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Créer, trouver, échanger l'information


D. Chupin

Rédacteur en chef de la Revue mondiale de zootechnie

Les chercheurs des pays en développement contribuent peu à l'acquisition du nouveau savoir (voir l'article de Galina et Russell). Cela peut tenir au manque de moyens, tant en expertise qu'en matériel, mais l'une des principales raisons semble être la difficulté pour un scientifique d'un pays en développement de publier dans les revues internationales de haut niveau: difficulté à préparer un manuscrit de la qualité requise (voir dans la rubrique Nouvelles et notes l'information sur le matériel didactique produit par le CIPEA sur la présentation écrite ou orale des résultats scientifiques), mais surtout manque d'intérêt manifesté par ces grandes revues pour les thèmes de recherches qui, même s'ils cherchent à résoudre quelque problème immédiat de l'élevage dans les pays en développement, restent loin des préoccupations et des centres d'intérêt des chercheurs des pays industrialisés. Vice versa, les revues publiées dans et par les pays en développement sont mal distribuées dans les pays industrialisés et peu consultées (du moins peu citées) par les scientifiques eux-mêmes, de quelque région du monde qu'ils soient.

Les nouveaux moyens de communication qui se créent de nos jours (voir l'article de Speedy) sont à même de mettre toute l'information à la portée de chacun, et cela dès qu'elle apparaît. Des expériences réussies (Recherche sur l'élevage en vue du développement rural - le premier journal électronique, publié par le CIPAV et Les aliments du bétail sous les tropiques, publié par la FAO) montrent qu'il est techniquement faisable (même si le document contient des figures, voire des photos) et économiquement justifié de distribuer revues et ouvrages techniques sous forme de disquette, à charge pour l'utilisateur final soit d'imprimer le document pour le diffuser localement, soit d'y accéder directement sur l'écran de son ordinateur. L'étape suivante verra la suppression de la disquette et la circulation de l'information à travers les réseaux du type Internet, où elle est accessible à toute personne connectée. Il est sans doute temps de commencer à réfléchir à cette possibilité pour la Revue mondiale de zootechnie, en cette période de réduction drastique des budgets alloués aux publications.

L'introduction de ces nouvelles voies de communication exige plus que la simple pratique de l'ordinateur, encore qu'elle soit un préalable incontournable. Il faut enseigner comment utiliser ces outils pour analyser et résoudre les problèmes; il faut aussi enseigner comment accéder à l'information disponible et comment l'utiliser efficacement, pour éviter le gâchis que représente la collecte, par des services ou des pays aux ressources limitées, d'information déjà disponible par ailleurs (voir l'article de Dohoo).

L'enseignement des sciences zootechniques et vétérinaires doit être adapté aux conditions et aux besoins des pays, pour produire les ressources humaines capables d'insuffler un nouvel élan aux services de développement agricoles et aux services vétérinaires. Les cursus doivent tenir compte des évolutions spontanées ou provoquées, comme la vague de privatisations des services vétérinaires en cours dans de nombreux pays (voir le résumé des conclusions d'une consultation d'experts édité par Ruppanner): la communication devient une technique indispensable pour le vétérinaire privé, qui doit convaincre pour être écouté, pour être cru, et accessoirement pour être payé. Par ailleurs, pour éviter de former des bureaucrates ou des chômeurs, il est fondamental que l'enseignement s'oriente vers la pratique et fasse une plus grande place aux démonstrations, que ce soit dans les laboratoires des facultés et des écoles ou, mieux encore, sur le terrain (voir l'article de Carles).

La formation et l'information qui seront utiles ne doivent pas provenir systématiquement des pays industrialisés. Elles existent ou peuvent être créées, souvent dans le pays lui-même ou bien dans d'autres pays en développement, et elles doivent être mises en commun dans le cadre de la Coopération technique entre pays en développement (CTPD). A tous les niveaux, et jusqu'à celui des thèses d'université, il est possible d'acquérir (publications, formation) ou de produire (recherche et développement) l'information recherchée dans ce cadre d'échanges au sein d'une même région ou entre pays de régions différentes (voir l'article de Ogle).

L'échange de savoir se fait aussi grâce à la recherche, et de nombreuses agences ou fondations agissent ainsi grâce à des bourses de recherches sur des thèmes définis, adaptés aux besoins des pays en développement, et soutenues au plan scientifique par un collège de scientifiques de renom qui évaluent et sélectionnent les propositions (voir l'article de Furberg et Arosenius sur la Fondation internationale pour la science) ou accompagnent le déroulement des travaux, l'analyse et la publication des résultats (voir l'article de Dargie et Perera sur l'Agence internationale pour l'énergie atomique).

La communication semble être un des éléments constitutifs des projets de développement couronnés de succès. Deux exemples sont donnés dans le secteur vétérinaire: le PANVAC (Pan African Veterinary Vaccine Centre) (voir l'article de Sylla et Palya) et la PARC (Campagne panafricaine de lutte contre la peste bovine) (voir l'article de Villet). Le premier de ces projets a mis l'accent sur la formation technique du personnel et la circulation de l'information entre responsables de laboratoires, tandis que le second a fait un effort particulier de sensibilisation et d'information des éleveurs.

Il est un autre aspect de la circulation de l'information souvent négligé, qui commence à apparaître dans les projets mais sur lequel il n'a pas été possible d'obtenir d'article: le recueil et la diffusion du savoir traditionnel des éleveurs eux-mêmes au bénéfice d'éleveurs d'autres zones ou d'autres ethnies de la même région ou du même pays, ce que font les Peuhls au Burkina Faso et les Masaïs au Kenya (voir l'article de Tansey, qui raconte la diffusion d'une innovation simple par des éleveurs et pour des éleveurs).

Ce dernier thème illustre à quel point l'information doit s'échanger et non pas circuler à sens unique. Il n'y a pas d'un côté ceux qui savent, ou qui savent comment savoir plus, et de l'autre ceux qui ne peuvent qu'acquérir un savoir tout préparé. Les connaissances de chacun sont importantes et doivent être accessibles à tous. Cela est vrai aussi pour la Revue mondiale de zootechnie, qui fonctionne trop à sens unique. Il est indispensable que s'établisse un flux en retour et, pour cela, la Rédaction de la revue souhaite lancer deux activités: enquêter auprès de ses lecteurs pour préciser leur profil et leurs centres d'intérêt, et introduire une rubrique présentant les commentaires et réactions des lecteurs; encore faut-il que vous nous en fassiez parvenir!


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