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L'introduction d'arbres exotiques

par J. S. BOYCE

Professeur de pathologie forestière, Université de Yale (Etats-Unis)

Les dangers de maladies et d'invasions d'insectes

La septième session de la conférence de la FAO a insisté sur l'extension des facilités accordées par cette Organisation pour l'échange international de graines et de plants forestiers. Il y a lieu de ne pas perdre de vue les dangers inhérents à l'introduction d'espèces exotiques. Certains de ces dangers sont discutés dans cet article, extrait d'une étude destinée à être publiée ultérieurement, que le Professeur Boyce a rédigée pour la FAO en liaison avec le programme de travail de l'organisation pour le boisement.

Dans les grands programmes de plantation, la tendance générale est d'établir des plantations uniformes de conifères exotiques, car la plus forte demande se porte toujours dans le monde entier sur les bois résineux. L'Amérique du Nord est, jusqu'à présent, le seul continent ayant un volume et une variété d'espèces suffisants pour satisfaire à toutes les demandes de ces bois exotiques. De plus, certains conifères d'Amérique du Nord ont une croissance tellement plus rapide que ceux des autres parties du monde qu'il a semblé naturel d'essayer de les installer partout où se fait sentir un besoin de bois résineux.

Ces essences exotiques ne devraient cependant être introduites que si elles correspondent à des besoins précis que ne peuvent satisfaire les espèces spontanées. On doit, en outre, se souvenir qu'il faut de nombreuses années pour acquérir suffisamment de connaissances sur une espèce exotique pour décider si elle peut être ou non installée et propagée avec succès. L'introduction d'espèces exotiques continue à être basée largement sur les tentatives et les erreurs. Les difficultés qu'elle implique résident en premier lieu dans le problème de s'assurer des graines de provenance appropriée, en second lieu dans la difficulté d'un choix convenable de la station, en troisième lieu dans la question de savoir si une espèce exotique sera souhaitable culturalement et commercialement, même dans les meilleures stations de son nouvel habitat.

En utilisant des données numériques concernant le climat et le sol, il devrait, en théorie, être possible de fixer avec certitude les conditions écologiques exactes pour chaque espèce ou pour ses races, si l'espèce en comporte plusieurs, puis de trouver ailleurs des stations convenables et équivalentes sans tenir compte de l'éloignement géographique. En pratique, le temps et les dépenses nécessaires pour opérer ainsi seront peut - être considérés comme prohibitifs. De plus, on peut désirer planter une espèce introduite en peuplements purs, même si cet arbre croît naturellement en mélange. La bonne végétation d'une essence qui pousse normalement en mélange dépend plus ou moins des autres essences, dans certains cas jusqu'au point qu'elle ne pourrait réussir sans elles ou leurs équivalents. Enfin, il est impossible jusqu'ici de juger quels sont les agents pathogènes susceptibles de causer l'échec d'une espèce exotique même si les facteurs climatiques et édaphiques sont favorables.

Il y a trois grands risques provenant des parasites dans l'emploi des espèces exotiques: (1) un parasite peu nocif de l'essence exotique dans son habitat d'origine peut se trouver - - introduit avec elle et devenir très dangereux dans les conditions nouvelles; (2) l'essence exotique peut aussi rencontrer, dans son nouveau milieu, un parasite vis-à-vis duquel elle n'a pas de résistance, de sorte que l'arbre perdra toute valeur; (3) un parasite d'une espèce exotique peut être introduit et être très nocif pour un arbre indigène.

Expérience avec des essences exotiques en Europe

Des arbres, en particulier des conifères, ont été introduits de tout l'hémisphère nord en Europe occidentale et cette région est une source inestimable d'enseignements sur le comportement des essences exotiques. Après plus de deux siècles d'expériences, la majorité des forestiers d'Europe occidentale ont tendance à être pessimistes en ce qui concerne les essences exotiques car ils n'ont pas encore trouvé d'arbres introduits donnant pleine satisfaction, bien que certaines espèces aient, au début, donné de grands espoirs.

L'introduction d'espèces exotiques se justifie dans des pays qui ne possèdent que peu d'essences ayant une valeur commerciale. L'Europe, par exemple, possède relativement peu d'espèces de valeur; certaines de ses régions n'ont aucun conifère spontané atteignant des dimensions suffisantes pour fournir du bois d'œuvre et d'industrie et, dans toute l'Europe, il n'y a, par exemple, pas un seul pin produisant un bois d'une qualité aussi recherchée que le pin Weymouth (Pinus strobus L.). Le seul pin européen du sous - genre Haploxylon est le pin des Balkans (P. peuce Griseb.) que l'on trouve en quantites limitées dans les montagnes de la péninsule balkanique, mais dont le bois est presque aussi lourd que celui du pin sylvestre (P. sylvestris L.). Del pus, les arbres spontanés d'Europe poussent lentement, ce qui a amené à chercher des espèces à croissance plus rapide. Le pin Weymouth pousse plus vite que les conifères d'origine européenne auxquels il a été associé. En Allemagne septentrionale, près d'Eberswalde, l'auteur a vu des sapins de Douglas (Pseudotsuga [Lam.] Br.) de 45 ans, ayant la même taille que des pins sylvestres âgés de 100 ans. Près de Tharandt, des sapins de Douglas de 55 ans avaient un diamètre de 35 à 50 centimètres à 1,30 mètre du sol, exactement deux fois la taille des épicéas communs (Picea abies Karst.) de même âge, en mélange avec eux. En Allemagne méridionale, près de Munich, un sapin de Douglas de 45 ans avait la même hauteur que les sapins pectinés (Abies alba Mill.) de plantation et de régénération naturelles, âgés de 77 ans.

La première espèce exotique qui ait été plantée sur de grandes surfaces en Europe centrale est le pin Weymouth, introduit en 1705. Promettant beaucoup à l'origine et accueilli avec enthousiasme, il a rencontré finalement un agent pathogène imprévisible - la rouille vésiculeuse du pin Weymouth - causé par Cronartium rubicola Fisch., urédinées provenant d'Asie, le résultat étant que l'arbre fut presque abandonné en Europe. Ces dernières années, il retrouve quelque faveur car, dans certaines stations, il n'y a que peu ou pas de groseilliers ordinaires ou à maquereau (Ribes) si bien que l'arbre peut survivre. En fait, là où le champignon de la rouille ne se trouve pas, ou bien là où il n'est qu'un parasite tolérable, l'arbre remplit tout à fait les conditions d'une essence exotique ayant réussi, c'est-à-dire qu'il se maintient par régénération naturelle contre la concurrence des espèces spontanées. La grande variété de sols sur lesquels le pin Weymouth croît vigoureusement en Europe est impressionnante. Tant en Silésie du Nord qu'en Suisse, l'auteur l'a vu prospérant sur de la tourbe pure. En Suisse aussi, il a vu de superbes arbres parvenus à maturité qui s'étaient développés en mélange avec du hêtre (Fagus sylvatica L.), des pins sylvestres et quelques épicéas communs. En Allemagne méridionale, il a examiné des arbres de quatrième génération, les deux premières ayant été plantées et les suivantes s'étant régénérées naturellement.

Après la première guerre mondiale, le sapin de Douglas s'est trouvé en faveur et fut planté sur de grandes surfaces, mais l'enthousiasme a quelque peu diminué depuis lors en raison de la médiocre qualité du bois produit. Le premier agent pathogène qui menaça l'arbre fut le chancre à phomopsis causé par un champignon européen, Phomopsis pseudotsugae Wilson. Ce chancre ne s'est pas révélé aussi sérieux qu'on ne l'avait craint au début, car il est, pour une grande part, lié à la gelée. Le suivant fut le rouge des aiguilles causé par Rhabdocline pseudotsugae Sydow; le champignon responsable venait du pays d'origine de l'arbre mais sa virulence fut apparemment accrue par l'humidité plus forte du climat européen pendant la saison de végétation. Heureusement, seules furent attaquées les formes bleues de cet arbre, formes qui poussent surtout dans les montagnes Rocheuses, tandis que la forme verte qui croît sur la côte, celle qui présente une réelle valeur pour l'Europe, reste indemne. A peu près à la même époque, un aphide, Adelges Cooleyi Gill., attaquant la forme côtière, a causé quelque inquiétude, mais s'est révélé tolérable. La chute des aiguilles due à un adelopus, actuellement maladie dangereuse, causée apparemment par un champignon, Adelopus gäumanni Rohde, qui semble attaquer les trois formes de l'essence, a fait naître des doutes sur l'avenir du sapin de Douglas en Europe. La plantation de cette essence a été abandonnée dans beaucoup de régions de l'Allemagne méridionale, tandis qu'en Suisse elle est uniquement utilisée en mélange, non avec l'idée que de tels peuplements mélangés résisteront à la maladie, mais simplement afin d'avoir d'autres espèces pour prendre la place du sapin de Douglas dans le peuplement si la maladie se révélait aussi catastrophique qu'on le craint aujourd'hui.

En raison des difficultés concernant le sapin de Douglas, il était naturel que l'épicéa de Sitka (Picea sitchensis Bong. Carr.) ait bénéficié d'une faveur accrue et, vers 1935, on a pensé que cette espèce pourrait supplanter le Douglas pour les grandes plantations.

Cependant, en 1939 l'auteur vit aux Pays - Bas le dernier survivant de ce qui avait été une belle plantation d'épicéas de Sitka âgée de 40 ans. En 1935, alors que ce peuplement comptait près de 300 arbres par acre (741 à l'ha), quelques-uns commencèrent à mourir à la suite d'une attaque par un scolytide de l'écorce, Dendroctonus micans Kugel.; l'attaque prit bientôt l'ampleur d'une invasion et, vers 1939, il ne restait plus que 30 arbres par acre (74 à l'ha). Ceux - ci furent coupés à blanc en quelques années. Une attaque semblable de scolytites s'est produite ailleurs, et on doute maintenant que l'épicéa de Sitka puisse atteindre plus de 40 à 50 ans en Europe occidentale. D. micans se trouve naturellement sur l'épicéa commun (Picea abies Karst.) mais ne cause que peu de dommages.

L'épicéa de Sitka est aussi fortement attaqué par un puceron ou aphide, Elatobium (Aphis) abietinum, qui provoque une défoliation considérable dans certaines plantations, mais on ne peut encore faire de pronostics sur la gravité de l'attaque.

Des plantations de la même essence qui ont échoué à un âge allant de 20 à 45 ans, sans qu'aucun agent pathogène en soit responsable, ont été observées en Allemagne, en Suisse et au Royaume-Uni, mais il semblerait que ces échecs tenaient nettement à des stations ne convenant pas à l'essence. L'épicéa de Sitka est exigeant au point de vue écologique et, trop souvent, il a été planté dans des sols défavorables, en des points où la pluviosité annuelle est trop faible, la température trop rigoureuse, ou bien encore où interviennent d'autres facteurs contraires. Malheureusement, les effets néfastes d'une station défavorable n'apparaissent généralement que quelques années après l'installation du peuplement, la croissance étant vigoureuse pendant les premières années. En définitive, l'épicéa de Sitka est mieux adapté au Royaume-Uni, où le climat est plus voisin de celui de son habitat d'origine, qu'à la plus grande partie de l'Europe centrale. Même dans ce cas, il faut choisir avec soin les régions où il doit être installé.

Le sapin de Vancouver (Abies grandis Lind.) est maintenant considéré très favorablement par beaucoup de forestiers dans l'ouest de l'Europe, car il a une croissance rapide et, jusqu'à présent, est exempt de maladie. On pense qu'il peut finalement prendre la place que l'on espérait voir occuper par le sapin de Douglas, puis par l'épicéa de Sitka, aucun d'eux n'ayant répondu aux espoirs du début. Par exemple, au Royaume-Uni, ce sapin pousse plus vite qu'aucun autre conifère.

Cependant, à moins que la pluviosité moyenne annuelle de la station n'atteigne au minimum 50 inches (1.270 mm) sa croissance décline vers 50 ans et les arbres perdent de leur vigueur, même en l'absence de maladie définie. Naturellement, comme ce sapin s'étend sur une vaste étendue géographique dans son aire naturelle, avec des variations prononcées de température et de pluviosité, et comme il existe des races climatiques au sein de l'espèce, il devrait être possible de trouver une race adaptée à un climat plus sec, mais une telle race pousserait probablement si lentement qu'elle n'aurait aucun avantage sur les conifères spontanés d'Europe. Le sapin de Vancouver que l'auteur a vu en Europe appartenait à la forme côtière à croissance rapide.

Des peuplements de ce sapin, plantés en 1894 près de Lausanne (Suisse), meurent lentement depuis 1945, à cause du pourridié causé par l'armillaire couleur de miel (Armillaria mellea [Vahl.] Guel.) et, vers 1950 il semblait probable que les arbres survivants mourraient en quelques années. La sécheresse semblait en être la cause fondamentale, car la pluviosité dans cette station n'atteint que 40 à 50 inches (1010 à 1270 mm) par an et, de plus, les sept ou huit années antérieures à 1950 ont subi un déficit de pluviosité annuelle atteignant 30 pour cent certaines années. Les graves attaques des conifères par Armillaria mellea à la suite d'une sécheresse sont caractéristiques.

Le thuya géant (Thuja plicata D. Don.) est peu répandu en Europe continentale, probablement parce qu'il a eu tant de difficultés au Royaume-Uni, même au début de sa croissance, qu'il tomba vite en discrédit. Le champignon du rouge des feuilles des cupressacées (Keithia thujina Durand.), introduit d'Amérique du Nord avec les arbres, trouvant le climat humide du Royaume-Uni à son goût, a réduit ce thuya à n'être plus qu'un arbre à croissance lente, au moins pendant ses premières années.

Dans le sud de la Suède, une plantation florissante de pins de Banks de 12 ans (Pinus banksiana Lam.) a été ruinée par un champignon (Dasyscypha sp.) qui se présente habituellement comme un saprophyte inoffensif sur les pins sylvestres spontanés. Ce champignon provoquait des chancres déprimés sur la tige principale, juste au-dessus du niveau du sol, et beaucoup d'arbres furent complètement ceinturés.

Le sapin du Caucase (Abies nordmanniana [Steven] Spach.) introduit des contreforts ouest des monts du Caucase, en grande partie comme arbre ornemental, fut suivi par un aphide (Adelges nüsslini Börher). Dans le Caucase, cet insecte ne cause pas de dommages importants à son hôte, mais en Allemagne méridionale, sous un climat relativement plus sec, le parasite est devenu si dangereux que le sapin du Caucase ne peut plus y être cultivé. Cependant, ceci a peu d'importance comparé au fait que l'aphide attaque maintenant si gravement le sapin argenté que les forestiers craignent que ce sapin, principale essence de la célèbre Forêt Noire, doive être abandonné sur de grandes étendues, particulièrement dans les stations situées au-dessous de la limite inférieure naturelle de cet arbre.

Arbres exotiques aux Etats-Unis

Aux Etats-Unis, en raison du grand nombre et de la variété des espèces spontanées, on a peu besoin d'essences exotiques et jusqu'ici elles n'ont été essayées que sur une petite échelle. Dans le Michigan, le pin sylvestre fut attaqué par une rouille vésiculeuse (Peridermium sp.), le pin de l'Himalaya (Pinus excelsa Wall.) a été si endommagé par un chancre auquel était associé Valsa superficialis Nitschke qu'une destruction totale de la plantation était certaine; le pin rouge du Japon (P. densiflora Sieb. et Zucc.) fut considérablement affecté par une descente des cimes causée par Cenangium abietis (Pers.) Rehm, et le pin d'Autriche fut entièrement détruit par la rouille vésiculeuse, Cronartium comptoniae. Dans le nord - est des Etats-Unis, les pins d'Autriche ornementaux sont si susceptibles au dépérissement des rameaux provoqué par Sphaeropsis ellisi Sacc., connu aussi sous le nom de Diplodia pinea (Desm.) Kickx., que ce seul facteur, compte non tenu des autres maladies, enlève toute valeur à cet arbre pour la plantation forestière. Les plantations de pin sylvestre en Pennsylvanie poussent avec vigueur pendant 20 ans, puis dépérissent rapidement par suite de divers facteurs, y compris l'attaque par des champignons. Dans l'état de New York, des plantations de pin sylvestre ont subi des dommages étendus du fait de la cicadelle (Aphrophora parallela Say.) qui a pratiquement tué tous les arbres de plus de 20 ans. Ailleurs dans cet état, cet arbre a été sérieusement attaqué par la rouille cécidogène de Woodgate.

L'épicéa, qui a été souvent planté, ainsi que le mélèze d'Europe (Larix decedua Mill.) ont donné des espoirs dans le nord - est, mais ces espèces ne sont pas plantées depuis assez longtemps pour que l'essai soit concluant. Certaines plantations d'épicéas ont été détruites par le charançon du pin Weymouth (Pissodes strobi Peck), insecte indigène vivant sur Pinus strobus L. Bien qu'en Californie l'eucalyptus soit quelquefois cité comme une espèce exotique ayant réussi, il n'a jamais rempli le but pour lequel il fut introduit, à savoir la production de bois d'œuvre, car les qualités techniques de ce bois à croissance rapide ne sont pas satisfaisantes. Cependant, il est devenu inestimable pour son ombrage et ses qualités ornementales.

Espèces exotiques ayant réussi

Les paragraphes précédents exposent quelques - uns des résultats non satisfaisants d'expériences faites avec des essences exotiques, mais il y a eu aussi des succès.

Les plus grandes réussites obtenues avec des essences exotiques en Europe occidentale ont été fournies par l'épicéa de Sitka et le sapin de Douglas au Danemark et au Royaume-Uni, deux pays possédant peu d'essences spontanées. Le pin sylvestre (Pinus sylvestris L.), par exemple, est le seul conifère commercial spontané au Royaume-Uni qui, du fait de sa saison, de végétation normalement douce et humide, est même plus favorable aux conifères originaires de l'ouest de l'Orégon, de l'état de Washington et de la Colombie britannique que le climat de leur aire naturelle, avec ses longs étés secs. Des hivers doux et humides sont la règle dans ces deux pays.

Cependant, il est à noter que le sapin de Douglas, généralement regardé par les forestiers britanniques comme l'arbre exotique le plus précieux dans les années 20, céda sa place à l'épicéa de Sitka pendant les années 30, en raison des attaques du sapin de Douglas par certains parasites et des qualités médiocres de son bois à grain grossier, à croissance trop rapide. Des difficultés avec quelques plantations d'épicéas de Sitka, dues en grande partie à ce qu'ils avaient été installés dans des stations ne leur convenant pas, ont fait naître, vers 1950, l'idée que le sapin de Vancouver (Abies grandis Lind.) pourrait être le meilleur conifère pour l'avenir.

Jusqu'à présent, le chêne rouge (Quercus borealis Michx.) a donné de bons résultats en Allemagne car il pousse sur des sols un peu plus pauvres que les chênes spontanés. La plupart des peuplements sont encore jeunes, les quelques vieux arbres étant isolés ou en petits groupes. Il existe en France un peuplement installé en 1929 qui se reproduit naturellement maintenant. Le chêne rouge se montre aussi très précieux en Belgique. Le robinier (Robinia pseudoacacia L.) réussit jusqu'à présent en Roumanie où il a été planté sur environ 70.000 acres (28.300 ha) et est réputé bien réussir aussi en Hongrie.

Le mélèze du Japon (Larix leptolepis Gord.) a réussi remarquablement bien dans certaines stations de l'Allemagne méridionale où la pluviosité annuelle est suffisante. Pendant l'été sec de 1934, cet arbre fut gravement atteint dans d'autres parties de l'Allemagne, ce qui a restreint son utilité. On ne sait cependant pas encore si cette espèce se régénérera naturellement en Europe. Pendant les quelques dernières années, on a trouvé dans quelques stations une lésion de l'écorce causée par Phomopsis pseudotsugae Wilson qui sévit sur le mélèze du Japon et se montre nocif; les arbres ne sont pas tués, mais ils présentent, à la base du tronc, de grandes cicatrices qui, plus tard, diminuent la qualité du bois. L'infection se communique par des blessures pendant la période de repos de l'arbre. Etant donné que les lésions de l'écorce font généralement suite à un élagage artificiel, on peut empêcher en grande partie cette infection en élaguant en mai, juin ou juillet, quand les arbres sont dans leur période la plus active.

L'introduction au Royaume-Uni du mélèze d'Europe (Larix decidua Mill.), originaire d'Europe centrale, a relativement bien réussi malgré les dégâts provoqués dans de nombreuses plantations par un chancre dû à Dasyscypha willkommii (Hart.) Rehm. En bonne station, le chancre n'a que peu de conséquences.

Le succès le plus remarquable avec des espèces exotiques a été obtenu en Australie, en Nouvelle - Zélande et en Afrique du Sud, mais, naturellement, il ne s'est pas écoulé un temps suffisant pour en tirer des conclusions. Des pins: Pinus radiata D. Don., P. ponderosa Laws., le pin laricio de Corse (P. Laricio Poir.) et le pin maritime (P. pinaster Sol.) ont été les espèces les plus largement plantées en Australie. Le long de la côte est, dans la région des pluies d'été, P. taeda L., P. palustris Mill. et P. caribaea More, sont les plus prometteurs. P. radiata, le sapin de Douglas, le pin laricio de Corse, P. ponderosa et le pin maritime ont été beaucoup utilisés en Nouvelle - Zélande; P. radiata, P. pinaster et P. patula Schlech et Cham. ont bien réussi en Afrique du Sud, le dernier de ces arbres venant du Mexique. Les espèces énumérées l'ont été à peu près suivant leur ordre d'importance dans chaque pays. Elles présentent toutes une croissance superbe, et même phénoménale pour Pinus radiata, qui produit couramment du bois de sciage en 25 ans.

Tous ces bois sont originaires de la zone septentrionale tempérée où les saisons sont diamétralement opposées à celles de l'hémisphère sud. En conséquence, il a été pratiquement impossible d'introduire ces espèces sous forme de plants vivants, ce qui, en même temps que le degré considérable de défiance qui s'oppose à cette méthode, a permis d'éliminer les agents pathogènes existants sur ces arbres dans leur habitat d'origine. P. radiata en particulier est attaqué par nombre de champignons et d'insectes en Californie où il est spontané. P. radiata et P. patula Schlech. et Cham. possèdent l'avantage supplémentaire d'être des espèces relativement homogènes; ainsi le problème irritant des races ou lignées qui conviennent le mieux, au sein de l'espèce, ne se pose pas impérativement comme cela se produit pour des espèces aussi variables que le pin maritime, le pin laricio de Corse, P. ponderosa et le sapin de Douglas. Bien qu'il soit risqué d'installer des peuplements purs sur d'aussi grandes surfaces, l'opération comporte moins de risques financiers que dans la plupart des peuplements purs, créés artificiellement, en raison de la brièveté des révolutions en Australasie et en Afrique du Sud. Si sérieuse que puisse être une épidémie mortelle, la perte serait cependant beaucoup plus faible que celle résultant des mêmes dommages intéressant des peuplements à la révolution de 50 ans ou davantage.

Cependant, des conifères introduits de l'hémisphère nord dans l'hémisphère sud ne sont pas restés complètement exempts d'insectes ou d'agents pathogènes. Un sirex (Sirex noctilio F.), indigène en Europe, s'est installé en Nouvelle - Zélande depuis au moins 50 ans et y attaque P. radiata et d'autres conifères exotiques. L'insecte infeste habituellement les arbres trop serrés, dépérissants ou morts, mais il est nuisible en hâtant la mort d'arbres qui pourraient être utilisés. Il crée aussi des conditions favorables à la multiplication d'un scolytide européen de l'écorce (Hylastes ater Payk.), qui s'est aussi installé en Nouvelle-Zélande, ce scolytide étant particulièrement nuisible aux semis de pin. On ne peut se rendre compte de toute l'étendue des ravages causés par le sirex que lorsqu'il atteint son aire possible de répartition, de sorte que la densité de sa population peut augmenter rapidement. Bien qu'inconnus encore sur les pins exotiques en Australie, des sirex vivants, à tous les stades de leur développement, furent interceptés dans quelques ports australiens en 1951, dans neuf cargaisons de bois, principalement d'épicéa et de sapin, venant de ports d'Europe.

Le cyprès de Lambert (Cupressus macrocarpa Gord.) donne, dans l'est de l'Afrique, un exemple des deux dangers relatifs à un arbre exotique: (1) un champignon indigène sans gravité devenant pathogène sur une espèce exotique, et (2) un champignon de peu d'importance sur une espèce exotique dans son habitat d'origine causant le dépérissement de l'arbre dans son nouveau milieu. Monochaetia unicornis (C. et E.) Sacc., qui se trouve sous une forme inoffensive sur une espèce spontanée (Juniperus procera Hochst.) est devenu visiblement pathogène sur divers cyprès, y compris le cyprès de Lambert, causant des chancres graves sur les jeunes arbres dans les plantations. Polystictus versicolor, champignon lignivore répandu à peu près dans le monde entier mais localisé sur les arbres morts dans l'habitat d'origine du cyprès de Lambert en Californie, provoque une sérieuse pourriture blanche du bois chez les arbres vivants en Afrique orientale.

Bien que des conifères exotiques aient été plantés sur de grandes étendues en Amérique latine, notamment au Chili, on ne connaît que peu de choses sur leur développement. Quelques champignons, qui provoquent la chute des aiguilles dans l'hémisphère nord, ont été remarqués sur des pins exotiques.

Propagation artificielle des agents pathogènes

La propagation des organismes pathogènes à grande distance est presque invariablement le fait de l'homme et, comme les moyens de transport augmentent en nombre et en rapidité, la chance de dissémination des agents pathogènes augmente parallèlement. Les vecteurs d'organismes pathogènes sont nombreux, mais les plus importants sont les suivants.

Plants vivants

L'expérience a montré que l'échange de plants vivants est extrêmement dangereux; par exemple, le chancre du châtaignier, qui est venu d'Asie aux Etats-Unis sur des plants de pépinière, s'est révélé impossible à maîtriser au point que l'un des feuillus les plus précieux aura pratiquement disparu à bref délai, à moins qu'il ne soit possible de créer des arbres résistants par croisement ou par sélection. Même si l'opération réussit, il ne sera probablement possible de rétablir le châtaignier que sur une petite partie de la superficie boisée qu'il occupait jadis. La perte du châtaignier américain (Castanea dentata [Marsh.] Borkh.) est l'exemple le plus frappant dans les forêts du monde entier de la perte que peut causer un agent pathogène introduit, et une terrifiante leçon sur le danger de l'introduction de jeunes plants venant d'autres pays. Maintenant, l'Europe se trouve en face de la même perspective avec son précieux châtaignier indigène (C. sativa Mill.).

La rouille vésiculeuse du pin Weymouth fut introduite aux Etats-Unis et au Canada par des semis venant de pépinières françaises et allemandes. Bien qu'il soit possible de lutter contre elle en éliminant les Ribes, cette rouille augmente en permanence les frais de culture des pins à cinq feuilles, en Amérique du Nord.

Le cul - brun (Nygmia phaeorrhoea Donov.), destructeur du feuillage de diverses essences feuillues, fut introduit d'Europe aux Etats-Unis sur des plants. L'insecte fut découvert en 1897. Il est maintenant définitivement installé et, dans les régions où une infestation grave se répète d'année en année, il doit être combattu par des pulvérisations onéreuses au DDT.

Bien que cela ne soit pas confirmé, il semble vraisemblable que le rhabdocline causant le rouge des aiguilles du sapin de Douglas fut d'abord introduit en Ecosse par des semis arrachés dans des forêts d'Amérique du Nord; il envahit alors tout le Royaume-Uni à la faveur des expéditions par mer de plants de pépinières ainsi que par les spores disséminées par le vent; il fut ensuite transporté du Royaume-Uni en Allemagne sur des plants et d'Allemagne se répandit dans l'ouest de l'Europe par des plants et aussi par voie naturelle.

L'adelopus responsable de la chute des aiguilles du sapin de Douglas, a probablement suivi le même processus de migration. Ces deux agents pathogènes ont aussi été introduits dans l'est des Etats-Unis de leur habitat d'origine dans l'ouest, sans doute sur des plants vivants, car la distance paraît trop grande pour que des spores à parois assez minces, transportées par le vent, aient pu rester viables pendant ce long trajet.

Parmi les autres organismes pathogènes importés en Europe sur des plants vivants se trouvent l'aphide du sapin de Douglas (Chermes cooleyi Gill.), l'aphide du sapin argenté (Adelges nüsslini Börner), le champignon du rouge des feuilles du thuya (Keithia thujina Durand) et celui du chancre du châtaignier (Endothia parasitica [Murr.] A. et A.). Le champignon du wilt du plaqueminier du Japon (Cephalosporium diospyri Crandall), celui du wilt du mimosa (Fusarium perniciosum f. oxysporum [Hepting] Toole), ainsi que plusieurs insectes ont été probablement introduits aux Etats-Unis sur des plants vivants.

Boutures

Des boutures, bien que n'étant pas d'aussi dangereux vecteurs que les plants entiers, offrent aussi des risques. Il n'y a aucun moyen de stériliser les plants ou les boutures efficacement sans léser gravement ou tuer les tissus. Avec les importants travaux d'amélioration et de sélection des peupliers actuellement en cours en Europe, en Amérique du Sud et, dans une moindre mesure, aux Etats-Unis, qui entraînent des échanges considérables de boutures entre certains pays, il existe un grand danger de disséminer largement des maladies destructrices du peuplier. Des essais récents pour stériliser les boutures de peuplier portant les organismes causant la nécrose des feuilles (Septotinia populiperda Waterman et Cash), le chancre à septoria (Septoria musiva Pk.) et le chancre à Dothichiza (Dothichiza populea Sacc. et Br.) n'ont pas été couronnés de succès. Cependant ce n'est pas uniquement par les végétaux vivants que les facteurs pathogènes peuvent se transmettre. Même, des plantes sèches peuvent être dangereuses. Une rouille des aiguilles du pin sylvestre (Pinus sylvestris L.) fut introduite dans le Wisconsin sur les feuilles d'un laiteron (Sonchus asper [L.] Hill.) avec de l'épicéa commun (Picea abies Karst.) importé d'Europe. La rouille (Colcosporium sonchi - arvensis [Pers.] Lev.) gagna des laiterons vivants, puis des pins sylvestres plantés dans le voisinage immédiat. Heureusement, cette rouille ne s'est pas montrée dangereuse, mais son mode d'introduction est important.

Sol

Des agents pathogènes peuvent être transportés par le sol, ce qui rend le transport des plants doublement dangereux; un organisme pathogène peut se trouver dans la plante ou dans la terre adhérant à ses racines. Une pépinière du New Hampshire resta indemne de fonte des semis pendant de nombreuses années jusqu'à ce que des plants à repiquer fussent apportés d'une autre pépinière. Presque immédiatement apparut un champignon de fonte des semis très nocif et comme les arbres introduits étaient trop âgés pour être touchés, le champignon se trouvait évidemment dans les grumeaux de terre adhérant aux racines. Le transport des plants depuis les pépinières a vraisemblablement pour résultat la propagation d'un champignon du sol provoquant la pourriture des racines. Il est plus difficile à l'examen de déceler des racines malades que des maladies aériennes des plants.

L'introduction de terre d'une autre pépinière pour favoriser le développement des mycorrhizes peut aboutir à la contamination du sol. Il n'y eut jamais de fonte des semis causée par Cylindrocladium scoparium Morg. dans une pépinière du New Jersey jusqu'à ce que de la terre ait été apportée d'une autre pépinière. A partir de ce moment le principal champignon causant la fonte des semis fut C. scoparium.

Autres moyens d'introduction d'organismes pathogènes

Le champignon de la maladie de l'orme (Ceratostomella ulmi [Schwarz] Buisman) fut introduit d'Asie (sans doute son pays d'origine) en Europe pendant la première guerre mondiale, probablement sur des paniers ou des caisses, d'Europe aux Etats-Unis sur des loupes destinées à l'industrie du placage, et d'Europe au Canada probablement sur des emballages. Des sirex ont été récemment interceptés dans des ports australiens sur des bois importés d'Europe.

Le zig-zag (Porthetria dispar L.), si nuisible aux arbres feuillus, a fait sa première apparition aux Etats-Unis en 1869 lorsque des insectes qui avaient été importés d'Europe dans un but expérimental s'échappèrent. Bien que depuis cette époque plus de 100 millions de dollars aient été dépensés pour lutter contre cet insecte, le montant annuel des dommages résultant de la défoliation, de la diminution d'accroissement et même de la mort des arbres qu'elle entraîne, est estimé à un million et demi de dollars aux Etats-Unis.

Bien que les moyens d'introduction des agents pathogènes soient très nombreux - par exemple des œufs d'insectes peuvent être transportés sur n'importe quel objet il n'existe cependant pas de preuve formelle qu'un organisme pathogène dangereux pour les arbres, en particulier pour les conifères, ait été disséminé par des graines. De plus, les graines de conifères peuvent être stérilisées efficacement par des produits chimiques, bien que certaines graines d'essences feuillues ne soient pas faciles à traiter.

Agents pathogènes des peupliers

Il y a des agents pathogènes actuellement connus, et sans doute beaucoup d'autres inconnus encore, qui pourraient être extrêmement nocifs s'ils étaient introduits dans d'autres parties du monde. On travaille beaucoup en ce moment à accroître la production du peuplier, particulièrement en Europe et, à un moindre degré, en Amérique. Les possibilités d'introduire des organismes pathogènes nuisibles aux peupliers sont donc très grandes, étant donné qu'il se fait un large échange de boutures de pays à pays et même d'un continent à l'autre.

L'organisme le plus nocif pour le peuplier, d'après l'expérience de l'auteur, est Pseudomonas syiringae f. sp. populea, connu aussi sous le nom de P. rimaefaciens Koning, et qui provoque un chancre bactérien. Bien que cette bactérie ne soit pas connue en dehors de l'Europe, elle a sérieusement attaqué certains peupliers nord - américains qui y avaient été plantés. Un autre organisme, originaire d'Europe, mais depuis longtemps introduit aux Etats-Unis et au Canada, est un champignon, Dothichiza populea Sacc. et Br., qui provoque un chancre. Aux Etats-Unis, il s'est montré nuisible dans les pépinières et les plantations, mais n'est pas encore apparu dans les peuplements naturels. Deux maladies des peupliers, dont les causes sont inconnues, ont été récemment observées en Europe, tandis qu'un champignon, Septotinia populiperda, causant une nécrose en taches sur des feuilles, existe aussi aux Etats-Unis bien qu'il ait été d'abord découvert en Europe.

Il existe deux champignons pathogènes extrêmement dangereux pour les peupliers aux Etats-Unis et au Canada. Le premier est Septoria musiva Pk. qui cause chez les espèces indigènes une nécrose en taches des feuilles, sans gravité, mais provoque sur les hybrides indigènes et exotiques des chancres si sérieux que des plantations entières sont détruites. L'autre est Hypoxylon pruinatum (Klotsche) Cke. causant un chancre chez les trembles (Populus tremuloïdes Michx et P. grandidentata Michx). On a enregistré dans certains peuplements une mortalité de 70 pour cent. Etant donné la valeur du tremble dans le nord de l'Europe, l'introduction de H. pruinatum pourrait être catastrophique.

Il existe certains organismes pathogènes attaquant le feuillage du peuplier qui peuvent causer des dégâts, par exemple Septotini populiperda déjà mentionné. Les rouilles du genre Melampsora, bien que répandues dans le monde entier, comprennent différentes espèces, souches et hybrides, qui diffèrent suivant la région. Certains peupliers sont si sensibles à ces rouilles qu'ils ne peuvent être utilisés pour la plantation. Taphrina aurea (Pers.) Tr., provoquant une cloque jaune des feuilles, bien que très répandu, présente une virulence fort variable.

Organismes pathogènes attaquant d'autres espèces

Une bactérie, Bacterium salicis Day, qui provoque le «watermark» du saule, qui est en fait un dépérissement mortel, n'est jusqu'à présent connue qu'en Europe. Elle cause tant de ravages chez les saules au Royaume-Uni qu'il semble raisonnable de supposer que, si elle se répandait ailleurs dans le monde, elle causerait des dommages d'égale importance ou même plus graves. Une autre bactérie, B. savastonoi fraxini Tub., provoque une galle chancreuse sur le frêne européen (Fraxinus excelsior L.). Bien qu'elle ne soit connue qu'en Europe, elle représente un danger possible pour les Etats-Unis et le Canada, car le frêne blanc (E. americana L.) spontané dans ces pays, y est sensible, comme l'ont montré des essais d'inoculation artificielle.

Les chênes sont les feuillus les plus précieux dans la zone tempérée nord. Un champignon, Endoconiliophora fagacearum Bretz, mieux connu sous le nom de sa forme imparfaite, Chalara quercina Henry, provoque un «wilt»qui tue actuellement les chênes sur une grande étendue aux Etats-Unis et s'étend rapidement. L'origine de ce champignon est inconnue, mais comme rien de semblable n'a été signalé ailleurs, on doit conclure que ce champignon est une menace latente pour les chênes dans d'autres parties du monde.

L'oïdium du chêne, causé par Microsphaera alphitoides Grif. et Maubl., introduit presque sûrement d'Amérique où il est spontané mais non dangereux, est très nuisible aux chênes indigènes en Europe depuis près de 50 ans. Dans le pays basque français, ce champignon a détruit presque complètement le chêne tauzin (Quercus toza Gill. et Bosc.) indigène. Il faudra le remplacer par le chêne rouge (Q. borealis) et par le chêne des marais (Q. palustris Muench.), tous les deux originaires d'Amérique du Nord et résistants à l'oïdium. Ce champignon représente aussi un danger possible pour les chênes dans les autres parties du monde. Comme il hiverne par ses fructifications sur les feuilles mortes et par son mycélium dans les bourgeons, il peut se transmettre facilement.

Les plantations sont plus sensibles aux agents pathogènes causant la pourriture des racines que ne le sont les peuplements de régénération naturelle. De tels agents pathogènes peuvent être transportés à de longues distances, soit dans les tissus végétaux, soit dans le sol. Il existe deux champignons provoquant la pourriture des racines qui sont particulièrement dangereux, car ils attaquent des hôtes très variés. Helicobasidium mompa Tanaka, que l'on trouve au Japon, attaque 104 espèces de végétaux, comprenant des feuillus et des conifères. Un champignon du sol, Phymatotrichum omnivorum (Shear) Duggar qui, depuis longtemps, est confiné au sud - ouest des Etats-Unis, provoque une pourriture destructrice des racines, tant des feuillus que des conifères. Bien que ce champignon soit apparemment limité dans sa répartition par son besoin de températures élevées, il y a sans aucun doute de nombreux endroits dans le monde où il peut prospérer dans le sud de l'Europe, près de la Méditerranée, par exemple.

Le champignon de la rouille vésiculeuse, Cronartium rubicola Fisher, a, en grande partie, arrêté la plantation de pins exotiques à cinq feuilles en Europe et a augmenté considérablement les frais de culture de ces pins en Amérique du Nord, où ils sont spontanés et où ils ont une grande valeur commerciale, car l'élimination des Ribes, hôte de la forme alternante du champignon, est primordiale pour la production d'un peuplement satisfaisant Il y a d'autres champignons provoquant des rouilles vésiculeuses qui semblent capables de causer de grands ravages en dehors de leur pays d'origine. Dans l'Himalaya, Cronartium himalayense Bagchce se trouve sur le pin des Indes à longues feuilles (Pinus roxburghii Sarg.), son autre hôte étant une espèce de Swertia. Comme le Swertia se trouve en Europe et en Amérique du Nord, ce champignon, s'il était introduit, pourrait causer de sérieux dommages sur les pins du sous - genre Diploxylon. En Europe Cronartium asclepiadenm (Willd.) Fr., connu aussi sous le nom de Peridermium pini (Willd.) Kleb., provoque chez le pin sylvestre une nécrose de la flèche avec hypersécrétion de résine aboutissant à la déformation et à la mort de nombreux arbres. Cette rouille est spécialement dangereuse car elle n'a pas besoin d'avoir d'hôte alternant et l'infection peut se transmettre de pin à pin. On ne connaît pas la réaction d'autres pins du sous - genre Diploxylon vis-à-vis d'elle. Il est probable que la plus dangereuse de toutes est Cronartium harknessii (Moore) Meinecke, fréquente sur Pinus ponderosa Laws. et sur le pin de Murray (Pinus Contorta Lond.) dans l'ouest des Etats-Unis et du Canada; elle provoque de grosses galles globuleuses sur les troncs et les branches. Le champignon a pu gagner l'est des Etats-Unis et le Canada, où, sous le nom de rouille cécidogène de Woodgate, il a attaqué avec violence les pins sylvestres de tous les âges. Les arbres sont tués ou déformés, jusqu'à 18.000 galles ayant été trouvées sur un seul arbre. Si cette rouille était introduite en Europe, les pertes seraient terrifiantes et l'agent pathogène serait extrêmement difficile à combattre puisque, comme il a été dit plus haut, l'infection se transmet directement de pin à pin. Naturellement, quelques arbres lui résistent, mais il faudrait des dizaines d'années pour constituer une population résistante. Pendant ce temps, les peuplements de pin sylvestre seraient décimés.

Le champignon de la rouille courbeuse, Melampsora pinitorqua Rostr., provoque la courbure des pousses des pins sylvestres en Europe, mais est inconnu ailleurs. Cependant, sa forme alternante vit sur des peupliers qui se trouvent partout où croissent des pins du sous-genre Diploxylon.

Il semble que l'insecte le plus dangereux, s'il était introduit ailleurs, serait la nonne (Lymantria monacha L.) qui provoque périodiquement une importante défoliation des conifères, en particulier de l'épicéa commun (Picea abies Karst.) ainsi que du pin sylvestre et à un moindre degré, des feuillus. S'il était introduit aux Etats-Unis, par exemple, cet insecte pourrait faire autant de mal aux conifères que le zig-zag et le cul-brun en font aux feuillus.

Les agents pathogènes précédents sont ceux qui sont bien connus dans leur habitat naturel et qui présentent un danger possible pour les arbres ailleurs dans le monde. Il y a sans aucun doute des agents pathogènes beaucoup plus obscurs ou même inconnus qui seraient capables de causer de gros dégâts dans leur nouvel habitat et sur des espèces d'arbres non accoutumés à eux.

Conclusions

De ce qui précède, on peut conclure que les vicissitudes auxquelles les exotiques sont probablement exposés augmenteront au moins les difficultés et le prix de revient de l'installation de ces espèces dans un nouvel habitat, même si cette installation n'est pas entièrement impossible. On doit être certain que l'arbre introduit présente quelque avantage essentiel sur l'espèce spontanée et donne l'espoir d'une possibilité de succès dans sa culture. L'idéal serait alors de poursuivre un programme expérimental de plantation bien établi et à long terme. Un premier espoir ne doit pas être admis comme une garantie pour l'avenir et suivi de vastes plantations, car cette méthode recèle des possibilités de pertes déraisonnables. En fait, jusqu'à la fin de la première révolution, on ne peut prédire raisonnablement le succès d'un exotique, et même alors l'essai n'est pas concluant. Il est important que toutes les races, dans une espèce variable, soient soumises à la même expérience de longue durée, car du point de vue biologique, les différences de variétés et de races dans une espèce variable peuvent être plus grandes que les différences entre espèces.

Les exotiques ne sont pas tous condamnés d'avance à l'échec mais, pour chacun d'entre eux, la chance d'insuccès semble beaucoup plus grande que celle de succès,


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