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Le commerce international des produits forestiers et l'environnement


I.J. Bourke

Ian James Bourke est forestier principal (analyse commerciale) à la Division des produits forestiers du Département des forêts de la FAO.

Interaction du commerce de produits forestiers avec les questions relatives à l'environnement.

Au cours des dernières années, la corrélation entre foresterie et environnement est devenue un sujet de préoccupation croissante. En effet, le grand public et les responsables des politiques sont de plus en plus conscients de la multiplicité et de l'importance des avantages tirés des forêts qui sont en train de disparaître ou sont très menacés. En outre, de nombreuses activités forestières sont perçues comme potentiellement ou réellement nuisibles pour l'environnement.

La foresterie peut avoir des effets négatifs sur l'environnement à deux niveaux. Premièrement, dans la forêt même, la mauvaise planification et exécution des acti-vités sylvicoles ou la surexploitation provoquent des ravages ou des dégâts, avec tout ce que cela comporte pour la diversité biologique, les collectivités locales, la modification du climat de la planète, etc. Deuxièmement, à un niveau plus général, les nuisances sont dues au transport, à la transformation et à la consommation de bois, notamment à la pollution par les usines de transformation; à l'utilisation de matériaux polluants pour fabriquer des produits forestiers; aux besoins énergétiques de l'industrie de transformation; à la consommation excessive ou incontrôlée; à l'élimination des déchets.

Les inquiétudes suscitées par ces effets négatifs se sont répercutées directement ou non sur les échanges, en particulier sur le commerce international, car la plupart des problèmes deviennent véritablement importants lorsque les mesures prises par un pays affectent les intérêts d'un autre. Il s'agit de questions complexes où les points de vue et les intérêts sont contradictoires; en outre, elles peuvent être considérées sous deux aspects: les effets du commerce international sur l'environnement, et les conséquences des mesures en faveur de l'environnement sur les échanges.

Les méthodes de récolte ont une indicence sur les rapports entre le commerce et l'environnement

Cet article ne se veut pas une énumération exhaustive de toutes les questions en jeu; il examine plutôt certains domaines d'interaction du commerce avec l'environnement. Il s'intéresse plus précisément au commerce international, qui a été abondamment discuté en liaison avec les problèmes d'environnement et les causes du déboisement. Après un examen général de certains concepts clés, il se concentre sur les quatre domaines suivants, où les mesures prises - actuellement ou par le passé - pour protéger l'environnement ont affecté les échanges de produits forestiers: recyclage des fibres; normes de récupération et de réutilisation; réglementations et normes techniques applicables aux produits; certification d'origine.

INCIDENCES SUR LE COMMERCE

Les liens entre commerce et environnement sont nombreux et complexes, et les points de vue en la matière sont très divergents. D'un côté, on pense que les dommages subis par les forêts, ou même la disparition de celles-ci, sont dus essentiellement à la pression exercée par les marchés, et notamment à la surconsommation. De l'autre, on affirme que le commerce international de produits forestiers n'a aucune incidence sur l'environnement et ne devrait donc pas être la cible de ceux qui tentent de résoudre les problèmes écolo-giques.

Comme toujours, la vérité est plus nuancée. Le commerce n'est pas la principale cause des problèmes écologiques, même s'il n'est pas non plus irréprochable. De toute évidence, le commerce international n'est pas responsable des facteurs qui sous-tendent le déboisement des forêts du monde, à savoir la pression démographique, la pauvreté et les problèmes de régime foncier. Les mesures commerciales ont une incidence particulièrement directe sur les échanges transfrontaliers et les prix, alors que les problèmes écologiques les plus graves ne sont pas provoqués par ces mouvements de marchandises. C'est pourquoi la modification des flux commerciaux internationaux n'aura guère d'influence sur eux. Cependant, les politiques et pratiques commerciales ont effectivement des conséquences sur l'environnement. Celles-ci peuvent être aussi bien positives que négatives et elles se manifestent à tous les stades - de la forêt à l'utilisation finale -, au moment de l'exploitation, de la transformation, de la distribution de la matière première et des produits, et même après la consommation elle-même.

Bon nombre de problèmes directement liés au commerce et aux pratiques commerciales s'expliquent par les lacunes des marchés et la faillite des interventions, plutôt que par les efforts effectivement déployés pour répondre à la demande. Souvent, le marché n'évalue pas correctement toute la gamme des bénéfices et n'intègre pas les coûts de protection de l'environnement, en raison des distorsions dues aux politiques et de l'incapacité de donner aux producteurs les moyens de tenir dûment compte des coûts liés à l'utilisation des ressources durables et de leurs incidences sur d'autres biens et services fournis par la forêt. Par conséquent, les coûts de la protection de l'environnement ne sont pas reconnus ou complètement pris en compte par ceux qui devraient les couvrir, d'où le manque d'intérêt pour l'environnement lors de l'exploitation, de la transformation et de la commercialisation; la surconsommation; et l'indifférence des politiques officielles pour les questions liées à l'environnement.

Pour remédier à ces problèmes, il conviendrait d'intégrer les coûts à l'aide de réglementations et de mécanismes garantissant le respect des normes fixées, ou d'instruments économiques définis à partir des conditions du marché. De nombreux gouvernements ont de fait adopté une vaste gamme de politiques et de réglementations, concernant notamment la qualité de l'air, les conditions atmosphériques, l'eau, la gestion des effluents, les produits chimiques toxiques et la protection des espèces menacées d'extinction. En outre, des mesures ont été prises au niveau tant local que mondial. Parmi les initiatives mondiales qui intéressent particulièrement le commerce de produits forestiers, citons la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES).

Chaque type de politique fait appel à un certain nombre de techniques différentes; souvent, plus d'une politique est utilisée pour en renforcer l'impact. Il peut s'agir de taxes et de subventions, de permis, d'interdictions et de diverses sanctions ou incitations qui se trouvent à un point ou un autre de la chaîne, de la production à la consommation. Chacune de ces mesures agit différemment sur le commerce - directement ou non. Les réglementations les plus courantes en faveur de l'environnement ayant une influence sur le commerce international sont diverses; elles vont de celles qui interdisent les importations ou certains produits à celles qui limitent les ventes et les exportations. Dans ce dernier cas, il peut s'agir de réglementations concernant la méthode de production ou de transformation, ou de normes concernant les caractéristiques des produits.

L'incidence précise de bon nombre de ces politiques sur le commerce est difficilement évaluable, car les réglementations en faveur de l'environnement agissent principalement sur la compétitivité. En effet, elles entraînent généralement l'adoption de mesures qui relèvent le coût des activités ou rendent le commerce plus difficile. Il est parfois très difficile de juger dans quelle mesure le manque de compétitivité des producteurs est dû aux politiques en faveur de l'environnement.

De nombreuses mesures en faveur de l'environnement ont une grande incidence sur le commerce, et beaucoup peuvent être considérées comme des obstacles au commerce, qui vont à l'encontre des règles commerciales convenues sur le plan international pour libéraliser les échanges de produits forestiers. Il est essentiel de déterminer si les mesures qui sont adoptées pour des motifs écologiques et qui font obstacle au commerce sont légitimes au vu des règles commerciales convenues sur le plan international, telles que celles du GATT/OMC. A cet égard, on essaie actuellement de définir les responsabilités pour les problèmes commerciaux dus à des dispositions contenues dans les accords multilatéraux sur l'environnement, toujours plus nombreux.

Etant donné la multitude des problèmes liés au commerce et à l'environnement qui intéressent le commerce international, ceux-ci tiennent une place considérable au sein du GATT/OMC. Depuis la récente conclusion des négociations du Cycle d'Uruguay, le GATT (qui s'appelle désormais Organisation mondiale du commerce [OMC]) continue d'examiner la question par l'intermédiaire de son Comité du commerce et de l'environnement. Le programme de travail de ce Comité donne une idée des problèmes relatifs au commerce international et à l'environnement (voir encadré).

QUESTIONS D'ACTUALITÉ EN FORESTERIE

Dans le contexte des liens entre commerce et environnement, il existe quatre domaines où le commerce de produits forestiers est, soit affecté par des décisions prises pour protéger l'environnement, soit considéré comme un moyen de résoudre les problèmes écologiques.

Recyclage et récupération des vieux papiers

Le traitement des déchets est une tâche essentielle et toujours plus importante dans de nombreux pays - aussi bien sur le plan des coûts que des difficultés matérielles posées par l'augmentation des volumes à éliminer. C'est pourquoi on s'efforce d'accroître le recyclage et la réutilisation des vieux papiers (qui représentent environ un tiers des déchets solides dans les pays industrialisés). Comme les coûts associés au ramassage, au tri et au recyclage des vieux papiers peuvent réduire la rentabilité des opérations, les entreprises privées n'ont pas cherché à s'engager dans les activités appropriées. Par conséquent, les gouvernements ont adopté des réglementations ou mis en place des incitations financières.

On s'est efforcé par exemple de développer l'utilisation de vieux papiers dans la fabrication du papier journal et du carton. Dans certains pays, les associations d'industries ont adopté des normes facultatives; dans d'autres, des politiques locales et nationales obligent à utiliser une certaine quantité de papier recyclé.

Ces mesures sont bénéfiques pour l'environnement en ce sens qu'elles réduisent l'accumulation de déchets solides, et parfois elles représentent également une solution rentable. Le Japon, par exemple, encourage l'utilisation de vieux papiers depuis plus de 30 ans; actuellement, leur taux de récupération - 53 pour cent - est l'un des plus élevés du monde. Le programme de récupération vise en partie à diminuer le volume des déchets solides, mais aussi à réduire la lourde dépendance du pays à l'égard des importations de matière première pour son industrie du papier - les importations du Japon s'élèvent à 3 millions de tonnes de pâte par an (environ un tiers des besoins). La politique de recyclage présente donc également des avantages financiers pour la balance commerciale du pays et pour l'industrie.

Entre 1990 et 1993, le taux de récupération des vieux papiers en Europe occidentale est passé de 37,9 à 40,8 pour cent; au Japon, de 50,1 à 52,1 pour cent; et aux Etats-Unis, de 32,0 à 37,2 pour cent. Dans le monde entier, le papier recyclé représente une grande partie des fibres nécessaires au développement de la production de papier: la consommation mondiale de vieux papiers a augmenté de près de 5,3 pour cent par an depuis 1980, et les exportations de près de 9 pour cent par an. Les grands importateurs de vieux papiers sont notamment la Chine (province de Taiwan), la République de Corée, le Mexique, les Pays-Bas, l'Italie, la France et le Japon, tandis que les Etats-Unis (50 pour cent du volume mondial), l'Allemagne, les Pays-Bas, la France, Hong-Kong et la Belgique constituent les principaux exportateurs.

Cependant, en plus de leurs effets positifs, les politiques qui encouragent le recyclage des vieux papiers entraînent parfois des difficultés et des problèmes imprévus. Elles peuvent se répercuter autrement sur l'environnement, influencer involontairement l'aménagement des forêts, modifier la structure des échanges, altérer l'économie de divers produits, entraîner la délo-calisation des industries et affecter les niveaux de consommation relatifs.

Le Canada, par exemple, est un grand producteur de papier journal (9 millions de tonnes en 1992) et le principal fournisseur des Etats-Unis (76 pour cent de ses exportations totales, qui s'élèvent à 8,6 millions de tonnes). En 1989, environ 56 pour cent de l'ensemble du papier journal consommé aux Etats-Unis venaient du Canada; en 1992, ce taux n'était plus que de 50 pour cent, sous l'effet de la législation américaine (tant au niveau fédéral que des Etats) qui fixait généralement à 40 pour cent le niveau minimal de la teneur en fibre recyclée dans le papier journal. Par ailleurs, les Etats-Unis ont mis en place des programmes visant à stimuler la demande de papier recyclé, ainsi que diverses incitations fiscales en faveur des sociétés disposées à utiliser des techniques de recyclage.

Ces politiques et programmes ont eu une incidence sur les échanges entre le Canada et les Etats-Unis. Comme la population canadienne est relativement faible et disséminée, la consommation de papier journal est peu élevée par rapport à la production. Les disponibilités de vieux papiers sont limitées et leur ramassage est onéreux. Pour répondre aux normes concernant la teneur en vieux papier fixées par les Etats-Unis, les producteurs de papier journal canadiens ont dû en importer - des Etats-Unis. En 1992, le Canada importait plus de 700 000 tonnes de papier récupéré en provenance des Etats-Unis. De ce fait, un volume croissant de vieux papiers est transporté des Etats-Unis au Canada, et ces papiers refont ensuite le chemin inverse sous forme de produit final. Ce système a permis aux Etats-Unis d'atténuer les problèmes d'élimination des déchets (véritable menace écologique), avec cependant de nouvelles conséquences moins apparentes pour l'environnement. Par exemple, le développement du transport de la matière première et des produits entraîne une augmentation de la consommation de combustibles fossiles. En outre, certaines industries - auparavant situées à proximité des forêts - se sont réimplantées près des centres de consommation, d'où une augmentation des volumes de bois transportés sur de longues distances et un accroissement des dépenses.

Sur le plan commercial, les politiques de recyclage ont ainsi de fortes incidences tant sur les entreprises que sur l'économie en général, et indirectement sur l'environnement. Ces incidences sont aussi bien positives que négatives.

Deux remarques générales doivent être faites: premièrement, les contrôles instaurés en vue de protéger l'environnement comportent également des coûts associés - tant directs qu'indirects. Deuxièmement, faute d'une analyse de toutes les incidences - positives et négatives, directes et indirectes -, l'effet net de ces réglementations dictées par souci d'écologie reste à prouver. De fait, au lieu de résoudre les problèmes liés à l'environnement, elles ne les ont peut-être que modifiés.

Dans le cas du recyclage du papier, on parvient à résoudre essentiellement le problème de l'élimination des déchets, mais aussi à atténuer la pression exercée sur les forêts par la demande de bois vierge. Le développement de l'utilisation de fibre recyclée est donc positif pour les forêts. Toutefois, il peut également avoir des effets négatifs, puisque la réduction des besoins en bois risque aussi d'affaiblir la demande de petites grumes et de diminuer les éclaircies, d'où une moindre rentabilité des activités d'aménagement des forêts et une moindre volonté - ou capacité - d'appliquer de bonnes pratiques dans ce domaine.

Par conséquent, les politiques à caractère obligatoire concernant les produits ont des incidences vastes et compliquées, qui vont de l'amélioration d'un problème écologique reconnu à l'augmentation des coûts de production, en passant par la délocalisation de la production, la modification des relations commerciales, etc. Malgré des effets positifs directs sur l'environnement, trop souvent les politiques dictées par souci d'écologie ne tiennent pas suffisamment compte du coût des nouvelles réglementations par rapport aux avantages escomptés, pas plus qu'elles n'évaluent leur influence sur les ressources forestières elles-mêmes.

Le recyclage du papier et des produits papetiers est un domaine où les politiques commerciales peuvent avoir un impact environnemental.

Normes concernant l'emballage et la réutilisation

Prolonger la durée utile des matériaux - par leur réutilisation ou leur conversion - est une question étroitement liée à celle de la récupération des vieux papiers. Il existe toujours plus de réglementations qui spécifient le type de matériau dont doit être constitué l'emballage, les objectifs de réutilisation et de recyclage, et les systèmes de récupération ou de reprise à appliquer.

Dans beaucoup de pays d'Europe occidentale, par exemple, les autorités nationales, régionales et municipales ont adopté des lois sur les matériaux d'emballage. Il existe en Allemagne et en Autriche des arrêtés sur la limitation des déchets d'emballage; la Belgique a institué une écotaxe controversée; la France a passé une loi sur l'éco-emballage; et le Royaume-Uni dispose de la loi sur la protection de l'environnement. Tous ces instruments juridiques prévoient des dispositions pour la récupération et le recyclage des emballages usagés. La Commission européenne participe en outre aux activités d'harmonisation des lois nationales au sein de l'Union européenne d'ici à 1995 (voir encadré).

De même, le Japon encourage le recyclage non seulement du papier mais aussi des résidus de coupe et des maisons démolies. Un nouveau produit, à base de copeaux agglomérés, a été élaboré à partir de petites grumes et de résidus provenant des sites d'exploitation et des chantiers de construction de logements - matériaux qui autrement seraient gaspillés. On tente d'augmenter le nombre de fois où les panneaux de contre-plaqué sont utilisés pour le coffrage avant d'être jetés; en outre, le matériau de coffrage usagé sert à fabriquer des panneaux de particules.

Les réglementations sur les matériaux d'emballage, comme celles qui concernent le recyclage, peuvent influencer la compétitivité, notamment pour les fournisseurs étrangers les plus éloignés. Les importations peuvent être pénalisées de plusieurs façons, ce qui crée des obstacles au commerce et fausse les marchés. Les fournisseurs étrangers doivent s'adapter aux normes différentes appliquées sur les divers marchés; le simple fait de se tenir informé des réglementations et des normes constitue déjà un grand obstacle. Il en va tout particulièrement ainsi pour les réglementations concernant la récupération des emballages et la reprise des matériaux utilisés pour le transport des produits, de même que pour les obligations relatives aux systèmes de reprise, de consigne et de remboursement. Par ailleurs, du fait de l'éloignement souvent important entre les fournisseurs étrangers et leurs marchés, les coûts de réexpédition des matériaux d'emballage, comme les palettes, deviennent exorbitants.

Réglementations et normes techniques concernant les produits et les méthodes de transformation

Les réglementations et les normes techniques sont souvent dictées par des considérations écologiques. Certaines concernent les caractéristiques physiques des produits et les matériaux entrant dans leur fabrication; d'autres s'appliquent aux processus de production eux-mêmes. Parmi les problèmes relatifs à l'environnement, figurent notamment la protection de la vie animale et végétale contre les ravageurs et les maladies; la santé et la sécurité de l'homme; la conservation de la qualité de l'air, de l'eau et des sols.

Les normes et les réglementations entraînent parfois une adaptation et un remaniement considérables des activités commerciales. Du fait des différences entre les pays, la structure des échanges se modifie, et les incitations et les pénalisations agissent sur les coûts relatifs et les avantages comparatifs. Appliquées avec équité, ces réglementations permettent de résoudre de graves problèmes écologiques, mais il s'agit parfois de barrières commerciales déguisées qui visent à protéger les producteurs nationaux de la concurrence étrangère.

Ces problèmes sont de plus en plus reconnus depuis quelques années. Dans de nombreux pays, les industries forestières admettent leur responsabilité et réagissent positivement - voire de manière dynamique -, en élaborant et en adoptant spontanément des codes de conduite en l'absence de toute législation. D'autre part, beaucoup de pays ont passé des lois et des réglementations strictes pour réduire la pollution de l'eau, de l'air et des sols due aux usines de transformation. L'attention s'est largement concentrée sur l'industrie de transformation des produits forestiers, en particulier des pâtes et papiers. Sur le plan économique, les solutions à ce type de pollution directe sont relativement simples: il faut garantir la prise en charge des coûts de protection de l'environnement et faire respecter le principe de l'utilisateur-payeur. En pratique, toutefois, cette question est extrêmement complexe.

Dans certains pays, les usines font face à des dépenses supérieures à celles d'autres pays - et parfois à des normes plus sévères -, ce qui limite leur compétitivité. Là où les normes écologiques sont rigoureuses, les producteurs craignent la concurrence déloyale des producteurs de pays où ces normes sont souples et, par conséquent, les coûts inférieurs. Cela explique les tentatives faites pour contraindre les autres pays à adopter des normes équivalentes en frappant les importations de réglementations restrictives. C'est pourquoi ces mesures sont souvent source de contestation ou de litige.

Les autres réglementations visant à protéger l'environnement qui pèsent considérablement sur les échanges comprennent notamment les restrictions toujours plus nombreuses concernant les panneaux de bois qui sont assemblés avec des colles à base de formaldéhyde, très toxiques pour l'homme; l'interdiction ou le contrôle de certains procédés et matériaux de conservation du bois; et le contrôle des méthodes de transformation, comme le blanchiment de la pâte, domaine où les sociétés sont largement encouragées ou même obligées de remplacer le chlore - qui dégage des sous-produits très toxiques - par des agents de blanchiment plus respectueux de l'environnement.

Citons comme dernier exemple de réglementation concernant la transformation la norme européenne - cause de litige commercial entre l'Europe et les Etats-Unis - qui exige que le bois de résineux importé soit préalablement traité, par crainte des infestations du nématode du pin. Les discussions se concentrent sur les risques présentés par ce nématode et sur les moyens de s'en protéger.

Certification d'origine

La certification d'origine des produits forestiers, question qui mobilise une grande attention actuellement, est le quatrième domaine où l'environnement et le commerce sont très liés. Elle tente d'associer le commerce international à l'aménagement durable des ressources forestières en encourageant les utilisateurs à n'acheter que des produits fabriqués avec du bois venant de forêts gérées rationnellement. Jusqu'à présent, le bois d'œuvre et ses dérivés étaient les principaux concernés, mais depuis peu on s'intéresse également aux pâtes et papiers. On envisage en outre de certifier l'origine des produits forestiers non ligneux [NDLR: voir les articles de Baharuddin, et de Cabarle et Ramos de Freitas, qui sont directement axés sur cette question].

Toutefois, les avis en la matière sont très partagés, et plusieurs questions fondamentales concernant leur incidence sur les échanges restent sans réponse satisfaisante, notamment les suivantes:

Quels avantages présente la certification d'origine ou la promotion de cette pratique pour les pays producteurs?
Il s'agit ici de déterminer - et le sujet est loin d'être clos - dans quelle mesure les consommateurs sont assez sensibles aux problèmes écologiques pour décider de n'acheter que des produits dont l'origine est certifiée, comme en sont persuadés les partisans de ce système.

Les consommateurs sont-ils prêts à payer plus cher des produits venant de forêts gérées rationnellement et à prendre ainsi en charge une partie des coûts?
Rien ne prouve que les consommateurs soient disposés à payer plus cher ces produits; c'est pourquoi les producteurs craignent de devoir faire face tout seuls aux coûts de l'aménagement durable.

La certification d'origine peut-elle constituer un obstacle au commerce?
On s'inquiète du fait que la certification d'origine fera effectivement obstacle au commerce, car les pays qui ne peuvent ou ne veulent pas respecter les normes requises en matière d'aménagement forestier seront victimes d'une discrimination, intentionnelle ou non.

La plupart des programmes seraient facultatifs, mais on craint qu'ils ne deviennent obligatoires dans les faits, car les détaillants hésiteront sans doute à vendre des produits dont l'origine n'est pas certifiée. Il est possible également (comme c'est déjà le cas dans quelques pays, dans des proportions modestes) que les consommateurs se tournent vers des produits de remplacement autres que le bois. Par ailleurs, les consommateurs pourraient avoir l'impression que les produits dont l'origine n'est pas indiquée présentent de mauvaises caractéristiques sur le plan écologique, qu'ils aient été ou non évalués.

Les programmes de certification d'origine sont-ils discriminatoires, notamment contre les producteurs des pays en développement?
Les programmes de certification d'origine pourraient favoriser les pays industrialisés dans lesquels, du moins actuellement, les pratiques d'aménagement forestier tendent à se rapprocher des objectifs de durabilité. Par ailleurs, à moins d'une harmonisation au niveau international, les producteurs risquent de devoir respecter des normes variables d'un marché à l'autre.

Comment exercer un contrôle efficace d'un bout à l'autre de la chaîne, de la forêt à la transformation en aval et dans les points de distribution de détail, aussi bien dans les pays producteurs qu'importateurs?

CONCLUSION

Il ressort clairement de ce qui précède que la question des liens entre le commerce de produits forestiers et l'environnement, en particulier au niveau international, est complexe et comporte de multiples aspects. De plus, les questions se posent dans les deux sens: du commerce à l'environnement et de l'environnement au commerce.

Le commerce n'est pas la principale cause des problèmes écologiques, mais les politiques qui agissent sur les échanges ont parfois une forte incidence dans certains domaines. Bien formulées, elles sont bénéfiques pour l'environnement. Toutefois, la plupart des problèmes écologiques sont complexes, et tenter de les résoudre uniquement grâce à des mesures commerciales risque d'avoir des conséquences imprévues et souvent indésirables ailleurs. Si telle est la voie choisie, il faut comprendre clairement toutes les questions en jeu et adapter les politiques tant commerciales qu'écologiques. Sinon les "remèdes" proposés seront le plus souvent pires que le "mal".

Les activités touchant au commerce et visant à protéger l'environnement ont une chance de succès si elles se fondent sur les points suivants:


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