ruraux.

Les spécialistes de la CONAF ont fait des contrôles sur les placettes utilisées durant l'exécution du programme, afin de déceler tout effet préjudiciable aux arbres, mais ils n'ont observé aucun effet de ce genre.

Chilean Forestry News (janvier-février 1987)

UNE PLANTATION DE PINUS RADIATA - la récolte do pollen no nui, pas aux arbres

Des briquettes pour remplacer le bois de feu

Forcés de restreindre l'exploitation du bois de feu qui accélère la désertification, les pays du Sahel recherchent actuellement des combustibles de substitution pour satisfaire leurs besoins énergétiques.

C'est dans ce contexte que le Conseil de l'Entente, qui regroupe cinq Etats (Bénin, Burkina Faso Côte d'Ivoire, Niger et Togo), a demandé que soient entreprises des études sur la valorisation énergétique des déchets végétaux. L'une de ces études porte sur l'exploitation des déchets agricoles à des fins énergétiques sous forme de briquettes. L'Association du bois de feu du Ministère français des relations extérieures a été chargée du projet pilote d'utilisation domestique des briquettes au Niger.

Le projet, qui s'est déroulé de septembre 1984 à juillet 1985, a porté sur le choix du type de fourneau et de combustible. Les essais ont montré qu'un fourneau métallique portatif amélioré était le plus adapté aux conditions du pays et que les briquettes pourraient être composées soit de coques d'arachides produites sur place qui ne trouvent actuellement guère de débouchés, soit de tiges de mil. Des enquêtes ont été menées sur un échantillon représentatif de familles, en vue de connaître d'une part leur consommation de bois, et de l'autre le résultat de l'utilisation des briquettes par ces familles pendant six mois. On a ainsi constaté que les ménagères manifestaient une préférence pour le mélange bois et briquettes, et que les briquettes bénéficiaient du prestige d'un produit moderne, mais que leur utilisation ne se généraliserait que si leur prix et leur disponibilité étaient comparables à ceux du bois.

Les briquettes finiront probablement par s'imposer, notamment si le prix du bois est appelé à augmenter du fait de sa raréfaction et si l'équipement utilisé, bien adapté aux conditions locales, permet d'abaisser les coûts de production.

Essais d'agroforesterie au Gabon

Un projet de recherche en agroforesterie a récemment été entrepris au Gabon par l'Unesco et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) de France, dans le but de cultiver des essences forestières locales et d'intégrer des végétaux pérennes dans le système actuel d'agriculture sur brûlis. L'observation des premiers stades de développement de ces essences forestières a constitué le début du projet, car le stade plantule est une phase primordiale dans la vie d'un végétal. Le site choisi pour les essais est la station de l'Institut de recherche en écologie tropicale (IRET) de M'Passa dans la Réserve de biosphère du Programme MAB de l'Unesco, située près de l'équateur à 500 m d'altitude. Les essais ont comporté l'installation dans des parcelles expérimentales de plants récoltés dans la forêt tropicale, le semis en pépinière de nombreuses graines prélevées elles aussi en forêt, l'identification des conditions nécessaires à la germination des graines et l'observation des délais de germination de nombreuses espèces forestières et fruitières en conditions expérimentales.

C'est ce projet qui a servi de base à Sophie Miquel pour sa thèse de 3e cycle intitulée «Plantules et premiers stades de croissance des espèces forestières du Gabon: potentialités d'utilisation en agroforesterie».

L'auteur observe qu'au bout d'un an, dans les parcelles expérimentales, le taux de survie des jeunes arbres nouvellement plantés était élevé pour les essences à croissance rapide, alors qu'une forte mortalité avait frappé les essences à croissance lente. Elle note également que les délais de germination enregistrés à la station expérimentale, où les tests étaient conduits en milieu uniforme et favorable à la croissance, différaient de ceux observés en forêt où la végétation elle-même influe sur les facteurs participant à la germination des graines. Enfin, l'absence de dormance et la germination rapide représentent deux éléments qui facilitent la culture et la planification des périodes de semis.

Dans la région couverte par le projet, le système agricole traditionnel est la culture itinérante sur brûlis; les cultures vivrières sont le domaine des femmes, alors que les quelques arbres fruitiers poussant près des maisons sont gérés par les hommes. Les responsables du projet ont donc eu beaucoup de mal à convaincre les villageois de l'intérêt d'introduire des arbres dans les plantations vivrières où, une fois la récolte terminée, s'installe rapidement une végétation ligneuse spontanée. L'intégration a réussi notamment dans le cas de certaines espèces à l'égard desquelles les cultivateurs étaient suffisamment motivés.

QUELQUE PART AU SAHEL - les résidus de récoltes pourraient être une nouvelle source de combustible

Sensibiliser les collectivités locales a donc représenté l'un des objectifs primordiaux du projet, ce qui a porté à rapprocher les essences forestières utiles des villages, à améliorer l'utilisation des plantes nitrifiantes sans perturber le système d'exploitation en vigueur, et à intégrer les systèmes agroforestiers dans les pratiques culturales traditionnelles.

F. Banoun


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