Page précédente Table des matières Page suivante


Chapitre 4 - La carbonisation du bois


4.1 Comment le bois se transforme en charbon de bois
4.2 Hygiène et sécurité du travail de carbonisation
4.3 Gestion et rémunération de la main-d'oeuvre

4.1 Comment le bois se transforme en charbon de bois

La phase de carbonisation peut être décisive, même si ce n'est pas la plus coûteuse dans la production de charbon de bois. Si elle n'est pas réalisée dans les meilleures conditions, elle risque de compromettre toute l'opération, étant donné qi'un mauvais rendement de la carbonisation risque de se répercuter sur l'ensemble de la chaîne sous la forme d'accroissement des coûts et de gaspillage des ressources.

Le bois est formé de trois constituants principaux: cellulose, lignine et eau. La cellulose et la lignine, plus certaines autres substances, sont fortement liées entre elles pour constituer la matière que nous appelons bois. L'eau est absorbée, c'est-à-dire retenue sous forme de molécules à la surface du complexe cellulose/lignine. Le bois "sec à l'air" contient encore 12-18% d'eau absorbée. Le bois fraîchement coupé ou "vert" contient en outre de l'eau sous forme liquide, ce qui donne une teneur en humidité totale de 40 à 100%, exprimée en pourcentage du poids de bois anhydre.

L'eau contenue dans le bois doit en être éliminée sous forme de vapeur avant que la carbonisation puisse avoir lieu. L'évaporation de l'eau exige une grande quantité d'énergie' de sorte qu'en utilisant le soleil pour sécher le bois aussi complètement que possible avant la carbonisation on améliore considérablement la rentabilité. L'eau restant dans le bois à carboniser devra être évaporée dans la charbonnière ou le four, et l'énergie nécessaire devra être fournie par la combustion d'une partie du bois lui-même, qui autrement aurait été convertie en charbon.

La première étape de la carbonisation est le séchage du bois à 100 C ou moins jusqu'à l'état anhydre. La température du bois sec est ensuite élevée jusqu'à environ 280 C. L'énergie nécessaire pour ces deux étapes provient de la combustion d'une partie du bois empilé dans la charbonnière ou le four; c'est une réaction endothermique, c'est-à-dire absorbant de l'énergie.

Lorsque le bois est sec et porté à 280°C environ, il compense à se décomposer spontanément pour donner du charbon de bois, plus de la vapeur d'eau, du méthanol, de l'acide acétique et d'autres composés chimiques plus complexes, principalement sous forme de goudrons et de gaz non condensables formés surtout d'hydrogène, monoxyde de carbone et dioxyde de carbone. De l'air est admis dans le four ou la charbonnière pour permettre la combustion d'une partie du bois, et l'azote contenu dans cet air se retrouvera également dans ces gaz, tandis que l'oxygène sert à la combustion.

La décomposition spontanée ou carbonisation du bois au-dessus de 280°C libère de l'énergie, et cette réaction est dite exothermique. Ce processus se poursuit jusqu'à ce qu'il ne reste plus que le résidu carbonisé, qui est le charbon de bois. S'il n'y a pas de nouvel apport de chaleur extérieure' le processus s'arrête et la température atteint un maximum d'environ 400°C. Ce charbon de bois, cependant, contiendra encore des quantités appréciables de résidus goudronneux, ainsi que les cendres contenues au départ dans le bois. La teneur en cendres du charbon de bois est d'environ 3-5%; la proportion de résidus goudronneux peut être d'environ 30% en poids, le reste étant constitué de carbone pur, soit environ 65-70%. Si l'on continue à chauffer, la teneur en carbone pur augmente du fait de l'élimination et de la décomposition d'une plus grande proportion de goudrons. Une température de 500°C donne une teneur normale en carbone pur d'environ 85%, et une teneur en éléments volatils de 10%. Le rendement en charbon de bois à cette température est d'environ 33% du poids du bois anhydre carbonisé - compte non tenu du bois qui a été brûlé pour carboniser le reste. Le rendement théorique en charbon de bois varie par conséquent avec la température de carbonisation en raison de la modification de sa teneur en substances goudronneuses volatiles (24, 26, 31).

Le tableau 4 montre l'influence de la température finale de carbonisation sur le rendement en charbon de bois et sur sa composition.

Tableau 4. Influence de la température de carbonisation sur le rendement en charbon de bois et sur sa composition

Température de carbonisation °C

Composition chimique du charbon de bois

Rendement en charbon de bois par rapport au poids de bois an hydre (0% d'humidité)

% de carbone pur

% de matières volatiles

300°

68

31

42

500°

86

13

33

700°

92

7

30

Une température de carbonisation basse donne un rendement plus élevé en charbon de bois, mais celui-ci est de basse qualité, il est corrosif en raison des goudrons acides qu'il contient' et il ne brûle pas avec une flamme claire sans fumée. Un bon charbon de bois commercial doit avoir une teneur en carbone pur d'environ 75%, ce qui demande une température finale de carbonisation de l'ordre de 500°C.

Le rendement en charbon de bois présente également une certaine variation selon la nature du bois. On constate que la teneur en lignine du bois a un effet positif sur le rendement en charbon. Un bois à teneur élevée en lignine donne un rendement plus élevé, c'est pourquoi on préfère pour la production de charbon de bois un bois mûr et sain. Un bois lourd, d'autre part, donnera généralement un charbon dense et dur, qualités recherchées. Cependant, les bois très denses produisent parfois un charbon friable, parce qu'ils tendent à se dissocier lors de la carbonisation. La friabilité du charbon augmente avec la température de carbonisation, tandis que la teneur en matière volatiles diminue. Une température de 450° à 500°C donne le meilleur compromis entre la friabilité et la recherche d'une teneur élevée en carbone pur.

Les nombreuses variables qui interviennent dans la carbonisation rendent difficile la définition d'une marche à suivre optimale. En règle générale les meilleurs résultats seront obtenus avec des bois sains de moyenne à forte densité. Le bois doit être aussi sec que possible, et en général refendu pour éliminer les morceaux de plus de 20 cm d'épaisseur. Le bois qui sera brûlé dans le four ou la charbonnière pour sécher le reste et démarrer la carbonisation peut être de qualité inférieure et de plus petite section; sa seule fonction est de produire de la chaleur pour sécher le reste et le porter à température de carbonisation. On doit essayer d'atteindre une température finale d'environ 500° C dans toute la charge, ce qui est difficile dans une charbonnière en fosse du fait que la circulation de l'air et son effet de refroidissement sont irréguliers, et qu'il apparaît des points froids, donnant lieu à des "fumerons", morceaux de boit insuffisamment carbonisés. Lorsqu'on cherche à atteindre une température finale de 500° C dans toute la masse d'une charbonnière où la circulation de l'air est faible et irrégulière, il en résulte généralement qu'une partie du charbon est réduite en cendres, tandis que d'autres parties de la charge sont seulement partiellement carbonisées, d'où l'importance de fours bien conçus et correctement utilisés pour le rendement de l'opération. On trouvera davantage d'informations sur les aspects techniques de la carbonisation dans les références (6) et (7).

4.2 Hygiène et sécurité du travail de carbonisation

La carbonisation produit des substances qui peuvent s'avérer nocives, et des précautions simples s'imposent pour réduire les risques.

Les gaz produits par la carbonisation ont une teneur élevée en monoxyde de carbone, qui est toxique lorsqu'on le respire. C'est pourquoi, lorsqu'on travaille autour du four ou de la charbonnière au cours de la carbonisation, et lorsqu'on ouvre le four pour le décharger, il faut prendre soin d'assurer une ventilation convenable pour permettre au monoxyde de carbone, qui se produit également lors du défournage par inflammation spontanée du charbon chaud, de se disperser.

Les goudrons et fumées provenant de la carbonisation, bien que n'étant pas directement toxiques, peuvent avoir à la longue des effets nocifs sur le système respiratoire. Les logements du personnel doivent si possible être situés de telle sorte que les vents dominants emportent la fumée dans la direction opposée, et ne pas être trop près des batteries de fours.

Les goudrons et l'acide pyroligneux peuvent être irritants pour la peau, et il faut prendre soin d'éviter un contact prolongé, grâce à des vêtements protecteurs et à des méthodes de travail qui réduisent l'exposition.

Les goudrons et jus pyroligneux peuvent aussi contaminer sérieusement les cours d'eau et les ressources d'eau potable pour les humains et les animaux. Les poissons peuvent également être affectés. Les affluents liquides et eaux usées provenant d'installations de carbonisation à moyenne et grande échelle doivent être recueillies dans de grands bassins de décantation où ils s'évaporeront, de sorte qu'ils ne risquent pas de contaminer les eaux souterraines et les cours d'eau.

Heureusement les charbonnières et les fours transportables, à la différence des fours cornues et autres systèmes perfectionnées, ne produisent normalement pas d'affluents liquides; les sous-produits sont pour la plus grande part dispersés dans l'atmosphère sous forme de vapeurs. Les précautions à prendre contre la contamination de l'environnement par l'atmosphère ont dans ce cas une plus grande importance.

4.3 Gestion et rémunération de la main-d'oeuvre

La carbonisation est une opération délicate, qui demande savoir-faire, patience, expérience et conscience professionnelle, et exige un travail par tous les temps. Le rendement obtenu conditionne l'économie de l'opération entière. C'est pourquoi il est normal que les équipes de charbonniers reçoivent, en plus de leur salaire normal, une prime calculée en fonction de la quantité et de la qualité de charbon de bois qu'elles produisent. Un tel système suppose que l'on mesure exactement les quantités de bois utilisé et de charbon produit; cette mesure peut se faire en volume ou en poids, mais doit en tous cas être effectuée sérieusement pour éviter toute contestation.

La production de charbon de bois est souvent une activité saisonnière. La saison des pluies peut arrêter les opérations, ou bien la main-d'oeuvre peut traditionnellement s'employer à certaines époques aux travaux agricoles de semailles ou de récolte, et il est par suite difficile d'attirer et de conserver une main-d'oeuvre bien formée et motivée. Cependant, en matière de production de charbon de bois, le succès dépend d'une main-d'oeuvre stable et satisfaite. C'est le secret des entreprises de carbonisation qui marchent d'avoir su se constituer un personnel qui réponde à ces caractéristiques.


Page précédente Début de page Page suivante