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4. L'impact du VIH/SIDA sur les services de vulgarisation


4. L'impact du VIH/SIDA sur les services de vulgarisation

La vulgarisation agricole est l'une des institutions centrales chargées de la valorisation des ressources humaines et du transfert de technologies en faveur des agriculteurs et des familles rurales dans la plupart des pays du monde. Au fur et à mesure que le développement agricole7 avance dans un pays, les besoins des paysans et des familles paysannes en matière de connaissances et de technologies vont croissants. Dans les pays où les familles paysannes connaissent de faibles taux d'alphabétisation et utilisent des systèmes de production agricole plus traditionnels, les programmes de vulgarisation sont généralement davantage centrés sur l'éducation, visant principalement la valorisation des ressources humaines dans les zones rurales. Ces systèmes de vulgarisation qui fonctionnent souvent comme des programmes de développement agricole et rural intégrés aident les paysans à asseoir des organisations/associations telles les groupements de producteurs et les coopératives, et à promouvoir l'utilisation des services gouvernementaux et des technologies améliorées.

7 Dans le cadre du présent document, l'agriculture comprend également l'élevage, la foresterie et la pêche.

Certains systèmes de vulgarisation peuvent élargir leur base de valorisation des ressources humaines pour inclure les jeunes ruraux, les enfants, les programmes de nutrition et d'économie familiale. Les systèmes de vulgarisation élargis qui incluent l'agriculture, l'éducation en matière de population, l'environnement, l'économie domestique, la jeunesse rurale, les volets portant sur les questions de genre et de mobilisation communautaire sont essentiellement conçus pour améliorer le bien-être des familles et des communautés rurales plutôt que pour atteindre des objectifs limités à la production agricole et au transfert de technologie.8

8 FAO. 1990. Rapport de la Consultation Mondiale sur la vulgarisation agricole, p. 74 et suivantes. FAO, Rome, Italie.

Les participants à la Consultation Mondiale sur la Vulgarisation Agricole organisée par la FAO en 1989 ont reconnu que la pression économique pousse la vulgarisation à se justifier sur la base de critères économiques plus immédiats qui sont étroitement liés au transfert de technologie et à l'accroissement de la productivité agricole, ignorant ainsi le rôle traditionnel de la vulgarisation dans la valorisation des ressources humaines. Ils ont souligné que la poursuite d'un système de vulgarisation qui est étroitement centré sur le transfert de technologie risque de promouvoir une croissance sans équité. A moins de satisfaire effectivement les besoins en matière d'éducation et de technologie des principaux groupes de paysans, les conséquences à long terme conduiront probablement à l'émergence d'une faible proportion d'agriculteurs commerciaux très productifs tandis que la vaste majorité des populations rurales resteront à un niveau de subsistance, dans des conditions de pauvreté rurale diffuse, compromettant ainsi le succès des programmes en matière de population. L'impact socio-économique du VIH/SIDA sur les familles rurales appelle une conception élargie du développement agricole et rural, fondée sur une approche plus équilibrée de la vulgarisation qui prenne en compte les besoins spécifiques liés au VIH/SIDA des différents groupes ruraux.

Une étude financée par la FAO et portant sur 207 institutions de vulgarisation rurale dans 113 pays a révélé qu'environ 6 milliards de dollars américains ont été consacrés aux activités de vulgarisation dans le monde en 1988.9 Les résultats de l'étude ont indiqué l'existence d'environ 600.000 agents de vulgarisation pour 1,2 milliard d'agriculteurs dans le monde. Sur la base des résultats de l'étude, l'on estime qu'en 1988, environ 58 pourcent des ressources consacrées à la vulgarisation (y compris le temps) étaient orientées vers l'agriculture de subsistance, et 7 pourcent vers les jeunes ruraux et les jeunes agriculteurs. En 1988, dans le monde, l'on estimait à environ 16 pourcent la proportion de femmes agents de vulgarisation cependant que l'on consacrait seulement quelque 5 pourcent des ressources destinées à la vulgarisation aux agricultrices. Il est peu probable que ces tendances aient changé de façon substantielle au cours des dernières années. Toutefois, il faut noter que les programmes d'ajustement structurel ont eu pour conséquence des réductions drastiques des budgets et personnels de la vulgarisation et qu'ils ont créé des vides institutionnels dans certains pays.

9 B. Swanson et autres. 1990. Situation actuelle de la vulgarisation agricole dans le monde. Cité dans le Rapport de la Consultation mondiale sur la vulgarisation agricole. FAO, Rome, Italie.

Tel que le recommande la Déclaration de Rome sur la Sécurité Alimentaire Mondiale, en plus de la nécessité d'accroître la production alimentaire, il est reconnu la nécessité de mettre en place des politiques qui favorisent les investissements dans le domaine de la valorisation des ressources humaines, de la recherche et des infrastructures pour parvenir à la sécurité alimentaire, en mettant un accent particulier sur l'allégement de la pauvreté au sein des populations rurales. Le Plan d'Action du Sommet Mondial de l'Alimentation a souligné l'importance qu'il y a d'accorder une attention particulière à la prestation de services de développement agricole, y compris l'éducation, la vulgarisation et la formation en faveur des groupes défavorisés - les petits exploitants, les femmes et les jeunes en milieu rural. Devant l'impact négatif du VIH/SIDA sur les économies rurales, il faut que les autorités chargées de la planification agricole placent cette conception au coeur de leurs préoccupations et de leurs efforts.

De par le monde, la vulgarisation agricole se trouve dans une phase de transition. Les gouvernements et les agences internationales sont en train de proposer des stratégies structurelles, financières et managériales pour améliorer les programmes de vulgarisation. La décentralisation, le partage des coûts, le recouvrement des coûts, la participation des acteurs aux initiatives de développement, aux décisions et aux ressources qui les touchent constituent certains des éléments de la transition qui a cours actuellement dans le domaine de la vulgarisation. 10

10 Rivera. 1996. La vulgarisation agricole en mutation dans le monde: Stratégies structurelles, financières et managériales pour améliorer la vulgarisation agricole. Cité dans Administration Publique et Développement, 16:151-161

Etant donné les problèmes et les défis mentionnés plus haut, il faut accorder la priorité à l'amélioration et au renforcement des services de vulgarisation, en particulier par l'éducation et la formation des agriculteurs pour pouvoir relever les défis qui se posent à l'instauration d'un développement agricole et rural durable dans les zones rurales touchées par le VIH/SIDA. Il est urgent d'entreprendre des changements fondamentaux de politique et de définir de nouvelles orientations ou approches stratégiques pour accroître l'efficacité d'une vulgarisation agricole pertinente et des programmes de formation destinées aux familles paysannes, en mettant l'accent sur les petits exploitants et les familles rurales démunies et en ciblant particulièrement les femmes et les jeunes en milieu rural. Les prochaines suggestions visant à améliorer les activités de vulgarisation ne donnent que des orientations générales pour passer à l'action. Chaque activité d'éducation/formation des agriculteurs comportent des objectifs, problèmes ou besoins spécifiques. Il faudra mettre au point une stratégie de vulgarisation appropriée, sur la base des résultats et des conclusions des études d'évaluation géo-spécifique, de l'analyse du contexte culturel et des besoins des bénéficiaires-cibles respectifs.

4.1. Activités/stratégies immédiates et à moyen terme pour atténuer les conséquences de la pandémie du VIH/SIDA

L'impact du VIH/SIDA sur les systèmes de production agricole et les connaissances et capacités de gestion dans le domaine de l'agriculture ainsi que l'impact disproportionné de la maladie sur les femmes rurales et qui, l'un dans l'autre, conduisent à une perte de la sécurité alimentaire des familles rurales, à la détérioration des mécanismes traditionnels de survie et à la diminution des ressources familiales et communautaires, a assurément des répercussions directes sur la performance des services de vulgarisation. Cependant, il existe peu d'informations précises sur la façon dont l'impact du VIH/SIDA affecte la performance des services de vulgarisation agricole dans des localités particulières.

D'où la nécessité urgente de mener des études d'évaluation géo-spécifique appropriées qui pourraient fournir des informations quantitatives et qualitatives précises sur la portée de l'impact de la maladie sur la production agricole, les familles rurales et sur le travail et la couverture des services de vulgarisation. Ces études devraient aussi collecter des informations sur la façon dont la morbidité et la mortalité lices au VIH/SIDA affectent la disponibilité de personnel formé et la couverture des services de vulgarisation. De plus, l'on a besoin d'informations précises sur les aspects juridiques de la mortalité liée au VIH/SIDA ainsi que les implications sur les droits fonciers et la législation relative à la succession pour les veuves et les orphelins. En outre, il est nécessaire de collecter des données sur les implications spécifiques du VIH/SIDA sur les paysans et les femmes qui sont de petits exploitants et/ou sans terre, ainsi que sur la disponibilité de main d'oeuvre familiale, d'épargne, de liquidités et autres données socio-économiques. Il entreprendre l'évaluation de la situation actuelle, de son orientation éventuelle et de l'impact démographique, social et économique futur du VIH/SIDA dans un district/une communauté donné(e), et cela dans le cadre d'un effort collectif impliquant toutes les agences et des ONG sélectionnées représentées dans le district/la communauté en question. Une étude restreinte d'évaluation rurale rapide pourrait satisfaire les besoins immédiats en menant l'accent sur l'impact du VIH/SIDA sur les familles, les communautés, les équipements sanitaires, les tradithérapeutes, les mécanismes traditionnels de survie et les programmes d'assistance aux survivants.

Les résultats et conclusions de ces études géo-spécifiques doivent être analysés et utilisés comme intrants pour concevoir des méthodes de résolution des problèmes, des interventions orientées vers l'action ainsi que pour planifier des stratégies de vulgarisation appropriées, y compris la mise au point de programmes de formation pertinents et de matériels d'appui à la formation, la responsabilisation des femmes par une formation adéquate et des conseils, le renforcement des mécanismes traditionnels de survie et la promotion de programmes rentables d'assistance aux survivants, en particulier les orphelins, les veuves/veufs et les personnes âgées. Le Service de la vulgarisation, de l'éducation et de la communication de la FAO envisage des études possibles et des activités de formation, relatif à la pandémie du VIH/SIDA, qui mettraient l'accent sur ses impacts/conséquences sur les programmes de vulgarisation agricole. Cf 1 Annexe 2 (4) pour plus de détails sur ces activités.

Face à l'impact dévastateur du VIH/SIDA sur les économies rurales et les familles paysannes, les interventions en matière de vulgarisation ne peuvent plus se contenter de mettre uniquement l'accent sur les aspects techniques de la production agricole et de l'élevage. Souvent, le service de vulgarisation est le seul organisme gouvernemental représenté dans les zones rurales, et les agents de vulgarisation les seules personnes-ressources rurales qui peuvent aider les familles rurales à atténuer les conséquences socio-économiques de la maladie. Cependant, les agents de vulgarisation agricole ont besoin d'être orientés et formés pour utiliser leurs aptitudes en matière d'organisation communautaire en vue d'aider les groupes les plus vulnérables au sein des communautés touchées pour mobiliser leur expertise et leurs connaissances et renforcer leur confiance. Les encadreurs devraient aussi aider les communautés touchées à entreprendre des activités rémunératrices au niveau de l'exploitation agricole aussi bien qu'en dehors, et faciliter l'émergence d'associations d'auto assistance qui puissent venir immédiatement en aide aux veuves/veufs et orphelins du VIH/SIDA.

Dans l'immédiat et à moyen terme, l'un des moyens pour accroître l'effectivité et l'efficacité des programmes de vulgarisation agricole afin de relever les défis et d'atténuer les conséquences du VIH/SIDA consiste en l'application de méthodes de vulgarisation améliorées et novatrices. Au cours de la dernière décennie, les expériences de terrain du Service de la vulgarisation, de l'éducation et de la communication de la FAO (SDRE) ont démontré l'importance des méthodologies de vulgarisation qui s'appuient sur des applications stratégiques de planification et sur les approches participatives qui peuvent minimiser les intrants ou les ressources et maximiser les extrants ou les résultats. Une méthodologie de Campagne de Vulgarisation Stratégique (CVS) mise au point par FAO/SDRE a été introduite en Afrique, au Proche-Orient, en Asie et en Amérique Latine. Cette méthodologie met l'accent sur l'importance de la participation populaire (c'est-à-dire les bénéficiaires visés tels les agents de vulgarisation et les petits exploitants) à la planification stratégique, à la gestion systématique et la mise en oeuvre au niveau du terrain des programmes de vulgarisation agricole et de formation. Ses stratégies et messages de vulgarisation sont conçus de façon spécifique et adaptée, sur la base des résultats issus d'un processus participatif d'identification des problèmes portant sur les causes ou les raisons qui expliquent les pratiques inopportunes ou la non adoption par les paysans d'une technologie ou d'une innovation agricole recommandée.

Le transfert de technologie de la CVS ainsi que son approche d'application reposent sur les besoins identifiés; ils sont entraînés par la demande et ont pour orientation la résolution des problèmes. La méthodologie de la CVS a été mise au point en vue de mettre l'accent sur des problèmes spécifiques lices à une technologie agricole recommandée. Les concepts et principes de base de la CVS ont été utilisés dans le cadre d'activités destinées à intégrer l'éducation en matière de population et les questions/préoccupations environnementales aux activités de vulgarisation agricole dans des pays sélectionnés, membres de la FAO. La plupart des principes et techniques les plus importants utilisés dans la planification, la mise en oeuvre et la gestion des activités de la CVS pourraient s'appliquer à la conception et à la mise en oeuvre d'activités de vulgarisation orientées vers la résolution des problèmes en vue d'atténuer les conséquences de la pandémie du VIH/SIDA et soutenir les politiques, stratégies et programmes prioritaires du Ministère de l'Agriculture. L'utilité de la méthodologie de la CVS pour les services de vulgarisation et les petits exploitants réside dans les points suivants:

11 Pour de plus amples informations sur la méthodologie CVS cf R. Adhikarya. 1994. Campagne de Vulgarisation Stratégique: une méthode participative de vulgarisation agricole. Etude de cas sur les expériences de la FAO. Rome, Italie 209p.

Il y a nécessité de promouvoir des relations plus égalitaires entre les genres au sein des familles et des communautés. Tous les programmes en matière de santé de la reproduction devraient comporter, de façon spécifique, une stratégie de prévention du VIH/SIDA. Compte tenu de ce que les programmes en matière de santé de la reproduction ont toujours visé les femmes principalement, la stratégie devrait être conçue pour s'adresser de plus en plus aux hommes. Il faut ouvrir un débat direct sur l'autorité relative des hommes dans tous les domaines de la vie, qu'il s'agisse des relations personnelles ou de l'élaboration des politiques nationales. Il faudrait concevoir des stratégies pour encourager les hommes et faire en sorte qu'ils orientent leur pouvoir de façon constructive à ces différents niveaux, et identifier les facteurs qui les en empêchent. Il faudrait prendre en compte les leçons tirées par rapport à la motivation masculine vis-à-vis des programmes portant sur la population et la planification familiale et les utiliser pour promouvoir la santé en matière de reproduction et les programmes multisectoriels de prévention du VIH/SIDA et d'atténuation de ses impacts.

La vulgarisation agricole peut aider les familles paysannes et les bénéficiaires-cibles les plus touchés par le VIH/SIDA à s'organiser dans le cadre de groupes fonctionnels et/ou d'organisations communautaires tels les groupes de producteurs, les coopératives, les clubs de paysans etc. qui couvriront leurs besoins immédiats. Cette répartition des bénéficiaires-cibles en groupes peut accroître l'effectivité et l'efficacité des prestations de service en matière de vulgarisation agricole et de santé de la reproduction, y compris une formation appropriée à travers une vulgarisation fondée sur la demande, les besoins et la résolution des problèmes ainsi que des activités portant sur la santé en matière de reproduction.

4.2. Stratégie à long terme pour renforcer les programmes de vulgarisation

Dans les communautés à plein impact où la morbidité et la mortalité liées au VIH/SIDA sont déjà élevées, les programmes de vulgarisation devront peut-être faire l'objet de révision sur la base de l'impact réel de la maladie sur les systèmes de production agricole, les familles rurales et la sécurité alimentaire. Il faudra accorder une attention particulière aux groupes spécifiques tels les veuves/veufs, les orphelins et les personnes âgées. Dans le cadre de la stratégie à long terme pour le développement rural dans un environnement de VIH/SIDA, l'on pourrait orienter les différents aspects et intrants de la recherche vers la mise au point de cultures et méthodes de production à moindre intensité de main d oeuvre, en ayant à l'esprit la valeur nutritionnelle minimale requise. La recherche doit correspondre plus étroitement aux besoins des familles paysannes ayant un nombre moindre d'adultes travailleurs.

Les services d'appui aux paysans pourraient être renforcés pour faire en sorte que les conseils techniques, les crédits et les formes de substitution du travail soient disponibles. La mise au point de technologies appropriées pour réduire le temps consacré à aller chercher de l'eau ou des combustibles par exemple, pourrait s'avérer d'une importance capitale en libérant des forces de travail supplémentaires en faveur des travaux agricoles. Il est également essentiel d'entreprendre une recherche pour la préservation et la création d'activités rémunératrices dans les zones rurales comme solutions alternatives à l'agriculture, en particulier en faveur des personnes pour qui l'effort que demande les travaux agricoles n'est plus possible. Une bonne évaluation socio-économique de ces communautés permettra de concevoir des mécanismes pour atténuer l'impact de la propagation de la maladie sur le tissu social des communautés rurales. Les structures traditionnelles de la famille et du village qui, normalement, jouent un rôle capital dans le bien-être familial et la gestion des ressources sont mises à rude épreuve. L'on pourrait mener une étude sur les mécanismes agricoles et les mécanismes sociaux de survie dont les résultats seraient mis à la disposition des régions ayant des méthodes culturales similaires.

En outre, il faut se pencher systématiquement sur les besoins spécifiques des jeunes ruraux. Qu'il s'agisse des hommes ou des femmes, les jeunes constituent le groupe le plus durement touché. L'ONUSIDA estime qu'à ce jour, la moitié des infections se sont produites chez les jeunes âgés de 15 à 24 ans. Dans certains pays, 60 pourcent de toutes les nouvelles infections dues au VIH se produisent dans ce groupe d'âge, avec un rapport femme/homme de 2 contre 1 chez les jeunes âgés de 15 à 19 ans. 12

12 ONUSIDA. Chiffres et tendances du VIH/SIDA. Mars 1996. Un service global de vulgarisation à l'intention des familles rurales doit comporter un programme solide à l'intention des jeunes ruraux.

Sauf dans les cas où les services de vulgarisation accordent une attention particulière aux jeunes en milieu rural, en particulier les filles, on a tendance à les oublier. Dans le cas particulier des communautés touchées par le VIH/SIDA, il ne suffit pas pour les services de vulgarisation de prétendre s'adresser aux jeunes ruraux. L'une des leçons tirées des expériences de terrain de FAO/SDRE en matière d'activités en faveur des jeunes indique que les services de vulgarisation doivent avoir un programme destiné aux jeunes qui soit identifiable et formellement structuré pour pouvoir atteindre les jeunes ruraux de manière efficace et en utilisant une approche sexo-spécifique.

Une des principales recommandations issues de la Consultation des Experts de la FAO sur les Programmes de Vulgarisation en faveur des Jeunes Ruraux et le Développement Durable, tenue à Rome du 29 novembre au 1er décembre 1995, soutient que tout service global de vulgarisation destiné aux familles rurales doit comporter un volet solide en faveur des jeunes ruraux. Le fait est que, dans le cas particulier du VIH/SIDA, en particulier dans les zones où l'impact est élevé, les programmes de vulgarisation destinés aux jeunes ruraux pourraient aider à combler efficacement le vide créé par la perte des connaissances agronomiques au niveau communautaire, avec la mort de nombreux membres de la famille appartenant aux groupes d'âge productifs. Il faut former les jeunes aux technologies agricoles durables et adaptées aux mutations qu'entraîne la pandémie dans leurs communautés. Les personnes plus âgées, en majorité épargnées personnellement par la maladie, peuvent être mobilisées en qualité de leaders bénévoles locaux dans le cadre d'un programme de vulgarisation destiné aux jeunes ruraux et qui, bénéficiant d'une formation et d'un soutien adéquat, pourront partager leurs précieux savoir et compétences en matière de pratiques agricoles.

Il y a un corpus croissant de connaissances qui montre la relation existant entre des programmes efficaces dans le domaine de la santé en matière de reproduction et l'incidence du VIH/SIDA. L'expérience montre que l'éducation en matière de sexualité et de santé de la reproduction tend à entraîner une réduction des maladies sexuellement transmissibles, y compris le VIH/SIDA. Si les services de vulgarisation agricoles connaissent des conditions de travail difficiles avec les adultes des deux sexes pour les problèmes liés à la santé de la reproduction, les programmes de vulgarisation en faveur des jeunes ruraux peuvent facilement incorporer ce sujet délicat aux programmes éducatifs en cours, à l'intention des groupes de filles et de garçons et/ou de jeunes gens.

S'agissant du rôle de la vulgarisation en matière de prévention du VIH/SIDA, les programmes destinés aux jeunes peuvent présenter un potentiel d'impact accru sous un double angle: d'abord, dans les communautés à impact élevé où les taux de morbidité et de mortalité sont élevés, la prévention peut venir trop tard pour la population adulte; ensuite, les adultes ont tendance à s'ancrer dans leur mode de vie et il peut s'avérer difficile de changer leur comportement sexuel. Les travaux de recherche montrent qu'il est souvent plus facile de changer les croyances et les pratiques des jeunes. Aussi, une bonne éducation pour la prévention du VIH/SIDA doit-elle particulièrement viser les jeunes ruraux.

L'une des études de la FAO sur l'impact socio-économique du VIH/SIDA en Ouganda a constaté un lien direct entre la consommation d'alcool et de drogues et les comportements sexuels à risque. Bien que ce ne soit pas chose courante pour les services de vulgarisation agricole de viser les adultes et les jeunes pour susciter la prise de conscience quant aux conséquences néfastes de l'alcoolisme et de la toxicomanie, il y a lieu d'admettre qu'il est relativement facile pour les encadreurs, s'ils bénéficient d'un soutien et d'une formation appropriés, d'incorporer la lutte contre la toxicomanie dans les programmes actuels de vulgarisation destinés aux jeunes ruraux.

Il est généralement admis que les comportements risqués et destructeurs conduisent directement à une mauvaise perception de soi, en particulier chez les jeunes. Les programmes de vulgarisation destinés aux jeunes ruraux peuvent contribuer de façon significative à remonter le moral des jeunes ainsi que la perception qu'ils ont d'eux-mêmes. Les programmes de ce genre incitent les jeunes à s'impliquer dans des activités productives, conduisant souvent à des gains financiers. Ils permettent aux filles et aux garçons, à travers la formation et la pratique, de développer des qualités de leadership et des compétences en matière de communication interpersonnelle qui peuvent les aider à travailler de façon efficace avec leurs pairs dans le cadre de tâches concrètes. Beaucoup de programmes de vulgarisation destinés aux jeunes ruraux comportent des programmes de reconnaissance des membres et des leaders volontaires et ils ont pour mission d'oeuvrer à la reconnaissance de leurs réalisations et de leur assurer la popularité. Tous ces facteurs contribuent à améliorer la perception que les jeunes ont d'eux-mêmes.

Une autre réponse à long terme des services de vulgarisation agricole à l'impact/aux conséquences du VIH/SIDA pourrait résider dans un programme d'action systématique visant à intégrer les questions de genre à leurs programmes/activités. Etant donné le fait que seulement une faible proportion de femmes bénéficie de la vulgarisation en matière de production agricole et autres activités connexes malgré leur implication dans la production et la gestion agricoles, le problème de l'accroissement de la participation des femmes aux activités de vulgarisation doit être résolu d'urgence. Afin de permettre aux services de vulgarisation de répondre aux besoins prioritaires des femmes rurales, il faudrait prendre en compte les actions suivantes:

Les programmes de vulgarisation à l'intention des jeunes ruraux qui couvrent généralement des groupes mixtes pourraient offrir un environnement propice où filles et garçons, en se rencontrant et en travaillant ensemble, apprennent et mettent en pratique les rôles sexo-spécifiques appropriés. Les activités d'apprentissage structurées de façon délibérée peuvent contribuer à développer les rôles sexo-spécifiques que l'on sait avoir des implications directes sur les infections dues au VIH/SIDA.

L'on a remarqué que, dans beaucoup de pays en développement, peu de femmes sont candidates aux postes d'encadreurs parce qu'il leur manque la formation technique. De plus, les normes culturelles les empêchent d'accepter des postes/affections loin de leurs parents ou de leur mari/famille. Pour satisfaire la demande avérée de personnel féminin dans l'enseignement agricole et les programmes de vulgarisation, les mesures/activités suivantes sont recommandées:

Une approche élargie de la vulgarisation et de l'enseignement appelle un soutien politique, technique et organisationnel de tous les ministères/départements et ONG compétents. D'où la nécessité d'encourager et de promouvoir une collaboration et une coordination meilleures, plus étroites et institutionnalisées avec les agences/institutions gouvernementales à orientation agricole ainsi qu'avec les décideurs/fonctionnaires, par exemple ceux qui s'occupent de la santé, de la population, de l'environnement, de l'éducation, de la jeunesse, etc. D'un point de vue technique, il y a nécessité de mettre en place de meilleurs liens fonctionnels avec des groupes pluridisciplinaires appropriés de scientifiques/chercheurs, techniciens, spécialistes etc. qui sont bien placés pour contribuer à la conception et à la mise en oeuvre de programmes de prévention du VIH/SIDA ainsi que des mesures visant à en atténuer les effets.

4.3. Programmes multisectoriels de lutte contre le VIH/SIDA, avec un accent particulier sur l'agriculture et le développement rural durables

Avec l'accroissement de l'impact du VIH/SIDA sur les systèmes de production agricole qui menace la sécurité alimentaire rurale, urbaine et nationale, le secteur de l'agriculture doit faire l'objet de toutes les préoccupations. De nombreux facteurs exposent les zones rurales, et donc l'économie agricole, à l'infection par le VIH/SIDA et à en subir les effets - il s'agit principalement des comportements culturels, de l'organisation spatiale nucléaire des villages installés de long des routes principales, etc. Pour relever les défis majeurs qui se posent aux économies rurales, y compris les agriculteurs et les programmes de vulgarisation, il y a lieu d'entreprendre ou d'améliorer d'urgence une collaboration et une coordination plus étroites entre les ministères de l'agriculture et les autres ministères, institutions et/ou agences. Les programmes nationaux de lutte contre le VIH/SIDA appelle aussi des interventions ayant pour socle le secteur agricole afin d'atténuer les effets dévastateurs de la maladie dans les zones rurales.

L'objectif principal d'un programme multisectoriel de lutte contre le VIH/SIDA doit donc aller au-delà de la prévention de la maladie et accorder une importance croissante aux mesures destinées à atténuer l'impact du VIH/SIDA. La stratégie du programme nécessite un effort coordonné et concerté, fondé sur un processus consultatif et interactif, à travers une mise en oeuvre décentralisée et une pleine participation de la communauté. L'enseignement agricole et les programmes de vulgarisation auront à jouer un rôle clé dans la mise en oeuvre de ce type de programmes.

4.3.1. Cadre opérationnel

(a) Ajustement des politiques

La politique de développement rural en Afrique sub-saharienne doit commencer à examiner les contraintes que le VIH/SIDA impose de plus en plus en matière de main d'oeuvre ainsi que la possible désorganisation, à grande échelle, de l'économie et de la structure sociale en milieu rural. Par le passé, la politique gouvernementale a été orientée vers des stratégies de production alimentaire à haute intensité de main d'oeuvre, sur la base de taux de croissance démographique continuellement élevés. Dans certaines régions d'Afrique, il faudra peut-être reconsidérer ces orientations. Dans tout système de production agricole, les recommandations de politiques portant sur les mérites relatifs de certaines cultures particulières doivent maintenant prendre en compte l'impact du VIH/SIDA sur la main d'oeuvre et sur les revenus, tout en fixant des buts, objectifs et stratégies de mise en oeuvre réalistes.

(b) Base de données portant sur le VIH/SIDA

La plupart des informations relatives à l'impact du VIH/SIDA sur les économies rurales reposent sur des observations anecdotiques. Aussi, les Ministères de l'Agriculture devraient-ils procéder à un inventaire des informations existantes et des projets/activités pertinents qui sont en cours dans le domaine du VIH/SIDA par rapport à l'agriculture; par la suite, ils pourraient procéder à la collecte d'autres données et informations afin d'identifier de façon scientifique la situation réelle du VIH/SIDA dans des localités particulières et déterminer les liens qui existent entre la pandémie et l'agriculture. De manière plus spécifique, les principaux aspects suivants devraient être pris en compte:

Les résultats et les conclusions de l'exercice de collecte de données doivent être utilisés comme intrants de la planification nationale et de la formulation des programmes, ainsi que pour des stratégies régionales et locales destinées à atténuer les effets sur les individus, les familles et les communautés.

(c) Cadre stratégique et plan d'action

En coordination avec le Ministère de la Santé et d'autres ministères et ONG concernés, le Ministère de l'Agriculture devrait préparer et formuler un cadre stratégique pour le programme national de lutte contre le VIH/SIDA, et concevoir des projets/activités viables pour atténuer l'impact du VIH/SIDA sur l'agriculture et la sécurité alimentaire familiale, sur la base d'informations/données géo-spécifiques. Eu égard à la propagation rapide de la pandémie du VIH/SIDA dans les zones rurales, il faudrait prendre en compte les objectifs suivants dans l'immédiat, à moyen et à long termes:

(i) Objectifs immédiats:

(ii) Objectifs à moyen terme:

(iii) Objectifs à long terme

4.3.2. Mise en oeuvre et mobilisation des ressources

Les programmes nationaux de lutte contre le VIH/SIDA devraient inclure un éventail plus large d'activités de prévention et d'atténuation des impacts. Leur coordination devrait être confiée à un comité de pilotage VIH/SIDA intégré à une institution et qui serait pleinement associé à l'organisation et à la gestion du programme national de lutte contre le SIDA. Le Ministère de l'Agriculture et les agences associées devraient créer des comités consultatifs techniques sur le VIH/SIDA et l'agriculture/sécurité alimentaire familiale; ces comités prodigueraient des conseils en matière de VIH/SIDA aux différents départements/cellules ainsi qu'aux bureaux/institutions chargés de l'agriculture au niveau de la région et du district. De plus, chaque ministère ou agence/institution devrait mettre en place une cellule de suivi, de préférence au sein du département chargé de la planification, et désigner un chargé de missions pour organiser et coordonner les activités liées au VIH/SIDA. De même, dans les bureaux régionaux chargés de la planification, il devrait y avoir un agent particulièrement chargé de la coordination des activités VIH/SIDA, et il faudrait renforcer la capacité institutionnelle aux niveaux de la région et du district pour suivre et coordonner de façon efficace les activités ayant trait au VIH/SIDA.

Le programme national de lutte contre le SIDA devra mettre à la disposition des ministères et agences/institutions partenaires des ressources budgétaires supplémentaires pour la mise au point d'un bon programme d'action VIH/SIDA. A travers une stratégie de mobilisation de ressources, il faudra étudier les possibilités d'obtenir l'assistance technique et les ressources financières auprès des bailleurs de fonds internationaux et des ONG compétentes. Le Programme Conjoint des Nations Unies sur le VIH/SIDA (ONUSIDA) peut assurer la coordination et se faire l'avocat en faveur d'une participation maximale des organisations communautaires, des ONG, des bailleurs de fonds bilatéraux, des agences nationales, des universités, des instituts de recherche et autres partenaires nationaux et internationaux qui pourraient s'impliquer dans des stratégies/activités visant à prévenir le VIH/SIDA et en atténuer les effets.

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