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Les dimensions sociales de la contribution de la foresterie à un développement durable

J.E.M. Arnold

J.E. MIchael Arnold est au Oxford Forestry Institute, Oxford (Royaume Uni).

Cet article est une adaptation du mémoire général présenté au XIe Congrès forestier mondial, «Dimensions sociales de la contribution de la foresterie au développement durable».

Les forêts, les arbres et les systèmes de subsistance

Pour assurer leur subsistance. les ménages poursuivent généralement divers objectifs qui sont de se procurer suffisamment d'aliments et d'autres biens de première nécessité. et d obtenir des revenus en espèces pour acheter des biens et des services à l'extérieur se constituer une épargne et assurer leur protection sociale.

Leurs autres objectifs peuvent être liés à la réduction des facteurs de risque critiques et à des considérations sociales. culturelles et spirituelles locales.

Les forêts et leurs produits sont liés de maintes façons aux systèmes de subsistance des ménages. Les caractéristiques principales de ces liens sont bien connues. La présente section porte donc principalement sur l'évolution des modes d'utilisation et de la dépendance à leur égard et sur les implications de ces changements.

La nature et les implications du changement

Changements dans les utilisations aux fins de la subsistance

Dans certains cas, l'utilisation des produits forestiers aux fins de la subsistance tend, semble-t-il, à s'amenuiser parce que les populations préfèrent acheter des aliments. ou parce que l'efficacité plus grande des programmes de secours en cas de famine, ou l'accroissement des disponibilités vivrières, a réduit la dépendance à l'égard des aliments forestiers. A Vanuatu par exemple depuis l'introduction de la patate douce qui peut être plantée n'importe quand et produire une récolte comestible en trois mois et du manioc, qui peut rester jusqu'à deux ans sans être récolté les aliments traditionnellement consommés en cas de crise, comme le taro sauvage, l'arrowroot, le sagou et les ignames sauvages sont pratiquement tombés en désuétude (Olsson cité dans FAO/PNUD, 1991).

Ce vulgarisateur d'un projet de la FAO en Colombie discute de la gestion des jeunes plants avec les agriculteurs locaux d'une pépinière communautaire

Les autres changements qui ont réduit la contribution des aliments forestiers dans la nutrition des ménages peuvent refléter la pénétration de nouveaux produits alimentaires sur les marchés ruraux une évolution des goûts ou une diminution des disponibilités. Cependant, cette dernière peut résulter de variations dans les disponibilités de main-d'œuvre familiale ou dans leur allocation. plutôt que de pénuries effectives des produits. Comme les femmes sont de plus en plus prises par d'autres activités. elles n'ont plus toujours le temps de cueillir les aliments forestiers. La valeur de la main-d'œuvre s'élevant au fur et à mesure que la richesse augmente. le coût d'opportunité de ces activités diminue, c'est-à-dire qu'il est moins intéressant de passer du temps à ramasser les aliments que de les acheter.

Le déclin de l'utilisation des aliments forestiers peut aussi refléter une diminution des connaissances sur leur utilisation. Comme les enfants passent plus de temps à l'école que dans les champs et dans la brousse ils ont moins de possibilités d'apprendre quelles sont les plantes qui peuvent être consommées et celles qui ne sont pas comestibles. La sédentarisation peut aussi éloigner les populations des anciennes sources d'alimentation familiale, ce qui fait qu'elles les utilisent moins, même si ces aliments sont encore disponibles et importants pour l'équilibre de leur régime alimentaire (Melnyk, 1993).

Cependant. la diminution de l'utilisation aux fins de la subsistance est plus souvent due à des pénuries: pénuries matérielles dues à la surexploitation; pénuries dues à l'accès de plus en plus limité aux ressources: ou pénuries économiques dues à la hausse des coûts ou/et à la concurrence croissante pour les ressources disponibles. Comme les populations les plus pauvres ont besoin de retirer un revenu des activités forestières, les ressources peuvent être détournées de la consommation familiale pour être vendues sur les marchés. Par exemple, une récente enquête menée dans un village du Viet Nam a révélé que les ménages les plus riches récoltaient et mangeaient les légumes forestiers. les pousses de bambou et les champignons, alors que les ménages les plus pauvres devaient les vendre pour pouvoir acheter du riz (Nguyen Thi Yen et al., 1994).

Certains changements dans les utilisations aux fins de la subsistance reflètent donc un choix qui s'inscrit dans une évolution vers un niveau de vie différent, dans lequel les contributions des forêts perdent de l'importance; d'autres changements résultent de pressions qui font que les ménages n 'ont plus la possibilité de maintenir le même niveau d'utilisation. Il est cependant clair que l'utilisation aux fins de la subsistance reste généralement importante même là où les populations sont plus intégrées dans l'économie de marché. De même. la fonction «tampon» des forêts - comme source d'aliments et de fourrage, qui permet aux populations d'assurer leur survie en cas de déficits de la production agricole reste très importante.

Changements dans les activités génératrices de revenu

Types et causes des changements. Dans certains cas, les ménages accroissent leur dépendance à l'égard du revenu provenant des produits forestiers. alors que dans d'autres, ils se détournent peu à peu des activités forestières. Dans le même temps, certains types d'activités basées sur les produits forestiers se développent, alors que d'autres stagnent ou déclinent. Pour que les interventions visant à encourager le développement d'activités forestières qui contribuent au revenu des ménages soient efficaces, il est important d'identifier et de comprendre ces types de changements.

Certains types généraux peuvent être identifiés. Lorsque les populations s'accroissent plus rapidement que les revenus par habitant, les activités basées sur l'utilisation des produits forestiers sont celles qui de loin absorbent le plus les populations qui n'arrivent pas à gagner leur vie avec l'agriculture ou un emploi salarié. Cette situation est généralement caractérisée par des activités à forte intensité de main-d'œuvre, à faible rentabilité et à caractère typiquement familial. Dans les situations où les revenus par habitant augmentent, les activités à forte intensité de main-d'œuvre et à faible rentabilité tendent à être supplantées par des activités plus productives et plus lucratives, telles que la vente, le commerce et d'autres activités visant à répondre aux demandes des populations rurales qui s'accroissent et se diversifient. A ce stade, la production et la vente des produits forestiers perdent de plus en plus leur caractère d'activité à temps partiel pratiquée par le plus grand nombre d'individus, pour devenir des professions plus spécialisées pratiquées pendant toute l'année par un nombre moins grand d'individus (Liedholm et Mead, 1993; Haggblade et Liedholm, 1991).

On peut se faire une idée du type d'évolution des activités forestières en étudiant dans quelle mesure elles correspondent à l'un ou à l'autre de ces scénarios.

Caractéristiques des produits et des marchés. La production de certaines activités change à cause de la nature du produit et des marchés sur lesquels il est vendu. Bien que certains produits disposent de marchés étendus, diversifiés et stables, d'autres ont des marchés très volatils ou dépendent d'une demande saisonnière et sujette à des fluctuations marquées des prix. Certains produits «d'extraction» destinés aux marchés industriels, par exemple, sont exposés à de fortes variations de la demande et peuvent être remplacés par des sources d'approvisionnement industrielles ou synthétiques.

La part importante des activités basées sur l'utilisation des produits forestiers, dans le secteur rural, s'explique par l'importance des marchés de ces produits en milieu rural, et leur grande dispersion dans l'espace, avec une infrastructure de transport relativement médiocre, qui fait qu'il est plus rationnel de s'approvisionner sur place (FAO, 1988). Dans de nombreux pays, les échanges de ces produits sont beaucoup plus importants, emploient beaucoup plus de personnes et ont généralement des effets moins perturbateurs que le commerce des produits destinés aux marchés extérieurs.

Caractéristiques de la production ou du processus de distribution. L'évolution de certaines activités est conditionnée par les caractéristiques de la production et de la distribution, qui donnent aux entreprises plus ou moins de possibilités de s'agrandir, ou d'accroître la valeur ajoutée en se diversifiant dans d'autres stades du processus ou en l'organisant plus rationnellement. Etant donné que l'amélioration des infrastructures rurales expose les producteurs ruraux à la concurrence de leurs homologues urbains, les types d'activités les plus viables sont en principe ceux qui favorisent la production locale, à savoir: les activités basées sur des matières premières disséminées dans l'espace et sur de petits marchés; celles qui ont une composante transport élevée; celles qui favorisent la production à petite échelle, comme la majorité des activités artisanales (FAO, 1988).

Caractéristiques de l'entreprise individuelle. D'autres raisons de la croissance et du déclin sont à rechercher dans l'entreprise individuelle. Pour retirer un revenu des activités basées sur les produits forestiers, il peut être nécessaire d'avoir des compétences de gestion ou des qualifications techniques particulières, ou de disposer de capitaux ou d'un accès au crédit. si bien que ces activités ne sont accessibles qu'à un petit nombre. Le succès ou l'échec peuvent aussi être fortement influencés par l'emplacement géographique, par exemple la proximité du marché. L'existence d'autres sources de revenu possibles, et leur attrait comparatif, est également un facteur très important.

Conséquences pour les pauvres. Il ressort clairement des informations qui précèdent que, si certaines activités peuvent assurer une base solide pour les systèmes de subsistance, d'autres fournissent dans le meilleur des cas des possibilités à court terme, ou ne procurent que de maigres recettes à ceux qui récoltent les produits des forêts, et beaucoup comportent des risques élevés. La plupart ne survivront pas à l'augmentation des coûts et à l'intensification de la concurrence. Si ces activités fournissent un certain appui, elles ne sauraient servir de base pour améliorer les niveaux de vie.

Compte tenu du grand nombre de ruraux très démunis qui se consacrent à ces activités peu rentables aux perspectives médiocres, les programmes et politiques de soutien sont confrontés à un dilemme. Il serait peut-être plus utile d'aider les populations à se détourner de ces activités pour se lancer dans des professions aux perspectives plus lucratives que de les encourager à investir pour tenter d'améliorer leur productivité ou de développer leurs ventes dans un secteur d'activité stationnaire ou en déclin. Par ailleurs, à partir du moment où ces populations n'ont pas d'autre possibilité plus intéressante, elles doivent s'efforcer de tirer le meilleur profit possible de ces activités rémunératrices marginales. Différentes mesures devraient être prises pour apporter un appui aux populations qui, grâce aux activités forestières, bénéficient d'un filet de sécurité, ou peuvent accroître leurs moyens de subsistance (Falconer, 1994).

Certaines contraintes empêchent souvent les pauvres de tirer profit des possibilités offertes par les activités forestières, ce qui est aussi préoccupant. En effet, ils n'ont pas toujours accès aux connaissances, aux techniques ou au capital nécessaires pour bénéficier des possibilités des marchés; ou alors ils ne peuvent accéder à ces marchés qu'en passant par des commerçants ou d'autres intermédiaires. Ce sont donc souvent les membres les plus riches et les plus puissants des communautés, ou des personnes qui n'en font pas partie, qui retirent les bénéfices, voire détiennent le contrôle de ces activités. Là encore, différentes formes d'assistance sont nécessaires pour venir en aide à ces individus aux besoins et aux potentiels divers (Arnold et al., 1994).

Changements dans les modes d'accès aux forêts et à leurs produits

Pressions exercées sur les ressources forestières collectives. Pratiquement partout, les utilisateurs des produits forestiers voient diminuer l'ampleur et la qualité de la base de ressources. L'appauvrissement des forêts utilisées comme des ressources collectives résulte en grande partie de changements économiques, démographiques et sociaux: pression démographique croissante; débouchés et contraintes commerciales; possibilité d'acheter certains biens plutôt que de les produire; technologies agricoles (par exemple, adoption de tracteurs) permettant de cultiver des surfaces plus étendues; capacité plus grande d'obtenir des bénéfices grâce à la privatisation; changements dans les disponibilités et l'allocation de main-d'œuvre rurale.

Les politiques, la législation et les initiatives des Etats représentent un ensemble de facteurs tout aussi importants qui peuvent restreindre l'accès des populations aux forêts. La forme d'intervention de l'Etat la plus répandue a sans doute été l'expropriation des forêts et des terres boisées pour en faire des réserves forestières ou s'en attribuer d'une manière ou d'une autre la propriété. Ce processus entraîne au minimum la suppression des droits des utilisateurs sur les forêts et leur remplacement par une série de privilèges plus limités sur l'utilisation de certains produits forestiers, qui sont habituellement soumis à des réglementations restrictives et au bon vouloir des hauts fonctionnaires des gouvernements (Lynch et Talbott, 1995; Davis et Wali, 1993; Shepherd, 1992).

La mainmise accrue de l'Etat sur les activités locales a aussi une incidence sur l'accès aux forêts et sur leur contrôle, au niveau local. Cette situation ne concerne pas uniquement les forêts, mais elle a eu un impact particulier dans ce secteur, car l'Etat n'a généralement pas su exercer un contrôle efficace sur de si vastes étendues. Bien qu'elles aient été ébranlées ou supprimées, les structures existantes n'ont pas été remplacées par un autre système efficace (Thomson cité dans FAO, 1994; Shepherd, 1992).

Ainsi, dans de nombreux cas, les circonstances qui favorisaient le contrôle et la gestion par les collectivités locales n'existent plus ou ont perdu beaucoup de force. Cependant, quelques systèmes de gestion locaux ont survécu, au moins en partie. Sur la base d'une analyse de 176 ressources collectives spécifiques dans les zones arides de l'Inde, que les communautés locales s'étaient souciées de protéger au moins dans un cas, Jodha (1990) estime que la petite taille, l'isolement et le maintien des sanctions sociales traditionnelles sont des facteurs qui ont contribué à la sauvegarde de ces systèmes. Plus spécifiquement, l'éloignement des centres commerciaux, la réduction et l'identification plus aisée des ressources collectives, la stabilité relative des activités, l'absence relative de dissensions et de différenciations socioéconomiques et la moindre dépendance à l'égard de la protection de l'Etat ont joué un rôle important à cet égard.

Aménagement des jachères et enrichissement des forêts. Souvent, les terres en friche, les broussailles des fermes et même la forêt proprement dite sont gérées par les utilisateurs locaux qui s'efforcent activement de conserver ou de promouvoir des essences de valeur. Le babassu dans le nord du Brésil, est depuis longtemps intégré dans le système de culture itinérante des paysans locaux (May et al., 1985). et les paysans des forêts des plaines inondables d'Amazonie aménagent ces forêts de manière à favoriser leurs essences les plus prisées sur le plan économique (Anderson et Ioris, 1992).

Agricultrice au Sri Lanka portant du bois de feu. L'utilisation des produits forestiers à des fins de subsistance évolue, mais elle reste fondamentale

Plantation d'arbres sur les exploitations. On voit apparaître des arbres fruitiers partout dès que des communautés rurales s'installent pour pratiquer l'agriculture. Comme le stock d'arbres naturels s'amenuise, le nombre et la gamme des arbres plantés par les agriculteurs s'accroissent (Arnold et Dewees, 1995). La plantation d'arbres peut répondre à un ou plusieurs des quatre types d'objectifs que se fixent les agriculteurs pour s'adapter au changement, à savoir (Scherr, 1994; Arnold et Dewees, 1995):

· maintenir les disponibilités de produits arborés, compte tenu du déclin de la production des arbres situés hors des exploitations, dû à la déforestation ou à la perte de l'accès aux forêts;
· répondre aux demandes de produits forestiers qui augmentent avec la croissance de la population, l'apparition de nouveaux débouchés ou l'expansion des marchés extérieurs;
· contribuer au maintien de la productivité agricole face à la diminution de la fertilité des sols ou à leur dégradation croissante due à l'exposition au soleil, au vent et aux ruissellements d'eaux de surface;
· contribuer à réduire et à gérer les risques liés à l'insécurité des droits de propriété et de jouissance des terres aplanir les variations saisonnières des flux de produits et de revenus et de la demande de main-d'œuvre. ou fournir une réserve de production de biomasse et de capitaux pouvant être utilisés pour amortir les chocs en périodes de stress ou de crise.

Deux facteurs importants influencent généralement les décisions que prennent les paysans pour gérer leurs arbres: i) les besoins de subsistance et les possibilités et contraintes des marchés; ii) la relation entre les cultures arborées et les disponibilités en terres, en main-d'œuvre et en capital des ménages agricoles. L'objectif premier des paysans est presque toujours de répondre aux besoins du ménage. Le commerce des produits des arbres se développe habituellement lorsque des marchés locaux sont créés, que des pénuries apparaissent et que les membres des familles, pris par d'autres tâches, n'ont plus le temps d'aller récolter les produits dont le ménage a besoin; l'augmentation des revenus monétaires donne à certaines personnes la possibilité d'acheter plutôt que de cueillir, de ramasser ou de cultiver. Pour y parvenir, on commence par produire davantage pour le ménage. Le recours à l'arboriculture pour approvisionner les marchés urbains et industriels est généralement pratiqué par les exploitants des régions où la réforme agraire a été plus poussée et a débouché sur une plus grande implication dans les marchés des produits alimentaires et sur une approche de l'agriculture, comme source de profit, basée sur les cultures de rapport. Sur ces marchés, les paysans peuvent cependant se heurter à certaines formes de concurrence, alors que des politiques restrictives les rendent peu compétitifs (Dewees et Scherr, 1996).

Cet agriculteur arrose un arbre fruitier (Parinari) qu'il a planté dans sa petite exploitation/Malawi)

A travers l'histoire, le rôle des arbres plantés sur les fermes était principalement déterminé par l'intensification des pressions sur des terres arables, disponibles en quantités insuffisantes. Cependant, comme les ménages paysans sont contraints de dépendre davantage d'un revenu gagné hors de leur exploitation, c'est désormais le manque de main-d'œuvre et non de terres, qui devient partout le facteur qui détermine les choix des agriculteurs. La plantation et l'entretien des arbres nécessitant moins de main-d'œuvre que la majorité des autres cultures, ces basculements du rapport entre la main-d'œuvre et la terre peuvent encourager les agriculteurs à se reposer davantage sur l'arboriculture dans un certain nombre de circonstances différentes. Toutefois, lorsque les arbres immobilisent de grandes surfaces de terre, l'arboriculture n'est une option valable que pour ceux qui n'ont pas besoin de ces terres pour assurer l'autosuffisance familiale, par exemple les gros exploitants ou ceux dont les revenus extra-agricoles sont suffisants (Dewees et Saxena, 1995).

Conséquences pour les pauvres. Les informations résumées ci-dessus indiquent que de nombreuses personnes ont réduit leur dépendance à l'égard de la forêt pour couvrir leurs besoins, en maintenant ou en augmentant la production des jachères aménagées et des arbres et des broussailles qui se trouvent sur leurs fermes. Il y a deux explications à cela: les modifications de la qualité et du coût du ramassage des produits forestiers ainsi que des conditions d'accès à ces ressources, et la possibilité de répondre plus rapidement aux pressions du marché et des autres facteurs, avec des ressources directement gérées par le ménage ou par l'individu.

Cependant. ce passage de la forêt à la ferme n'est possible que pour ceux qui ont accès à la terre et disposent de ressources suffisantes pour l'exploiter. En outre, les paysans pauvres ont souvent encore besoin de se procurer des ressources hors de leur exploitation pour compléter leur maigre production. Dans les zones où les jachères diminuent, les espaces broussailleux fournissent moins de ressources. Certains paysans sans terre ne peuvent pas trouver d'emploi salarié ou suffisamment rémunéré. Pour tous ceux-là, mais aussi pour d'autres, les ressources forestières collectives et les systèmes d'aménagement et de gestion locaux qui permettent aux communautés rurales d'utiliser rationnellement ces ressources, restent importants. Cela explique en partie le regain d'intérêt pour cette forme d'administration et les initiatives qui visent à les renforcer ou à les réinventer sous des formes plus compatibles avec les besoins et les contraintes d'aujourd'hui.

Bien que la plupart des anciens régimes collectivistes se soient affaiblis ou aient disparu sous l'effet des transformations démographiques, sociales, économiques et politiques, il est de plus en plus évident que de nombreuses situations contemporaines présentent des aspects de propriété collective. Ce fait n'est pas encore suffisamment reconnu, probablement parce que les complexités d'un mode de faire-valoir particulier sont mal comprises, ou parce qu'elles ont été masquées par des politiques et des pratiques qui favorisaient la privatisation ou le contrôle de l'Etat Depuis peu, on voit aussi se multiplier les initiatives indigènes visant à réinstaurer, ou à créer, de nouveaux régimes de propriété collective (Arnold cité dans FAO, sous presse).

Le flanc droit de cette colline à Madagascar a été protégé grâce à un système de gestion en propriété collective

Droits, contrôle et appui institutionnel

Choix parmi les formes d'administration

Comme il a déjà été noté, deux raisons expliquent la majorité des changements qui ont eu un impact négatif sur les populations dont les moyens d'existence dépendent en grande partie des forêts et des produits forestiers: l'affaiblissement des droits des utilisateurs, ou parfois leur disparition, et l'usure et l'effondrement des systèmes de réglementation qui permettaient aux usagers d'exercer ces droits d'une manière équilibrée et durable. Cette section étudiera quelques-uns des principaux problèmes associés aux initiatives visant à contenir et à inverser cette tendance.

On se demande souvent quels modèles institutionnels pourraient convenir aujourd'hui dans un monde caractérisé par l'augmentation des conflits, la perte de la notion d'objectifs communs et l'inefficacité croissante des mécanismes de résolution des conflits (Neumann, 1996). Certains problèmes dérivent du fait que l'on ne parvient pas à faire la distinction entre les droits de jouissance d'une ressource et les droits de propriété de la ressource en question (Ostrom, 1990). Or cette distinction est particulièrement importante pour comprendre la situation des forêts, où la majorité des ressources appartiennent à l'Etat, mais sont essentiellement utilisées par des particuliers, des collectivités ou des entités industrielles - et où, souvent, des utilisateurs multiples exercent des droits de jouissance sur des produits différents ou sur les mêmes produits à des époques différentes de l'année.

Les mérites comparatifs de la propriété privée et de la propriété collective sont aussi une question importante, qui est mal comprise. La préférence pour la propriété privée, qui sous-tend la majorité des renonciations à la propriété collective, repose sur l'idée que seuls les droits de propriété privés garantissent que le détendeur utilisera les ressources de manière efficace et responsable. Cependant, dans les débats sur la privatisation, on assimile presque toujours la propriété privée à la propriété individuelle. C'est ignorer le fait qu'une grande partie des propriétés privées sont détenues par des personnes qui s'associent pour faire des affaires, par des sociétés industrielles appartenant à des actionnaires et par d'autres entités collectives. Or la jouissance d'un bien collectif est aussi réservée aux membres d'un groupe d'utilisateurs déterminé, à l'exclusion d'autres bénéficiaires potentiels; ce droit possède donc certains attributs de la propriété privée partagée, puisqu'il garantit au groupe les mêmes droits de jouissance. Ainsi, il serait plus profitable de voir la propriété privée et la propriété collective, non pas comme deux systèmes qui s'excluent l'un l'autre, mais comme deux types de régimes de propriété qui ont de nombreux points communs (Bruce cité dans FAO, 1996b; McKean et Ostrom, 1995).

Dans le passé, les régimes de propriété collective ont progressé là où les ressources étaient soumises à une pression trop forte pour que le libre accès à leur utilisation puisse être maintenu. Ainsi, des droits de propriété sur les ressources doivent être créés, mais certains autres facteurs font qu'il est impossible, ou qu'il n'est pas souhaitable, d'allouer la ressource elle-même à des individus (McKean et Ostrom, 1995). Par définition, l'aménagement des forêts en tant que ressource collective, est spécifique à une situation donnée - c'est-à-dire lié aux communautés ou aux groupes d'utilisateurs locaux -, ce qui fait que la recherche et l'attention sont en grande partie concentrées sur les micro-facteurs qui influencent son fonctionnement à ce niveau. Les enquêtes et les interventions ont principalement porté sur les interactions entre la ressource, la communauté, les institutions locales, etc.

Cependant, le succès des solutions locales dépend en fin de compte de facteurs politiques, économiques et institutionnels plus généraux qui déterminent si la propriété collective est ou non une option appropriée. Si l'influence de ces facteurs n'est pas comprise et si elle n'est pas prise en compte, on risque de mettre en place des régimes de propriété collective et des institutions inadaptés, ou non viables, dans une situation particulière. Il est important de le souligner, car de nombreuses initiatives récentes ont tenté de créer ou de maintenir des systèmes basés sur la gestion des collectivités locales, dans des cas où les pressions politiques, économiques et démographiques font que cette alternative n'est plus viable ou appropriée.

Lorsqu'on évalue les formes d'administration possibles, il faut prendre en compte les conséquences de l'évolution de l'utilisation des produits forestiers et de la dépendance à leur égard, examinées plus haut. Par exemple, si des communautés se détournent des activités forestières. ou se proposent de le faire dans un futur proche, est-il toujours aussi nécessaire de confier aux collectivités locales l'aménagement et l'administration de la ressource forestière?

Les situations étant extrêmement variables, il n'existe pas de modèle universellement applicable (Ostrom, 1990). Ce point doit être souligné car quelques-unes des principales initiatives en faveur de l'aménagement collectif des forêts ont tenté, avec des résultats médiocres, d'appliquer des solutions uniformes à de multiples situations différentes. Toute analyse doit donc être effectuée dans le respect de cette diversité.

Contrôle par les collectivités locales

Par définition, les systèmes collectifs ne peuvent fonctionner que si le groupe est organisé, ou peut s'organiser, en vue d'un objectif commun. Il faut regrouper les utilisateurs afin de réglementer leurs droits d'usage et de les faire respecter, et de permettre aux membres individuels d'accéder aux intrants et aux services qui fonctionnent mieux s'ils sont organisés au niveau collectif. Les autres facteurs qui influencent la capacité qu'ont les institutions locales de s'organiser pour aménager les forêts comme une ressource collective sont notamment: les caractéristiques physiques et techniques de la ressource, les caractéristiques du groupe d'utilisateurs et les particularités du cadre institutionnel (Rasmussen et Meinzen-Dick 1995).

Caractéristiques de la ressource. Lorsque l'on cherche à déterminer si une ressource forestière doit de préférence être administrée et gérée par l'ensemble du groupe d'utilisateurs, ou par des utilisateurs individuels, l'une des premières questions à se poser est la suivante: la ressource peut-elle effectivement être divisée entre les utilisateurs'? McKean et Ostrom (1995) ont identifié plusieurs caractéristiques des ressources naturelles qui favorisent les droits de propriété collectifs:

· les ressources indivisibles ou qui, comme beaucoup d'écosystèmes forestiers, doivent être gérées comme un tout, afin de préserver l'environnement interactif nécessaire à l'obtention de certains produits;
· les grands systèmes de ressources, tels que les parcours et les terres boisées dans les zones arides, dans lesquels l'emplacement des zones les plus productives, qui varie d'une année sur l'autre, est très incertain;
· les systèmes de ressources soumis à une multiplicité d'utilisations concurrentes, où la coordination entre les utilisateurs est essentielle pour résoudre les problèmes posés par les utilisations multiples;
· les systèmes de ressources où, en confiant au groupe le contrôle des règlements et, partant. leur mise en application, on pourrait assurer à peu de frais une surveillance efficace des «frontières» et l'application des dispositions restreignant l'utilisation, à l'intérieur de ces limites.

D'autres chercheurs ont aussi mis en lumière le rôle que peut jouer la propriété collective, lorsque la productivité d'une ressource est trop faible pour que des exploitants privés puissent en vivre. Les ressources forestières qui présentent tout ou partie de ces caractéristiques seraient probablement mieux aménagées dans le cadre de régimes de propriété collective. Dans la pratique, les forêts pourraient être administrées dans le cadre de systèmes qui combineraient les attributs des régimes de propriété privée, publique et communale (Bruce cité dans FAO, 1996b; Campbell, 1990).

Taille et efficacité du groupe d'utilisateurs. Les petits groupes homogènes, exclusivement composés d'individus ayant les mêmes points de vue sur l'utilisation des ressources, sont généralement considérés comme plus efficaces que les groupes plus grands. Cependant, si les petits groupes homogènes sont sans doute plus appropriés pour le partage des responsabilités et des avantages, un organe plus important englobant tous ceux qui peuvent prétendre à un droit sur une ressource semble plus indiqué pour les tâches relatives à l'aménagement et au contrôle de cette ressource. Les organes plus grands semblent aussi mieux habilités pour négocier avec l'État et protéger les frontières (Ascher, 1994; Agrawal cité dans FAO, 1996a).

On peut également obtenir les avantages de la grande taille en «insérant» le groupe d'utilisateurs dans un organe local plus vaste tel que le conseil d'administration villageois, le comité d'un panchayat ou le conseil de district, ou alors les groupes d'utilisateurs peuvent se réunir pour former des associations plus importantes, comme au Népal (Hobley, 1996a).

Equité, participation et indépendance. Il importe aussi que les intérêts de ceux qui gèrent ou dirigent l'organisation coïncident avec ceux du/des groupe(s) d'utilisateurs de la forêt. Cela n'a généralement pas été le cas avec les organes gouvernementaux locaux élus, car ils exercent surtout des fonctions politiques et administratives et s'occupent généralement de zones et de populations beaucoup plus importantes qu'un groupe d'utilisateurs de la forêt.

Une institution communale déjà en place, reflétant les valeurs sociales de la période précédant sa création, et des rapports hiérarchisés rigides et dépassés entre les membres de la communauté, peut aussi ne pas représenter les intérêts et les préoccupations actuels de tous les utilisateurs. En particulier, ces institutions continuent dans la grande majorité des cas à exclure les femmes et les groupes défavorisés, ou ne parviennent pas à obtenir leur participation (Hobley, 1996b; Sarin, 1993).

La création de nouvelles institutions peut aussi poser des problèmes à cet égard. Une étude récente sur ce sujet a souligné l'importance de comparer soigneusement les avantages d'une intervention d'aménagement collectif basée sur les institutions existantes, (même avec les quelques difficultés décrites ci-dessus) aux difficultés de créer de nouvelles institutions fonctionnelles.

Conflits et gestion des conflits. Les utilisations multiples et les différentes catégories d'utilisateurs ou de parties prenantes favorisent les conflits et les différends à propos de l'exploitation des forêts et de leurs produits. Par exemple, le droit exclusif qui est reconnu à une communauté dans un régime de propriété collective risque d'être contesté par d'autres groupes qui cherchent à accéder à la ressource, et tous les membres de la communauté ne sont pas forcément d'accord avec la mise en place ou les conditions de ce régime (Bruce cité dans FAO, 1996b).

Dans leur mémoire spécial sur ce sujet Desloges et Gauthier (1997) résument les différentes typologies de conflits qui affectent la foresterie communautaire. Les auteurs font observer que les conflits ou les litiges peuvent stimuler les progrès. Toutefois. si les conflits ne sont pas résolus, ils peuvent être très négatifs et affaiblir, voire détruire. l'institution impliquée. Les arrangements institutionnels efficaces doivent donc avoir ecours à des mécanismes d'aménagement ou de résolution des conflits.

Les contraintes et les possibilités des marchés

Les contraintes et les possibilités des marchés sont parmi les plus puissants facteurs qui influencent les mécanismes de contrôle et d'utilisation. Comme il a déjà été mentionné. la demande commerciale conduit généralement les utilisateurs. membres ou non du groupe, à exercer des pressions plus fortes pour utiliser la ressource, ce qui peut augmenter le risque de conflits d'intérêts et rendre le processus de contrôle plus complexe. Cela peut entraîner l'effondrement des mécanismes d'exclusion et de contrôle, et aboutir à la surexploitation et à la dégradation de la ressource. Là où les transactions étaient traditionnellement fondées sur des conditions de réciprocité, l'exposition aux forces et aux valeurs du marché peut entraîner des bouleversements encore plus radicaux au sein d'une communauté Chase Smith, 1995).

Par ailleurs, les possibilités de marché peuvent accroître la valeur ajoutée des produits et inciter davantage à réglementer leur utilisation et leur gestion. En mettant en balance les effets positifs et négatifs de la commercialisation sur les pratiques d'aménagement et d'utilisation des forêts. McElwee (1994) a estimé que les communautés qui semblent le mieux à même de s'adapter aux conditions du marché sont celles qui déterminent avec souplesse leur participation, ce qui leur permet de contrôler le degré de changement. ou celles au sein desquelles le changement a été moins rapide.

Si les impacts des marchés sont parmi les principaux facteurs qui influencent les liens entre les hommes et les forêts, ils sont aussi parmi les plus complexes et les plus mal compris. Consciente de cette réalité. une récente réunion convoquée par le Centre pour la recherche forestière internationale (CIFOR) a recommandé que les recherches futures soient axées sur ce domaine prioritaire (CIFOR, 1996).

Le rôle du gouvernement

Politique et stratégie. Comme il a été expliqué plus haut, les politiques, les législations et leurs modalités d'application et de mise en exécution sont d'une manière générale discriminatoires à l'encontre de l'aménagement des forêts par les collectivités locales dans des cas où. en leur absence, ce système semblerait approprié. Or le contrôle des communautés locales. ou le contrôle conjoint avec l'Etat, ne peut être efficace que si les gouvernements ont la volonté et la capacité d'inverser cette tendance. et donnent aux institutions locales une existence légale et des moyens d'action. en les aidant à exercer leurs droits. Les communautés ayant toujours une influence politique plus faible que les gouvernements au pouvoir. cela ne sera possible qu'à travers une action centralisée.

Les préoccupations sur l'ampleur et le rôle des pouvoirs publics se sont récemment traduites par des initiatives visant à interrompre et à inverser la tendance à l'accumulation continue des responsabilités et des pouvoirs vers le centre. Ce fait a conduit à des réformes visant à décentraliser les tâches au niveau local, en confiant aux secteurs privé et non gouvernemental des activités qu'ils pouvaient exécuter avec tout autant d'efficacité et d'efficience que l'Etat Le regain d'intérêt pour le contrôle et l'aménagement local des ressources forestières s'explique en grande partie par ces nouvelles priorités.

Cependant, certaines conséquences des modalités d'exécution de ces nouvelles politiques peuvent elles-mêmes constituer une menace pour les utilisateurs locaux. Par exemple. l'attribution généralisée de titres fonciers à des particuliers dans de nombreux pays africains. en vue de favoriser la croissance agricole. risque d'ébranler le système complexe de droits superposés qui permettait auparavant à différentes catégories d'utilisateurs d'accéder à certaines ressources produites sur ces terres (Neumann, 1996).

On se demande encore plus souvent jusqu'à quel point l'Etat renonce effectivement à ses pouvoirs et à ses responsabilités à travers certains de ces programmes de décentralisation. Un observateur a fait remarquer ce qui suit: «On peut considérer que les initiatives récentes de décentralisation dans le secteur forestier en Inde n'ont fait qu'accentuer la pénétration de l'Etat dans les villages, sans que les villageois acquièrent suffisamment de pouvoir pour contester ses actions.[...] Dans de nombreuses situations, les comités villageois des forêts créés dans le cadre de l'aménagement conjoint des forêts sont en fait devenus un bras du Département des forêts, au lieu de devenir des organisations indépendantes qui pourraient contester l'autorité du département» (Hobley, 1996a).

Quasiment tous les Etats répugnent à se dessaisir de leurs pouvoirs. Même dans un pays comme le Népal, qui bénéficie de politiques et de législations exceptionnellement progressistes pour la région, l'Etat se réserve le droit d'inverser le processus de transfert du contrôle des terres forestières aux collectivités locales, et conserve la propriété de ces terres. Partout où le contrôle a réellement été transféré aux communautés locales. les résultats ont été encourageants (par exemple Wily, 1997).

Réforme administrative. La mise en œuvre tardive de la réforme est en partie due au fait que les départements d'Etat renoncent parfois difficilement à leurs pouvoirs. à leur statut et au contrôle qu'ils détiennent sur les ressources budgétaires et extrabudgétaires, ainsi qu'aux recettes qu'ils retirent de l'administration de vastes étendues forestières. En outre, dans de nombreux pays, ces départements conservent leurs fonctions normatives et la responsabilité directe de l'aménagement de vastes étendues du domaine forestier. Il est logique que des perturbations et des tensions internes surgissent lorsque les départements doivent à la fois remplir ces fonctions et transférer le contrôle de certaines parties du domaine forestier à d'autres collectivités (Gilmour et Fisher, 1991).

Les difficultés qu'ont les départements des forêts à s'adapter à l'aménagement des forêts en tant que ressource collective sont aussi préoccupantes. La promotion massive de la gestion participative, souvent exigée par les donateurs, soumet l'administration forestière à des pressions parfois difficilement soutenables. On a fait valoir que la nécessité de la réforme a été promue avant qu'on n'ait la capacité de la mettre en œuvre. Les tâches demandées aux forestiers ont radicalement changé, et les critiques qui leur sont adressées parce qu'ils pas réussi à répondre comme il convient aggravent souvent encore la situation. Une période de consolidation serait souhaitable pour faire une pause de réflexion et délibérer des modalités les plus appropriées pour résoudre ces problèmes (Vira, 1997; Hobley, 1996b).

Suppression des obstacles qui gênent l'accès aux marchés. Il faudrait donner une plus grande priorité à la modification des politiques et des pratiques qui empêchent actuellement les paysans d'accéder aux marchés et font baisser les prix des produits de leurs arbres (Dewees et Scherr, 1996). Citons notamment le manque d'informations sur les marchés, le manque d'efficacité des services de commercialisation s'adressant aux petits producteurs. la concurrence des produits subventionnés fournis par les forêts et les plantations d'Etat, la baisse des prix du bois de feu due aux subventions accordées aux combustibles de substitution, et les restrictions frappant l'exploitation et le commerce privé des produits ligneux. En entravant l'accès du paysan aux marchés des produits des arbres les gouvernements risquent de gêner involontairement la transition d'une économie de subsistance à une économie de marché.

Les ONG et le processus d'appui

Beaucoup de services forestiers se heurtent encore à des rigidités et à des contraintes qui les gênent pour effectuer la transition vers un rôle d'appui aux populations locales dans le domaine de l'aménagement des forêts et des arbres. Les organisations non gouvernementales (ONG) jouent donc un rôle de plus en plus important dans de nombreux programmes de foresterie participative. Les ONG peuvent faire office d'intermédiaires entre l'Etat et les usagers, en facilitant le changement au niveau des villages et en dispensant aux fonctionnaires des gouvernements une formation aux techniques d'organisation communautaire. Aux Philippines et en Thaïlande par exemple, les ONG sont très actives dans des groupes d'appui institutionnel qui ont joué un rôle clé en identifiant et en négociant des stratégies mutuellement acceptables.

Les ONG se font de plus en plus importantes pour permettre le transfert des technologies. lancer des campagnes de sensibilisation du public et accroître la capacité de négociation des parties prenantes, pour les questions liées à la gestion des ressources forestières. Cependant, elles ne sont pas toutes mieux équipées ou plus qualifiées. ou plus motivées. que les départements gouvernementaux qu'elles tentent de remplacer pour accomplir ces tâches. On s'est récemment rendu compte que certaines ONG poursuivaient des programmes d'action de leur choix (par exemple liés à des questions environnementales). qui ne correspondent pas forcément aux intérêts des populations avec lesquelles elles travaillent. Dans le même temps, il est désormais évident que certains départements des forêts délèguent des tâches aux ONG pour éviter d'avoir a les accomplir, autrement dit pour «éviter des changements internes» (Dove, 1995).

Améliorer la base de connaissances

Tout au long de ce document. nous avons souligné l'importance de mieux comprendre les changements qui se produisent et les raisons qui les sous-tendent. Ces connaissances sont cruciales pour identifier les besoins forestiers futurs des populations ainsi que les politiques et mesures les plus appropriées pour les satisfaire. Nous devons pour cela approfondir de nombreux aspects de nos connaissances.

Beaucoup de questions qui entrent en jeu ne peuvent être bien comprises que si l'on prend en compte les interactions entre les facteurs socioéconomiques, écologiques et institutionnels qui influencent le secteur forestier au niveau local. Des données comparables sur divers facteurs sont collectées sur des sites, dans des situations aussi différentes que possibles, afin d'atteindre deux objectifs: adopter deux objectifs: adopter une approche plus globale pour l'analyse des situations locales et. étant donné que les sites étudiés et les séries de données sont de plus en plus nombreux, les utiliser comme base pour faire des comparaisons entre des situations différentes et à travers le temps.

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