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Aspects politiques, juridiques et institutionnels


Aspects politiques, juridiques et institutionnels de l'aménagement forestier durable


Aspects politiques, juridiques et institutionnels de l'aménagement forestier durable

M.R. de Montalembert et F. Schmithüsen

Les auteurs sont respectivement directeur de la Division des politiques et de la planification, Département des forêts, FAO, Rome et professeur de politique et d'économie forestières, Institut fédéral de technologie, Zurich, Suisse.

Les auteurs examinent les principaux aspects politiques, juridiques et institutionnels de l'aménagement des forêts. Le développement étant un processus dynamique, il est essentiel que les politiques, les institutions et les règlements soient sans cesse adaptés pour maintenir un système d'incitations efficace à l'appui d'un aménagement forestier durable. Ce système doit associer une certaine souplesse à la stabilité et la sécurité indispensables à la continuité à long terme de l'aménagement forestier. Les sujets traités sont les suivants: lois et règlements à l'appui d'un aménagement forestier durable (code forestier et autres textes intéressant la foresterie, régime forestier, etc.), les aspects institutionnels et organisationnels (évolution du rôle du secteur public, rôle croissant du secteur privé et des organisations non gouvernementales), l'information, la communication et la formation (comment faciliter la diffusion des connaissances, renforcer la base sociale de la durabilité par une meilleure compréhension et par le dialogue, et comment renforcer graduellement les compétences et capacités techniques). Les auteurs concluent que le plus important est de modifier les attitudes et les compétences en vue d'appliquer les méthodes globales reposant sur le partenariat qui sont indispensables à un aménagement forestier durable.

INTRODUCTION

Des études récentes montrent que les résultats des programmes d'aménagement forestier dépendent dans une large mesure de leur contexte institutionnel, et notamment des grandes orientations des politiques forestières. L'évolution dynamique de l'aménagement forestier influe sur l'efficacité institutionnelle: la croissance démographique et les migrations provoquent des pressions croissantes sur la forêt et obligent à défricher des terres pour produire de quoi nourrir les populations. La stabilité des ressources est compromise par les besoins quotidiens des populations locales de plus en plus nombreuses.

L'aménagement forestier doit donc répondre à des demandes de plus en plus complexes émanant d'un nombre croissant d'usagers: l'Etat veut réaliser le potentiel économique d'une ressource renouvelable pour faire rentrer de l'argent et créer de l'emploi; les entrepreneurs privés cherchent à maximiser leurs bénéfices et leur compétitivité; les populations locales tirent de la forêt des aliments, du fourrage, des combustibles et des revenus et peuvent en outre y attacher une valeur culturelle; le public compte sur la forêt en tant qu'élément essentiel d'un environnement agréable; les mouvements écologistes soulignent le rôle des forêts dans le changement du climat et la conservation de la biodiversité. Les modèles de développement inéquitables exacerbent encore les pressions qui s'exercent sur la forêt; de plus en plus de ruraux pauvres et sans terre en sont réduits à coloniser des terres moins productives et plus fragiles. La forêt est alors détruite au profit d'une agriculture non viable au lieu d'être convenablement aménagée pour combattre le paupérisme et protéger l'environnement.

Un aménagement forestier durable repose sur un juste équilibre entre les intérêts privés et l'intérêt public ainsi qu'entre les besoins et exigences des générations présentes et des générations futures. En outre, il doit reposer sur une appréciation plus globale de l'importance actuelle et future des écosystèmes forestiers et de toute la gamme des biens et services publics et privés qu'ils produisent; il doit prévoir un réinvestissement ou de nouveaux investissements dans la forêt; enfin, du moins dans certains cas, il comporte inévitablement la restriction de l'utilisation car il limite l'exploitation destructive à court terme.

Nous examinerons ci-après les principaux aspects politiques, juridiques et institutionnels de l'aménagement des forêts sur la base des postulats suivants: premièrement, notre souci fondamental est de promouvoir le développement, c'est-à-dire d'améliorer le niveau de vie des générations actuelles tout en préservant le patrimoine forestier et son potentiel pour les générations futures; deuxièmement, nous envisagerons ce potentiel forestier stable dans le contexte plus large du développement rural, car la dynamique de l'utilisation des terres doit permettre le changement tout en préservant l'équilibre entre les forêts et les autres utilisations dans lesquelles les arbres ont également un rôle; troisièmement, nous pensons que la stabilité des forets et leur aménagement durable passent nécessairement par une définition claire des responsabilités d'aménagement et par un dialogue et l'établissement d'un partenariat qui permette de concilier des intérêts différents et parfois divergents; quatrièmement, nous reconnaissons pleinement l'importance de la fonction de protection de l'environnement et nous pensons que cela ne diminue en rien l'importance économique de la fonction de production; la foresterie doit être suffisamment compétitive pour attirer des investissements et rapporter suffisamment pour que les utilisateurs soient fermement décidés à l'aménager de façon durable.

Notre approche se fonde sur les principes non juridiquement contraignants adoptés par la CNUED à Rio selon lesquels les politiques et stratégies nationales doivent fournir un cadre pour des efforts accrus et notamment pour le développement et le renforcement des institutions en vue de la conservation de l'aménagement et du développement des forêts. Le développement étant un processus dynamique, il exige une souplesse et une adaptabilité à long terme des politiques, des institutions et des règlements afin de maintenir un système efficace d'incitations à un aménagement forestier durable.

NÉCESSITÉ D'UN CADRE POLITIQUE RATIONNEL

Un aménagement forestier durable n'est possible que si la durabilité du développement et la sécurité des moyens de subsistance des générations présentes et futures sont les objectifs prioritaires de la politique nationale dans tous les secteurs. Si l'on n'adopte pas explicitement des modèles de développement conciliant les activités humaines avec le potentiel de renouvellement des ressources naturelles, la durabilité restera une notion théorique se prêtant à toutes sortes d'interprétations. C'est à chaque pays qu'il appartient de décider la meilleure façon de concrétiser cette orientation générale dans des critères pratiques de suivi et d'évaluation de la durabilité du développement. La politique générale de développement peut ainsi promouvoir des approches cohérentes de la durabilité dans tous les secteurs. Cela est particulièrement important pour les activités qui portent sur des ressources naturelles renouvelables et qui sont en concurrence pour l'utilisation de la terre. Ce cadre politique est un préalable indispensable à l'aménagement forestier durable, et constitue pour lui une puissante incitation.

Dans ce contexte général du développement rural, de l'utilisation des terres et de la politique de l'environnement, la politique forestière vise plus spécifiquement les ressources forestières et leur aménagement; les aspects socioéconomiques de l'amélioration des résultats du secteur forestier; le rôle des forets et des arbres dans l'utilisation des terres et le développement rural; leurs fonctions dans la conservation de la nature et la protection de l'environnement.

La plupart des politiques forestières existantes ont été conçues à l'origine dans des situations moins complexes. Les densités démographiques et la concurrence entre les usagers des terres étaient moins fortes, de sorte que la stabilité des écosystèmes forestiers et leur aménagement durable n'étaient pas une préoccupation primordiale. Les déclarations de politique mentionnaient la nécessité de préserver les forêts mais n'empêchaient pas de compter exclusivement sur la régénération naturelle pour les reconstituer ni de les considérer comme une réserve de terres pour l'expansion de l'agriculture. L'intention déclarée était de protéger un domaine forestier qui était rarement délimité de façon précise et qui parfois avait été confisqué aux ethnies locales qui le possédaient depuis des temps immémoriaux. La politique forestière visait exclusivement la production de bois et le rendement soutenu et tendait à restreindre les autres activités. Cette attitude négative était une cause de conflit entre les parties intéressées (services forestiers, secteur privé, populations locales). La fiscalité et les politiques de prix ainsi que les régimes contractuels visaient principalement la récolte et non l'aménagement. Les politiques forestières souffraient de l'absence d'une optique globale; elles n'étaient pas fondées sur le principe de l'aménagement durable des écosystèmes forestiers ni sur la mobilisation de la coopération des principaux agents, des communautés rurales, des entrepreneurs privés et de l'institution forestière elle-même.

Aujourd'hui, l'aménagement forestier doit se faire en tenant compte de beaucoup plus d'interdépendances et de complexités. Parmi les nouvelles exigences, la plus importante est de créer un partenariat. Les principaux groupes d'intérêt, doivent participer aux décisions concernant l'aménagement forestier moyennant un processus de consultations. Celles-ci doivent notamment donner à ceux qui seront affectés par les nouvelles prescriptions d'aménagement la possibilité de se faire entendre. Les institutions politiques devront décider les meilleurs moyens de concilier ou même d'associer les intérêts divergents et de répartir les coûts et les bénéfices parmi les principaux agents et bénéficiaires. Mais des consultations sont nécessaires pour donner un fondement à la participation de tous les principaux agents et les inciter à adopter une approche plus globale de l'aménagement forestier durable.

Pour modifier le cadre politique en vue de créer des incitations efficaces à l'aménagement forestier durable, les points ci-après revêtent une importance particulière:

· Politiques et pratiques d'aménagement du territoire: les forêts doivent être reconnues comme une ressource naturelle d'importance majeure pour les générations présentes et futures.

· Politiques macroéconomiques et ajustement structurel: l'impact négatif que peuvent avoir les programmes agricoles et les politiques de privatisation sur la conservation des forêts doit être diagnostiqué et évalué (expansion des cultures de rente, migrations de populations rurales entraînant un empiétement de l'agriculture de subsistance sur de nouvelles terres, etc.).

· Interaction entre les politiques forestières et les politiques concernant des secteurs tels que l'agriculture, l'élevage, les infrastructures, les industries manufacturières, l'énergie, les industries extractives, etc.: il faut vérifier et renforcer la cohérence et les complémentarités avec les activités d'aménagement forestier et minimiser les effets négatifs que peuvent avoir les politiques de prix et d'incitations appliquées dans d'autres secteurs sur l'aménagement et l'utilisation durables des forêts.

· Conservation et utilisation prudente des forêts: la durabilité doit être l'objectif prioritaire explicite de la politique forestière: cet objectif doit être reconnu comme prioritaire pour la politique forestière nationale et doit, dans le même temps, être intégré dans la politique de l'environnement et la politique de développement. La durabilité s'inscrit dans une perspective à long terme; elle doit être le critère de l'application de cette politique à un domaine forestier permanent clairement délimité comprenant les forets de production et les forêts de protection.

· La politique forestière doit viser le comportement des divers groupes sociaux qui bénéficient de l'utilisation des ressources forestières et les encourager à s'organiser. Une approche convergente et globale conciliant les besoins des populations locales avec les exigences plus générales de croissance économique et de stabilité de l'environnement est la meilleure façon d'assurer la durabilité. Il faudra reconnaître les différentes catégories d'utilisateurs. Le bois et les autres matières premières d'origine forestière sont vendus sur le marché ou aux industries par des entrepreneurs privés; d'autres produits tels que le fourrage ou les aliments produits par la forêt sont utilisés en indivis par les populations locales; d'autres encore tels que l'eau ou la biodiversité font partie du patrimoine d'une collectivité plus vaste. Tout en tenant compte de ces intérêts divers, la politique forestière doit encourager une approche souple permettant d'assurer la durabilité dans toute la gamme des régimes de propriété, d'utilisation et d'aménagement ainsi que de conditions écologiques et socioéconomiques.

· Habitants de la forêt et des zones voisines: l'accès de ces populations aux produits dont dépend leur subsistance doit être garanti; la politique forestière doit donc leur assurer la sécurité de ces moyens de subsistance ainsi que la protection de l'intégrité culturelle de leur patrimoine forestier. Elle doit encourager la conception et la mise en œuvre de modèles d'aménagement permettant aux populations locales de s'organiser et de participer à l'aménagement en tant que bénéficiaires et partenaires privilégiés.

· Politiques fiscales: les recettes de l'Etat ne peuvent dépendre exclusivement des taxes et redevances forestières, indépendamment des recettes provenant de l'ensemble du système fiscal. La fiscalité tant générale que forestière doit motiver l'entité responsable de l'aménagement des forêts et lui donner les moyens d'investir pour en assurer la durabilité. Dans beaucoup de pays où les forêts privées jouent un rôle important, les revenus provenant de la forêt bénéficient d'un régime fiscal favorable pour que l'investissement dans l'aménagement forestier soit rentable et compétitif. On peut aussi envisager des systèmes de subvention et d'indemnisation: subvention pour améliorer le potentiel de production à long terme, par exemple par des boisements et reboisements, des améliorations sylvicoles et la mise en place d'infrastructures; indemnisation des propriétaires forestiers qui appliquent certaines mesures d'aménagement d'intérêt public, par exemple amélioration de la stabilité de certaines forêts de protection, ou aménagement de forêts très utilisées à des fins récréatives; indemnisation en cas de perte ou de manque à gagner résultant de restrictions de l'exploitation appliquées volontairement dans certaines zones.

· Les politiques de prix de tous les biens et services marchands produits par la forêt ont une influence déterminante sur les résultats économiques de l'aménagement forestier et sur le volume des investissements et réinvestissements dans la conservation et l'amélioration des forêts. Le jeu des forces du marché et de la concurrence devrait faire correspondre les prix des produits forestiers aux valeurs économiques réelles à condition que l'on surveille l'effet possible des différences de prix avec les produits de remplacement non forestiers. Cette question est complexe, mais les résultats économiques sont un facteur important de durabilité. Le marché des produits forestiers doit être organisé de telle sorte qu'une juste part des recettes revienne à ceux qui sont effectivement responsables de l'aménagement, organismes publics, concessionnaires privés, propriétaires forestiers, collectivités locales ou groupements d'usagers.

La tâche essentielle est d'analyser en permanence l'impact des divers éléments et de diagnostiquer les reformes nécessaires pour promouvoir un aménagement à long terme. Cela suppose des consultations régulières entre les parties intéressées pour identifier les problèmes et les inconvénients que peuvent présenter les politiques actuelles ainsi que les réformes ou adaptations des politiques nécessaires pour les résoudre.

LÉGISLATION ET RÉGLEMENTATIONS EN VUE D'UN AMÉNAGEMENT FORESTIER DURABLE

La législation actuelle sur la conservation et la valorisation des ressources forestières ne fait pas assez de place au principe de durabilité. Beaucoup de textes législatifs et réglementaires sont incohérents et souvent incompatibles avec un aménagement forestier à long terme. Les politiques nationales axées sur la durabilité de la mise en valeur des ressources forestières nécessiteront une révision systématique et souvent une refonte profonde de la législation.

Ces modifications devront consister, d'une part à renforcer les dispositions visant à assurer la durabilité, en introduire de nouvelles tenant compte des intérêts des générations futures et, d'autre part à éliminer celles qui sont incompatibles avec une utilisation et une mise en valeur durables des forêts. Pour cela, il faudra un effort considérable d'amélioration et d'élaboration du code forestier et des autres textes pouvant intéresser le secteur forestier.

Législation concernant directement les forêts

Les textes concernant directement les forêts comprennent le code forestier, qui régit la conservation et la mise en valeur des forêts, ainsi que des lois et règlements d'application.

Comme la politique forestière, la législation forestière a trois aspects importants: en tant que législation sectorielle concernant la conservation et la mise en valeur des forêts, elle fait partie de la législation relative au développement économique et aux ressources naturelles; les forets étant situées dans l'espace rural, elle fait partie intégrante de la législation concernant l'aménagement du territoire et le développement rural; c'est un élément essentiel des lois de protection de l'environnement et de sauvegarde des espaces naturels et des paysages.

Les législations forestières existantes sont essentiellement restrictives. Leurs auteurs cherchaient avant tout à maximiser la rentabilité immédiate de l'exploitation du bois, considéré comme le principal produit de la forêt. Ils pensaient qu'il suffisait d'édicter des règles pour préserver le couvert forestier et prévenir les pratiques destructives. Ce type de règles conservera une place importante dans les codes mais il est évident qu'une politique intégrée d'aménagement durable ne saurait s'en contenter.

La législation forestière doit offrir un cadre plus cohérent pour l'application de politiques forestières fondées sur la participation de ceux qui vivent directement de la forêt. Il faudra en particulier prévoir des incitations ou des indemnités pour les propriétaires de forêts - privées ou communales - qui rendent un service au public en gérant leurs forêts en vue d'utilisations polyvalentes et conformément au principe de durabilité.

Autres textes intéressant les forêts

Une vaste gamme de textes législatifs et réglementaires, portant sur toute sorte de domaines et secteurs, ont des effets directs ou indirects sur la conservation et la mise en valeur des forêts.

On peut distinguer plusieurs catégories de textes particulièrement importants pour la mise en valeur des forêts, à savoir:

· Législation générale et spécifique concernant la protection de l'environnement: codes écologiques nationaux, dispositions visant à combattre la pollution atmosphérique, etc.

· Législation concernant principalement les ressources naturelles renouvelables: textes relatifs à l'agriculture, aux pâturages, aux pêches, à la réforme agraire, à la lutte contre l'érosion, à la restauration des terres et leurs diverses interfaces avec la foresterie et les systèmes de production mixtes.

· Législation concernant les aspects sociaux et économiques du développement de l'espace rural: lois foncières, aménagement du territoire, législation fiscale, etc.

· Législation concernant la protection de la nature: principalement lois de protection de la flore, de la faune et des espaces naturels, et textes relatifs à la chasse, à la faune et aux parcs nationaux.

Les forêts et l'utilisation des terres forestières ainsi que l'aménagement des peuplements de production font donc l'objet de toute une gamme de dispositions juridiques. D'où une interdépendance croissante entre d'une part les lois forestières proprement dites et, d'autre part, les lois régissant le développement économique ainsi que les ressources naturelles et l'environnement. En raison de cette complexité croissante, il est essentiel de veiller soigneusement à la compatibilité des diverses lois et réglementations, en s'attachant particulièrement aux points suivants:

· incidences du développement de la législation pour la protection de l'environnement et de la nature sur l'évolution de la législation forestière;

· effet de synergie ou d'antagonisme entre les dispositions de ces diverses législations;

· possibilité d'introduire (ou de renforcer) des dispositions spécifiques visant la conservation et l'aménagement des forêts dans les lois de protection de l'environnement;

· incidence sur l'aménagement durable des forêts des nouvelles législations relatives aux ressources naturelles et au développement durable;

· nécessité de modifier les règlements d'aménagement forestier pour les rendre compatibles et synergiques avec cette législation.

Questions d'aménagement forestier

Selon les besoins de la société et les écosystèmes forestiers existants, les objectifs généraux de la loi peuvent s'accommoder d'une vaste gamme d'objectifs spécifiques et partiels. En général, on veillera, dans le cadre d'une approche intégrée de l'utilisation durable des forêts à:

· protéger le couvert forestier et sa répartition géographique afin de maintenir un environnement stable et d'offrir une base à la valorisation économique et sociale des forêts;

· protéger tous les écosystèmes forestiers naturels pour préserver la biodiversité et les paysages;

· créer et stimuler une économie forestière viable et polyvalente permettant d'assurer à la fois la conservation de l'environnement et l'utilisation des ressources à des fins économiques;

· créer de nouvelles forêts dans la mesure où cela est nécessaire pour des raisons d'environnement ou pour le développement économique.

Quand l'aménagement durable est mentionné dans le Code forestier, c'est en général uniquement du point de vue de la production de bois. Or, un véritable aménagement durable doit viser à conserver et gérer l'ensemble de l'écosystème forestier.

La loi doit donc définir la durabilité du point de vue de la diversité et de la stabilité des divers écosystèmes forestiers et de leurs apports présents et futurs au développement. Elle doit déterminer la signification et la pertinence de l'aménagement durable en ce qui concerne la production actuelle et future de biens et services, et en particulier:

· la production de bois de feu et de bois de construction destiné à être utilisé localement, en tant que ressource pour l'économie rurale;

· la production de diverses catégories de bois d'œuvre et d'industrie en tant que matière première pour l'industrie;

· la production d'une vaste gamme de produits non ligneux pour les populations locales et pour l'industrie;

· la protection contre les effets de catastrophes naturelles, telles qu'avalanches, érosion, glissements de terrain et inondations;

· le maintien de la fonction de protection des ressources en eaux souterraines;

· la fonction de terrain de loisirs pour les citadins ou les touristes.

Les règles régissant les pratiques forestières doivent être systématiquement réexaminées pour vérifier si les dispositions relatives à la récolte du bois, à la construction des routes, au reboisement, aux améliorations sylvicoles et aux plans d'aménagement sont compatibles avec une mise en valeur durable des ressources. En outre, la protection de la biodiversité et la conservation du paysage doivent faire partie intégrante des pratiques d'utilisation des forêts, car ce sont là des conditions fondamentales pour la valorisation durable.

Les lois et règlements ne prévoient en général pas grand-chose en matière de participation du public aux décisions d'aménagement. Jusqu'ici, les plans d'aménagement étaient considérés comme un problème technique dont la solution était du ressort des propriétaires forestiers et des services des forêts. Il est nécessaire de réviser la législation afin de:

· mettre en place des mécanismes institutionnels permettant aux propriétaires forestiers, aux groupements d'usagers et aux entités politiques de déterminer la gamme des produits de la forêt, les objectifs de l'aménagement et les mesures à prendre pour atteindre ces objectifs;

· créer la volonté politique essentielle au développement durable des ressources et mettre en place l'infrastructure financière nécessaire sur la base d'un partage équitable des coûts entre les propriétaires forestiers et les entités publiques.

Les incitations sont importantes pour promouvoir les objectifs de l'aménagement durable qui touchent aux intérêts immédiats des propriétaires et des groupes d'ayants droit ainsi qu'aux intérêts de la société, qui se situent en général dans une perspective à plus long terme. La législation doit prévoir les incitations voulues pour promouvoir les pratiques produisant des avantages pour l'ensemble de la société.

Il importe d'améliorer la législation relative à l'utilisation durable des forêts. Des révisions ont déjà été apportées aux textes législatifs et réglementaires ou sont en voie de l'être, mais il n'est pas certain qu'elles aient beaucoup freiné la destruction des forêts et le gaspillage. Même s'il s'agit là d'un problème essentiellement politique, la législation peut créer une base institutionnelle pour le suivi des régimes d'utilisation durable en réalisant les conditions suivantes:

· affirmation de la nécessité d'une surveillance régulière de l'état des ressources forestières à l'échelle nationale et internationale et mise en place des mécanismes voulus;

· contrôle des résultats de la planification de l'aménagement forestier, notamment en ce qui concerne le domaine forestier, la biodiversité et la santé des peuplements, les biens et services forestiers d'intérêt public, etc.;

· évaluation de l'efficacité des politiques et de la législation, eu égard aux objectifs généraux de conservation et de mise en valeur des forêts;

· communication au gouvernement et au parlement des informations nécessaires pour le suivi et l'évaluation.

Régime forestier

La notion de régime forestier englobe à la fois les droits d'usage et les divers régimes de propriété forestière. Le code forestier et les règlements doivent comprendre des dispositions sur les différentes catégories foncières et déterminer:

· les diverses catégories de droits d'usage, leur nature, la mesure dans laquelle ils peuvent s'exercer durablement;

· les catégories et la nature des régimes de propriété et les procédures de planification de l'aménagement qui leur sont applicables;

· les droits et obligations des différentes catégories de propriétaires forestiers, particulièrement en matière de cadastre et de délimitation;

· les conditions pouvant modifier l'affectation des terres forestières, indépendamment des mutations.

Beaucoup de codes forestiers reconnaissent le principe des droits d'usage, mais sans contenir de dispositions pour les protéger et assurer qu'ils puissent être exercés de façon durable dans des forêts déterminées. En fait, les règlements d'aménagement tendent à ignorer les droits d'usage et à provoquer leur disparition. Cela peut exaspérer les populations locales qui utilisent la forêt et pratiquent un aménagement durable. Elles en sont alors réduites à abandonner leurs modes séculaires d'utilisation rationnelle des ressources en faveur d'une exploitation immédiate dévastatrice. Les nouvelles législations doivent combiner le principe de la durabilité avec un engagement juridique ferme de maintenir et développer les utilisations locales, et de garantir l'exercice des droits d'usage.

Il est souvent très important de garantir statutairement les droits d'usage locaux pour que les populations locales aient intérêt à assurer le maintien du couvert forestier. Les divers types de régimes forestiers communautaires et de propriétés collectives sont particulièrement intéressants à cet égard.

La législation doit préciser:

· les droits et obligations des communautés possédant des forêts en matière d'utilisation durable et de pratiques d'aménagement;

· la possibilité d'institutionnaliser les droits d'usage forestier en introduisant de nouvelles formes de propriété communautaire ou collective;

· la possibilité de transférer la propriété de forêts publiques à des communautés, que ce soit par l'enregistrement des titres fonciers, ou au moyen de contrats d'amodiation à long terme ou de baux.

Dans plusieurs pays, il n'existe pas encore de dispositions juridiques appropriées en matière de forêts privées. Le Code forestier vise exclusivement les forêts de propriété publique et peut entraver les initiatives privées de plantation d'arbres. En tel cas, la législation doit être révisée afin:

· d'abroger les dispositions qui empêchent inutilement les propriétaires fonciers privés de planter des arbres;

· d'introduire des dispositions facilitant l'utilisation des arbres en association avec des cultures agricoles et encourageant des pratiques agroforestières efficaces;

· de mettre en place des régimes d'amodiation et de baux permettant l'exercice d'une foresterie privée sur des terrains de propriété publique;

· d'établir un climat favorable à l'aménagement durable des forêts privées.

Le régime des forêts domaniales a deux aspects. Dans certains pays, ce n'est qu'une des modalités de propriété forestière. Le service des forêts national gère les forêts domaniales, généralement en coopération avec les communautés et les particuliers propriétaires de forêts. La loi impose dans les forêts domaniales des normes d'aménagement au moins aussi exigeantes que celles auxquelles sont assujetties les autres forêts parce qu'il est de l'intérêt général d'assurer l'utilisation durable des ressources. Dans d'autres pays, les forêts sont toutes ou presque toutes domaniales, mais le gouvernement concède à des entreprises privées des droits d'exploitation et d'aménagement (permis d'exploitation, concessions forestières, vente du bois sur pied, contrats d'aménagement forestier, baux). Il y a lieu d'examiner les pratiques d'aménagement appropriées pour ce type de régime foncier.

En général, les systèmes de concession qui autrefois visaient principalement l'exploitation de la forêt tendent de plus en plus à privilégier des contrats d'aménagement dans une perspective à long terme. Les modifications de la législation doivent principalement introduire des dispositions en vue de:

· rationaliser les régimes de concession en modulant la taille et la durée des concessions en fonction du type d'exploitant, du degré de transformation de la matière première, du montant de l'investissement et du rôle socioéconomique de l'industrie;

· insister davantage sur le caractère à long terme de l'aménagement en fixant l'exploitation par volume (et non par superficie), en mettant en place des régimes durables de production de bois et en introduisant des incitations à améliorer les normes d'utilisation;

· stimuler les réinvestissements destinés à maintenir la productivité des forêts (replantation après la coupe, coupe d'amélioration, maîtrise des feux de forêt, amélioration de l'infrastructure forestière);

· favoriser une intégration plus systématique de prescriptions en vue de maintenir la biodiversité et d'assurer la protection des paysages dans les régimes de concession forestière;

· encourager une meilleure utilisation des ressources, notamment en renégociant les contrats régulièrement (par exemple tous les cinq ans), avec option de reconduction si les résultats sont satisfaisants et si les deux parties s'entendent sur les améliorations proposées.

ASPECTS INSTITUTIONNELS ET ORGANISATIONNELS

Les institutions sont les exécutants qui mettent en œuvre les politiques forestières au moyen de lois et règlements. Les capacités institutionnelles sont généralement très sous-estimées. Les faiblesses des institutions sont souvent une des principales causes de l'aménagement et de l'utilisation non durables des forêts.

Dans les pays en développement, surtout sous les tropiques, l'aménagement des forêts relève le plus souvent des services forestiers, dont l'action est depuis longtemps entravée par de graves problèmes: manque de ressources qui soient à la mesure du domaine forestier public; rigidité face aux nouvelles politiques et aux nouvelles réalités du développement; refus de déléguer la fonction d'aménagement; manque d'expérience des approches et méthodes novatrices, notamment dans le contexte des aspects socioéconomiques de l'aménagement forestier en situation de forte pression démographique. Enfin, la capacité de gérer les forêts publiques a souffert du manque d'équipement, des tracas bureaucratiques, de la corruption et du fait que le personnel était mal payé, peu motivé, insuffisamment formé et manquait de perspectives de carrière.

Evolution du contexte institutionnel

L'évolution du rôle du secteur public et l'expansion de celui du secteur privé et des organisations non gouvernementales (ONG) s'inscrivent dans une tendance générale du cadre institutionnel du développement. Cela tient en particulier à la libéralisation économique et à l'efficacité de la régulation par les forces du marché.

Quoi qu'il en soit, il ne faut pas prendre à la légère les modifications du cadre institutionnel de l'aménagement des forets. Dans beaucoup de pays en développement, la prédominance de l'Etat en tant que propriétaire forestier tenait à ce que la densité démographique était autrefois faible dans la forêt et à proximité, et à ce que la conservation des forêts était une préoccupation majeure. Aujourd'hui, les habitants de la forêt jouent dans l'aménagement un rôle qui reflète le fait qu'ils dépendent de cette ressource et qu'ils en sont responsables. La nouvelle orientation des concessions, qui visent désormais l'aménagement et non plus comme autrefois la seule exploitation, est fondamentale et doit se refléter dans les politiques et les institutions.

Dans beaucoup d'autres pays, les communautés locales ont été dessaisies de leurs prérogatives de contrôle et d'aménagement de la forêt dans le souci d'assurer la préservation de cette dernière. Or, en attribuant les responsabilités, il ne faudrait pas traiter les populations établies depuis longtemps et qui ont des droits coutumiers et des savoirs traditionnels de la même façon que les nouveaux venus, migrants poussés par la pauvreté ou spéculateurs en quête de bonnes affaires. Toute modification des attributions respectives des institutions forestières, du secteur privé et des populations locales doit être modulée en fonction des besoins et des comportements différents de ces trois groupes de population. Il faut évaluer avec soin l'impact que peut avoir l'aménagement durable de la forêt (efficacité économique, justice sociale, stabilité écologique).

Dans quelles conditions une modification des rôles respectifs des principaux acteurs peut-elle appuyer l'aménagement durable? Quelle doit être la nature de cette modification: dévolution de la terre et de l'aménagement forestier au secteur privé, attribution de droits d'usufruit des biens et services forestiers, reconnaissance de l'autorité des communes sur ce qui était autrefois un bien commun?

Institutions publiques

Dans tous les pays du monde, les institutions publiques jouent un rôle important dans l'aménagement des forêts. Elles semblent particulièrement bien équipées pour assurer les fonctions ci-après:

· améliorer la connaissance des forêts et des autres ressources ligneuses ainsi que de leur valeur actuelle et potentielle au moyen d'inventaires; surveiller les modifications d'utilisation des terres et participer à l'aménagement du territoire et à la gestion des sols;

· analyser les incitations commerciales et autres et leurs incidences sur la protection et l'utilisation des ressources; surveiller les réactions et comportements de l'ensemble des propriétaires et des usagers des terres et des arbres (qu'ils soient publics, privés ou communautaires) et des autres groupements d'intérêts; identifier les conflits d'intérêt et faciliter le dialogue et le règlement des différends;

· effectuer des analyses objectives et d'actualité et apprécier les perspectives de l'offre et de la demande de biens et services forestiers afin d'orienter l'aménagement forestier et les investissements; identifier les effets de la demande actuelle sur le potentiel forestier disponible pour les générations futures;

· gérer le domaine forestier national, accumuler de l'expérience et fournir des exemples de «bon» aménagement forestier;

· encourager et contrôler l'application par les propriétaires forestiers et les titulaires de concessions des règles d'aménagement et d'exploitation; déterminer des normes de contrôle des résultats basées sur un suivi régulier des paramètres physiques de l'utilisation des terres et de l'aménagement des forêts; évaluer les renseignements communiqués par les exploitants;

· encourager les ruraux, le secteur privé et d'autres organisations à entreprendre des activités durables de sylviculture et d'aménagement au moyen de services d'information, de vulgarisation et d'aide technique;

· encourager une approche cohérente de l'aménagement forestier tout en décentralisant les initiatives et en fournissant sur le terrain une aide pour mettre en place un partenariat avec les aménagistes et les utilisateurs locaux de la forêt et pour lancer un dialogue constructif;

· coopérer avec les institutions publiques d'autres secteurs pour les questions d'infrastructure, de population, d'énergie, etc., et pour coordonner l'approche des problèmes intersectoriels;

· gérer ou coopérer à la gestion des mécanismes de financement appropriés pour fournir du crédit et stimuler l'investissement dans l'aménagement forestier et indemniser les propriétaires privés qui doivent renoncer à maximiser la production afin de sauvegarder les autres fonctions bénéfiques de la forêt, qui se font sentir tant à l'intérieur qu'au-delà de la zone proprement forestière.

En raison de la complexité croissante de l'aménagement forestier durable, les institutions forestières publiques ont une responsabilité très importante et ne peuvent être remplacées par aucune autre. Leur efficacité dépend des compétences et de l'attitude de leur personnel et exige un mécanisme administratif moderne ainsi que des infrastructures et des ressources suffisantes.

Le secteur privé

Les organisations du secteur privé sont des partenaires essentiels pour la gestion durable des forêts. L'esprit d'entreprise et l'expérience administrative des propriétaires et des industries privées peuvent beaucoup améliorer les résultats et la base économique de l'aménagement forestier durable. Ce sont eux qui sont de loin les principaux investisseurs potentiels. Le cadre institutionnel doit être de nature à inciter le secteur privé à consentir des investissements à long terme dans l'aménagement forestier durable dans des conditions de rentabilité, de concurrence loyale et de sécurité telles que ces investissements soient aussi avantageux que d'autres. Le dialogue est essentiel; il sera plus efficace s'il existe des organisations représentatives capables d'exprimer les buts des propriétaires forestiers, y compris des petits propriétaires. Ces organisations sont des filières de communication essentielles avec les institutions publiques et des organes de négociation, en cas de besoin. Si elles bénéficient d'un appui suffisant et sont bien motivées, elles peuvent renforcer les capacités techniques et administratives de leurs membres en matière d'aménagement forestier durable. Les institutions publiques doivent par ailleurs vérifier et surveiller l'efficacité des règles d'aménagement durable, surtout dans les pays où d'importantes fonctions d'aménagement forestier doivent être transférées au secteur privé.

Dans plusieurs pays, les programmes d'ajustement structurel et la libéralisation croissante des politiques macroéconomiques accroissent le rôle du secteur privé dans la foresterie. Dans beaucoup de pays où l'économie était autrefois planifiée, le passage à l'économie de marché implique le développement d'un secteur privé actif en foresterie. Le secteur privé devient donc de plus en plus souvent un partenaire important de l'aménagement des forêts. Toutefois, dans la plupart des pays, on hésite à privatiser les forêts publiques de crainte de compromettre la pérennité des ressources forestières et des services qu'elles fournissent au public. Les opérations forestières telles que la récolte, le boisement et le reboisement dans les terres de propriété publique sont confiées au secteur privé en vertu de contrats déterminant la façon dont les ressources sont gérées et protégées ainsi que les modalités de partage des recettes. Cela amène à se poser deux questions importantes au sujet de l'aménagement des forêts.

Il faut attacher une attention particulière aux biens et services non marchands et aux fonctions d'intérêt public telles que la conservation et la protection, dont la valeur est difficile à chiffrer. On peut citer par exemple les fonctions concernant la biodiversite, l'habitat de la faune, le microclimat, la production d'eau. En l'occurrence, il s'agit de concilier, dans des plans d'aménagement destinés à maintenir les rôles et fonctions multiples de la forêt, l'intérêt privé et la production de biens et services d'intérêt public. D'où la nécessité d'évaluer et de contrôler avec soin les mécanismes institutionnels régissant les opérations d'aménagement et d'exploitation des forêts publiques par les entreprises privées. Dans les forêts privées, il s'agit de prévoir des incitations appropriées pour assurer l'aménagement durable et intégré des forêts, et de veiller à ce que les propriétaires possèdent les compétences techniques et administratives nécessaires.

L'autre grande question est celle de l'antinomie entre la foresterie privée et les nouveaux principes de participation populaire et de fonction sociale de l'aménagement forestier. Il faut évaluer avec le plus grand soin les incidences du développement des entreprises privées sur les populations locales, et en particulier sur les groupes vulnérables. La privatisation de terres communales gérées de façon coutumière peut bouleverser les conditions d'accès des populations locales à des biens de première nécessité tels qu'aliments, fourrage, combustibles. Il faut éviter de marginaliser ces populations, qui doivent au contraire bénéficier du développement des entreprises commerciales.

Organisations non gouvernementales

Les nombreuses organisations non gouvernementales et leur influence croissante sur l'aménagement forestier méritent une attention particulière. Certaines ONG s'occupent de l'aménagement forestier du point de vue de la protection et de la conservation de l'environnement. D'autres s'occupent de développement rural et de lutte contre le paupérisme et s'emploient à promouvoir la participation des ruraux à la culture et à l'aménagement des arbres, ainsi qu'à la transformation et à la commercialisation des produits non ligneux de la forêt dans le cadre de programmes de développement rural en auto-assistance. D'autres encore s'intéressent davantage aux aspects socioéconomiques et culturels du développement des habitants de la forêt et des populations autochtones. Ces différents types d'ONG jouent un rôle utile en soulignant l'importance de la durabilité de l'aménagement forestier et leur coopération active doit être recherchée.

Les associations locales d'utilisateurs ruraux de la foret ou de propriétaires de forêts paysannes méritent un examen particulier. Leur importance tient aux règles et aux motivations qui unissent leurs membres. En l'absence de telles organisations, ou si celles-ci ne sont pas suffisamment fortes, il est beaucoup plus difficile de promouvoir et d'appuyer des initiatives locales d'aménagement forestier durable qui tiennent pleinement compte des besoins et des expériences locaux. Les organisations locales sont particulièrement importantes quand les forêts constituent une réserve commune de combustibles, de fourrage et d'aliments, qui jouent un rôle très important dans l'économie locale en comblant des déficits et en fournissant un appoint de revenus et de biens intermédiaires. Presque partout, la nationalisation ou la privatisation des forêts ont mis fin aux systèmes locaux de gestion et d'aménagement de ces ressources collectives et ont ainsi rendu plus difficile encore la vie des pauvres. Plus récemment, les programmes visant à développer l'aménagement forestier durable ont accordé une attention accrue à la gestion commune des ressources et la coopération avec les collectivités locales pour l'aménagement des forêts publiques. Il est essentiel que les institutions forestières publiques fassent participer les groupements locaux d'utilisateurs à la planification et à l'aménagement des forets ainsi qu'à l'application des prescriptions.

Des mécanismes institutionnels appropriés et la capacité de les mettre en œuvre sont essentiels à un aménagement durable des forets. Les meilleures politiques et les lois les plus rationnelles ne permettront pas de développer un aménagement forestier durable si les ressources humaines et les infrastructures restent aussi insuffisantes qu'elles le sont aujourd'hui dans tant de pays. La seule méthode viable est le partenariat fondé sur l'harmonie et la synergie entre les services des forêts, le secteur privé, les populations rurales et les autres groupes intéressés; un tel partenariat n'exclut pas les divergences d'intérêt, mais il aide les divers groupes à se faire entendre et facilite le règlement des conflits éventuels par une répartition équitable des bénéfices durables.

INFORMATION, COMMUNICATION ET FORMATION

L'aménagement des forêts ne sera en définitive durable que si sa continuité repose sur un capital humain suffisant fournissant les appuis et les compétences nécessaires. La présente section traite de la nécessité de diffuser le savoir, de renforcer la base sociale de la durabilité par la connaissance et le dialogue et d'améliorer graduellement les compétences et les capacités techniques.

L'information consiste à recenser les idées constructives et les expériences réussies et à les diffuser sous une forme appropriée pour mobiliser l'action à l'appui de solutions appropriées. Depuis un certain temps, les milieux forestiers se rendent de mieux en mieux compte que certains arguments fallacieux évoqués dans le débat public sur l'aménagement des forêts tiennent à un défaut de relations publiques. Une information active et adéquate est essentielle pour créer dans le public une compréhension et des interactions entre toutes les parties concernées par l'aménagement forestier durable et pour obtenir l'appui des décideurs et du public.

La communication consiste à consulter les divers partenaires intéressés par l'aménagement forestier et à dialoguer avec eux. Il s'agit en particulier de permettre aux habitants de la forêt et aux autres ruraux qui vivent de la forêt d'exprimer leurs besoins, de faire connaître leurs aspirations et de communiquer leurs expériences dès les premiers stades de la préparation de l'aménagement forestier. Cela facilitera la communication dans les deux sens et aidera à faire accepter les plans et à mobiliser la participation à leur exécution. Cela est d'autant plus important que les groupes vivant de la forêt sont parmi les plus pauvres des ruraux. En outre, la communication facilite les convergences parmi des groupes dont les différents intérêts peuvent rendre nécessaire un processus de négociation et de médiation.

L'éducation doit permettre de former des effectifs suffisants de personnel qualifié pour concevoir et exécuter les nouveaux types d'aménagement forestier. A l'heure actuelle, le manque de ressources humaines est un des principaux goulets d'étranglement et des techniciens forestiers notoirement peu qualifiés sont souvent chargés d'aménager des dizaines de milliers d'hectares de forêt tropicale. Il faut orienter les programmes d'enseignement des écoles forestières en fonction des besoins des nouvelles générations de techniciens et d'ingénieurs forestiers et y intégrer les nouvelles méthodes et pratiques d'aménagement durable. De plus, le personnel qui suit des stages de formation en cours de service et des cours de perfectionnement doit être initié aux nouvelles orientations et aux complexités de l'aménagement forestier durable. Les programmes de formation doivent aussi s'adresser au personnel du secteur privé ainsi qu'aux chefs des communautés rurales.

Dans bien des cas, un effort important est nécessaire pour renforcer les institutions nationales et locales chargées du secteur forestier et de la formation afin de créer rapidement des effectifs suffisants de personnel possédant les compétences voulues. Il faut améliorer sélectivement la qualité de la formation pour produire un personnel forestier doté de connaissances techniques solides en matière d'aménagement forestier et entièrement acquis au principe de la durabilité.

CONCLUSIONS

Nous avons souligné dans les pages qui précèdent les principaux déterminants connus des résultats de l'aménagement forestier, qui sont devenus plus complexes du fait de l'accent que l'on met désormais sur la durabilité écologique et socioéconomique. Nous avons présenté ces questions d'un point de vue très général; elles doivent être examinées à la lumière des spécificités de chaque situation. Dans certains cas, il peut sembler nécessaire d'opérer d'importantes réformes des politiques et des institutions. Toutefois, le plus souvent, ce sont les attitudes des institutions et des populations qu'il faut changer de façon à vaincre leur inertie et les inciter à renoncer à leur point de vue traditionnel pour adopter les approches plus intégrées et fondées sur le partenariat, qui sont nécessaires pour un aménagement forestier durable.

Ce sont en définitive les attitudes et les capacités existant au niveau national et au niveau local qui détermineront l'impact effectif d'une politique rationnelle, d'une réglementation bien conçue ou d'une institution responsable et l'efficacité avec laquelle les pratiques d'aménagement forestier durable seront diffusées. Depuis quelques dizaines d'années, on s'est activement employé à renforcer par des apports d'assistance technique le potentiel institutionnel et humain des pays en développement en vue des nouvelles exigences de la foresterie. Le présent article s'inspire principalement de l'expérience acquise au cours des programmes et projets forestiers exécutés par la FAO. Mais les besoins d'assistance sont encore considérables et pressants. Il faut accroître considérablement l'appui international et s'attacher davantage à renforcer les capacités dans les domaines critiques pour l'aménagement forestier et à contrôler l'efficacité des résultats.

Enfin, il faut reconnaître que la foresterie est de plus en plus un des éléments en jeu dans une interdépendance complexe entre divers types d'utilisation des terres et d'autres paramètres socioéconomiques. L'aménagement forestier durable suppose donc des approches interdisciplinaires dans le cadre de programmes de développement rural bien coordonnés. Aucun programme d'aménagement forestier durable n'est possible s'il n'est pas pleinement tenu compte de ce qui se passe dans les zones avoisinantes. Inversement, les programmes de développement des zones comprenant des forêts doivent tenir pleinement compte des programmes d'aménagement de ces forêts. Dans ces conditions, le succès des aménagements forestiers durables suppose un renforcement des capacités de coopération et un effort interdisciplinaire de développement durable réunissant tous les secteurs de la région intéressée.


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