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B. Conservation


4.8 Conservation de la végétation. du sol et des ressources en eau
4.9 Conservation des ressources génétiques


4.8 Conservation de la végétation. du sol et des ressources en eau

4.8.1 Amérique du Nord

Les inventaires de base de la végétation des zones arides et semi-arides se poursuivent dans la région mais sur une base plus large afin d'en tirer des informations pour les besoins plus larges d'utilisation des terres L'érosion hydrique n'est pas jugée grave dans l'ensemble mais le feu est considéré en revanche comme une cause majeure d'érosion et l'attention se porte sur la prévention des incendies. La lutte contre l'érosion éolienne est pratiquée dans une mesure limitée et consiste généralement à créer un couvert d'arbustes résistant au vent tels que Larrea tridentata, Baccharis sarothroides et Atriplex canescens. On se préoccupe également de remettre en état des terres perturbées par l'exploitation minière en reconstituant le couvert végétal à l'aide d'espèces telles que Citus crispus et Purshia glandulosa, avec une irrigation complémentaire. Les besoins d'eau dans les zones arides dépassant les quantités disponibles, on applique des techniques de collecte de l'eau, d'élimination des déchets et de récupération des eaux usées; un manuel des techniques de collecte de l'eau a été publié et diffusé. Il préconise des mesures qui consistent par exemple à recouvrir le sol à l'aide de plastique et à amener les eaux de ruissellement dans des réservoirs pourvus d'un revêtement et de radeaux flottants anti-évaporation. L'aménagement des bassins versants est largement pratiqué pour réduire au minimum l'érosion, accroître les réserves en eau et remettre en état les bassins versants dégradés. Des efforts sont déployés dans les zones arides pour éviter les incidences néfastes des constructions dues à l'homme et du surpâturage. On étudie également la relation entre le couvert végétal et le rendement en eau, et l'on adapte en conséquence la composition et la structure de la végétation.

4.8.2 Amérique latine

Il a fallu publier des décrets pour protéger certains types de végétation du risque d'extinction dû à la surexploitation: c'est le cas par exemple de Prosopis tamarugo et P. atacamensis dans le nord du Pérou, avec leur réimplantation artificielle sur plus de 35000 ha. La télédétection a aidé à établir une classification de la végétation des zones arides et a permis d'en améliorer la mise en valeur. Le boisement de zones où la végétation était très dégradée dans la "Caatinga" brésilienne est un autre exemple de conservation des ressources végétales et pédologiques.

La protection contre l'érosion hydrique du sol est importante dans les zones à plus forte pluviométrie et dans les terres arides côtières sujettes à des inondations provoquées par une mauvaise conservation du sol et de l'eau à l'intérieur des terres.

L'érosion éolienne est un problème majeur dans les zones arides de la Patagonie où la vitesse moyenne du vent est de 35 km/h, avec des pointes à 200 km/h. L'implantation de brise-vent est une mesure indispensable. La fixation des dunes de sable est actuellement en cours au Chili à l'aide de plantes ligneuses: Ammophylla arenoria, Ambrossia chamissanis et Acacia cyanophylla.

Les zones arides d'Amérique latine ont été soumises à de fortes pressions démographiques et doivent être irriguées pour permettre l'agriculture. L'irrigation au goutte à goutte est un important progrès dans le domaine de la conservation de l'eau. Une autre méthode a consisté à développer l'utilisation d'espèces résistant à la sécheresse, principalement du genre Prosopis. La collecte de l'eau est à l'étude ainsi que le dessalement de l'eau et le recyclage des eaux urbaines polluées pour l'agriculture.

L'aménagement des bassins versants est jugé essentiel dans les zones arides et l'utilisation d'espèces arborescentes productives joue à cet égard un rôle majeur en même temps que les ouvrages de conservation du sol et de l'eau et de réhabilitation de la végétation des zones dégradées. Des études sont également nécessaires sur le complément que les arbres peuvent apporter au régime hydrique du sol en condensant l'humidité de l'air dans les zones de nuages et de brouillard.

4 8.3 Sahel

Dans les régions du Sahel, les mesures officielles de conservation de la végétation et des ressources en sol et en eau sont appliquées selon le schéma bien établi: protection contre le pâturage et l'exploitation par la création de zones protégées; application de méthodes éprouvées de collecte de l'eau et d'aménagement des bassins versants. La principale mesure de conservation consiste à réduire la pression constante exercée par le bétail et par les activités humaines de collecte de bois de feu, de fabrication de charbon de bois et de brûlage périodique de la végétation.

Des mesures sont aussi appliquées aux zones protégées pour réduire l'érosion hydrique et éolienne: fossés de niveau, bourrelets de niveau, construction de gradonis, remplissage des ravines, etc., ces mesures étant associées à la plantation d'arbres et à l'aménagement des zones de végétation naturelle encore existantes. La promotion des pratiques traditionnelles de conservation et d'aménagement d'arbres individuels serait également utile sur les terres agricoles, en même temps que la plantation d'arbres d'agrément et de haies faites d'espèces résistant à la sécheresse: Jatropha curcas, Euphorbia sp., Azadirachta indica, etc.

4.8.4 Afrique au sud de l'équateur

Les pays en développement de cette région semblent avoir fait un effort considérable de mise en valeur combinant les ouvrages de conservation du sol et de l'eau à la plantation d'arbres, souvent avec l'appui de l'aide alimentaire. Des progrès ont été réalisés dans la mise en place de barrages enterrés et dans la récolte de l'eau, associées à la création de réserves de bois de feu et de fourrage destinés aux groupes tribaux semi-nomades (Kenya). C'est dans cette région que des recherches ont lieu sur des systèmes d'agro-foresterie qui, en aidant à stabiliser les cultures itinérantes, allègent la pression exercée sur la terre et la végétation.

4.8.5 Afrique du Nord

De grands progrès ont été réalisés dans cette région par la mise au point et une large utilisation d'ouvrages de conservation du sol et de l'eau conjuguée à la plantation d'arbres forestiers et fruitiers et d'essences productrices de bois de feu et de fourrage. Les mesures de conservation qui portent sur 593000 ha concernent trois pays de la région. Elles ont été facilitées par le fait que les systèmes traditionnels de collecte, d'épandage et de conservation de l'eau sont appliqués dans les zones montagneuses depuis les temps anciens.

Des mesures de lutte contre l'érosion éolienne ont été prises dans les zones sableuses par l'application simultanée des méthodes mécaniques et végétatives et l'utilisation de matériaux inertes faits d'arbustes et de roseaux (Arundo donax) ainsi que de feuilles de palmier et de paillis constitués de feuilles de palmier, de branches, de fibres synthétiques et de produits chimiques comme URESOL. Ces mesures s'accompagnent presque toujours de la plantation d'arbres et arbustes comme Tamarix, Calligonum Acacia cyanophylla, Eucalyptus spp. et Prosopis juliflora. Environ 101000 ha de dunes de sable ont déjà été fixés et 182000 ha protégés mécaniquement et au moyen de palissades. Un aménagement intégré des bassins versants a été sérieusement entrepris au Maroc, où 878000 ha de bassins versants sont soumis à un aménagement progressif, dont 570000 ha ont fait l'objet d'études et de travaux. Les bassins versants desservant des barrages ont été considérés comme prioritaires en Tunisie.

4.8.6 Proche-Orient

Les pays du Proche-Orient se sont attaqués aux problèmes de la régulation du pâturage et de l'amélioration génétique des caprins pour réduire les dommages causés à la végétation naturelle (race Al-Shami). Ils procèdent en outre à des essais in situ de conservation de la végétation ligneuse subsistante. Les travaux de conservation du sol et de l'eau se fondent essentiellement sur une préparation mécanique des sites qui consiste en labours de niveau, creusement de fossés de niveau, construction de terrasses, bourrelets de niveau, conjugués comme dans d'autres régions à la plantation de conifères P. brutia, P. halepensis, P. pinea, Cupressus sempervirens et d'arbres fruitiers (amandiers, figuiers, abricotiers). La fixation des dunes est un élément extrêmement important des travaux de lutte contre l'érosion éolienne effectués dans cette région. Elle consiste notamment à pulvériser des fixatifs dérivés du pétrole et à sélectionner des espèces arborescentes qui conviennent à la fixation des dunes en zone aride. Ces espèces sont notamment: Acacia cyanophylla, certains eucalyptus, Tamarix gallica, T. aphylla au Proche-Orient, Tamarix laxa et T. leptostachis en Afghanistan. On a étudié non seulement la fixation des dunes mais aussi l'aménagement de zones de dunes arborées. La collecte de l'eau destinée à l'agriculture de ruissellement par le détournement d'eau d'aires de captage naturelles ainsi que son stockage en sous-sol ont été réalisés selon des pratiques traditionnelles bien établies. D'autres techniques ont été mises au point telles que la création d'aires de captage artificielles et le stockage de l'eau recueillie à partir des toits des habitations ainsi que l'utilisation des eaux usées urbaines pour l'agriculture, l'irrigation à l'eau salée et le dessalement de l'eau souterraine et de l'eau de mer.

4.8.7 Asie et Pacifique

L'Australie a réalisé des progrès dans le domaine des enquêtes et analyses des systèmes d'utilisation intensive de la terre grâce à la photographie aérienne à basse altitude et aux relevés au sol correspondants pour la conservation et la mise en valeur des ressources végétales fourragères. L'imagerie de LANDSAT lui sert à établir des cartes grâce auxquelles elle détermine l'état de conservation et divers programmes ont été mis au point pour évaluer et planifier l'utilisation des terres (SIRO-PLAN et LUPLAN).

L'intérêt des autres pays de la région, en particulier l'Inde, le Pakistan et la Chine se porte davantage sur la conservation du sol et de l'eau. Ces pays pratiquent toute une gamme de techniques de conservation du sol au moyen de travaux manuels et mécaniques: fossés, labours et bourrelets de niveau permettant de conserver le sol, associés à la plantation d'arbres.

La conservation de l'eau est également importante et l'URSS a mis au point un système de captages "takyr" naturels et artificiels pouvant fournir 5000 à 35000 m3 d'eau au km2 dans des zones semi-désertiques. Cette eau permet d'alimenter les nappes souterraines et de répondre aux besoins de l'homme: des "lentilles" d'eau douce sont créées sous terre, flottant sur les ressources salines du sous-sol.

Une autre préoccupation des pays de la région est de remettre en état les terres salines et d'empêcher la salinisation Les espèces résistant au sel font l'objet d'études très actives. Certaines provenances d'Eucalyptus par exemple font l'objet en Australie de cultures tissulaires afin de mettre au point des variétés particulièrement résistantes. En Inde et au Pakistan, des techniques particulières telles que drainage, création de fossés et plantation d'espèces résistant au sel comme A. nilotica, Prosopis juliflora, Salvadora persica et d'autres sont actuellement appliquées.

La fixation des dunes de sable est également bien développée, surtout en URSS et en Chine où l'on utilise certaines combinaisons d'arbres, d'arbustes et de graminées comme Artemisia halodendron, Salix flavida, Lespedeza dahurica et Caragona microphylla. En Chine, on applique avec succès des stratégies telles que celle qui consiste à "bloquer à l'avant et tirer de l'arrière", avec des ceintures de Salix cheilophila et Artemisia ordosica en bas des dunes, du côté exposé au vent, en les complétant par la plantation de graminées dans les dépressions.

La remise en état des terres dégradées se fait de diverses façons selon les pays de la région: interdiction au bétail, fossé, labour et création d'étangs sur les zones dénudées (Australie); au Pakistan, l'eau salée est utilisée pour faire pousser des arbres et les irriguer ensuite.

4.8.8 Les techniques de conservation du sol, de l'eau et de la végétation sont déjà bien développées dans la région de l'Asie et du Pacifique. Il semble possible de transposer certains concepts, en particulier dans les domaines de la collecte de l'eau et de la fixation du sable et du sol emportés par le vent.

La désertification provoquée par l'excès d'irrigation qui provoque la salinisation est un autre phénomène reconnu qui exige que l'on affine les principes de gestion des ressources en eau ainsi que des mesures correctives qui visent à remettre en valeur les terres saliniséss dans certains pays de la région.

Les mesures de conservation accroissent la productivité et assurent la durabilité des ressources dans les zones arides et semi-arides. Leur application exige toutefois des compromis entre les préoccupations sociales et celles purement techniques de conservation, étant donné les transferts de population et les modifications des droits d'accès aux ressources qui sont nécessaires. L'application des principes et des techniques de conservation est subordonnée à des processus politiques qui doivent, pour atteindre leurs objectifs, reposer sur des justifications à la fois écologiques, techniques, financières, productives et sociales.

4.9 Conservation des ressources génétiques

La conservation des ressources génétiques peut se faire in situ, c'est-à-dire dans le cadre d'un écosystème naturel viable. C'est la méthode qui est préférable à toutes les autres à condition que la zone considérée puisse être totalement protégée. On sait peu de choses sur la superficie minimum nécessaire, mais une grande réserve située au centre d'un éventail d'espèces a moins de chances d'être efficace qu'une série de réserves plus petites couvrant toute la gamme des diverses espèces.

Conservation ex situ: créer des peuplements artificiels en dehors de l'aire d'extension géographique naturelle, mais avec de bonnes perspectives de conservation à long terme, est une méthode prometteuse de conservation d'ensembles génétiques. Pour la conservation de certaines espèces, la solution pourrait être de combiner à la fois la conservation ex situ et la conservation in situ.

Comme on le verra ci-dessous, l'appréciation des principes et l'application des techniques de conservation des ressources génétiques varient selon les régions.

4.9.1 Amérique du Nord

Il existe un certain nombre d'arboretums, de jardins botaniques, de musées et de collections d'espèces végétales et animales qui sont entretenus à l'aide de fonds publics ou privés. En outre, les parcs nationaux, les espaces naturels et les réserves de la biosphère situés dans les régions arides du sud-ouest des États-Unis et du nord du Mexique constituent le système le plus vaste de conservation des ressources génétiques des espèces végétales et animales. Ces zones offrent également des sites témoins appropriés pour les études écologiques relatives à l'incidence des interventions humaines sur les ressources génétiques.

4.9.2 Amérique latine

Le réseau de parcs nationaux de la région offre au moins une base pour le choix des zones à protéger pour la conservation in situ. On s'intéresse davantage à la collecte de graines d'espèces de zone aride et à leur inclusion dans un projet FAO/CIRP d'essais de provenance d'espèces arborescentes utiles de zone aride. Les espèces animales et végétales en danger ont été identifiées et des mesures prises pour leur protection; il s'agit notamment de: Caesalpinia spinosa, Gorbiera hygrometrica et certaines espèces de Prosopis comme P. atacamensis. Au Pérou, une zone de 180000 ha contenant la plus grande proportion d'espèces péruviennes de zone aride a été déclarée forêt nationale (Bosque Nacional de San Ignacio).

4.9.3 Sahel

Les documents disponibles font très peu mention d'activités de conservation des ressources génétiques dans cette région. La projet FAO/CIRP/PNUE (désormais FAO) sur les ressources génétiques des espèces arborescentes pour l'amélioration de la vie rurale dans les zones arides et semi-arides a encouragé la collecte de graines (pour des essais de provenance et une conservation ex situ) en République du Soudan et au Sénégal.

4.9.4 Afrique au sud de l'équateur

Il n'est pas fait mention de la conservation des ressources génétiques dans la documentation dont on dispose sur les zones arides. On peut toutefois présumer que les grandes superficies des parcs nationaux et des réserves cynégétiques ont du moins constitué une base pour la sélection et la protection de zones appropriées en vue d'une conservation in situ des ressources génétiques animales et végétales.

4.9.5 Afrique du Nord

Aucune mention n'a été faite de la conservation des ressources génétiques dans les pays de cette région, bien que l'on puisse considérer que la création de parcs nationaux et leur protection constituent un premier pas dans cette voie.

4.9.6 Proche-Orient

Le projet FAO/CIRP/PNUE mentionné au paragraphe 4.9.3 a organisé la collecte de graines d'espèces de zone aride en République démocratique populaire du Yémen, où la conservation in situ des ressources génétiques de Prosopis cineraria est en cours d'organisation. Aucune autre mesure officielle ne semble avoir été prise en dehors de la création de parcs nationaux dans certains pays de la région.

4.9.7 Asie et Pacifique

Certains pays de la région sont pleinement conscients des implications et des besoins de la conservation des ressources génétiques. L'Australie est peut-être en avance sur les autres pays dans ce domaine et a accumulé et stocké les données sur ordinateur afin d'indiquer un emplacement précis à ceux qui souhaitent échantillonner la gamme de variations d'une espèce donnée. L'Inde participe au projet FAO/CIRP/PNUE mentionné plus haut sur les espèces de zones arides. La vaste superficie de terres arides englobées dans des parcs nationaux de la région offre des possibilité de sélection, de protection et de préservation de certains échantillons pour la conservation in situ des ressources génétiques.

4.9.8 Il est très net que dans beaucoup de pays la population n'a pas encore pris conscience de l'importance de la conservation des ressources génétiques. Un travail de vulgarisation s'impose pour en faire admettre les principes et inciter la population à agir en conséquence. Les zones arides sont peut-être dans le monde celles qui subissent la pression environnementale la plus sévère et où les espèces risquent le plus, si rien n'est fait, de disparaître dans un avenir relativement proche. Le fait d'adapter et d'améliorer des espèces d'arbres et arbustes des zones arides pourrait avoir un effet durable sur leur capacité productive et leur utilité pour l'homme.


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