Previous PageTable Of ContentsNext Page

GÉNÉRALITÉ SUR LA RECHERCHE ÉCONOMIQUE ET LES PRODUITS FORESTIERS NON LIGNEUX

Christine Kabuye

Résumé

Les habitants des forêts ainsi que les communautés vivant à proximité des forêts et dépendant de celles-ci pour leur subsistance ont une connaissance très riche sur les PFNL. Ils utilisent les ressources de la forêt comme aliments, comme médicaments ou dans de nombreuses autres applications et détiennent des informations précises sur l'emplacement, l'abondance et l'aménagement de ces ressources et sur les méthodes pour en obtenir des produits. Toute recherche prenant en compte la conservation, l'utilisation et le développement des ressources forestières doit donc tenir compte des aspects socio-économiques qui y sont liés. Dans le passé, l'étude socio-économique des PFNL était considérée comme secondaire, le plus souvent traitée comme prétexe pour aborder d'autres aspects. Il convient de souligner ici que ce sera notre point de départ. Considérer que toute recherche sur les PFNL devrait en premier lieu bénéficier à la population locale, en partant de ce qu'elle sait et de ce à quoi elle attache de la valeur, serait très gratifiant pour tout processus de développement.

Les points de départ de notre étude socio-économique seront donc les connaissances traditionnelles, quant à l'utilisation et les applications des PFNL, la valeur socioculturelle et économique des produits et les méthodes traditionnelles d'exploitation et de gestion durable des ressources. Ces considérations devraient être à la base de la conservation et du développement des ressources. De plus, la participation de la population locale dans l'identification et l'élaboration d'un programme de recherche sur les PFNL et dans les prises de décision devrait indubitablement bénéficier au développement futur des ressources forestières, pour la consommation locale et pour la création de revenus.

Mots clés: socio-économie, communautés, produits forestiers non ligneux

1. introduction

Les produits forestiers non ligneux, qui ont depuis une dizaine d'années retenu l'attention de nombreux organismes de développement, ont toujours été vitaux pour les communautés rurales. Ces communautés, réparties dans les forêts et à proximité de celles-ci, ont toujours utilisé les ressources forestières pour leur subsistance quotidienne. Ce sont surtout les populations rurales qui dépendent des PFNL, car ceux-ci leur fournissent, entre autres, produits alimentaires, soins médicaux, abris, vêtements et objets pour la maison. Dans le passé, les premiers ouvriers forestiers avaient tendance à l'ignorer, croyant que les forêts ne servaient qu'à fournir continuellement du bois d'œuvre. De nombreuses populations dépendant des forêts depuis des millénaires ont été écartées de leurs terres ancestrales, après avoir été "protégées" et converties en réserves forestières, exclusivement destinées à l'approvisionnement de bois d'œuvre. Heureusement, toutes les terres forestières n'ont pas fait l'objet de ce régime draconien. Certaines d'entre elles sont toujours exploitées par les communautés rurales pour leur subsistance alors que dans d'autres régions, les réglementations se sont assouplies afin de permettre aux communautés rurales le ramassage de bois de feu et d'autres activités de faible impact écologique.

De plus, depuis le développement récent de ces sociétés, de nouveaux systèmes de production alimentaires ont été introduits, les hôpitaux ont remplacé les méthodes de soins traditionnels et les vêtements, ainsi que de nombreux articles ménagers auparavant fabriqués à partir de produits forestiers ont été remplacés par des produits importés. Toutefois, cela ne suffit pas à couvrir tous les besoins quotidiens des populations et toutes les communautés rurales ne peuvent pas s'offrir l'accès aux nouvelles technologies. L'utilisation des produits de la forêt n'est donc pas un luxe mais une nécessité. Les PFNL étant essentiels pour la survie de nombreuses communautés rurales, ils ont gardé une très grande importance dans la vie quotidienne des habitants des forêts.

Ces dernières années, il a été constaté que ce sont souvent les mêmes produits forestiers qui sont recherchés et même désirés par les habitants des villes. En raison du développement rapide de l'économie de marché, la demande de produits forestiers s'est étendue de la consommation pour la subsistance à un commerce local, voire international. Suite à l'accroissement de la demande, ces ressources sont potentiellement menacées, ce qui soulève la question de leur durabilité. En effet, si les ressources sont menacées, la survie des communautés rurales est, elle aussi, menacée.

Le développement du secteur des PFNL a de nombreuses facettes et requiert une réflexion approfondie sur la question de la durabilité. La recherche socio-économique en constitue précisément un des points de départ les plus importants.

2. Pourquoi une étude socio-économique des PFNL ?

Il s'agit d'une question complexe. Il est clair qu'un des objectifs principaux du développement et de la promotion des PFNL est d'abord de réduire la pauvreté des communautés, en favorisant la vente de ces produits. Etant donné que cela implique à la fois les populations et des ressources à promouvoir, un certain nombre de facteurs doit être pris en considération. Ceux-ci concernent le lien entre la population et les ressources. Voici quelques questions auxquelles il est bon de répondre avant d'entreprendre de nouvelles étapes :

2.1. Le rôle des forêts dans la subsistance des populations locales

S'il est clair que les populations rurales dépendent des PFNL pour assurer leurs moyens d'existence, l'ampleur de cette dépendance doit encore être établie.

2.2. Quels sont les produits utiles ?

Pour pouvoir établir quels sont les produits utilisés, il est nécessaire de mener des études socio-économiques, étant donné qu'ils varient d'une communauté à l'autre, même très proche l'une de l'autre. Les informations peuvent concerner les produits alimentaires, les médicaments, les articles pour la maison, les matériaux de construction et d'autres produits utilisés par la population locale, ainsi que leur importance relative.

2.3. Qui détient et qui utilise ces ressources ?

Dans certaines communautés, les ressources sont possédées ou héritées par des individus, par la famille ou par le clan et leur utilisation est parfois limitée au propriétaire qui en contrôle l'accès.

2.4. Les valeurs attachées aux ressources

Certaines ressources sont utilisées à des fins culturelles ou religieuses ce qui entrave leur potentiel commercial.

2.5. L'intérêt pour la commercialisation des ressources

Il est possible de voir si certains de ces produits sont déjà commercialisés et quelle est l'ampleur de leur marché. Ce seront les communautés locales qui décideront si les produits doivent être commercialisés, en tenant compte d'autres facteurs, tels que la durabilité des ressources.

2.6. Le savoir-faire des populations locales

Les compétences varient selon les personnes, ainsi les hommes peuvent s'occuper de récolter le miel alors que les femmes sont plus habiles dans la fabrication de paniers. Une production planifiée serait facilitée par la participation de personnes compétentes. L'exploitation des plantes médicinales serait rendue particulièrement efficace avec les connaissances spécialisées des guérisseurs traditionnels.

2.7. Les institutions de gestion des ressources

La plupart du temps, les communautés ont mis en place des cadres institutionnels permettant de gérer les ressources et de contrôler les activités. Grâce à de telles structures, la prise de décisions quant aux méthodes de développement et de conservation, ainsi que la proposition, si nécessaires, de solutions alternatives, permettraient plus facilement aux communautés de choisir des options.

2.8. Participation des communautés locales

L'existence d'institutions organisant la gestion pourrait favoriser la participation de la communauté dans le développement de projets commerciaux et de mécanismes de partage des bénéfices.

Les points mentionnés ci-dessus ne sont pas exhaustifs mais indiquent qu'avant de commencer tout projet de développement et de commercialisation des PFNL, il est important d'en étudier les aspects socio-économiques. Dans le passé, on avait tendance à partir d'un produit pour aborder dans un second temps les communautés locales, ce qui avait tendance à laisser certaines lacunes dans le domaine socio-économique. L'avantage de commencer avec les aspects socio-économiques est de pouvoir se rendre compte, dés le début, de ce qui peut rendre le projet réalisable, et à long terme, de gagner du temps et d'économiser des efforts.

3. Les connaissances traditionnelles

Le savoir des sociétés traditionnelles inclut l'ensemble des connaissances accumulées par les populations locales dans le domaine de l'environnement au fil des générations. Il comprend les connaissances sur l'identification, l'utilisation et la gestion des ressources accumulées grâce à l'observation, l'expérimentation et l'inovation. Bien que ce savoir ait été transmis de génération en génération, il n'est pas pour autant statique. Les populations adoptent ce qui leur a été transmis avant d'y ajouter de nouvelles inventions et de le passer ensuite à la génération suivante. Le savoir des sociétés traditionnelles et ses applications sont perpétués à travers les pratiques, les normes et les croyances qui sont enracinées dans les différentes cultures. C'est cette connaissance qui a permis aux hommes de vivre pendant des siècles en accord avec leur environnement, vivant de chasse et de cueillette de produits de la forêt, récoltés pour la nourriture, les médicaments, et autres utilisations. Ils ont également utilisés la forêt à des fins religieuses et cérémoniales. Fondamentalement, l'homme a développé une relation avec la nature. Le savoir des sociétés traditionnelles est dépositaire des connaissances relatives à l'utilité des ressources pour la subsistance. Les communautés rurales, qui ont continué à utiliser ces ressources, en ont donc une connaissance approfondie. Grâce à leur longue relation avec les ressources, les communautés constituent la meilleure source d'information dont on puisse disposer. Les PFNL importants peuvent donc être aisément identifiés grâce à ce savoir traditionnel. Il est utile de rappeler qu'au sein d'une même communauté, certains membres sont mieux informés que d'autres sur l'utilisation de certaines ressources. Ainsi, les femmes, étant chargées de nourrir leur famille, sont censés mieux connaître les aliments.

4. Valeurs

Pour les communautés rurales, les forêts ont différentes valeurs. Celles-ci ne sont pas uniquement source de nourriture, de médicaments et d'autres produits utiles mais détiennent également une importance culturelle. Certaines forêts sont considérées sacrées et on y pratique des cérémonies religieuses ou culturelles. La récolte des produits de ces forêts est régie par les anciens et limitée le plus souvent à la cueillette des plantes médicinales. Cette limitation de l'accès aux forêts contribue à la préservation d'un grand nombre d'espèces, constituant un réservoir potentiel pour de futures utilisations, en particulier comme matériel génétique pour l'établissement de plantations utiles. En outre, un bon nombre de PFNL est utilisé à des fins culturelles. Socialement, il existe une volonté certaine de préserver la sources de ces produits.

5. Pratiques

Les pratiques liées aux PFNL visent à la conservation et la gestion des ressources, à des niveaux permettant leur pérennité, c'est pourquoi elles prennent soin d'éviter la surexploitation. Certaines plantes sont cultivées dans la forêt, ce qui favorise la survie des semis, alors que d'autres sont introduites directement dans l'exploitation ou laissées sur les terres agricoles dégagées par le défrichement de la forêt. Ces pratiques favorisent un bon niveau de conservation des espèces. La transformation des PFNL est, elle aussi, régie par certaines pratiques qui se transmettent de mains en mains, avec compétence et habileté, pour fabriquer des objets à partir de produits forestiers. En plus, le rôle important joué par les femmes, les agriculteurs, les guérisseurs traditionnels et autres groupes doivent être spécifiquement mentionnés.

6. Le potentiel lié aux marchés

En s'appuyant sur la connaissance indigène des PFNL, leur valeur et les pratiques utilisées pour leur utilisation et leur gestion, il est possible d'évaluer leur potentiel commercial. La possibilité de développer des marchés plus vastes peut être explorée grâce à des produits qui ont déjà fait leur apparition sur le marché du troc ou dans les marchés urbains, tels que les fruits, les plantes médicinales, le miel, les produits d'artisanat ou autres. Mais il s'agira d'établir si la demande n'excède ou n'est pas susceptible d'excéder l'offre. Ce seront les communautés locales qui décideront, sur la base de leurs connaissances, quant à la distribution et l'abondance des ressources. Les décisions qui seront prises devront assurer la durabilité des ressources et, en cas de nécessité, conduire à des solutions alternatives ou à l'introduction en exploitation agricole de certaines espèces menacées.

7. Le développement des PFNL

Le développement des PFNL pour la création de revenus devrait être guidé par les marchés potentiels et les décisions prises par les communautés locales, sur la base des résultats de la recherche socio-économique que nous avons décrite ci-dessus. Il va de soi donc que le développement des PFNL, pour qu'il soit au bénéfice de la population locale, devra se faire en partant d'études socio-économiques.

8. La nécessité d'une approche socio-économique

Pour que le développement des PFNL contribue réellement à réduire la pauvreté des communautés rurales, il est recommandé de tenir compte des éléments suivants :

Il va de soi que toutes les activités citées ci-dessus devraient être entreprises avec les populations locales, considérées comme participants à part entière.

Figure 1: Mangue sauvage en décomposition, avant d'être semée (Photo: T. Sunderland).

9. Conclusions

Considérant que le développement et la promotion des marchés de PFNL a comme premier objectif de soulager la pauvreté dans les communautés rurales, il est indispensable d'effectuer au préalable une recherche socio-économique. Cela constituera également un exercice permettant d'identifier les produits que les commnautés locales connaissent bien et pour lesquels elles peuvent avoir une connaissance ou des compétences particulières.

Previous PageTop Of PageTable Of ContentsNext Page