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La lutte contre l'erosion éolienne
La lutte contre l'érosion éolienne
s'organise à deux niveaux; d'une part réduire la vitesse du vent à la surface du sol,
et d'autre part, augmenter la cohésion du matériau face à cette agression.
AUGMENTER LA COHESION DU MATERIAU
L'apport de matières organiques
dans les horizons superficiels du sol améliore sa structure.
La pulvérisation de déchets
pétroliers, d'huile lourde ou de bitume et de déchets de l'industrie plastique (genre de
colle diluée) permet d'agglomérer les particules à la surface du sol et donc de les
rendre difficilement transportables par le vent (voir les réalisations de l'Université
de Gand).
Là où on dispose d'eau,
l'irrigation d'appoint peut être une méthode efficace et rentable pour réduire les
problèmes d'érosion. Il suffit en effet, d'irriguer le sol avant la saison des pluies
normales pour permettre le labour dans de bonnes conditions et l'installation d'un couvert
végétal avant les tornades qui, généralement, causent des dégâts au début de la
saison des pluies.
AUGMENTER LA RUGOSITE DE LA SURFACE
DU SOL
Il s'agit de techniques culturales
laissant à la surface du sol de grosses mottes ou des billons perpendiculaires à la
direction dominante des vents. Ces billons ne doivent pas dépasser 40 cm de haut, sans
quoi le vent décoiffe le sommet des billons et accélère l'érosion.
Une autre méthode de lutte très
efficace consiste à laisser les résidus de cultures sur le champ. On constate, par
exemple, au Burkina Faso, que les tiges de mil et de sorgho, lorsqu'elles sont coupées à
1 m et sont laissées verticales à la surface du sol, piègent un volume important de
poussières mais également les feuilles d'arbres qui sont soufflées par les vents à
l'époque des tornades.
AUGMENTER LE COUVERT VÉGÉTAL
On peut également réduire la
vitesse du vent en augmentant la densité du couvert végétal. Ceci est évidemment
difficile en milieu aride, aussi est-il particulièrement important de veiller à une
saine gestion des résidus de culture qu'il faut tenter de maintenir à la surface du sol
de façon à augmenter la rugosité du terrain, à protéger la surface du sol plus qu'à
être enfouis où ils ne pourront améliorer que légèrement la structure et la
résistance à l'agression du vent. Dans les conditions tropicales semi-arides de
l'Afrique de l'Ouest, les grands parcs naturels d'Acacia albida qui recouvrent les zones
cultivées protègent généralement assez bien ces zones fragiles contre l'érosion
éolienne en réduisant la vitesse du vent au ras du sol mais aussi en déposant à la
surface de celles-ci quantité de feuilles. Malheureusement, la plupart de ces parcs sont
composés de 25 à40 arbres à l'hectare très âgés qu'il faudrait rapidement
régénérer. La plantation de 100 à 150 jeunes arbres le long des lignes de défense
contre l'érosion hydrique, devrait permettre d'obtenir une bonne densité d'arbres
adultes. Dans les zones soumises à des vents violents mais de direction régulière,
l'installation de haies vives et de brise-vent sont des méthodes bien connues.
FIGURE 59
a. Influence d'un brise-vent sur le vent
(d'après Combeau, 1977)
b. Influence d'un brise-vent sur la production
en grain d'une céréale (d'après Guyot, 1963)
LES BRISE-VENT
Leur rôle est double: ralentir la
vitesse du vent pour réduire l'évaporation et l'érosion éolienne.
Leur action - réduire de 20 % la
vitesse du vent - s'étend sur dix à douze fois la hauteur du brise-vent en aval et en
amont.
Cette protection dépend de la
perméabilité du brise-vent. Une faible perméabilité provoque une plus grande
réduction de vitesse, mais sur une largeur protégée plus faible. D'après Heusch
(1988), si on réduit trop la vitesse (plantation trop dense), la température s'élève
et les plantes grillent le long du brise-vent. Il vaudrait mieux reconstituer un parc
d'une quarantaine d'arbres adultes pour freiner plus régulièrement la vitesse du vent.
En principe, les brise-vent
diminuent l'évapotranspiration jusqu'à 20 %: toutefois, cet effet favorable peut être
contrebalancé par la consommation d'eau du brise-vent lui-même, d'où l'intérêt des
brise-vents autour des cultures irriguées. Au Niger dans la Vallée de Keita, on observe
une amélioration sensible des rendements ( + 27 %) sauf à proximité du brise-vent où
le mil souffre de la concurrence racinaire du brise-vent (ombrage et concurrence
hydrique).
La disposition optimale comporterait
deux rangs d'arbres élevés, entourés de deux rangs d'arbres bas, soit une bande de dix
mètres (figure 59b) exploitée par moitié alternativement. La zone cultivée entre les
brise-vent peut s'étendre sur cent mètres si les grands arbres dépassent cinq mètres
de haut. Pour réduire la concurrence racinaire, on brise les jeunes racines horizontales
des arbres dès la première année en repassant dans la raie de labour. Il est
particulièrement recommandé de regarnir les brèches dans la haie, sans quoi le vent s'y
engouffre (effet Venturi) et réduit considérablement l'efficacité du brise-vent.
Lorsqu'on exploite les arbres, il
est recommandé de laisser deux mètres de haut pour que les jeunes repousses ne soient
pas détruites par le bétail.
Les essences arborées les plus
courantes en Afrique sont les eucalyptus, casuarina, neem, divers acacia, le
tamaris et le cyprès, mais ces derniers sont sujets à une maladie grave. Les roseaux et
cannes de Provence peuvent aussi rendre service.
L'épaisseur d'un brise-vent a peu
d'intérêt: plus elle augmente, plus la perméabilité diminue et son efficacité est
réduite.
Ainsi, à dix fois la hauteur de
l'obstacle, la vitesse du vent sous le vent est de 56 % de la vitesse du vent local après
une paroi de roseaux, 72 % après un brise-vent épais de 20 mètres et 83 % après une
bande forestière de 600 m de large (Combeau, 1977).
Au Niger, Renard et Vandenbeldt
(1991) ont constaté le piégeage de quantités énormes de sable dans les bandes
d'Andropogon qui entouraient leur essais au champ et proposent aux paysans d'entourer
leurs champs d'une double ligne d'Andropogon. Ailleurs, des cultures basses d'arachide et
de coton sont protégées par l'association de lignes de mil et de sorgho qui peuvent
atteindre 4 m de haut. Enfin, les brise-vent dont l'objectif initial est de réduire
l'évaporation due au vent, servent également à réduire les transports solides de ce
vent. Ils doivent être perméables au vent pour éviter de crééer des tourbillons et
associer des espèces dont la forme et la hauteur sont complémentaires et en nombre
suffisant pour pouvoir être exploités successivement et rajeunis régulièrement (figure
59).
FIXER LES DUNES
Il s'agit d'une part d'éteindre la
source des sables et d'autre part de fixer les dunes sur place. Pour ce faire, il est fait
appel à la fois à la fixation mécanique et biologique. Au cas où la direction des
vents dangereux est unique, il est possible d'arrêter l'érosion éolienne par des lignes
perpendiculaires à ce vent, distantes de vingt fois la hauteur de ces lignes. Si donc on
utilise des tiges de mil ou de sorgho de 1 à 1,50 m de hauteur, il faut prévoir des
lignes tous les 20 m sans quoi le vent reprend les sables entre ces lignes de défense. Il
est donc nécessaire d'avoir des quantités très importantes de matériaux (tiges de mil,
lauriers roses qui poussent dans les oueds, palme ou résidus de la taille des forêts ou
des plantations arbustives qui se trouvent dans la région). Ces transports de matériaux
participent à la dégradation locale. Dans le cas fréquent où les vents dangereux
soufflent de plusieurs côtés, on est amené à utiliser de la toile plastique perméable
avec une maille d'environ 5 à10 mm sur une hauteur de 50 à 80 cm et de procéder à un
carroyage dont les dimensions seront d'autant plus petites que les vents sont violents.
Ils peuvent varier entre 5 x 5 et 8 x 8 dans les conditions habituelles. Certaines de ces
toiles plastiques sont grillées par les U.V. des rayons solaires et tombent en poudre au
bout de deux ans; il faut donc les éviter. Par contre, certains plastiques noirs
résistant au U.V. peuvent être utilisés pendant deux ans sur un site et ensuite être
déplacés sur un autre site. La difficulté est de les tendre et de disposer de piquets
suffisamment solides (fer à béton de 12 mm). Aussitôt que ce carroyage est fixé et que
l'on observe une stabilité de la surface du sol, il est nécessaire de planter à
l'intérieur de ces carroyages une série de plantes herbacées ou arbustives qui vont
reformer la couverture végétale et fixer définitivement la dune (voir les listes de
végétaux qui ont été sélectionnés dans les différentes régions du globe).
Une autre méthode, peu coûteuse et
bien adaptée à l'Afrique de l'Ouest, consiste, en pleine saison des pluies, à semer des
lignes ou des carroyages de mil ou d'autres espèces végétales qui ont une croissance
rapide et qui vont assurer une fixation ultérieure des sols. La protection intégrale de
ces sites contre le pâturage et les feux est évidemment indispensable pour assurer la
survie déjà difficile des plantations, mais on peut prévoir une exploitation légère
et surveillée de la production végétale par des troupeaux au bout de cinq ans.
En France, la fixation des dunes
côtières a commencé dès le 16ème siècle: la ville de Bayonne fit semer une plante
arénophile, puis reboiser en Pin maritime les dunes vives de Cap Breton. En 1786,
Brémontier, ingénieur des Travaux Publics, commence près d'Arcachon les travaux de
fixation des Landes: il fait étendre des branches de genêts sur le sable et semer du
pin. Devant le succès de ces essais, les travaux seront poursuivis jusqu'en 1876 (80 000
ha) et coûteront 9.6 millions de "francs or" plus 3,5 millions pour la
création et l'entretien d'une dune littorale protectrice qui réduit la vitesse du vent
et permet aux pins de se développer.
Cette dune protectrice, créée à
50 mètres en arrière des laisses de marée haute, comporte un talus face aux vents
d'ouest, planté d'Ammophila arenaria de 20 % de pente, puis un plateau avec, dans
son axe, une palissade tressée sur piquets et enfin, un talus de sable croûlant. Quand
la palissade est sur le point d'être couronnée par les dépôts, on l'exhausse avec une
chèvre... jusqu'à ce que la dune atteigne dix mètres (en 10 ± 2 ans). En arrière et
sur les côtés, des clayonnages délimitent le périmètre à fixer. Puis, à
l'intérieur, on sème à la volée et on couvre le sol de branches de pin, ajonc,
bruyère ou genêt, le gros bout des branches étant enfoncé dans le sol face au vent en
les imbriquant comme les tuiles d'un toit.
Pour un hectare, il faut compter 25
kg de graines de pins, 15 kg de graines de genêts, plus ajonc et Ammophile, 120 000
fagots de 15 kg et 120 journées de travail auxquels il faut ajouter les frais de
création de palissade (Heusch, 1988: p. 184).
CONCLUSION Il est intéressant de remarquer les similitudes existant entre l'érosion éolienne et l'érosion hydrique en nappe: les processus, les effets sur le sol, les facteurs et les méthodes de lutte, sont similaires. Une équation de prévision de l'érosion éolienne a d'ailleurs été définie, très voisine de l'USLE. L'érosion éolienne ne devient importante que lorsque le vent se charge de grains de sable qui bombardent la surface dénudée du sol; l'érosion en nappe se manifeste lors de la battance des gouttes de pluie sur le sol nu. Les deux formes d'érosion entraînent sélectivement les particules fines de la surface du sol et sont anéanties par le paillage du sol ou par une couverture végétale suffisante: ces deux processus aboutissent à l'appauvrissement en particules fines des horizons superficiels ou à son décapage dans les cas les plus violents. Les facteurs sur lesquels on peut jouer sont la couverture du sol, des barrages perméables laissant filtrer lentement le fluide (eau ou vent) et l'amélioration de la structure, de la cohésion et de la rugosité de l'horizon cultivé. Les méthodes de lutte sont donc très voisines: haies vives, brise-vent, gestion des résidus de culture à la surface du sol et couverture végétale dense, labour grossier et buttage ou billonnage cloisonné, réduction de la longueur du champ exposée aux vents dominants ou au ruissellement, amendements organiques ou minéraux (calcaire ou gypse), etc. C'est pourquoi nous nous sommes restreint aux principes généraux et renvoyons les lecteurs aux nombreux manuels qui détaillent les espèces végétales adaptées aux conditions d'aridité locales. |
Figure
PLANCHE 17 : TRAVAIL DU SOL
Sarclage à la houe
Manga: station de Saria, Burkina Faso. La houe Manga permet de travailler
superficiellement la terre après les premières pluies pour détruire à la fois la
croûte de battance et les jeunes semis des adventices. Plus tard, une légère
modification permet de sarcler et butter les cultures à large espacement (céréales,
arachides, coton...) [photo Dugué].
Billonnage cloisonné
à Puni, Burkina Faso. Sur une pente faible, le billonnage cloisonné permet de stocker
environ 50 mm de pluie et d'améliorer d'autant l'infiltration. Il permet en zone
soudano-sahélienne d'améliorer l'économie en eau des plantes en année déficitaire; en
année humide par contre, les cultures risquent de souffrir d'engorgement et de produire
moins que le témoin. Cette technique culturale entraîne à long terme l'appauvrissement
de l'horizon superficiel en particules fines (argile, limon et matières organiques).
Buttage avec
enfouissement des matières organiques: Salagnac, Haïti. Après une courte jachère, le
paysan racle d'abord la biomasse pour la faire sécher, puis la rassemble sur une ligne et
l'enfouit sous une épaisse butte de terre pour former un cordon isohypse. Les pierres
sont entassées sur la bordure la plus proche du champ.
Billonnage drainant:
Mont Okou, Cameroun. Sur les fortes pentes (20 à 40 %), le billonnage légèrement
oblique, avec un drain tous les 10 m permet de casser l'énergie du ruissellement et
d'accumuler un gros volume de terre humifère bien aérée pour cultiver les légumes à
racines (manioc, igname, patates douces ou irlandaises, etc...). Cependant, le simple
travail du sol attire vers le bas du versant la couverture pédologique qui s'amincit
rapidement. De plus, lors des plus fortes averses, le ruissellement risque de déborder et
de creuser des ravines dans les champs ou à leurs limites [photo Bedel].
PLANCHE 18 : AGROFORESTRIE
Parc à Karité en
savane soudano-sahélienne: Yatenga, Burkina Faso. Lorsqu'il prépare la terre
(céréales, coton, arachide, etc...) le paysan préserve une quarantaine d'arbres utiles
à l'hectare (fruits, fourrage, médicaments, bois noble, litière améliorante, etc. .
.). Noter aussi les tentatives de gestion de l'eau et de la fertilité (cordon de pierres,
d'herbes et de branchages, le gauffrage du sol pour piéger l'eau et le fumier).
Défrichement
traditionnel sélectif. Le feu est un outil indispensable en milieu traditionnel pour se
débarasser progressivement et sélectivement de la végétation arborée. Noter à
l'avant plan le sol qui reste couvert et garde son réseau racinaire, et à l'arrière
plan, la jachère forestière qui régénère le sol pendant 12 ans, sous la palmeraie
naturelle exploitée en continu. Fresco, SO Côte d'Ivoire.
Lacou, 'jardin A "
agroforestier à Salagnac, Haïti. Autour de l'habitation, sur les terres en propriété
directe, les paysans plantent souvent des haies protégeant un jardin potager + fruitier
intensif profitant de la proximité de l'étable et des résidus ménagers. Les
interactions positives entre les arbres, le bétail et les cultures y sont optimales.
Les arbres fourragers,
plantés au bord des talus, maintiennent la terre en place et procurent une grande
quantité de fourrages fort appréciés en raison de leurs qualités nutritives. Aliments
riches en azote, ils sont essentiels pour assurer la digestion des fourrages secs et
grossiers de saison sèche. District de Gulmi, Népal [photo Ségala].
PLANCHE 19 : AGROFORESTRIE
Culture en couloir
entre des haies de Leucaena, Ibadan, Nigéria. L'utilisation des haies vives permet
d'entretenir la fertilité du sol en immobilisant 10 à 20 % de la surface cultivable.
Cette solution partielle ne peut donc relever le défi du doublement de la population en
20 ans.
Culture sous le couvert
de 200 tiges de Cedrella ou de Grevillea, arboretum de Ruhandé, Butaré, Rwanda. En
élevant des tiges d'âges différents et en élagant les branches basses et les racines
superficielles, on peut arriver à produire sous leur couvert des céréales et autres
cultures vivrières à cycle décalé.
Dans la zone
sahélienne du Niger (vallée de Tahoua), seules les vallées sont couvertes d'arbres qui
envoient leurs racines dans la nappe(Acacia albida). Leur protection est
indispensable pour réduire les effets néfastes des vents desséchants sur les cultures
[photo Oumarou].
Jardin fruitier et
potager en zone soudanienne, Korhogo, Côte d'Ivoire. Après défrichement sélectif, il
reste sur les versants un parc à Karité, Néré, Kapokier et autres espèces utiles. Les
Sénoufos aménagent les bas fond en rizières et construisent traditionnellement des
jardins fruitiers et potagers à l'abri d'une diguette en terre. Une grande variété
d'arbres fruitiers y trouvent leur place à côté de quelques bananiers.
PLANCHE 20 : HAÏTI
Canaux de contour dans
les mornes calcaires de Bouchereau, Jacmel, Haïti. Les collines sont couvertes de
rendzines grises peu épaisses. Les petites parcelles, louées aux "riches de la
capitale", sont délimitées par des canaux de contour rapidement remplis de
sédiments, juste bons à servir de sentier sur ces pentes très raides. Cet aménagement
n'ayant jamais augmenté les rendements, n'est pas entretenu par les paysans, sauf
moyennant salaire. Le défrichement est généralisé, sauf autour des habitations.
Citerne individuelle à
Jacmel, Haïti. Le développement rural a démarré dans cette région par la construction
de citernes captant l'eau de pluie sur les toits ou sur une petite aire cimentée: cette
eau a permis d'améliorer l'hygiène familiale, de réduire la corvée d'eau, d'abreuver
le bétail et d'arroser un petit jardin potager et fruitier.
Jardin de ravine à
Jacmel, Haïti. Une fois "la terre finie", les versants sont décapés jusqu'à
la roche pourrie et abandonnés à la jachère (RAK), parcourue par le bétail. Seuls les
bas-fonds sont encore productifs si on y dresse des murs de pierres sèches qui piègent
l'eau et les sédiments.
PLANCHE 21 : HAÏTI
Les pistes stabilisées
et les citernes communales à Salagnac, Haïti. L'une des premières actions en faveur du
développement en montagne est de créer des pistes. Mais ces pistes sont souvent
àl'origine de graves ravinements. Aussi, les a-t-on bétonnées de façon à collecter le
ruissellement du versant dans un bac désableur puis dans une grande citerne communale où
l'eau sert au bétail, aux soins ménagers et à irriguer un petit jardin potager plus
fruitier de contre saison.
Gestion de l'eau sur la
toposéquence de Salagnac, Haïti. Un peu plus bas, la couche de sol est plus épaisse et
cultivée en buttes de manioc associé aux haricots et mais. Plus bas encore, sur le
replat où sont installées les habitations, le sol rouge est beaucoup plus épais et
intensément cultivé (jardins multiétagés). Ces parcelles risquent d'être ravinées
par le ruissellement venant des sommets des collines décapées: il est donc important de
capter ce ruissellement sur la piste.
Haies de bordure de
parcelle à Salagnac, Haïti. On aperçoit au premier plan les grandes boutures servant de
haies protégeant des passants la parcelle cultivée à gauche. Le projet a tenté
d'améliorer ces haies en y introduisant des espèces fourragères et fruitières. En
arrière plan, on aperçoit des surfaces rocailleuses (=terres finies) sur laquelle se
concentre le ruissellement.
Petite Rivière de
Nippe, Haïti. L'altération des sols basaltiques donne naissance à un paysage ondulé
couvert de vertisols fertiles. Traditionnellement la plantation de sorgho se fait en semis
direct. Les bordures des champs sont plantées de Vetiver qui résiste bien au
surpâturage mais pas au ravinement des fonds de vallée. Les manguiers produisent des
fruits en abondance utilisés pour l'élevage des porcs: depuis la peste porcine leur
feuillage, une fois séché, sert de fourrage mais beaucoup de manguiers ont été vendu
pour produire des planches.
PLANCHE 22 : EQUATEUR
En montagne le
ruissellement et l'érosion linéaire (E=100 t/ha/an) décapent le sol jusqu'à la
"Cangahua", couche indurée impropre à l'agriculture. Bassin de Cayambe,
altitude = 2800 m [photo DeNoni].
Station de mesure des
risques de ruissellement et d'érosion, des états de surface et des rendements en
fonction des pluies naturelles sur des parcelles témoins (nues ou sous
cultures traditionnelles) et des parcelles aménagées (1000 m2). Mojanda,
altitude = 3300 m [photo De Noni].
Des murets isohypses en
blocs de "Cangahua" ou en mottes d'herbes, construits selon les pratiques
locales ont modifié le terrain en terrasses progressives et réduit l'érosion hydrique
à des valeurs acceptables (moins de 5 t/ha/an) [photo De Noni].
Aménagements de
versant par la communauté rurale de Pedro Moncayo, altitude = 3300 m. Les bons rendements
sur les parcelles expérimentales encouragent les paysans à investir dans la GCES; s'ils
s'engagent par contrat àentretenir les ouvrages, ils peuvent recevoir un prêt permettant
d'acheter les intrants suffisants pour doubler les rendements. Au remboursement, au bout
d'un an, le prêt va à une autre famille: une petite aide finit par toucher toute une
communauté ! [photo G. Noni].
PLANCHE 23 : ALGERIE
Les marnes et les
roches tendres sont très sensibles à l'érosion hydrique. Suite au défrichement de
pentes fortes, aux cultures extensives de céréales et au surpâturage depuis des
siècles, la colline a perdu 1 m d'épaisseur: l'érosion en nappe et en rigoles sont bien
visibles. La forme du tronc indique également des mouvements en masse.
Sur la colline marneuse
voisine, on observe l'évolution de l'érosion en nappe au sommet, en rigoles et en
ravines sur les fortes pentes tandis que l'oued attaque le pied de la colline (glissement
des berges).
L'érosion en nappe
n'apporte que quelques tonnes de sédiments au bas de la colline. Par contre, le
ravinement et les divagations de l'oued entraînent des centaines ou des milliers de
tonnes de sédiments directement jusqu'au barrage. Ceci devrait avoir des conséquences
sur les lieux et les stratégies d'intervention de lutte antiérosive sur les bassins
versants.
PLANCHE 24 : GCES
Pour développer
l'agriculture de montagne, la coopération a introduit l'arboriculture fruitière qui
augmente très nettement les revenus des paysans. Cependant, les abricotiers perdent leurs
feuilles en hiver durant la saison des pluies; ces vergers protègent donc très mal le
sol. Dans cette parcelle de 35 % de pente il manque 15 à 30 cm de sol au bout de 30 ans.
Ouzera, Algérie.
Pour réduire les
risques de ruissellement et d'érosion et améliorer encore les revenus, l'équipe de
recherche INRF-ORSTOM a associé sous les arbres des bandes d'arrêt enherbées et des
rotations (fèves et céréales) couvrant le sol durant la période pluvieuse et bouclant
son cycle avant le début de l'été. Sans réduire la productions de fruits, on a ajouté
une production de grains et de paille intéressant l'élevage tout en réduisant les
risques d'érosion. Cette approche a été bien accueillie par les paysans voisins.
Algérie.
Le paysage en
demi-orange typique des régions gneissiques du Vietnam (Bac Thai) est parfaitement
aménagé du point de vue de la gestion des eaux, de la biomasse et des éléments
fertilisants. Le sommet et les fortes pentes sont protégés par une culture de thé. Le
ruissellement irrigue des cannes à sucre et une rizière avant d'aboutir à un étang
entouré d'une collection d'arbres utiles. Les tilapias nourrissent les hommes les poulets
et les cachons. Ces derniers recyclent les résidus de bananiers et de cannes à sucre:
leur fumier fertilise la rizière et l'étang. Les nutriments peuvent ainsi être
recyclés plusieurs fois par an.
PLANCHE 25 : GCES
Sur ces champs de la
zone soudano-sahélienne du Burkina, on aperçoit des cordons de pierres pour freiner la
vitesse de l'eau, un parc d'acacia et des tas de fumier qui vont être enfouis dans le
sol: un complément minéral est indispensable. C'est l'interaction de l'ensemble de ces
modes de gestion de l'eau, de la biomasse et des nutriments qui permet d'espérer une
agriculture durable relativement productive [photo Dugué].
La GCES dans le
district de Gulmi, Népal. Le cas des moyennes collines du Népal illustre la complexité
des systèmes traditionnels de production associant une gestion fine de l'eau sur les
terrasses irriguées à flanc de versant ou dans les fonds de vallée, et intégrant
l'agroforesterie et l'élevage pour la reproduction de la fertilité sur les champs
aménagés en terrasses progressives [photo Ségala].
"Jardins
multiétagés de ravine" à Petite Rivière de Nippe, Haïti. Le ruissellement sur
les versants basaltiques entraîne la formation de ravines facilement maîtrisées par des
seuils de terre protégée par des sacs plastiques. Les sédiments recueillis sont
aussitôt plantés par une grande diversité de fruitiers, bananiers, canne à sucre et
divers arbustes fourragers. Ces jardins de ravine sont finalement valorisés intensément
comme des "oasis linéaires".
Pour aménager les
versants raides des Sierras équatoriennes, on a construit des murettes en blocs de roche
ou en touffes d'herbes réduisant l'érosion hydrique à moins de 5 t/ha. Pour valoriser
ces aménagements, il a fallu apporter en outre une série d'intrants tel que les engrais
chimiques, les grains améliorées et les pesticides. C'est l'ensemble de ce paquet
technologique qui a permis à la fois de stabiliser les versants et d'intensifier
l'agriculture [photo De Noni].
PLANCHE 26 : GESTION DE L'EAU
Les jessours dans les
Matmata, Tunisie. Dans les zones semi-arides où la végétation ne peut se développer
sur les versants, il est possible de construire des diguettes en terre et en cailloux pour
capturer derrière ces petits barrages les eaux de ruissellements et leur sédiments. On y
plante des céréales sous différents arbres fruitiers (palmiers, oliviers et figuiers)
[photo Chassany].
Plateau central au
Rwanda. L'administration a forcé les groupes de paysans à creuser des fossés aveugles
(0, 5 x 0, 5 x 10 m) pour stocker les eaux de ruissellement. Ces fossés exigent beaucoup
de travail (250 j/ha à l'implantation + 50 j/ha d'entretien) sans augmenter la
production. Si les fossés ne sont pas entretenus, ils se remplissent de sédiments et
provoquent des ravinements ou des glissements de terrain. Actuellement, la majorité des
fossés a disparu, laissant des talus et des terrasses progressives.
Les terrasses de
diversion du ruissellement, Le Cap, Afrique du Sud. Cette méthode ne réduit pas la
dégradation des sols, n'augmente pas les rendements et exige l'entretien des fossés. En
cas d'averse de fréquence rare, les eaux débordent des terrasses et provoquent des
ravinements (gauche de la photo). Par contre à droite, une parcelle protégée par du
trèfle ne montre aucune trace d'érosion: les méthodes biologiques s'avèrent beaucoup
plus efficaces que les terrassements mécaniques.
Les talus enherbés
pour dissiper l'énergie du ruissellement (CVHA, Burundi). On sait en effet que si le
ruissellement a une vitesse inférieure à 25 cm/sec, il ne peut creuser de ravine
(Hjülstrom). Au lieu de concentrer les eaux qui ruissellent, il convient de développer
des techniques culturales laissant une forte rugosité à la surface des champs (labour
grossier, paillage) et des structures antiérosives perméables (talus enherbés, haies
vives, cordons de pierres) capables de ralentir les eaux et de les étaler en nappe.
PLANCHE 27 : GESTION DE L'EAU
Diguettes en terre
isolant une citerne au Yatenga, Burkina Faso. Dans les zones soudano-sahéliennes, les
villages manquent terriblement d'eau à la fin de la saison sèche. Des petits barrages en
terre permettent de capter les eaux de ruissellement venant des collines pour abreuver les
animaux et créer un petit jardin irrigué.
Le paillage des terres
dégradées permet de restaurer à la fois leur capacité d'infiltration et leur
fertilité grâce à l'action de certaines termites qui redistribuent les matières
organiques dans leurs galeries. Yatenga, Burkina Faso.
Jardins multiétagés
irrigués par un "bouli", petit barrage en terre. Sabouna, Burkina Faso. Les
eaux de ruissellement collectées par une modeste digue en terre permettent d'abreuver le
bétail dès le début de la saison des pluies et d'irriguer un petit jardin potager
précoce.
Le développement des
rizières en terrasse à flanc de versant est lié à la possibilité d'une irrigation
gravitaire. La disponibilité saisonnière en eau et l'altitude déterminent ensuite la
possibilité d'entreprendre une à trois cultures par an. District de Gulmi, Népal [photo
Ségala].
PLANCHE 28 : GESTION DE LA
BIOMASSE
La méthode du Zaï
nécessite l'enfouissement de 3 tonnes de poudrette (=fécès séchées au soleil) ou de
terre de parc dans la cuvette. C'est la concentration des eaux et du fumier disponible qui
permet de restaurer la productivité de ces terres dégradées dès la 1ère année. En
réalité, ces matières organiques apportent non seulement un minimum d'éléments
minéraux mais aussi la microflore nécessaire pour rendre assimilables les nutriments du
sol.
La jachère de
légumineuses cultivées en dérobée sous la céréale est une autre solution, permettant
d'augmenter la biomasse, de ramener en surface des nutriments et de protéger le sol
durant les premiers orages. Cependant elle n'est possible qu'en région soudanienne où
les pluies sont supérieures à 1000 mm et durent plus de 5 mois.
Compostière irriguée
par les eaux de ruissellement au champ, Ziga, Burkina Faso. Il s'agit de créer une
compostière au champs pour éviter le transport des résidus de culture, puis du compost.
Malheureusement, le temps de compostage (18 mois) et la qualité du produit organique
laisse à désirer: on s'oriente dorénavant vers l'aménagement de "compostière-fumière-poubelles"
proches des habitations qui permettent de produire 5 m3 par famille d'un
produit bien décomposé recyclé dès la saison suivante.
PLANCHE 29 : GESTION DE LA
BIOMASSE
Sous les caféiers, un
paillis épais (25 t/ha/an) permet à la fois de retenir l'humidité du sol en saison
sèche, de protéger la surface contre l'érosion, de réduire la concurrence des
adventices et de concentrer les éléments nutritifs récoltés sur l'ensemble de
l'exploitation. La difficulté consiste à produire suffisamment de biomasse sans
déséquilibrer toute l'exploitation.
L'entretien de la
fertilité des champs par apport de fumier est lié à un système d'affouragement
complexe. On observe un véritable transfert de fertilité des zones incultes vers la sole
cultivée. District de Gulmi, Népal [photo Ségala].
Après une courte
jachère, le paysan amène au bétail au piquet un complément de fourrage dont les
résidus seront recyclés directement lors du labour. Jacmel, Haïti.
Le transport du fumier
est une des raisons qui limite son emploi aux abords immédiats des habitations, dans les
jardins de case [photo Ségala].
PLANCHE 30 : ELEVAGE
Contrat de fumure:
Boukere, Burkina Faso. Traditionnellement, les paysans des savanes africaines proposent
aux éleveurs de faire pâturer les résidus de culture par leur bétail en échange de
leur stabulation aux champs durant la nuit. Il en résulte une fumure localisée qui peut
être très importante en volume, mais pauvre en azote car les fécès sont exposées au
soleil et piétinées.
Le parcage de nuit au
Mali sud. Lorsque les animaux sont rassemblés dans un parc pour passer la nuit, ils
accumulent une masse de déjections telle que plus rien ne pousse. On en extrait les
poudrettes, fécès écrasées par les sabots des animaux et mélangés à une quantité
variable de terre de parc. La qualité de ce produit non fermenté (donc bourré de
graines prêles à germer) peut être amélioré par l'apport d'une litière de paille
grossière. La production de ce fumier amélioré peut atteindre 1,5 t/ha/bovin/an.
Pour améliorer la
répartition des déjections animales sur les champs cultivés, on peut aussi construire
un coral mobile à l'aide de barbelés. Mali.
PLANCHE 31 : ELEVAGE
Etable fumière: Kaniko
Mali sud. En culture attelée, on abrite souvent une paire de boeufs sous une étable
élémentaire dont le toit permet de stocker les résidus de culture. La litière jointe
aux urines et fécès est transportée dans la fosse fumière où elle fermente et réduit
le stock de graines vivantes d'adventices. En y joignant les déchets du ménage, les
cendres et autres résidus organiques, un exploitant peut produire jusqu'à 5 t/an d'un
fumier composté de bonne qualité, surtout s'il y enfouit un complément minéral (N. P.
Ca) pour compenser les carences du sol.
Fosse
fumière-compostière dans une village du Yatenga, Burkina Faso. Son efficacité pourrait
être améliorée si la fosse était entourée d'arbres dont les racines récupèrent les
solutés de nutriments qui s'échappent avec les eaux de drainage, dont la litière
ramène de la biomasse riche en nutriments et dont l'ombrage maintient une ambiance
favorable au compostage.
Le stade ultime
consiste en une étable où le bétail vil en permanence en stabulation sur sa litière.
Projet CVHA, Bugaramé, Burundi. Arrosée quotidiennement et lassée par les animaux, la
litière évolue rapidement en un fumier de bonne qualité.
Paddock entouré de
haies vives (Leucaena, Eucalyptus, etc...) en courbes de niveau. Bugaramé, projet CVHA,
Burundi. L'étable est intégrée à la maison.
PLANCHE 32 : RWANDA
Lignes d'herbes et
micro-terrasses en escalier sur les fortes pentes région de Ruhengeri, Rwanda. On observe
à l'avant plan des lignes de Pennisetum qui ralentissent un peu l'érosion sur ces pentes
de 60 %. Au second plan à droite, on peut observer des micro-terrasses de 50 cm de large
creusées dans l'horizon humifère et protégées par un talus enherbé. Cette trame
d'herbes permet de maintenir le sol en place tout en produisant des cultures vivrières
sur des pentes atteignant 80 %. Notez également les plantations d'eucalyptus dans les
zones où le sol risque de glisser.
Les terrasses radicales
au Rwanda. Pour absorber l'ensemble des pluies et maintenir la fertilisation permettant
d'intensifier la culture, on a lancé au Rwanda la construction de terrasses radicales. Il
s'agit de construire les talus avec les moues d'herbes du terrain, de déplacer l'horizon
humifère, de construire la terrasse avec une contre pente de 4 % et de rejeter l'horizon
humifère sur cette surface presque horizontale. Malheureusement, le sous-sol étant
stérile, il est nécessaire non seulement d'investir 1000 jours de travail par hectare
pour le terrassement, mais encore d'apporter 10 tonnes de fumier, 3 tonnes de chaux, et
300 kg de NPK pour valoriser ce genre d'aménagement. Cette méthode n'est donc pas à la
portée de tous les paysans du Rwanda. De même, il existe quantité de collines où il
serait dangereux de construire ces aménagements sur des pentes susceptibles de glisser.
Talus enherbé avec
bananeraie à la base, Burundi. Certains techniciens souhaitent réduire la densité des
bananiers entre les structures antiérosives pour intensifier la culture vivrière.
Cependant, la bananeraie permet de maintenir une culture rentable en apportant dans le
trou de plantation une masse de résidus organiques qui en s'humifiant va entretenir la
souche de bananier.
Le talus enherbé
retient la terre repoussée par le ruissellement et surtout par les travaux culturaux.
Plateau central, Burundi.
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