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Les incendies de forêt dans la région méditerranéenne: Panorama régional

R. Vélez

Ricardo Vélez est chef du Service de lutte contre les incendies de forêt au Ministère espagnol de l'agriculture, des pêches et de l'alimentation, à Madrid.

Examen général des causes des incendies de forêt dans la région méditerranéenne, de leurs conséquences et des mesures de lutte, notamment des mesures de prévention et de lutte prises en Espagne

Le feu est la cause principale de la destruction des forêts dans les pays du Bassin méditerranéen. Environ 50000 incendies ravagent chaque année de 700000 ha à 1 million d'ha de forêt méditerranéenne, causant des dommages écologiques et économiques énormes, ainsi que des pertes de vies humaines. Les données présentées dans les tableaux sont incomplètes et ne sont pas facilement comparables car les systèmes utilisés pour évaluer les dégâts ne sont pas toujours semblables, mais elles donnent toutefois une idée de l'ampleur du problème.

Par rapport aux décennies précédentes, le problème s'est aggravé durant les années 70 et plus encore durant les années 80, tant du point de vue du nombre des incendies que de la superficie dévastée. A quoi pouvons-nous attribuer cette dégradation de la situation?

Facteurs climatiques

Les incendies de forêt dans le Bassin méditerranéen dépendent pour une bonne part des conditions climatiques dominantes. Des étés prolongés (s'étendant de juin à octobre et parfois plus longtemps), avec une absence virtuelle de pluie et des températures diurnes moyennes bien supérieures à 30°C réduisent la teneur en eau de la litière forestière à moins de 5 pour cent. Dans ces conditions, même une légère augmentation de chaleur (éclair, étincelle, allumette, mégot de cigarette) peut suffire à déclencher un incendie violent.

Avec la chaleur et le manque d'eau, le vent est un autre facteur climatique important. Les vents estivaux de terre, caractérisés par une grande violence et un fort pouvoir desséchant - par exemple la tramontane en Catalogne et en Italie, le mistral qui descend la vallée du Rhône, le khamsin au Liban et en République arabe syrienne, le sharav en Israël, le sirocco dans le Maghreb, le poniente dans la région de Valence et le levante dans le détroit de Gibraltar -, font tomber l'humidité atmosphérique à moins de 30 pour cent et contribuent à propager les incendies en transportant des étincelles sur de grandes distances.

DANS LA RÉGION MEDITERRANEENNE, les incendies de forêt portent un grave préjudice a l'économie et à l'environnement

Les vents secs et froids des hivers méditerranéens aussi accroître le danger d'incendie. Par exemple, le foehn qui souffle vers le sud par-dessus le nord des Alpes italiennes et le vent du sud qui souffle à travers le nord de l'Espagne à partir de la Meseta centrale attisent souvent des incendies allumés délibérément au point qu'ils échappent à tout contrôle.

Aggravant leur impact historique, les conditions climatiques ont été particulièrement défavorables au cours des 20 dernières années. Par rapport aux années 60, durant lesquelles le climat méditerranéen s'est radouci et les pluies étaient relativement régulières, les années 80 ont été caractérisées par des sécheresses extrêmement graves. L'année 1989, en particulier, a été l'une des plus sèches du siècle dans tout l'ouest de la région méditerranéenne.

La végétation forestière en tant que combustible

Reflétant le climat dominé par de longues sécheresses estivales, les forêts méditerranéennes sont souvent caractérisées par des essences pyroclimaciques, c'est-à-dire par des essences qui dépendent de la présence du feu durant leur cycle reproductif. Les pins forment les plus grands peuplements sur les rives à la fois septentrionales et méridionales de la Méditerranée. Le pin d'Alep (Pinus halepensis) est particulièrement répandu sur les côtes de l'Espagne, de la France, de l'Italie, de la Grèce, de la Turquie, du Maroc, de l'Algérie et de la Tunisie. Le pin pinier (P. pinea), le pin maritime (P. pinaster) et le pin de Corse (P. nigra), dans la partie occidentale du bassin, et P. brutia dans la partie orientale, sont les autres essences principales. Ces essences sont caractérisées par des mécanismes physiologiques qui associent au feu l'ensemencement naturel, c'est-à-dire l'ouverture des cônes de pin exposés à une chaleur intense. Ces essences tendent aussi à avoir une très forte teneur en résine ou en huiles essentielles, ce qui les rend extrêmement inflammables.

D'autres essences, en particulier les chênes sclérophylles vivaces, le chêne vert (Quercus ilex), le chêne liège (Q. suber) et Q. coccifera, ont acquis une résistance morphologique au feu. Par exemple, Q. suber a une écorce épaisse caractéristique qui isole le cambium, ce qui lui permet de résister à des incendies sporadiques. De même, la présence d'un grand nombre de bourgeons dormants chez les chênes assure la production de pousses et de rejets si la partie aérienne de la plante est endommagée par le feu.

Toutefois, ces réactions adaptatives n'assurent pas une protection permanente. Après des incendies répétés, les arbres sont remplacés par un couvert arbustif ligneux qui n'est pas simplement résistant au feu mais qui est typiquement pyrophyte, comme dans le cas de la déhiscence des cistes ou d'autres espèces qui produisent des graines isolées par un tégument épais, des rizhomes ou des racines traçantes.

A cette évolution naturelle de la flore s'ajoutent les changements apportés par l'homme quand il essaie de reconstituer le couvert arboré dans les zones où de graves incendies, ou d'autres utilisations telles que le surpâturage et l'extraction du bois de feu, ont causé une forte dégradation. Le reboisement est généralement effectué avec des espèces pionnières, le plus souvent avec des pins plantés en peuplements monospécifiques. Cela accroît en soit le risque d'incendie, étant donné la continuité des matières combustibles dans les plantations denses, ainsi que la concentration de menues matières combustibles hautement inflammables.

PIN D'ALEP (Pinus halepensis) en Tunisie

Il y a un autre facteur important qui accroît le danger d'incendie. Le développement socio-économique de la région a conduit à une diminution généralisée du pâturage et de la récolte du bois et des broussailles comme source de combustibles et de fourrage. D'où l'accumulation d'une litière forestière hautement inflammable. C'est un problème particulièrement sérieux dans les forêts privées qui, étant donné la faible rentabilité du travail, tendent à être abandonnées jusqu'à ce qu'elles aient atteint des dimensions exploitables. Ce problème est plus grave sur les rives septentrionales que sur les rives méridionales de la Méditerranée où la population rurale élève encore un grand nombre de ruminants et récolte de grandes quantités de bois de feu et d'autres produits forestiers pour l'usage domestique.

Une autre cause de la fréquence accrue des incendies de forêt, spécialement sur la rive européenne de la Méditerranée, a été l'exode des populations des campagnes vers les villes. Il en est résulté que de grandes étendues de terres agricoles marginales, spécialement dans les zones montagneuses, sont restées incultes et ont été colonisées par des fourrés et même des pinèdes naturelles.

Le déplacement des populations n'implique pas l'élimination totale des activités dans la zone forestière. La population pastorale restante, souvent âgée, continue à utiliser le feu pour éliminer les chaumes et régénérer les pâturages. Toutefois, étant donné la forte accumulation de matières combustibles, il arrive souvent que des incendies à des fins agricoles s'étendent et ne puissent plus être maîtrisés. En outre, le faible nombre des habitants des forêts rend encore plus difficile la lutte contre les incendies.

Causes des incendies

Les statistiques sur les causes des incendies de forêt dans la région méditerranéenne sont loin d'être complètes, mais il est évident que la plupart des incendies sont déclenchés par l'homme. Les agents naturels comme la foudre causent effectivement des incendies de forêt et, quand ces derniers se produisent dans des zones isolées, les dommages peuvent être énormes. Par exemple, la foudre a causé un incendie qui a dévasté plus de 30000 ha dans l'Ayora-Enguera, en Espagne, en 1979. Dans l'ensemble, toutefois, le nombre des incendies imputables à des causes naturelles est faible par rapport à ceux qui sont provoqués par l'homme.

TABLEAU 1. Nombre d'incendies de forêt

Pays

1982

1983

1984

1985

1986

Algérie.

638

990

562

747

-

Chypre

97

55

76

74

50

Espagne

6 443

4 880

7 224

12 837

7 713

France

5 308

4 659

5 672

6 249

5 000

Grèce

1 045

968

1 284

1 442

1 210

Israël

1 117

1 233

908

834

600

Italie

9 557

7 956

8 482

18 664

9 387

Jamahiriya arabe libyenne*

58

73

48

41

-

Jordanie*

-

3

3


-

Maroc*

(185 incendies/an en moyenne 1982-85)

Portugal

3 567

4 503

6 377

7 218

4 437

Tunisie*

73

145

121

77

-

Turquie

951

968

1 433

1 793

1 528

Yougoslavie

1 063

1 080

729

1 514

1 108

Sources: Division mixte CEE/FAO de l'agriculture et du bois, 1988. Statistiques des incendies de forêt, 1983-1986. New York, Nations Unies.

Note: Les donnés pour le Liban et la République arabe syrienne ne sont pas disponibles.
*Estimations nationales.

TABLEAU 2. Superficie totale incendiée

Pays

1982

1983

1984

1985

1986

Algérie*

9 381

221 367

4 731

4 668

-

Chypre

7 512

3 718

3 771

4 965

1 650

Espagne

151 644

117 599

164 546

486 328

28 450

France

55 145

53 729

27 202

57 368

50 000

Grèce

27 372

19 613

33 655

105 450

23 286

Israël

3 441

4 788

1 740

1 476

525

Italie

130 239

223 728

78 326

189 898

86 407

Jamahiriya arabe libyenne

215

319

139

38

-

Jordanie*

(1 200 ha/an en moyenne, 1982-85)

Liban*

-

1

3

43

-

Maroc*

1 818

17 730

1 423

1 888


Portugal

39 557

47 812

52 713

145 255

108 500

République arabe syrienne

(1 500 ha/an en moyenne, 1982-85)

Tunisie*

1 613

4 139

1 287

396

-

Turquie

4 018

3 556

7 358

26 007

11 296

Yougoslavie

19 358

20 585

10 314

42 791

24 563

Sources: Division mixte CEE/FAO de l'agriculture et du bois, 1986. Statistiques des incendies de forêt (3e édition). New York, Nations Unies.
* Estimations nationales.

Les bergers causent souvent des incendies en brûlant les forêts et les prairies pour favoriser la pousse d'une nouvelle végétation pour les animaux au pâturage. Quand ils le font sans prendre les précautions nécessaires et alors que les risques climatiques sont élevés, les incendies de forêt sont pratiquement inévitables. Dans le passé, on a tendu à imputer aux pasteurs presque tous les incendies de forêt qui se sont produits dans la région méditerranéenne, mais cela semble exagéré.

Les paysans utilisent aussi le feu afin d'éliminer les chaumes et de repousser la forêt pour faire place à l'agriculture. Malgré les risques évidents, on peut souvent voir des agriculteurs mettre le feu à des résidus agricoles, même quand de grands incendies échappant à tout contrôle font rage dans la même zone.

Les populations urbaines de la région méditerranéenne sont particulièrement insensibles au danger des incendies et à leurs conséquences potentiellement dangereuses. Malgré des campagnes de propagande préventive continues, de nombreux citadins ne considèrent pas les feux de forêt comme une menace, même au cœur de l'été. L'inconscience des fumeurs et des touristes qui font du feu pour cuire leurs aliments est la source d'un tiers environ des incendies.

Une cause de plus en plus importante est le brûlage de grandes quantités de déchets solides laissés par les touristes ou produits par les autres utilisations des forêts à des fins récréatives. L'élimination des ordures, généralement par brûlage, est souvent effectuée sans prendre les précautions nécessaires, et le risque d'incendie est grand. Les zones touristiques le long des côtes européennes de la Méditerranée sont souvent le théâtre d'incendies dus au brûlage des ordures.

Enfin, un nombre croissant d'incendies sont allumés non à des fins utilitaires mais dans le seul but de détruire, spécialement en Méditerranée occidentale. Ces incendies peuvent être allumés pour diverses raisons, y compris la vengeance privée et les conflits que soulèvent le droit de propriété, les droits de chasse et même les politiques forestières gouvernementales, dans les cas par exemple où le reboisement est exécuté au détriment de terres de pâture traditionnelles ou quand des zones qui étaient auparavant ouvertes à tous sont déclarées zones protégées ou parcs nationaux. Les incendies destructeurs, particulièrement dans la partie européenne de la région méditerranéenne, ont aussi pour but d'essayer de modifier la classification de l'utilisation des terres. Par exemple, dans certaines parties de l'Italie et de la Grèce, de vastes zones forestières ont été détruites par des promoteurs immobiliers peu scrupuleux.

Paradoxalement, il semble aussi qu'un nombre croissant d'incendies sont allumés par les travailleurs auxiliaires qui sont engagés par les services nationaux de lutte contre les incendies de forêt, durant les mois critiques de l'été. Ces travailleurs sont payés beaucoup plus cher quand ils combattent effectivement les incendies que lorsqu'ils sont en pré-alarme, et il y a des exemples confirmés d'incendies allumés délibérément pour toucher un salaire plus élevé.

Lutte contre les incendies de forêt et perspectives d'amélioration

De toute évidence, les incendies de forêt causent un problème grave et permanent dans toute la région méditerranéenne. Les mesures prises actuellement pour les maîtriser ainsi que les domaines dans lesquels des améliorations sont possibles sont brièvement décrits ci-après.

Prévention

Les activités de prévention peuvent être divisées en deux grandes catégories: celles qui visent la cause première des incendies, à savoir l'homme, et celles qui sont destinées à réduire l'inflammabilité des ressources forestières.

Des campagnes d'information du public sont exécutées dans la plupart des pays méditerranéens, avec un très large recours aux moyens de communication de masse, surtout télévision, radio et presse. Dans la plupart des cas, ces campagnes s'adressent presque exclusivement aux touristes citadins durant l'été et soulignent le risque d'incendie causé par la négligence, et ses conséquences potentielles. Bien qu'il soit difficile d'en mesurer les résultats, il semble que ces campagnes réduisent la fréquence des incendies causés par la négligence des touristes.

Les déplacements des touristes durant l'été un public international pour ces campagnes. Il conviendrait donc peut-être d'utiliser des symboles ou des phrases uniformisés dans toute la région méditerranéenne et de souligner la nature régionale du danger.

La population rurale exige toutefois une approche différente. En fait, les campagnes mises au point pour les populations urbaines peuvent aller à l'encontre du but recherché avec un public rural. Généralement, les ruraux ont une bonne connaissance de base de l'influence positive des forêts sur le microclimat et de leurs effets antiérosion, ainsi que des effets potentiellement négatifs des incendies. Les populations rurales doivent acquérir des notions d'économie forestière. Elles doivent être clairement informées des dommages que les incendies sauvages causent à long terme à leurs cultures et à leur cheptel. Il faut aussi donner des informations précises sur les victimes effectives des incendies, en soulignant les effets sur les terres tant publiques que privées.

Les études sociologiques visant à déterminer le comportement et les connaissances des populations rurales sont l'un des supports essentiels de campagnes d'information efficaces s'adressant à la population rurale. En Espagne par exemple, des études effectuées en 1987 ont montré que le système «du bouche à oreille» peut se montrer plus efficace que les campagnes utilisant les médias. En 1988 et 1989, des mesures pilotes s'inspirant de ce principe ont été appliquées, avec l'appui d'un matériel audiovisuel spécial sur les incendies de forêt et leurs effets sur les terres agricoles et pastorales.

Les mesures de prévention doivent s'appuyer sur une législation établissant clairement que les incendiaires sont des criminels et doivent être condamnés à des peines proportionnelles aux dommages causés. Toutefois, les mesures répressives ne doivent jamais être l'élément principal des efforts de prévention.

TABLEAU 3. Risque annuel d'incendie de forêt, pourcentage de la superficie brûlée et superficie moyenne brûlée par incendie dans certains pays

Pays

Risque annuel (nombre d'incendies par 10000 ha de forêt)

Pourcentage de la superficie brûlée (superficie brûlée superficie forestière x 100)

Superficie moyenne brûlée (ha) par incendie (superficie forestière/nombre d'incendiés)

Chypre

4

0,004

61,0

Espagne

3

0,9

31,5

France

3

0,3

8,3

Grèce

2

0,8

43,0

Israël

81

0,9

2,7

Italie

14

0,8

14,0

Portugal

15

2,6

13,6

Turquie

1

0,1

8,8

Yougoslavie

1

0,9

22,2

Sources: Données élaborées par l'auteur sur la base des statistiques de la Division mixte CEE/FAO de l'agriculture et du bois, 1988. Statistiques des incendies de forêt, 1983-1986. New York, Nations Unies.

TABLEAU 4. Pertes économiques dues aux incendies de forêt (en milliers de dollars U.S.)

Pays

1982

1983

1984

1985

Chypre

8

14

78

13

Espagne

44 338

29 262

36 060

110 280

France

96 603

-

-

-

Israël

260

173

100

115

Italie

24 838

41 260

9 087

27 442

Portugal

9 752

8 567

5 629

16 885

Tunisie*

151

1 836

298

202

Turquie

13 264

2 506

7 080

19 928

Yougoslavie

-

-

277

4 956

Source: Estimations nationales.
Note: Les données pour l'Algérie, la Grèce, la Jamahiriya arabe libyenne, la Jordanie, le Liban, le Maroc et la République arabe syrienne ne sont pas disponibles.
*Estimations fournies en monnaie locale seulement.

Les campagnes d'information doivent être complétées par des mesures sylvicoles préventives, c'est-à-dire par des techniques d'aménagement forestier visant à réduire les risques d'incendie et les dommages qui en résultent. Elles comprennent des techniques très diverses telles que l'essouchement et l'élagage, les éclaircies des arbres, l'écrasement des broussailles, le brûlage dirigé, le pâturage contrôlé et le choix des essences.

Les techniques de protection doivent être intégrées dans les pratiques sylvicoles générales, qui sont généralement concentrées sur la régénération et la production (voir article distinct de Velez). Le choix des techniques doit être déterminé par les conditions physiques, économiques et sociales prévalentes. Par exemple, dans les régions où le pâturage en forêt est une source de conflit, il faut encourager plutôt qu'interdire le pâturage contrôlé. S'il est pratiqué à des époques appropriées et convenablement contrôlé, le pâturage permet de réduire l'accumulation de menues matières combustibles et associe les pasteurs à la gestion des forêts.

Les principaux problèmes, pour appliquer des mesures sylvicoles préventives efficaces, résident dans l'étendue de la zone à traiter et dans le coût de la main-d'œuvre requise. Des politiques de vaste portée encourageant le reboisement et l'entretien des peuplements existants sont nécessaires. Il se peut que ces politiques doivent être étayées par des crédits et d'autres stimulants, spécialement dans le cas des forêts privées. En 1988, le Gouvernement espagnol a approuvé un programme de sylviculture préventive qui prévoit des subventions pouvant aller jusqu'à 85 pour cent du coût des travaux dans les forêts privées, quand ils sont appliqués à des peuplements entiers.

UN PERSONNEL ENTRAÎNÉ est indispensable pour combattre efficacement les incendies

Surveillance et dépistage

Des réseaux nationaux de dépistage et de surveillance, utilisant des stations fixes et mobiles, ont été mis en place dans tous les pays du Bassin méditerranéen. Dans plusieurs pays, ces opérations sont automatisées avec l'utilisation de capteurs des rayons infrarouges et de moniteurs de télésurveillance à distance, actionnés parfois par des cellules photovoltaïques. La surveillance aérienne a aussi été expérimentée, surtout en Espagne et en Italie, mais le développement de son utilisation dans la région est fortement freiné par le coût élevé de ce type d'opération. Quoi qu'il en soit, les technologies de pointe ne sauraient remplacer les techniciens opérant au sol, avec une bonne connaissance pratique du terrain. L'homme expérimenté continue et continuera à être un rouage essentiel dans le dispositif de dépistage.

Les systèmes d'évaluation du danger sont un autre élément essentiel de la lutte anti-incendie. Cela exige une collaboration étroite avec les services météorologiques nationaux et l'établissement de modèles de comportement des incendies et d'indices de risque. Dans toute la région méditerranéenne, des indices de danger quotidien, reposant sur les prévisions météorologiques locales, ont été systématiquement calculés depuis de nombreuses années. Toutefois, dans bien des cas, ces indices sont insuffisamment étayés par les données météorologiques.

En France et en Espagne, les chercheurs mettent au point des modèles qui permettent de prévoir la teneur en humidité des principales essences forestières ligneuses, à différentes époques de l'année et dans des conditions atmosphériques différentes. Des expériences sont aussi en cours pour évaluer par télédétection les degrés d'humidité.

Lutte

Environ 30000 hommes sont mobilisés chaque été dans la région méditerranéenne pour combattre les incendies; si la situation est particulièrement critique, ce nombre peut passer à 50000 hommes, avec la participation des forces armées.

Disposer de personnel entraîné en nombre suffisant est une condition indispensable pour combattre les incendies avec succès. L'organigramme assurant le meilleur degré de protection consiste en un service général permanent anti-incendie qui est renforcé par des ressources et du personnel supplémentaires durant les périodes critiques. Les dimensions de ce service seront déterminées par le risque global d'incendie. A titre indicatif, toutefois, il faut compter au moins une brigade anti-incendie (composée de 7 à 10 personnes) pour 10000 ha de zone exposée à un risque modéré; pour les zones à haut risque, il faut déployer une brigade tous les 5000 ha. Le fonctionnement correct de ce système exige un cadre juridique approprié qui définisse clairement les compétences et les responsabilités, et indique par exemple qui a le pouvoir de mobiliser les équipes.

Les équipes de lutte à terre sont renforcées dans de nombreux pays méditerranéens par des avions (le plus souvent amphibies) et des hélicoptères. Environ 300 aéronefs sont utilisés chaque été pour combattre les incendies dans le Bassin méditerranéen. L'utilisation des hélicoptères revêt une importance croissante, spécialement pour transporter les équipes anti-incendie dans des lieux difficiles d'accès.

Les opérations de lutte aérienne ne doivent toutefois pas être considérées comme remplaçant les mesures prises à terre, en raison notamment des dépenses élevées qu'elles entraînent. Si les équipes basées à terre ne sont pas suffisantes, le recours à des forces aériennes supplémentaires n'augmentera pas l'efficacité générale de la lutte et peut même retarder le développement futur des moyens anti-incendie car des ressources qui auraient pu être mieux investies dans la formation de brigades basées à terre sont détournées de cet emploi. A part leur coût direct, les équipes aériennes exigent une infrastructure supplémentaire en personnel et en installations.

Coopération internationale dans la lutte contre les incendies de forêt dans le bassin méditerranéen

La coopération internationale permet déjà de mieux comprendre la situation des incendies de forêt dans la région méditerranéenne. En septembre 1987, un séminaire international sur les méthodes et l'équipement de prévention des incendies de forêt à eu lieu à Valence (Espagne), à l'invitation du Gouvernement espagnol. Organisé sous les auspices du Comité FAO/CEE/OIT des techniques de travail en forêt et de la formation des ouvriers forestiers, ce séminaire et le voyage d'étude qui en faisait partie ont réuni 120 participants provenant de 22 pays.

En avril 1987, la Commission nationale grecque pour l'Unesco a patronné un colloque international pour l'élaboration d'une stratégie commune efficace dans la région méditerranéenne. La question des mesures de prévention et de lutte contre les incendies est régulièrement inscrite à l'ordre du jour des réunions du Comité AFC/CEF/CFPO des questions forestières méditerranéennes «Silva Mediterranea», qui se tiennent tous les deux ans.

De nouveaux progrès de la coopération internationale pourraient apporter une contribution décisive aux efforts de lutte contre les incendies de forêt dans la région méditerranéenne. Par exemple, les accords d'aide mutuelle en cas d'incendie, déjà en vigueur entre plusieurs pays de la Communauté économique européenne, pourraient être élargis. La normalisation de la technologie et de la signalisation pourrait jouer un rôle capital à cet égard.

Il existe aussi un besoin impérieux d'échanger plus fréquemment des statistiques. La Division mixte CEE/FAO de l'agriculture et du bois établit tous les deux ans un recueil de statistiques des incendies de forêt, mais ces données doivent être étayées par l'institutionalisation d'échanges réguliers entre les experts nationaux.

Enfin, la collaboration internationale en matière de formation est riche de promesses. Des progrès importants sont réalisés dans ce domaine, avec l'organisation de cours périodiques sur la maîtrise des incendies de forêt, patronnés par la FAO et l'ICONA au Centre international de hautes études agronomiques méditerranéennes de Saragosse, en Espagne. Deux cours ont eu lieu en 1989, l'un en anglais et l'autre en français, pour des ingénieurs forestiers d'Algérie, du Maroc et de Tunisie, et un troisième s'est tenu en espagnol pour des spécialistes d'Amérique latine. Le programme se poursuivra en 1990 avec des cours de formation sur le comportement, la prévention, le dépistage et l'élimination des incendies, le brûlage dirigé, les communications, et l'utilisation et l'entretien de l'équipement.


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