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2.5. Financement de la gestion forestière

Beaucoup d'autorisations de coupe sont en fait des permis de coupe ou d'exploitation à titre ´gratuit. Pour les permis à titre onéreux, une grande partie des volumes n'est pas déclarée (environ 2/3 dans la région de Morondava). Les redevances sont calculées en fonction de la catégorie de l'espèce, de l'éloignement aux centres urbains, et du volume "bord de route" selon le type de produits.

Ce dernier critère favorise la transformation en forêt (équarrissage et sciage de long) et donc un gaspillage évident, et rend impossible le contrôle des diamètres d'exploitabilité légaux. Les redevances ainsi que les ristournes (taxes payées par l'exploitant aux différentes collectivités décentralisées), quand elles sont recouvrées, ne représentent que 5% du prix de vente des produits semi-finis, soit 0,5 à 1 US$/m3 de produits (Raonintsoa, 1993).

Les amendes lors de constats d'irrégularités sont rarement payées, car les procédures sont longues. De ces sommes, redevances et amendes, très peu reviennent à la région, car il n'y a pas redistribution par le Service Forestier Central. Les travaux figurant dans les clauses des cahiers des charges des exploitants ne sont pas réalisés, car les exploitants préfèrent compenser le Service Forestier par d'autres services.

2.6. Leçons acquises et perspectives

2.6.1. Acquis

Les principaux acquis recouvrent différents aspects aussi bien techniques que d'approche. Les enseignements principaux que l'on peut tirer de plus de quinze années d'expériences dans l'aménagement des forêts sèches du Menabe sont:

- la nécessité d'une bonne connaissance générale de la région sous tous ses aspects (écologiques, agronomiques, historiques, économiques et sociaux). Mais cela ne doit pas être seulement une accumulation de connaissances. Il faut pouvoir émettre un diagnostic du rôle du secteur forestier avec ses contraintes et ses potentialités;

- l'importance d'avoir une approche systémique des problèmes forestiers, qui découlent souvent de contraintes des secteurs agricoles, économiques et sociaux;

- la parfaite connaissance des filières légales, illégales, formelles et informelles avant de proposer des améliorations possibles;

- l'étude des effets pervers possibles de certaines « bonnes solutions»: c'est pourquoi une connaissance des filières et des systèmes est indispensable;

- la formation et l'information jouent un grand rôle dans le développement et l'utilisation de nouvelles techniques et doivent toucher toutes les personnes concernées, mais avec des contenus et des approches différents;

- les acteurs concernés (villageois, bûcherons, artisans, agents des services publics, etc.) doivent être réellement motivés et pouvoir évaluer eux-mêmes le bénéfice qu'ils peuvent en tirer avant de changer leurs façons de faire;

- la nécessité d'une longue durée pour élaborer et commencer à appliquer un aménagement.

2.6.2. Modifications à prévoir

Au niveau de la politique forestière, la réflexion en cours devrait permettre de redéterminer les grands objectifs, les priorités et les principes d'exécution du secteur forestier. Les rôles du Service Forestier Central et Régional, des différentes entités administratives et des acteurs concernés (villageois, exploitants, industriels, artisans, etc.) pourraient être revus en donnant plus de responsabilité à la société civile. Le Service Forestier devrait être plus un incitateur et un facilitateur qu'un contrôleur.

La législation forestière pourrait être modifiée pour tenir compte du contexte actuel (une grande partie des lois forestières date des années 1930). Entre autres, elle pourrait fixer les procédures d'approbation des aménagements, revoir les prescriptions pour les exploitations, et réviser les redevances forestières. Toutefois, elle devrait garder une certaine souplesse pour une adaptation en fonction des conditions écologiques et socio-économiques de chaque région.

La législation foncière pourrait être également révisée non seulement pour le secteur forestier, mais aussi et surtout pour le secteur agricole. Elle pourrait affecter des terres à des collectivités (villages) et alléger les procédures d'attribution.

Etude de cas réalisée à partir des documents suivants Deleporte ( 1995); Sorg et Rohner ( 1996).

Etude de cas n° 4 - L'expérience du Niger en matière d'aménagements forestiers

1. Les coopératives forestières des années 1980
2. La stratégie énergie domestique (SED)
3. La SED: Des objectifs d'aménagement globaux par une modification fondamentale du fonctionnement des filières
4. Les leçons à tirer des expériences passées
5. Les atouts des aménagements forestiers tels qu'ils s'intègrent dans la SED
6. Aspects techniques des aménagements forestiers réalisés dans le cadre de la SED
7. Conclusions et perspectives de développement des aménagements forestiers au Niger


En Afrique de l'Ouest depuis près de dix ans, le Niger a incontestablement innové et apporté une contribution assez significative en matière d'aménagement des forêts naturelles, depuis les coopératives forestières aux modes de fonctionnement calqués sur les coopératives agricoles des années 1980 jusqu'aux marchés ruraux, objets d'une législation particulière, des années 1990.

Les formations ligneuses sahélo-soudaniennes fournissent 80% de la consommation du pays en énergie sous forme de bois de feu. Cette consommation peut être estimée à deux millions de tonnes par an et croît sensiblement au même rythme (3,2% par an) que la population (8,7 millions d'habitants: estimation de 1994).

1. Les coopératives forestières des années 1980

Les aménagements forestiers des forêts, de Guesselbodi (classée) et de Boyanga (protégée), initiés suite à des opérations d'inventaire, ont eu un certain retentissement à la fin des années 1980. Il s'agissait de mettre en pratique l'idée, à l'époque relativement récente et après les constats d'échecs des différents projets de plantations, de subvenir aux besoins des populations urbaines en organisant les populations riveraines des massifs forestiers en vue de l'exploitation de ceux-ci.

Cela consistait à mettre en place des opérations irréprochables sur le plan strictement technique même si elles n'avaient qu'une faible amplitude et qu'un impact non significatif sur le fonctionnement des filières. Les modes de fonctionnement adoptés, calqués sur un système coopératif moribond, ne donnèrent pas de bons résultats.

Enfin, ces coopératives, et ce fut là la principale erreur, tentèrent de regrouper dans une même structure de gestion les villages environnants des forêts entrainant des problèmes de gestion (prise de pouvoir financier par quelques individus originaires de certains villages), mais aussi d'organisation des aménagements forestiers eux-mêmes (rotations aux durées fixées sur d'hypothétiques critères de bonne gestion, parcellaires ne tenant pas compte des spécificités des différents villages et de leurs pouvoirs fonciers coutumiers, plans de mises en défens aboutissant à exclure les éleveurs de leurs terroirs ancestraux de pâturage, etc.).

De fait, ces coopératives n'avaient aucune chance de réussir à long terme tant la présence du projet était importante, par la prise en charge de nombreux salaires notamment. Mais l'idée était bonne à condition d'en modifier certains éléments de fonctionnement. Pour le service forestier il était évident qu'une bonne police forestière était, in fine, la meilleure solution pour préserver des massifs, mais les mêmes agents regardaient sans souffler mot les dizaines de camions ânes et camionnettes, organiser d'une façon incontrôlée l'approvisionnement en bois des villes. en ne payant qu'une part des taxes normalement dues.

L'erreur fut de ne considérer le problème que du côté des forêts elles-mêmes et d'oublier les populations toujours soupçonnées de vouloir couper les arbres sans raison.

Le projet IDA/FAC/CCCE, à travers l'exécution de son volet aménagement des forêts, naturelles, a choisi lui aussi de mettre en place deux coopératives à partir de 1989: la coopérative forestière de Faïra et la coopérative forestière de Dorobobo. La première a été suivie et appuyée jusqu'en 1993 par le Projet Appui à la Gestion des Terroirs (PAGT). La deuxième est toujours suivie par le Projet Gestion des Terroirs Filingué (PGTF). Ces coopératives fonctionnent toujours selon un cadre inter-villageois, mais avec une tentative de professionnalisation des bûcherons. Dans l'ensemble, le mode de fonctionnement reste celui des premières coopératives. Les aménagements sont basés sur des critères techniques.

D'autres projets d'aménagement forestier rural, avec création de coopératives forestières, vont voir le jour:

- l'aménagement de la forêt protégée de Hamadidé et sa coopérative;

- l'aménagement de la forêt de Baban-Rafi dans le département de Maradi (en 1993, cette coopérative a été morcelée en vingt-deux marchés ruraux);

- l'aménagement de la forêt de Gorou-Bassounga et sa coopérative.

Il est indéniable que les coopératives forestières ont eu du mal à passer le cap de la fin des financements internationaux. La plupart ne fonctionne plus; elles ont eu le mérite d'être les pionnières. Elles ont contribué à briser le tabou, qui voulait que seuls, l'Etat et les commerçants-transporteurs, organisaient l'exploitation forestière des savanes et des steppes.

2. La stratégie énergie domestique (SED)

Depuis 1989, la Direction de l'Environnement, appuyée par le Projet Energie II, a mis en oeuvre la Stratégie d'Energie Domestique (SED). Celle-ci est, pour ce qui concerne les problèmes bois-énergie, un des éléments de la Politique Forestière Nationale (PFN). Elle s'organise autour de la nouvelle fiscalité relative au commerce du bois, régi par l'ordonnance 92-037 et le décret 92-279 du 21 août 1992, ainsi que l'arrêté 09/MHE/DE du 23 février 1993.

Les nouvelles conditions d'exploitation du bois sont ainsi définies en créant notamment de nouvelles structures villageoises, dénommées ''marchés ruraux". Par rapport aux structures coopératives anciennes, ces structures sont plus légères et ont un objet principalement commercial dans un premier temps. Les modes de fonctionnement adoptés sont légers et limitent au maximum une implication trop opérationnelle de l'administration forestière. Le principal rôle de celle-ci consiste à assurer le suivi des marchés ruraux et à veiller à ce que les taxes dévolues aux collectivités et à l'Etat soient bien reversées. Le respect des consignes d'aménagement (normes de coupe, parcellaire, etc.) fait bien entendu partie des tâches de suivi de l'administration. Fin 1994, près de cinquante marchés ruraux étaient en fonctionnement.

3. La SED: Des objectifs d'aménagement globaux par une modification fondamentale du fonctionnement des filières

Les quatre principaux objectifs, qui rentrent parfaitement dans le cadre des orientations définies par le dernier plan de développement économique et social du Niger, le plan national de lutte contre la désertification (PNLCD) et le plan d'action forestier tropical (PAFT), sont la valorisation commerciale de l'arbre (avant la fin des années 80, l'arbre n'avait toujours qu'une valeur négligeable par rapport au prix de vente du bois en ville - le rapport était de 1 à 10-), la responsabilisation et la satisfaction des besoins des populations rurales et urbaines, la création de revenus, la gestion durable des ressources ligneuses.

D'aucuns diront que l'évolution actuelle des aménagements forestiers nigériens n'a que peu à voir avec un aménagement forestier classique et que la démarche adoptée est avant tout une approche économique, qui veut satisfaire une demande en bois, connue, mais non élastique. De fait, cette démarche ne s'intéresse pas à un seul massif parfaitement identifié. mais à l'ensemble des sites appelés à être exploités par les commerçants-exploitants des villes, avec ou sans aménagement. Il s'agit de faire en sorte que les populations elles-mêmes, encouragées par les mesures incitatives institutionnelles de la SED, mettent sous aménagement les forêts, non classées d'abord, selon un processus léger axé sur la définition de quotas et la matérialisation des limites des sites villageois exploités, puis par la mise en place de parcellaires et de plans d'exploitation de plus en plus poussés nous rapprochant, là des aménagements forestiers "classiques".

Cette approche est la seule valable pour un pays aux moyens limités désirant parvenir à une meilleure gestion de l'ensemble de ses formations péri-urbaines et non pas de quelques sites pilotes. Les acquis forestiers et de sensibilisation du Projet Energie II à la Stratégie d'Energie Domestique sont incomparables.

Incontestablement, on peut mettre en exergue sont points suivants:

- la publication des Schémas Directeurs d'Approvisionnement en bois des villes (SDA), outils de planification et d'orientation de l'exploitation du bois-énergie à partir d'études multidisciplinaires intégrant l'évaluation des ressources et des prélèvements annuels l'analyse des flux migratoires et des tendances évolutives de la population et enfin du fonctionnement des systèmes agraires;

- l'élaboration, l'adoption et l'application d'une nouvelle fiscalité sur le bois, plus adaptée rejoignant les objectifs de décentralisation de l'Etat Elle favorise la responsabilisation effective des communautés locales par un système de perception de la taxe à la source (par les représentants des villageois) et une répartition de cette taxe entre le Trésor National, les collectivités locales (arrondissements) et les communautés rurales. Le Niger est le premier pays de la région à avoir élaboré et mis en application un tel dispositif. Ainsi, les populations en s'appropriant les ressources de leurs terroirs peuvent, avec le soutien des agents forestiers (qui trouvent là une nouvelle légitimité), réduire les fraudes;

- l'adaptation de cette fiscalité aux objectifs généraux de lutte contre la désertification grâce à l'introduction de ristournes en fonction des distances d'approvisionnement et des sites de prélèvement;

- par ce système de prélèvement taxes à la source et l'incitation faite aux commerçants de s'approvisionner dans les marchés ruraux et d'y acheter du bois coupé par des bûcherons autochtones (et non plus par leurs propres bûcherons-salariés), les flux financiers entre villes et campagnes ont été bouleversés et permettent la mise en place d'une dynamique de développement économique émanant des villages eux-mêmes et non plus d'apports financiers extérieurs;

- la définition de nouvelles techniques d'aménagement pour les formations forestières de type sahélien. Les aménagements s'adaptent aux conditions souhaitées par les populations riveraines et négociées. Ceci a pour conséquence que les parcellaires ne s'intègrent pas dans le contexte général du massif forestier. Pour chaque village riverain' la délimitation du massif forestier que les villageois considèrent comme leur "appartenant", est un préalable incontournable. La rotation d'exploitation s'intègre dans le terroir villageois ainsi délimité: les propositions de gestion technique des forêts s'adaptent au contexte social et humain environnant.

4. Les leçons à tirer des expériences passées

4.1. Contraintes techniques
4.2. Les contraintes organisationnelles
4.3. Les contraintes foncières
4.4. Les contraintes commerciales
4.5. Les contraintes économiques et financières
4.6. Les contraintes liées à l'intégration de l'agriculture et de l'élevage


Avec le recul, diverses contraintes ont été relevées: d'ordres technique, organisationnel, foncier, commercial ou économique et financier, ainsi que les contraintes liées à l'intégration de l'agriculture et de l'élevage. Les coopératives, qui ont été des pionnières, ont fourni plus d'éléments de réflexion que les marchés ruraux. Ce sont donc les contraintes liées au fonctionnement de ces structures qui sont ici détaillées. Ces réflexions ont participé à la conception des marches ruraux.

4.1. Contraintes techniques

Elles sont nombreuses et relèvent d'une méconnaissance de la dynamique de régénération, des ressources pastorales et forestières (productivité, régime optimal, durée des rotations, cause des mortalités, phénomènes de concurrence, pourcentage de multiplication végétative et de régénération sexuée en année sèche ou pluvieuse, méthodologie d'inventaire adéquate et suffisamment précise adaptée à ce milieu particulier, etc.).

Les récents travaux ont permis de montrer que les brousses tigrées, caractéristiques des plateaux périurbains de la ville de Niamey, avaient une dynamique de fonctionnement particulière et que donc une certaine prudence s'imposait lors d'opérations de reboisement dans ce type de formation

4.2. Les contraintes organisationnelles

Les coopératives n'ont pu se pérenniser parce que leurs modes de gestion étaient trop lourds et nécessitaient la présence continuelle d'agents de l'administration. Plusieurs difficultés ont été rencontrées:

- méconnaissance des principes de l'action coopérative;

- manque de jeu démocratique dans le choix des dirigeants, avec parfois des abus de pouvoirs de certains dirigeants;

- détournement de fonds; manque de transparence dans la gestion des fonds mauvaise tenue de livres de gestion (formations insuffisantes ou volonté délibérée des gestionnaires), etc.;

- irrégularité des réunions, notamment des assemblées générales, entraînant sous-information des villageois (aux activités et aux résultats financiers de la coopérative);

- absence de règlement intérieur et de statut décidés par les intéressés;

- dissensions latentes ou déclarées entre les villages membres;

- manque d'adhésion nominative, avec apport en capital;

- encadrement insuffisant et difficultés de poursuivre des activités par les structures de gestion après le départ des projets;

- présence permanente de l'Etat.

4.3. Les contraintes foncières

Les aménagements forestiers se heurtent évidemment à des problèmes d'ordre foncier. En effet, dans le contexte traditionnel nigérien, les forêts constituent des ressources collectives et ne font pas l'objet d'appropriation individuelle et privée. Elles ne commencent à être appropriées que lorsqu'elles sont défrichées pour être transformées en terrains agricoles. Les massifs forestiers sont appropriés de manière collective, mais ils peuvent faire l'objet de délimitations inter-villageoises n'ayant pas forcément de valeur juridique.

Les forêts, sont accessibles à tous, surtout comme zone de parcours pour le bétail. Ainsi tous les éleveurs, y compris les transhumants' ont droit aux pâturages forestiers. Ce droit de pâturage fait partie des droits d'usages, dits coutumiers, reconnus aux communautés rurales, par le code forestier et le code rural, sauf dans les zones aménagées.

Les aménagements forestiers font très généralement obstacle à l'exercice de ces droits d'usage, par des mises en défens temporaires pour protéger la régénération des forêts, exploitées ou les plantations. Ailleurs, les mises en défens temporaires ont tendance actuellement à être réduites à une à trois années, et même quelques mois seulement à Tientiergou (Niger).

Dans le cadre des coopératives se posait le problème des rotations de l'exploitation à l'échelle des forêts: comment faire comprendre à un éleveur d'un village situé à parfois plusieurs dizaines de kilomètres des sites d'exploitation qu'il fallait éviter telle ou telle zone mises en défens ? Ce fut un des écueils des systèmes coopératifs d'exploitation, en partie résolus par le plan d'aménagement de type villageois proposé dans le cadre des marchés ruraux contrôlés.

4.4. Les contraintes commerciales

Les coopératives écoulaient difficilement leur production du fait principalement du coût trop élevé et arbitraire du bois produit et de la concurrence que leur livraient les commerçants-transporteurs. Ceux-ci s'approvisionnaient en bois à bon marché dans les zones incontrôlées, à des prix moins élevés et plus fluctuants. L'appui de l'administration forestière était indispensable pour obtenir la fermeture temporaire de l'exploitation incontrôlée et pouvoir écouler les bois des coopératives. Il est évident qu'un tel système ne pouvait fonctionner qu'à la condition d'avoir des quantités réduites de bois à vendre. D'autre part, comment imaginer à long terme une telle main mise de l'administration sur des structures villageoises de production dépendant de son bon vouloir pour écouler leur production. Soulignons enfin qu'une des causes de cette mévente fut l'idée d'un prix du bois fixé par l'administration faisant fi des conditions d'éloignement et de qualité: le petit bois de Guesselbodi situé à 20 km de Niamey était vendu au même prix que le gros bois de Faira à 80 km!

Cette difficulté résolue de nos jours par la réduction des coûts (il n'y a plus de salariés) par la taxation différentielle, par le développement des marchés ruraux dans des zones où il existe de fortes potentialités et compte tenu du principe de libre négociation des prix entre les structures de production (marchés ruraux) et les commerçants-transporteurs.

4.5. Les contraintes économiques et financières

Ce point est très important à souligner. Il faut être réaliste: la mise sous aménagement de centaines de milliers d'hectares, même si elle se limite à l'établissement des limites intervillageoises au sein des forêts et de quotas de coupe, est encore très onéreuse et tout juste à la portée de l'Etat Ces deux opérations sont cependant vitales.

Les contraintes économiques sous-entendent la définition de l'aménagement forestier. Pour certains opérateurs, l'aménagement ne se conçoit que lorsque l'ensemble des paramètres techniques est maîtrisé (inventaire du potentiel, parcellaire, détermination de la "possibilité", etc.). Au Niger, une attitude plus pragmatique a été adoptée, qui trouve son origine dans l'absence de moyens financiers de l'Etat même appuyé par un saupoudrage de dons de bailleurs extérieurs. Il faut, autant que faire se peut, transférer la gestion des forêts dégradées aux populations avant de les restaurer, car le temps presse. Il faut maintenir les forêts et éviter leur disparition. Le concours actif des populations, la création d'activités rémunératrices et la répartition des revenus sont trois leviers puissants indispensables pour pérenniser les productions forestières.

Les coûts d'exploitation et de gestion des marchés ruraux sont en effet très modestes et lorsqu'ils sont bien gérés, ils dégagent toujours des résultats d'exploitation positifs. L'intégration des autres produits issus de la forêt, parfois plus rémunérateurs, devrait à l'avenir améliorer la rentabilité des marchés ruraux.

4.6. Les contraintes liées à l'intégration de l'agriculture et de l'élevage

Parmi les enseignements tirés de l'expérience nigérienne de ces dernières années en matière de gestion décentralisée des forêts, il y a aussi la difficile intégration de l'agriculture et de l'élevage. L'intégration, dans les opérations d'aménagement forestier de ces deux principales activités économiques des populations, rencontre actuellement d'énormes obstacles, traduisant encore la prise en compte partielle ou non de certaines activités lors de la phase d'élaboration des projets. Ces obstacles tiennent pour l'essentiel à l'opposition entre:

- d'une part, les systèmes de production agro-pastoraux demeurés toujours extensifs;

- et d'autre part, l'intensification de ces systèmes de production que tentent d'imposer les aménagements forestiers.

Force est de constater aujourd'hui que de rares progrès significatifs ont été réalisés dans le sens de l'intensification des productions dans les secteurs de l'agriculture et de l'élevage; or, le développement des aménagements forestiers est étroitement lié à la capacité de contenir, c'est-à-dire d'intensifier nécessairement, ces deux principales activités rurales.

La production d'un terroir sylvo-pastoral (bois de feu, viande, lait, etc.) est plus rentable pour le pays qu'une maigre et temporaire production de mil. Le pays a tout intérêt à faire en sorte que les communautés rurales contrôlent elles-mêmes les défrichements.

Le plus grand danger pour les forestiers reste l'accroissement des surfaces cultivées qui se fait au détriment des formations boisées; et souvent, définitivement: en effet, les souches sont généralement brûlées interdisant toute régénération par rejets. Ces destructions sont autrement plus graves que les coupes, même de bois vert, faites sous aménagement forestier.

5. Les atouts des aménagements forestiers tels qu'ils s'intègrent dans la SED

5.1. La nouvelle législation forestière
5.2. La création d'activités rémunérées et la distribution de revenus


5.1. La nouvelle législation forestière

La révision du code forestier est en cours. Néanmoins la nouvelle fiscalité relative au commerce du bois-énergie, si elle peut à l'avenir être progressivement étendue à la majorité des forêts nigériennes, constitue un atout essentiel pour favoriser la généralisation des aménagements forestiers.

Les nouveaux textes adoptés en 1992 favorisent et avantagent les producteurs ruraux organisés en marchés ruraux. Ainsi:

- les propriétaires de forêts plantées (privées) et les groupements de producteurs sont exemptés de la taxe, celle-ci étant assise sur le transport et le commerce du bois en ville; c'est une différence essentielle avec l'ancien système où le bois était taxé à la production;

- une partie des recettes leur est rétrocédée;

- le financement des travaux de régénération est assuré par la taxe forestière et non plus par les bénéfices réalisés (comme c'était le cas auparavant);

- le bois des zones aménagées leur est réservé (par l'Ordonnance n° 92-037 et auto-contrôle des riverains): les acteurs économiques étrangers ou extérieurs n'ont plus accès aux ressources;

- les commerçants-transporteurs sont orientés vers les zones les plus favorables; c'est le rôle de la taxation différentielle13.

13 Les nouvelles taxes diminuent avec la distance à la ville, ce qui incite les commerçants à aller chercher le bois loin en brousse, au lieu de surexploiter la région de Niamey. D'aute part, cette taxe est répartie dans différentes affectations. C'est ainsi que, sur un stère de bois acheté 1 315 F CFA par un transporteur, 113 F CFA sont réinvestis dans l'aménagement sylvo-pastoral de la forêt (mise en place de paillis de branchages et semis de graines pour régénérer le tapis végétal herbacé et ligneux, etc.) et 2951; CFA vont à la caisse villageoise et peuvent servir à des affectations diverses (entretien d'école, de dispensaire, d'édifice religieux, de route, création de pharmacie vétérinaire, construction de magasin pour stocker les céréales ou les concentrés pour animaux, etc.). Ceci est loin d'être négligeable, car si tout le bois destiné à la ville de Niamey provenait ainsi de forêts aménagées, ce serait 150 millions F CFA qui pourraient être réinvestis chaque année pour des actions de développement villageois et 60 millions F CFA qui iraient à la gestion sylvo-pastorale. Enfin, 15 millions iraient à l'Etat et 40 millions aux collectivités locales pour renforcer l'administration et la rendre autonome pour son fonctionnement courant.

5.2. La création d'activités rémunérées et la distribution de revenus

De 1986 à 1992, les coopératives ont permis d'injecter quelque 65,5 millions de francs CFA au titre des ventes de bois dans les localités concernées. Ces sommes restaient auparavant dans la ville de Niamey, du fait que les bûcherons étaient des citadins salariés des transporteurs. La valeur ajoutée globale créée dans l'économie nationale ce serait ainsi élevée à 262 millions de francs CFA

Ces masses monétaires ont permis la création d'emplois, la réduction de l'exode des couches jeunes de la population, le développement d'autres activités à caractère économique et social: réparations d'ouvrages hydrauliques, constitution de banque de céréales, achat d'intrants, agrandissement de bâtiments sociaux, relance d'activités culturelles, etc.

En 1994, 38 marchés ruraux ont réalisé un chiffre d'affaire de plus de 50 millions de F CFA (soit un prix au kg de 6,5 F CFA à comparer aux 2 F CFA/kg maximum des zones incontrôlées). Près de 600 bûcherons (ou plus exactement familles de bûcherons) se sont partagés 40 millions, soit 60 000 F CFA par famille, ce qui est loin d'être négligeable et a certainement limité les phénomènes d'exode.

 


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