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Chapitre 12 - Récupération des sous-produits de la carbonisation des bois feuillus


12.1 Acide pyroligneux
12.2 Récupération des goudrons à petite échelle


La récupération de produits chimiques des vapeurs qui se dégagent lors de la carbonisation des bois feuillus a été autrefois une industrie florissante, mais avec l'avènement de la pétrochimie, le bois en tant que source de méthanol, d'acide acétique, de goudrons spéciaux et de produits de préservation a perdu son intérêt économique. Partout où l'on fabrique du charbon de bois, les possibilités de récupération de sous-produits font l'objet de discussions. Les prix élevés actuels des produits pétroliers sont avancés comme argument; malheureusement la hausse parallèle du prix du bois lui enlève la plus grande partie de son avantage. Bien que les perspectives de récupération de produits chimiques à partir de la distillation du bois ne soient pas très encourageantes, il est possible de récupérer des goudrons et d'utiliser le gaz de bois comme combustible d'appoint pour accroître le rendement de la carbonisation. Cette récupération est économiquement assez marginale, mais, du fait qu'elle permet de réduire la pollution atmosphérique due à la carbonisation, ces avantages combinés justifient que l'on examine de près les possibilités dans ce domaine.

Lorsque le bois est chauffé au-dessus de 270°C, il amorce un processus de décomposition que l'on nomme carbonisation. En l'absence d'air, du fait qu'il n'y a pas d'oxygène présent pour réagir avec le bois, le produit final est le charbon de bois. En présence d'air, qui contient de l'oxygène, le bois prend feu et brûle en atteignant une température de l'ordre de 400° - 500°C, et le produit final est la cendre.

Si le bois est chauffé à l'abri de l'air, il perd tout d'abord son humidité' et tant que cette perte n'est pas complète sa température reste aux alentours de 100°-110°C. Lorsque le bois est sec sa température s'élève, et lorsqu'elle atteint 270°C environ il commence à se décomposer spontanément avec dégagement de chaleur. C'est la réaction exothermique bien connue qui intervient dans la carbonisation. A ce stade les sous-produits de la carbonisation commencent à se dégager; ce dégagement se poursuit graduellement au fur et à mesure que la température s'élève, et à 450°C environ il est terminé. Le résidu solide, qui est le charbon de bois, se compose principalement de carbone (70% environ) et de petites quantités de substances goudronneuses qui ne peuvent être éliminées ou décomposées complètement qu'en élevant la température aux environs de 600°C.

Dans les méthodes de carbonisation courantes, qui utilisent le chauffage interne de la charge de bois par la combustion d'une partie de ce bois, tous les sous-produits qui se dégagent à l'état de vapeur et de gaz s'échappent dans l'atmosphère sous forme de fumée. On peut les récupérer en faisant passer les gaz chauds à travers des tuyaux; on obtient ce que l'on appelle l'acide pyroligneux, et les gaz non condensables traversent le condenseur et peuvent être brûlés pour fournir de la chaleur. Le gaz de bois n'est utilisable que comme combustible, et se compose en moyenne de 17% de méthane, 2% d'hydrogène, 23% de monoxyde de carbone, 38% de dioxyde de carbone, 2% d'oxygène et 18% d'azote. Son pouvoir calorifique est d'environ 10,8 MJ (mégajoules) par mètre cube, soit environ le tiers de celui du gaz naturel.

12.1 Acide pyroligneux


12.1.1 Rendement en acide pyroligneux
12.1.2 Raffinage de l'acide pyroligneux


Acide pyroligneux est le nom que l'on donne au condensat brut; il se compose principalement d'eau. C'est un liquide corrosif, hautement polluant, qui doit être soit traité en vue de donner des sous-produits commercialisables, soit brûlé avec l'aide d'un autre combustible tel que bois ou gaz de bois afin de s'en débarasser.

Les constituants non aqueux comprennent des goudrons de bois solubles et insolubles dans l'eau, de l'acide acétique, du méthanol, de l'acétone, et d'autres substances chimiques complexes en petites quantités. Si on le laisse reposer, l'acide pyroligneux se sépare en deux couches, dont l'une est constituée par le goudron insoluble dans l'eau et l'autre par de l'eau contenant toutes les autres substances. La récupération du goudron insoluble dans l'eau, souvent appelé goudron de bois ou goudron végétal, est simple - il suffit de le décanter de la phase liquide. Il est utilisé comme antiseptique vétérinaire, comme produit de préservation du bois, pour le calfatage des bateaux, et comme substitut du bitume routier.

En général les quantités disponibles, le prix et les propriétés physiques de ce goudron en font un substitut médiocre au goudron de houille et au bitume dérivé du pétrole pour le revêtement des routes. Il a cependant des débouchés limités pour des usages spéciaux dans l'industrie chimique. Si on ne peut le vendre on peut le brûler comme combustible liquide. Une tonne de bois ne produit toutefois qu'environ 40 kg de goudron, soit un rendement de 4%.

La couche aqueuse contient des goudrons hydrosolubles de composition chimique complexe, de l'acide acétique, du méthanol, de l'acétone, du méthylacétone' et de faibles quantités d'acides plus complexes et autres substances.

12.1.1 Rendement en acide pyroligneux

L'économie de la récupération des sous-produits est conditionnée par le rendement en composants de plus grande valeur, notamment en acide acétique, mais également en mélange méthanol + acétone. Ce rendement varie beaucoup selon l'essence de bois distillée. Les bois à teneur élevée en pentosannes, tels que les hêtres européens (Fagus spp.), donnent un rendement élevé en acide, les eucalyptus un rendement faible à moyen. Les résultats mentionnés par les différents auteurs varient dans de larges proportions. Le rendement dépend non seulement de la variété de bois distillée mais également du type d'installation, de l'efficacité de la condensation et du raffinage des sous-produits, etc. C'est pourquoi' avant de se lancer dans des investissements pour récupérer les sous-produits, il est indispensable de s'assurer des rendements que l'on peut attendre. Par exemple, une usine en Europe travaillant avec du hêtre, à proximité de bons débouchés pour l'acide acétique pur, peut être rentable, tandis qu'une usine travaillant avec de l'eucalyptus ou des feuillus tropicaux mélangés, loin des marchés, et n'obtenant qu'un rendement en acide de moitié, peut être tout à fait non économique. Il faut par conséquent procéder à des essais convenables en vraie grandeur pour déterminer le rendement réel à attendre avec les bois de carbonisation dont on dispose. Une étude de marché sérieuse, et un projet d'usine soigneusement établi sont indispensables. A titre d'indication, on peut prendre comme moyennes pour les bois feuillus décidés de l'hémisphère nord les rendements suivants:

Rendement par tonne de bois sec à l'air

Acide acétique

50 kg

Méthanol

18 kg

Acétone et méthylacétone

8 kg

Goudrons solubles

190 kg

Goudrons insolubles

50 kg

12.1.2 Raffinage de l'acide pyroligneux

Pour récupérer des sous-produits commercialisables à partir de l'acide pyroligneux, il faut une installation de raffinage assez analogue à une petite raffinerie de pétrole, mais construite en acier inoxydable ou en cuivre. Le coût en serait à l'heure actuelle de l'ordre de 5 à 10 millions de dollars, mais il est malaisé de donner un chiffre précis étant donné qu'une telle raffinerie doit être spécialement projetée et réalisée; on ne la trouvera pas toute faite dans le commerce.

L'ensemble ressemble de près, pour ce qui est des installations et de la technologie employée, à une raffinerie de pétrole, mais à très petite échelle. Cependant, à la différence du raffinage de pétrole qui utilise une matière première dont théoriquement 100% a une valeur marchande, dans le raffinage de l'acide pyroligneux on jette 90 ou 95% de la matière première' formée d'eau contaminée et sans valeur commerciale. Tout l'acide pyroligneux, moins le goudron insoluble, doit être évaporé pour séparer le méthanol et l'acide acétique des goudrons solubles. Or l'évaporation de l'eau exige une grande quantité de combustible, et est donc coûteuse. En outre, les produits acides sont très corrosifs, et l'installation doit être construite en cuivre ou de préférence en acier inoxydable, ce qui en augmente considérablement le coût. Les produits sont vendus en concurrence avec ceux de l'énorme industrie pétrochimique, contre lesquels ils ont du mal à lutter. A l'actif, la qualité de l'acide acétique est élevée, et il se vend en général facilement. Mais l'éloignement des débouchés diminue la rentabilité. Bien que les installations de récupération des sous-produits de distillation du bois existantes puissent, avec un fonctionnement continu, être marginalement rentables, il semble peu probable qu'on en construise de nouvelles.

L'avenir verra probablement un certain accroissement de la récupération de goudron en vue de la vente, et l'utilisation des gaz et vapeurs de la carbonisation pour le chauffage des cornues et des chaudières. Quant à savoir comment on pourra y parvenir sans investissements coûteux en équipement, cela reste pour une large part une inconnue.

Le liquide condensé brut est décanté pour séparer le goudron insoluble' qui est généralement vendu sans autre traitement. La phase aqueuse doit alors être traitée pour en extraire trois produits d'intérêt commercial: méthanol + acétone, acide acétique, et goudron soluble. L'acide acétique est celui qui a le plus de valeur. La liqueur est distillée dans une première cornue pour séparer le méthanol et l'acétone, et l'acide acétique, des goudrons solubles. Ceux-ci restent dans le fond de la cornue, et les vapeurs constituées principalement de méthanol + acétone, d'acide acétique et d'eau passent dans une colonne de distillation qui sépare le méthanol brut à 85% contenant de l'acétone du mélange d'acide acétique et d'eau. Le méthanol brut peut être vendu comme solvant.

L'acide acétique est aujourd'hui extrait de la phase liquide au moyen d'un solvant, qui est généralement l'acétate d'éthyle ou l'éther. Ces solvants ne se mélangent pas à l'eau' et enlèvent par dissolution l'acide acétique à la phase liquide, qui n'en contiendra plus que des traces. Après récupération de tout l'acétate d'éthyle ou de l'éther restant dans la phase liquide, celle-ci est éliminée comme déchet; elle peut contenir encore environ 0,1% d'acide acétique. La solution d'acide acétique (environ 3%) dans l'acétate d'éthyle ou l'éther doit alors être traitée pour récupérer le solvant qui sera réutilisé et l'acide acétique pour le vendre. Le solvant est distillé dans une colonne de fractionnement, et l'acide acétique brut (70%), débarrassé de son solvant, est recueilli à la base de la colonne; on le purifié ensuite par distillation fractionnée, à 90% ou plus, selon la demande du marché. Le solvant est réutilisé pour l'extraction d'acide acétique; il y a une petite perte, que l'on compense selon le besoin.

12.2 Récupération des goudrons à petite échelle


12.2.1 Récupération du goudron


La récupération en vue de la vente d'une partie des goudrons produits lors de la carbonisation est possible à petite échelle, et elle est actuellement pratiquée par certains producteurs de charbon de bois.

Les goudrons insolubles sont ainsi appelés parce qu'ils se séparent sous la forme d'une phase noire épaisse lors de la condensation des vapeurs qui se dégagent de la cornue ou du four. L'autre phase du condensat est constituée principalement par de l'eau renfermant de l'acide acétique, du méthanol, de l'acétone, et les goudrons dits solubles qui sont des composés complexes se mélangeant avec l'eau et ne se séparant pas en phase distincte. Le goudron insoluble est le produit connu commercialement sous le nom de goudron de bois ou goudron végétal. Il a une composition chimique complexe, mais il contient en tous cas des composés phénoliques bien déterminés, notamment du gaïacol, qui sont d'utiles antiseptiques et agents de préservation. Le goudron de bois a des usages en médecine vétérinaire, dans la construction navale pour le calfatage, et comme peinture ou mastic de préservation des bois. A l'heure actuelle, dans les pays développés, on lui substitue un certain nombre d'autres substances. Néanmoins, il peut trouver des débouchés dans les pays en développement comme enduit de préservation des bois et comme produit de calfatage; une utilisation comme antiseptique est également possible. Bien qu'on puisse l'utiliser pour le revêtement des routes, ses disponibilités faibles et irrégulières, et le bas prix et les énormes quantités de goudron routier produit par l'industrie de la houille rendent ce débouché peu intéressant; son prix au chantier de carbonisation serait plus élevé que celui du goudron de houille.

On peut utiliser le goudron comme combustible, mais il est généralement plus rationnel de brûler du bois chaque fois que c'est possible, et récupérer le goudron uniquement pour le brûler ne vaut guère l'effort nécessaire. Il est plus intéressant pour d'autres usages.

12.2.1 Récupération du goudron

Le goudron peut se condenser en général chaque fois que les vapeurs se dégageant du four passent dans un conduit métallique. Elles perdent leur chaleur dans l'atmosphère à travers la paroi métallique du conduit, et le goudron se condense sur la surface intérieure. Le conduit doit être incliné, ou de préférence vertical, pour permettre au goudron de s'écouler dans un récipient, sinon son accumulation sur les parois agit comme isolant, et la condensation cesse pratiquement. Il peut se condenser en même temps un peu d'eau acide, mais il est aisé de la séparer du goudron.

Il n'est pas possible de condenser le goudron dans un conduit en briques, parce que celles-ci ont une conductibilité thermique trop faible. Il faut donc des conduits métalliques, et cela exige qu'on dispose de tôle d'acier convenable, et d'ouvriers sachant la travailler. Les deux types de fours les plus appropriés pour la récupération du goudron sont le four métallique transportable et la charbonnière Casamance, ou tout autre type de four ou charbonnière comportant une cheminée métallique. Dans tous les cas il faut modifier les cheminées de façon à permettre au goudron condensé de s'écouler dans un récipient quelconque. Les autres types de fours ou charbonnières ne sont généralement pas modifiés pour récupérer le goudron, soit parce que la fumée ne sort pas par un conduit, comme par exemple dans la charbonnière en fosse, soit parce que la modification serait trop coûteuse et demanderait trop de travail pour en valoir la peine.

La quantité de goudron que l'on peut recueillir ainsi n'est pas considérable. En pratique on peut récupérer de 25 à 35 kg de goudron par tonne de bois sec à l'air. Il est difficile de fixer une valeur, mais on peut raisonnablement admettre un chiffre de l'ordre de 0,50 $ US/kg.


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