Page précédente Table des matières Page suivante


Inventaires forestiers et biodiversité

J. Rondeux

Jacques Rondeux est professeur à la Faculté universitaire des sciences agronomiques. Unité de gestion et économie forestières, Gembloux (Belgique).

La perspective de modifier les inventaires forestiers pour qu'ils puissent fournir plus d'informations sur la diversité biologique.

Depuis 1992, date à laquelle de très nombreux pays ont signé la Convention sur la diversité biologique, à Rio, les politiques nationales et internationales de conservation de la nature s'efforcent de promouvoir la biodiversité, en particulier dans le contexte forestier.

En réalité, la biodiversité, qui peut être définie comme la diversité du monde vivant, se manifeste à plusieurs niveaux: gènes intraspécifiques (diversité génétique), espèces (diversité interspécifique) et écosystèmes (diversité écologique) (Leveque, 1994).

En termes génériques, la biodiversité recouvre une série de notions différentes telles que la diversité spécifique, la rareté, le caractère naturel, la vulnérabilité, etc., qui suggèrent des mesures de protection à intégrer dans la gestion forestière proprement dite. La diversité spécifique, indicateur le plus courant de la diversité biologique, ne peut à elle seule justifier une action de protection puisqu'elle sera évidemment fort variable en fonction de la géographie forestière (forêt boréale, forêt tempérée, forêt tropicale humide, etc.).

Comme on le voit, la définition du concept même de diversité biologique et son champ d'application restent encore vagues et soumis à de multiples interprétations: la manière de mesurer la biodiversité reste, par conséquent, aussi une question ouverte. Des informations représentatives et fiables sur l'état et l'évolution ou la dynamique de la diversité biologique forestière sont toutefois essentielles à une gestion durable, ce qui ajoute de nouvelles perspectives aux inventaires forestiers et, selon les échelles concernées, aux méthodologies qui les régissent. Mais, précisément faute de connaître les variables et les informations qui devraient être récoltées, hormis le fait qu'elles concernent globalement les espèces et les milieux, est-il vraiment opportun d'étudier la pertinence même d'inventaires forestiers dans le premier cas évoqué, celui de la maîtrise de la biodiversité? Cet article tente de répondre à la question.

Les sections suivantes envisagent, sur un plan général, la manière dont les Processus d'Helsinki (1993) et de Montréal (1993) proposent de caractériser la biodiversité et l'importance des références spatiales et temporelles; les grands types d'inventaires forestiers pouvant être mis en œuvre; et la nature des variables à récolter pour tenter de saisir l'essentiel de la biodiversité. Les principales incidences sur les aspects méthodologiques des inventaires sont abordées, ainsi que les perspectives de réalisation d'inventaires adaptés. Pour conclure, l'auteur propose quelques recommandations et conclusions.

CARACTÉRISATION DE LA BIODIVERSITÉ FORESTIÈRE

Dans le cadre du Processus d'Helsinki portant sur le développement durable, un critère (Critère n° 4) est spécifique au maintien, à la conservation et à l'amélioration appropriée de la diversité biologique et il concerne les différents concepts que sont: les écosystèmes forestiers représentatifs rares et vulnérables, les espèces menacées d'extinction et la diversité biologique dans les forêts de production en fonction des changements de surface, de type de forêts et de peuplements, ainsi que de la quantité et la proportion d'espèces forestières.

Dans le cadre du Processus de Montréal, qui vise les pays forestiers tempérés et boréaux non européens, la biodiversité inclut des éléments de diversité des écosystèmes, entre espèces et génétique, exprimés en fonction des surfaces occupées, du nombre et du statut d'espèces forestières et de leur évolution au cours du temps.

L'importance de la notion spatio-temporelle

Poser le problème de l'analyse et du suivi de la biodiversité en forêt implique non seulement de fixer les limites de l'investigation, mais aussi de situer précisément l'échelle de l'analyse et la fréquence des observations à réaliser. La biodiversité se situe dans un cadre dynamique et évolutif, et son processus et sa composition sont en changement constant dû aux facteurs naturels et humains. Les successions biotiques et le développement des sols, supports de la végétation, relèvent de phénomènes écologiques complexes qui sont des intégrations de plusieurs processus biologiques, chimiques et physiques nécessitant des années, parfois même des siècles, pour s'exprimer (Jeffers, 1996).

La nature des indicateurs peut aussi varier selon les échelles spatiales et temporelles prises en compte. Selon les cas on cherche à obtenir une information générale aux niveaux régional, national ou continental ou on se limite à des zones ciblées (ayant un statut de réserves, par exemple). En conséquence, il est important de pouvoir disposer d'indicateurs de biodiversité standardisés pour pouvoir entreprendre des comparaisons aussi bien dans l'espace qu'au cours du temps.

LES TYPES D'INVENTAIRE

A priori, les inventaires de gestion (complets ou par échantillonnage) portent sur des surfaces déterminées correspondant à des unités de gestion (peuplements, parcelles, massifs), tandis que les inventaires nationaux et régionaux concernent de vastes territoires, analysés à partir d'informations ponctuelles (Rondeux, 1993; Rondeux et al., 1996).

On peut se demander s'il ne serait pas suffisant d'utiliser les inventaires forestiers existants en vue d'une évaluation de la biodiversité forestière étant entendu que la plupart d'entre eux renferment déjà des éléments la concernant directement. Mais, ces inventaires devraient comporter des mesures et observations supplémentaires (nouvelles variables) et pourraient, moyennant traitement adéquat de variables déjà récoltées, fournir aussi des indications directes ou indirectes sur la diversité biologique (variables dérivées). Si les inventaires existants peuvent être mis à profit, il est essentiel de les rendre permanents eu égard au souci de contrôler l'évolution même de la biodiversité au cours du temps.

Inventaires de gestion

Si la biodiversité et son contrôle sont à considérer en relation avec la gestion forestière durable à l'échelle des peuplements constitutifs de massifs forestiers, à l'échelle d'unités paysagères (Olivier, 1992) ou encore à l'échelle d'unités de gestion (parcelles de quelques hectares à quelques dizaines d'hectares), les caractéristiques essentielles et éléments clés utiles à prendre en compte, à intervalles réguliers, pourraient être, à titre de guides et en ce qui concerne plus concrètement l'échelle du peuplement forestier les suivantes:

· le diamètre, la hauteur et les caractéristiques du couvert de tous les arbres au-dessus d'un diamètre préfixé, de manière à préciser la structure du peuplement;

· l'indice de fertilité des peuplements en relation avec les conditions stationnelles;

· les éléments topographiques;

· les sols et le substrat géologique du peuplement, incluant la nature et la profondeur des horizons humifères;

· la végétation au sol avec référence particulière à toute espèce rare ou inhabituelle (la présence de champignons, bryophytes, lichens, etc., est également opportune à relater);

· la présence et l'importance de la régénération (semis ou arbres n'ayant pas encore atteint un diamètre déterminé);

· la nature et la quantité de tout bois mort au sol et sur pied et/ou en décomposition au sein du peuplement;

· l'influence humaine et l'histoire du peuplement (culture, droits d'usage, éclaircies, coupes, chasse, etc.);

· les écotones remarquables et les espèces particulièrement associées aux écosystèmes en contact (interfaces forêt-agriculture ou forêt-terrain ouvert, par exemple).

En ce qui concerne plus particulièrement l'inventaire lui-même et ses modalités, compte tenu de la grande variété des éléments susceptibles d'être observés, la méthodologie à proposer pour estimer et contrôler la biodiversité reposera idéalement sur un échantillonnage dans la mesure où il est important de fournir des informations sur la variabilité spatiale et sur l'hétérogénéité à l'intérieur du peuplement. Une stratification des unités de sondage mériterait d'être entreprise pour s'assurer que les étendues à diversité biologique élevée soient correctement représentées dans l'échantillon.

De manière plus pragmatique, des observations devraient prioritairement porter sur les points suivants, éventuellement adaptés aux conditions particulières des peuplements:

· la vocation principale du peuplement (production, zone protégée ou zone de conservation biologique, sylvicole et génétique);

· le passé du peuplement (traitement sylvicole ou situation antérieure, impact humain);

· les biotopes remarquables (vieille forêt sauvage, forêt naturelle, géomorphologie particulière, formations végétales rares, etc.);

· le paysage (ouvert, fermé, éloigné);

· les conditions sanitaires (pollution atmosphérique, dégâts d'origines diverses, etc.);

· la flore herbacée, les fruits et les champignons;

· les lisières (structure, composition, largeur et longueur);

· d'autres aspects particuliers (bois spéciaux, arbres remarquables).

En inventaire forestier classique, les variables relatives au milieu sont davantage récoltées en fonction de l'influence qu'elles exercent sur la productivité forestière (Pelz, 1995), ce qui n'exclut cependant pas, de prime abord, d'en faire un autre usage. Il est ainsi souvent possible d'extraire des indicateurs de la diversité structurelle des forêts à partir d'informations à priori facilement disponibles telles que: la distribution des diamètres, la distribution des espèces d'arbres, la hauteur des arbres, la caractérisation des étages du peuplement, la position sociale des arbres, le nombre d'arbres vivants et morts.

Il est aussi utile de rappeler que les diverses variables relatives aux arbres et à la structure des peuplements sont aussi en étroite corrélation avec les autres composantes de l'écosystème forestier: sol, flore et faune, ce qui justifie que bon nombre de variables déjà récoltées en inventaires axés sur les ressources ligneuses offrent des perspectives d'utilisation plus larges.

Inventaires forestiers nationaux et régionaux

La plupart, sinon la totalité, des inventaires forestiers nationaux actuels réalisés sur la base d'échantillonnages le plus souvent systématiques et parfois multiphases ont pour objectif de fournir des informations sur la production ligneuse des forêts et la disponibilité de celles-ci; de ce fait, ils renferment à priori peu de données relatives à la biodiversité forestière.

Cependant, depuis une dizaine d'années, la tendance qui se fait de plus en plus jour est de confier aux inventaires nationaux, en particulier lorsqu'ils font l'objet de révisions méthodologiques, la mission de renfermer des informations relevant de fonctions forestières non exclusivement tournées vers la production ligneuse (Lund, 1986). Si plusieurs variables relatives au milieu sont déjà présentes dans ces types d'inventaire, certaines peuvent être déduites partiellement ou totalement; d'autres nécessitent une récolte spécifique, voire le recours à des méthodologies adaptées (Lund, 1993).

Variables existantes et dérivées

A l'échelle d'une unité d'échantillonnage (ou placette d'échantillonnage de surface réduite), les inventaires récoltent déjà, ou peuvent facilement récolter, des variables qui font partie intégrante de la biodiversité et qui sont liées au sol (profondeur, texture, charge caillouteuse, humus, etc.), à la végétation herbacée (plantes indicatrices), à la composition arborée par étages, à l'état sanitaire et aux dégâts.

A l'échelle de l'individu (arbre), outre l'espèce, le diamètre, la position sociale, d'autres variables peuvent aussi intervenir; elles concernent: l'origine, l'épaisseur d'écorce, la hauteur de la couronne verte, les accroissements en diamètre et en hauteur, l'état sanitaire et l'âge.

Nouvelles variables

En principe, de nouvelles variables permettant de décrire la biodiversité à un niveau de perception restant global peuvent être assez facilement intégrées à un inventaire national dans sa version classique intéressant principalement le matériel ligneux (Pelz, 1995). A titre d'exemple, on citera:

· les caractéristiques des lisières au sens large (longueur, forme, structure, etc.);

· le type de sol (description plus détaillée), y compris variables susceptibles de modifications au cours du temps;

· la description de la végétation composant les strates herbacées, buissonnantes et arborées;

· l'effet d'autres utilisations du sol (agriculture);

· l'historique de l'utilisation des sols (pâturage, agriculture, pratiques spéciales);

· la caractérisation de petits habitats (sources, terrains humides, à haute valeur biologique);

· les quantités et les dimensions d'arbres morts sur pied ou au sol et en décomposition et le degré de décomposition;

· les arbres remarquables par leur aspect phénotypique.

INCIDENCES SUR LES ASPECTS MÉTHODOLOGIQUES DES INVENTAIRES

Le concept global de biodiversité en forêt et des inventaires forestiers doit normalement se comprendre dans une approche multidimensionnelle allant du niveau de l'espèce à celui de l'écozone. Il convient d'abord de rendre ces concepts opérationnels puis de décider ce qu'il est possible de mesurer au sein des inventaires et de développer comme techniques de mesure et de traitement de l'information pour estimer la biodiversité.

Modalités et cadre d'application des inventaires

Si les observations et mesures au sol restent les meilleurs garants d'un inventaire de qualité par rapport à la finesse des variables qu'il conviendra de récolter, le recours à la télédétection spatiale (Poso, Waite et Koivuniemi, 1995) sera un outil de plus en plus précieux et, dans un futur proche, les capteurs aéroportés devraient améliorer de manière drastique la qualité de la télédétection et offrir de toutes nouvelles sources d'informations. Une telle technique devrait trouver un champ d'application très large dans la délimitation précise de biotopes et de peuplements forestiers. Elle pourrait, par exemple, servir de base à une stratification à partir de laquelle l'implantation d'échantillonnages au sol serait nettement plus efficace du point de vue de la précision, en garantissant une meilleure perception des niveaux auxquels la diversité biologique s'adresse.

On peut évidemment se poser la question de savoir si la mesure de la biodiversité forestière peut être réalisée par l'intermédiaire des seuls inventaires forestiers par échantillonnage dont la relative rigidité n'est pas toujours compatible avec une observation plus «naturaliste» des milieux à analyser, Cette idée est d'ailleurs corroborée par le souci grandissant d'estimer la diversité biologique à l'échelle de l'habitat. En réalité, ces deux approches peuvent être combinées, l'inventaire permettant de couvrir de manière uniforme la totalité d'un territoire et d'assurer une représentation cartographique des variables récoltées, l'approche «ciblée» permettant, quant à elle, une analyse plus fine et plus riche de la diversité d'un milieu ou habitat déterminé.

Dans les inventaires par échantillonnage courants, des placettes à rayon fixe ou variable font office d'unités d'échantillonnage, et on admet donc implicitement que les données récoltées ne reflètent pas forcément les caractéristiques du peuplement. Les zones où les données relevant de la biodiversité sont récoltées ne devraient pas être limitées aux seules surfaces de placettes, mais étendues aux zones voisines (cela est déjà valable pour typer correctement la structure d'un peuplement, par exemple).

Les méthodes d'inventaire auront sans aucun doute à tenir compte des habitats et des caractéristiques du paysage, bases potentielles de stratification. Il sera également nécessaire d'intégrer aux inventaires forestiers classiques d'autres sources d'informations telles que la cartographie des écosystèmes et des biotopes, et de développer des méthodes d'évaluation compatibles avec ces variables.

Etant donné que toute l'amplitude de la biodiversité ne pourra jamais être enregistrée dans des programmes de taille réaliste, il est important de développer des approches indirectes; celles-ci se focalisent sur les variables clés et les habitats clés qui permettent de quantifier et qualifier la biodiversité (par exemple, l'étude des relations entre la structure du matériel sur pied et les autres espèces comme la végétation au sol, les insectes, les champignons et les mousses).

Un cas d'application

En vue d'assurer le suivi des ressources boisées de la partie méridionale de la Belgique (la Wallonie), un inventaire permanent a vu le jour en 1994 (Rondeux et Lecomte, 1996). Cet inventaire est effectué selon un échantillonnage systématique non stratifié s'appuyant sur quatre unités circulaires concentriques (rayons de 18 m, 9 m, 4,5 m et 2,5 m) installées aux sommets de mailles rectangulaires de 1 000 m x 500 m et couvrant l'entièreté de la superficie forestière (530 000 ha). La permanence est assurée par des remesurages effectués à une périodicité de 10 ans, un dixième de l'étendue à inventorier étant parcouru chaque année.

A l'origine, il a été conçu, à l'instar d'autres inventaires nationaux, pour maîtriser l'évolution des ressources ligneuses à des fins de valorisation économique et pour contribuer à dégager les lignes directrices d'une nouvelle politique forestière régionale. Les données récoltées relevaient donc de ces types de préoccupations et concernaient de manière non exhaustive:

· des informations générales et administratives (identification et localisation du point de sondage, statut de propriété, etc.);

· les milieux de croissance: topographie, géologie, pédologie et phytosociologie;

· les peuplements: type, structure, qualité, sylviculture, âge, etc.;

· les principales caractéristiques dendrométriques: circonférences à hauteur d'homme et à différents niveaux, hauteurs totales, de.

A partir de 1997, il a fait l'objet de divers ajustements méthodologiques destinés à intégrer, de manière aussi complète que possible, la récolte et le traitement de paramètres relevant du développement durable et, en particulier, de la biodiversité végétale comprise au sens de la conférence d'Helsinki (Anon., 1996). À ce titre, plusieurs types de variables ont été identifiés, puis la faisabilité de leur récolte a été testée.

Dans le cadre de l'inventaire proprement dit, ta indicateurs issus d'observations directes, d'estimations, de déductions et de mesures ont été identifiés comme pouvant être pris en compte.

En ce qui concerne les paramètres issus d'observations directes relatives aux conditions générales des milieux, les paramètres suivants font considérés de manière plus approfondie que dans la première version de l'inventaire:

· statut du point de sondage (forêt, lande, inculte, aire protégée, etc.);
· situation antérieure (forêt, agriculture, autres);
· type de forêt ou de vocation (production, protection et conservation);
· description des propriétés physiques du sol et de l'humus;
· région naturelle et territoires écologiques (géologie, climat),
· topographie (relief, exposition, pente, altitude);

En ce qui concerne les peuplements, une attention particulière est portée à:

· la structure (étages, distribution de grosseurs, etc.);

· le type de peuplement (basé sur la proportion d'essences rencontrées);

· l'âge;

· la qualité phénotypique des arbres;

· la conduite sylvicole et traces visibles d'interventions (écartement des plantations, type et intensité des éclaircies, drains, fossés, etc.);

· l'état sanitaire des arbres (défoliation, attaques parasitaires, etc.);

· la présence et importance d'arbres à cavités;

· le type et l'importance de la régénération;

· la présence de mises à blanc, vides et lisières (ces derniers milieux potentiellement très riches et contrastés sur le plan végétal impliquant une adaptation de la méthodologie d'inventaire).

Selon leur nature, ces informations sont extraites de documents cartographiques ou récoltées dans les unités d'échantillonnage et leur environnement immédiat, jusqu'à 30 m de rayon à partir du point de sondage.

Les paramètres issus d'estimations, sont essentiellement concernés au sein de la placette circulaire d'une surface approximative de 10 ares (18 m de rayon) par:

· les variables de nature qualitative portant sur les relevés botaniques et devant conduire à la détermination de groupes écologiques ou d'associations végétales exprimant aussi bien richesse que diversité spécifiques;

· les relevés d'espèces ligneuses réparties selon trois stades de hauteur.

Les paramètres issus de mesures sont essentiellement quantitatifs et déterminés à l'échelle des unités de sondage. Ils concernent:

· la grosseur (circonférence à 1,5 m);

· la hauteur des arbres vivants et morts sur pied;

· la grosseur et la longuer des bois morts cochés.

Les paramètres déduits résultent avant tout du traitement des variables récoltées et sont exprimés sus la forme de moyennes ou de valeurs ramenées à l'hectare. Ils peuvent être mis en relation avec la richesse des habitats et pour certaines variables, intéresser les arbres tant vivants que morts. Pourront ainsi être calculés et soumis à interprétation quant à la richesse potentielle et à la diversité des milieux inventoriés;

· la densité des peuplements exprimée en nombres de tiges et la surface terrière à l'hectare (importance du couvert);

· les volumes et biomasses ligneuses ramenés à l'hectare (importance du matériel sur pied);

· les hauteurs totales moyennes et dominantes (structure verticale);

· les circonférences moyennes et dominantes (stade de développement);

· l'indice de productivité (classe de site);

· le nombre d'arbres morts à l'hectare;

· le volume ou la quantité de bois mort à l'hectare et l'époque de la mortalité.

A partir des variables envisagées, il s'avère possible de fournir sous forme de tableaux, voire de cartographies, des synthèses relevant de la diversité des espèces et des écosystèmes: composition floristique et répartition géographique, entre autres. L'inventaire forestier régional ainsi enrichi devient te support d'une importante base de données que des traitements judicieux peuvent permettre de valoriser.

Rôle des systèmes d'information géographique

Beaucoup de données caractéristiques de la biodiversité sont issues d'études de sites spécifiques, mais elles ne suffisent pas dans la mesure où il est nécessaire de disposer d'un ensemble de données référencées spatialement et constituant un échantillon non biaisé d'une région définie ou d'un pays. Aussi est-il important de récolter des données issues de zones échantillonnées choisies de manière objective de façon à déterminer l'arrangement spatial et la dynamique des composantes de l'écosystème.

Qu'il s'agisse d'indicateurs quantitatifs (surfaces occupées et leur évolution, par exemple) ou qualitatifs (état de santé, par exemple) ou encore socioéconomiques (ressource exploitée, infrastructure, type d'occupation des terres, etc.), il est en effet fondamental de spatialiser l'information de telle manière qu'il soit possible de localiser précisément la distribution d'espèces, la fragmentation des milieux, le type de forêt, etc., en les restituant dans le contexte de leur environnement physique et biologique (Poso, Waite et Koivuniemi, 1995).

Il est également fondamental que les informations disponibles sur la biodiversité soient stockées au sein de bases de données à référence géographique si on veut les mobiliser rapidement à des fins de cartographies, d'analyses ou de modélisations. Pour être utilisable de manière efficace, cette information doit aussi idéalement être intégrée à quantité d'autres données sur les milieux, les conditions socioéconomiques, les types de ressources naturelles, les risques potentiels de dégradation, etc. Les systèmes d'information géographique (SIG) constituent, à ce titre, les clés de l'intégration d'informations aux échelles de résolution souhaitée (Jeffers, 1996).

PERSPECTIVES ET CONCLUSIONS

On se trouve à un carrefour entre ce qu'un inventaire forestier récolte habituellement ou conventionnellement et ce qu'il pourrait permettre de récolter au bénéfice d'objectifs plus larges de gestion forestière intégrée incluant la biodiversité. Beaucoup de recherches forestières ont comme source et raison d'être les fondements biologiques, bien que pareille information n'ait pas toujours été associée à la sylviculture et aux inventaires forestiers. Un compromis entre ce qui serait mesuré et ce qu'il est possible de mesurer avec les ressources humaines et matérielles disponibles doit être recherché.

Si l'on demande à un inventaire forestier de remplir d'autres fonctions que celles consistant à évaluer au cours du temps l'importance quantitative et qualitative du matériel ligneux, et en particulier de contribuer à mieux connaître et contrôler la biodiversité végétale, il est assez évident que des variables spécifiques doivent être récoltées en regard de contraintes tant spatiales que temporelles.

Considérant, d'une part, les objectifs et les modalités d'exécution de la plupart des inventaires forestiers et, d'autre part, la relative imprécision actuelle du concept de biodiversité, il paraît opportun, dans le cadre de sa plus grande prise en compte dans tout acte de gestion forestière, de porter attention aux quelques éléments de réflexion suivants:

· de nombreuses informations sont déjà disponibles ou peuvent être dérivées de données existantes;

· peu de nouvelles données doivent être récoltées en ce qui concerne, par exemple, l'écosystème forestier, et plus particulièrement la distribution et la fréquence d'espèces végétales ou des caractéristiques structurelles de peuplement;

· les inventaires forestiers traditionnels mériteraient d'être élargis en «intégrant» au plan conceptuel une méthodologie appropriée de collecte de données relevant des ressources non ligneuses;

· il est opportun d'étudier les caractéristiques du territoire à échantillonner via l'utilisation des SIG, par exemple, avant d'engager des inventaires spécifiques ou de nouvelles procédures d'inventaire;

· des inventaires établis sur la base d'échantillonnages multiphases, intégrant une analyse de documents issus de la télédétection et des opérations au sol, sont à favoriser;

· les méthodes d'inventaire proposées doivent inclure le concept de suivi au cours du temps et donc aussi de permanence.

Les inventaires par échantillonnage systématique à intensité de sondage adaptée restent une base solide d'analyse si l'on admet que la mesure de la biodiversité est déjà largement rencontrée, à l'échelle de zones couvertes par des inventaires nationaux ou régionaux, par des observations réalisées selon un schéma structuré permettant dé maîtriser et de couvrir, de manière aussi homogène que possible, l'entièreté du territoire.

Il faut garder à l'esprit qu'il est pratiquement impossible de définir un protocole de récolte adapté à tous les éléments de la biodiversité. Il conviendra de restreindre les inventaires à un ensemble bien défini de variables et d'attributs. Par exemple, on ciblera le niveau arbre ou arbrisseau plutôt que de vouloir observer l'ensemble de la biodiversité floristique.

Si, en vue d'estimations détaillées et plus complètes, des inventaires spécifiques doivent être réalisés pour nombre de variables capables de traduire l'importance quantitative et qualitative de la biodiversité végétale, des inventaires classiquement orientés vers l'estimation de la matière ligneuse comportent généralement aussi beaucoup de données permettant d'en tirer une information ne concernant pas les seuls produits ligneux (Pelz, 1995). Des fonctions par exemple relatives à la diversité des espèces et à son évolution au cours du temps pourraient également être calculées.

La photo-interprétation aérienne, les observations réalisées au sol sur des placettes d'échantillonnage et l'analyse des interfaces forêt/non forêt constituent trois sources essentielles de données pour évaluer les principales caractéristiques de diversité. Le recours à la photo-interprétation combinée à un échantillonnage au sol permet de caractériser les zones boisées (essences, structures, stades de développe ment, milieux particuliers), pour autant qu'une typologie pertinente et adéquate ait été mise au point, et de fournir de précieuses informations sur la fragmentation et la structuration de la couverture forestière. Outre ces observations à caractère global, la hauteur du couvert, sa fermeture, le stade de développement, la proportion d'espèces en mélange peuvent aussi être estimés. En réalité, ces variables permettent de caractériser la diversité «structurelle» des forêts.

Outre les informations classiques qu'elles permettent de récolter, les unités (placettes) d'échantillonnage, en leur sein ou dans leur environnement immédiat, pourraient facilement comporter des observations ou mesures ayant valeur d'indicateurs d'habitats: végétation herbacée, souches, arbres morts ou en décomposition, accumulation de pierres, vides, fossés, tas de branches.

L'analyse ou l'inventaire des zones situées en bordure de forêt ou au contact d'autres occupations de l'espace (prairies, vides, milieux aquatiques, etc.) permet la mise en lumière des conditions spéciales favorables aux plantes, oiseaux et insectes. Au sein de ces zones de transition entre différents éléments du paysage et les habitats, on peut envisager de récolter des informations inhabituelles (Brändli, Kaufmann et Stierlin, 1995) telles que: exposition, tracé, structure et densité de la lisière forestière, présence ou non de cordon de buissons et largeur de celui-ci, manteau forestier (arbres de bordure supérieurs à un diamètre fixé) et largeur et type d'environnement de la lisière.

Sans doute le meilleur compromis consisterait à associer les principes dictant la réalisation des inventaires nationaux ou régionaux utilisant des grilles de points et ceux définissant les inventaires de gestion concernant davantage l'analyse de surfaces.

En d'autres termes, il est parfaitement possible d'établir un état des lieux de la biodiversité à l'échelle d'un pays en analysant de manière fouillée des portions de territoire (par exemple carrés de 1 km X 1 km) centrées sur des points de sondage appartenant à une maille régulière de points définis sur documents cartographiques (photos aériennes et/ou images satellitaires) à partir desquels une stratification basée sur la nature de l'utilisation même de l'espace forestier, par exemple, a pu être établie (Max et al., 1996; Rondeux, 1994).

Il faut veiller à constituer une base de données qui puisse être développée et mise à jour périodiquement. Pour éviter tout gaspillage d'énergie, à l'échelle d'une région ou d'un pays, recourir aux inventaires forestiers classiques enrichis d'informations écologiques appropriées reste une solution à favoriser, de telle sorte que l'on crée progressivement les conditions d'organisation d'inventaires intégrés capables de répondre à un nombre très élevé de questions nécessitant la consultation et la mise en relation de données très diverses (Max et al., 1996; Rondeux, 1994).

Bibliographie

Anon. 1996. Conférence ministérielle sur la Protection des Forêts en Europe. Compte rendu de l'évolution des travaux. Ministère de l'agriculture, du développement rural et des pêches, Lisbonne. 62 p.

Barr, C.J., Bunce, R.G.H., Clarke, R.T., Fuller, R.M., Furse, M.T., Gillespie, M.K., Groom, G.B., Hallam, C.J., Hornung, M., Howard, D.C. et Ness, M.J. 1993. Countryside survey 1990. Main report. Countryside 1990 Series, volume 2. Département de l'environnement, Royaume-Uni. 174 p.

Brändli, U.B., Kaufmann, E.et Stierlin, H.R. 1995. Survey of biodiversity at the forest margin in the second Swiss NFI. The Monte Verità Conference on Forest Survey designs. "Simplicity versus efficiency" and assessment of non-timber ressources, p. 141-150. Swiss Federal Institute for Forest, Snow and Landscape Research, Birmensdorf, Suisse.

Brassel, P. 1995. Assessment of non-productive forest functions in the Swiss National forest inventory (NFI). The Monte Verità Conference on Forest Survey designs. "Simplicity versus efficiency" and assessment of non-timber ressources, p. 78-96. Swiss Federal Institute for Forest, Snow and Landscape Research, Birmensdorf, Suisse.

Brooks, D.J. et Grant, G.E. 1992. New approach to forest management. J. For. 90: 21-24.

FAO/CEE. 1993. Meeting of Experts on Global Forest Resources Assessment (Kotka II). Research Paper No. 469. The Finnish Forest Research Institute. 214 p.

Jeffers, J.N.R. 1996. Measurement and characterisation of biodiversity in forest ecosystems. New methods and models. European Forest Institute, EFI Proceedings. 6: 59-67.

Leveque, C. 1994. Environnement et diversité du vivant. Pocket Sciences, Collection Explora. 127 p.

Lund, H.G. 1986. A primer on integrating resource inventories. Gen. Techn. Rept. WO-49, Service forestier, Département de l'agriculture, Etats-Unis. 64 p.

Lund, H.G., éd. 1993. Integrated ecological and resource inventories. Proc. National Workshop, 12-16 avril, Phoenix, Arizona, Etats-Unis.

Max, T.A., Schreuder, H.T., Hazard, J.W., Oswald, D.D., Teply, J., et Alegria, J. 1996. The Pacific Northwest Region Vegetation and Inventory monitoring system. For. Serv. Res. Pap. PNW-RP-493, United States Department of Agriculture. 22 p.

Oliver, C.D. 1992. A landscape approach: achieving and maintaining biodiversity and economic productivity. J. Forest., 90: 20-25.

Pelz, D.R. 1995. Non-timber variables in forest inventories. The Monte Verita Conference on Forest Survey designs "Simplicity versus efficiency" and assessment of non-timber ressources, p. 103-109. Swiss Federal Institute for Forest, Snow and Landscape Research, Birmensdorf, Suisse.

Poso, S., Waite, M.L. et Koivuniemi, J. 1995. Assessment of non-timber functions: remote sensing technologies. The Monte Verita Conference on Forest Survey designs "Simplicity versus efficiency" and assessment of non-timber ressources, p. 239-245. Swiss Federal Institute for Forest, Snow and Landscape Research, Birmensdorf, Suisse.

Rondeux, J. 1993. La mesure des arbres et des peuplements forestiers. Presses agronomiques, Gembloux, Belgique. 521 p.

Rondeux, J. 1994. Ressources naturelles et inventaires intégrés: la logique du possible. Cah. for. Gembloux n° 12. Gembloux, Belgique. 18 p.

Rondeux, J. et Lecomte, H. 1996. Inventaire des ressources ligneuses de Wallonie. Guide méthodologique. Faculté universitaire des sciences agronomiques. Unité de gestion et économie forestières, Gembloux, Belgique. 208p.

Rondeux, J., Lecomte, H., Florkin, P. et Thirion, M. 1996. L'inventaire permanent des ressources ligneuses de la Région wallonne: principaux aspects méthodologiques. Cah. for. Gembloux n° 19, Gembloux, Belgique. 25 p.


Page précédente Début de page Page suivante