Chapitre 1: Introduction

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Les racines et les tubercules appartiennent à la catégorie des aliments qui apportent essentiellement de l'énergie sous forme de glucides dans l'alimentation humaine. Cette désignation s'applique à toutes les plantes dont la racine, le rhizome ou le tubercule souterrains renferment de la matière comestible.

Le développement des plantes-racines sous les tropiques a été accéléré par l'introduction de la technique de la transformation du manioc en gari en Afrique de l'Ouest et par la promotion du manioc comme réserve en cas de famine par plusieurs gouvernements coloniaux, comme les Hollandais à Java ou les Britanniques en Afrique de l'Ouest et en Inde. En 1880, le commerce du tapioca était bien implanté en Malaisie et, à la fin du 19é et au début du 20e siècle, la production et le commerce des produits dérivés du manioc, notamment de la fécule, avaient été organisés par les Hollandais à Java et par les Français à Madagascar.

Cette diffusion s'explique aussi par le fait que les plantes-racines présentent un avantage: durant les guerres tribales et les invasions, l'envahisseur ne pouvait détruireni emporterla réserve alimentaire qui pouvait être conservée convenablement en terre, ce qui donnait plus de sécurité alimentaire à la population.

Entouttemps, les responsables des politiques et les chercheur sont accordé trés peu d'attention aux plantes-racines et ont concentré tous leurs efforts sur les cultures de rente ou les céréales les plus connues. Les racines étaient considérées comme des aliments réservés principalement aux pauvres, jouant un rôle accessoire dans les échanges internationaux. Cette idée fausse a persisté longtemps parce qu'on n'a pas évalué le nombre de personnes qui vivent de ces racines, ni le nombre de vies sauvées grâce à elles durant les famines et les catastrophes.

C'est le manioc qui a sauvé les royaumes du Ruanda-Burundi en 1943 quand le mildiou a détruit toute la récolte de pommes de terre, et c'est encore le manioc qui a nourri les Biafrais durant la guerre au Nigéria en 1966-1969.

Dés 1844, le révérend John Graham parlait de la pomme de terre en ces termes:

«Il n'y a pas sur notre vaste planète une race qui puisse nous battre,
Depuis les froides collines du Canada jusqu'au Japon torride,
Nous qui nous nous nourrissons et nous régalons tant de belles pommes de terre.
Des vertes vallées d'Erin si accueillantes pour l'homme!»

Selon un vieux dicton des habitants des Palaos en Micronésie où le taro est l'aliment de base, «le marécage à taro est la mère de la vie» (Kahn, 1985).

Ces plantes-racines contenant surtout de la fécule, leur teneur en protéines est plus faible que celle des céréales. Toutefois, considérant les quantités consommées parjour, leur apport protéique est souvent important. En outre, elles renferment une bonne quantité de vitamines et de minéraux et sont fréquemment compétitives au niveau de la production pour ce qui est du rendement énergétique par hectare, comparé à celui des céréales dans des conditions écologiques défavorables.

Pendant les années 1980 à 1987, le taux moyen de croissance de la production vivrière (2,6 pour cent) dans de nombreux pays en développement à économie de marché, particulièrement en Afrique, a été inférieur ou tout juste égal à celui de la croissance démographique (environ 3 pour cent) à cause de la pénurie de terres et du manque de devises pour acheter des intrants agricoles tels qu'engrais, insecticides et machines. Les sécheresses, les inondations et autres catastrophes d'origine naturelle ou humaine ont contribué dans une grande mesure à la réduction des disponibilités alimentaires. Ces pays à déficit vivrier font maintenant des efforts importants pour redresser la situation, mais en cherchant essentiellement à relever la production de céréales de base et à accroître l'importation de céréales par des achats au comptant ou grâce à l'aide alimentaire. Ils creusent ainsi davantage le fossé entre la production vivriére locale et les besoins alimentaires.

Beaucoup de plantes-racines cultivées actuellement en régime de subsistance ont un rendement trés faible, mais elles ont un potentiel génétique qui n'a pas encore été complètement exploité. En outre, certaines sont très adaptables, donnant des rendements acceptables sur des terres marginales très irrégulièrement arrosées. Des cultures comme celle du manioc sont précieuses pour la sécurité alimentaire des ménages dans les groupes de population vivant de cultures de subsistance, en période de sécheresse ou dans d'autres conditions écologiques défavorables.

Cet ouvrage se propose d'analyser la valeur des racines et des tubercules dans l'alimentation humaine et d'évaluer leur contribution au bien-être nutritionnel et à la sécurité alimentaire dans les pays les moins développés. Notre souhait est qu'il contribue à diffuser les connaissances surces cultures et stimule la recherche pour leur amélioration génétique afin que soient accrues leur production et leur consommation.

Dans la collection FAO: Alimentation et nutrition, des études ont déjà été publiées sur cinq aliments importants, à savoir: Rice and rice diets (en anglais seulement), Maize and maize diets (en anglais seulement), Le lait et les produits laitiers dans la nutrition humaine, Le blé dans l'alimentation humaine et Les graines de légumineuses dans I' alimentation humaine. La présente étude a été conçue suivant les mêmes critères. Elle récapitule les connaissances actuelles sur la production, la consommation, la valeur nutritive, la transformation et la cuisson des racines et tubercules et leur rôle dans l'alimentation humaine. Elle traite toutes les racines et tous les tubercules importants: manioc, igname, patate, pomme de terre et aracées, ainsi que deux autres aliments féculents de base, les bananes et les plantains. Bien que la plupart des aclivités de recherche et de développement les concernant soient entreprises dans les zones tempérées, les pommes de terre sont incluses ici car les possibilités qu'elles se répandent dans les pays tropicaux sont grandes. Les plantains et les bananes sont aussi des aliments féculents de base importants dans de nombreux pays tropicaux.

En 1988, la FAO a public une étude intitulée Root and tuber crops, plantains and bananas in developing countries: challenges and opportunities; la production et la consommation mondiales de ces végétaux y sont examinées sous tous leurs aspects. D'autres études de la FAO concernant ce domaine sont axées sur l'utilisation et la transformation des racines, tubercules, plantains et bananes. La présente étude fournit une analyse plus détaillée du rôle de ces végétaux dans la nutrition humaine et apporte un complément essentiel aux informations contenues dans les publications précédentes.


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