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Classification climatologique et foresterie

par C. W. THORNTHWAITE et F. KENNETH HARE1

1 C. W. Thornthwaite est Directeur du Laboratoire de climatologie de Centerton, New Jersey (Etats-Unis), et Président de la Commission de climatologie de l'Organisation météorologique mondiale; F. Kenneth Hare est Président de la Section de géographie de l'Université McGill, Montréal (Canada).

Les climats, comme presque toutes les autres entités variables, peuvent être classés. Mais il importe de se rendre compte que la taxonomie du climat n'est pas la même que celle qui groupe les organismes vivants depuis l'espèce et le genre jusqu'au phylum. Quel que puisse être le désaccord entre biologistes sur la définition de l'espèce, il est hors de doute que le monde vivant peut être divisé en groupes qui, dans l'ensemble, sont distincts les uns des autres; entre les genres Abies et Picea, il existe des différences de morphologie, de physiologie et de caractères génétiques qui sont trop marquées pour être négligées. Mais il n'est pas nécessaire que les différences qui séparent les climats soient aussi accentuées. Au contraire, un climat tend à se relier à un autre par une transition continue. Nous ne rencontrons que rarement des frontières climatiques qui soient aussi nettes, par exemple, que la différence existant entre Pinus et Taxus.

En fait, la seule analogie valable est celle qui existe entre la classification des climats et celle des sols ou de la végétation naturelle; des prairies, on passe normalement à la forêt par un vaste écotone de parc ou de savane. Il est difficile de classer rationnellement un complexe naturel tel que le sol ou la végétation; cependant, une telle classification est indispensable, et s'adapte par retouches successives à la réalité. Il est hors de doute qu'une «forêt de conifères» est une entité réelle, si difficile soit-il de définir ses frontières. Il en est de même du climat. En raison des variations géographiques complexes du climat, il est indispensable d'identifier les types climatiques et leurs équivalents géographiques que sont les régions climatiques. Le but d'une classification climatique est de fournir une description concise des divers types climatiques, exprimée en fonction des facteurs réellement déterminants du climat, avant tout l'humidité et la chaleur. La valeur de toute classification dépend, en premier lieu, de la précision avec laquelle des régions climatiques sont identifiées et circonscrites et, en deuxième lieu, du choix judicieux des paramètres numériques permettant de définir leurs frontières et aussi de préciser les conditions qui règnent à l'intérieur de ces frontières.

Le forestier et le sylviculteur ont des motifs évidents de s'intéresser à cette question. On a l'habitude, depuis de longues années, de considérer la végétation naturelle et le sol comme des fonctions complexes du climat, que ce soit à l'échelle continentale (comme dans les formations du climax d'après Clément) ou à l'échelle purement locale, là où le concept de station est applicable. C'est un fait maintenant bien établi que la répartition de la végétation forestière est fonction de certaines actions climatiques externes et que les forêts ont elles-mêmes une influence primordiale sur les caractéristiques des microclimats, et même des macroclimats. Mais pour la FAO, la question de la classification climatique prend une importance d'autant plus pratique que cette Organisation s'intéresse aux plantations d'arbres, en particulier à celles d'essences exotiques. La Commission des forêts pour l'Asie et le Pacifique, au cours de sa deuxième session à Singapour, du 1er au 13 décembre 1952, a demandé à l'Organisation météorologique mondiale, par l'intermédiaire du Directeur de la Division des Forêts de la FAO, de recommander un plan uniforme de classification climatique...

«... fondée sur les rapports entre le climat et la végétation... Une classification et une carte de ce genre seraient d'une grande utilité pour les services forestiers de nos gouvernements Membres, en ce qui concerne la sélection d'espèces exotiques pour les plantations expérimentales2

2 Organisation météorologique mondiale, Commission de climatologie, Rapport final abrégé de la première session, Washington, 12-15 mars 1953. Genève (Suisse), 1953, p. 45.

En 1954, la huitième session de la Conférence générale de l'UNESCO, à Montevideo, discuta un programme de recherche pour les zones tropicales humides. Le programme et le budget proposés pour 1955 et 1956 comportent les recommandations suivantes:

«L'établissement de cartes des régions tropicales humides, indiquant notamment les régions soumises à des conditions climatiques semblables, apparaît comme un préliminaire indispensable à l'exécution du programme projeté3

3 UNESCO, Projet de programme et de budget pour 1955 et 1956, présenté à la Conférence générale lors de sa huitième session, Montevideo, novembre-décembre 1954. Par. 86. p. 66.

L'intérêt ainsi manifesté par différentes institutions des Nations Unies montre simplement que, de plus en plus, tous les pays se rendent compte qu'il est nécessaire de disposer de données précises et détaillées sur les climats.

Les auteurs du présent article doutent qu'il existe actuellement une classification méritant d'être adoptée comme norme. Il sera peut-être nécessaire d'attendre longtemps avant que l'on puisse parvenir à une solution qui ressemble à une norme. Mais un exposé des méthodes existantes peut être utile: c'est l'objet de cet article.

Historique sommaire

Les premiers essais de classification climatique, dans l'acception moderne du terme, remontent au milieu du XIXe siècle et sont dus principalement à des naturalistes et à des biologistes. Depuis le début, l'initiative d'une telle classification repose sur les biologistes, et c'est d'eux, qui se consacrent à l'étude du manteau vivant du globe, que viennent la plupart des systèmes actuels de classification. Les deux auteurs du présent article ont publié un exposé de cette première période, accompagné de nombreuses citations, aussi n'en donnerons-nous ici qu'un résumé4. En 1866, A. Grisebach publia la première carte importante du globe montrant les différentes zones de végétation. Paraissant peu de temps après la publication, par le grand botaniste Alphonse de Candolle, de ses vastes recherches sur les facteurs agissant sur la répartition des essences végétales, la tentative de Grisebach d'établir une classification de la végétation devait inciter tous ceux qu'intéressaient les questions de climat à rechercher les liens pouvant exister entre les données thermiques ou pluviométriques et la répartition de la végétation sur le globe. En même temps, les biologistes se livraient à d'importantes recherches concernant les effets du climat sur la phénologie, la croissance et le développement des espèces végétales. Les monographies de Carl Linsser constituent l'œuvre principale de cette période; son travail, consacré aux effets de la température sur la phénologie et des précipitations sur la végétation, le conduisit à diviser le monde en zones climatiques, et il fut le premier à tenter une véritable classification des climats en prenant pour point de départ les zones de végétation. Plus tard, Candolle publia une classification physiologique des végétaux, fondée sur leur adaptation au climat, et dans laquelle apparurent pour la première fois des termes maintenant familiers, tels que «mégathermique», «xérophile», «mésothermique» et «microthermique».

4 C.W. THORNTHWAITE, «Problems in the classification of climates», The Geographical Review, Vol. 33, N° 2, pp. 233-255.

F.K. HARE, Climatic Classification, The London Essays in Geography, compilé par L.D. Stamp et S.W. Wooldridge, Harvard University Press, Cambridge, 1951, pp. 111-134.

Ainsi, dès 1875, l'idée que les climats pouvaient être classés suivant le type de végétation ou la réaction physiologique qu'ils produisaient était bien établie. Mais c'est à un biologiste qualifié de St-Pétersbourg, Wladimir Köppen, que revient l'honneur d'avoir repris cette idée et de l'avoir mise au premier plan, où elle est restée depuis. L'intérêt de Köppen se porta sur la climatologie, où il fit autorité pendant environ 60 ans et aujourd'hui sa classification des climats reste encore en usage parmi les géographes. Son premier travail sur la chaleur et la croissance des végétaux était dans la tradition de Linsser et de Candolle, mais il s'attaqua bientôt au travail objectif de définition des zones climatiques du globe. Sa formation première et sa connaissance approfondie des travaux d'Oscar Drude et de Grisebach fit naître en lui l'idée que les végétaux pourraient servir d'intégrateurs des divers éléments du climat, et que leur répartition pourrait servir à identifier les régions climatiques. Par la suite, cette idée domina l'œuvre de toute sa vie et les conceptions de toute une génération de climatologistes.

TABLEAU 1. - ZONES CLIMATIQUES DU GLOBE

Climats

Symbole

Nomenclature de Köppen

Zone équivalente de Candolle

Limites climatiques

Végétation arborescente1



A

Tropicale pluvieuse

Mégathermique

Température des mois les froids supérieure à 18° C.

C

Tempérée chaude

Mésothermique

Mois les plus froids entre -3° C et 18° C.

D

Boréale

Microthermique

Mois les plus froids au dessous de -3° C. Mois les plus chauds au-dessous de 10° C.

Neige2

E

Neige

Hékistothermique

Mois les plus thermique chauds au-dessus de 10° C.

Aride3

B

Aride

Xérophile

Precipitation annuelle inférieure à R4.

1 Recevant une précipitation suffisante pour la végétation forestière.
2 Trop frais pour une végétation arborescente.
3 Trop sec pour une végétation arborescente.
4 Voir définition plus loin.

Köppen présenta sa classification pour la première fois en 1900, et la modifia ensuite fréquemment et profondément jusqu'à sa dernière communication qui parut en 1936. Partant des régions ou zones de végétation de Candolle, il s'efforça de trouver la correspondance climatique de leurs limites, recherche qu'il poursuivit jusqu'à sa mort. Sa première division de la surface du globe comportait, conformément à celle de Candolle, cinq grandes zones caractérisées par certains facteurs de température et de précipitation. Pour employer les termes de Köppen, ces cinq zones comprennent un «climat aride», un «climat à neige», et trois «climats à végétation arborescente», figurant au tableau 1. Donc, les limites de Köppen ne sont essentiellement que les moyennes des valeurs directement observées des éléments du climat. Les climats «secs» (B) sont ceux dont la précipitation annuelle est inférieure à une certaine valeur dépendant de la température annuelle moyenne. Köppen utilisa différentes formules pour déterminer cette précipitation critique (R). En 1928, il adopta, comme formule définitive, l'expression:

R = 0,44 (T - k)

dans laquelle T = est la température annuelle moyenne, et

k = une constante dont la valeur est déterminée par la concentration saisonnière des précipitations.

Les stations dont les précipitations dépassent R appartiennent donc au groupe humide, qui comporte à la fois des climats à végétation arborescente et à neige. Les simples valeurs des températures moyennes pour les mois les plus froids et les plus chauds les séparent en groupes A, C, D et E. Les climats fondamentaux sont ensuite subdivisés suivant la répartition saisonnière des précipitations et la température, en utilisant, là encore, les moyennes des simples mesures de ces grandeurs.

Bien qu'il ait été largement utilisé, le système de Köppen ne donna jamais entière satisfaction et il est tout à fait inefficace en tant que méthode de classification des climats forestiers. En premier lieu, c'est un instrument primitif et peu précis; les régions qu'il définit sont vastes et peu maniables, et ne correspondent réellement pas aux grandes divisions de la végétation terrestre. Il est également sans intérêt d'essayer d'ajuster les limites régionales en changeant leurs valeurs numériques, comme on l'a souvent fait. L'emploi exclusif que fait Köppen des valeurs de la température et des précipitations pour défie* ces limites n'atteint pas le but qu'il se propose, et il en est ainsi pour toutes les méthodes élaborées par ses imitateurs et apologistes. Le fait qu'une certaine isoplète de la température moyenne de l'air coïncide avec les limites d'une zone édaphique ou botanique est, en général, fortuit. Un système efficace doit s'efforcer de répondre aux questions suivantes: Quels sont les processus réels et actifs de l'action déterminante du climat? Comment trouver les paramètres convenables pour ces phénomènes?

Phénomènes climatiques

Le climat d'une localité, envisagé au point de vue statistique, est souvent simplement considéré comme un «temps moyen», ce qui est essentiellement un point de vue de météorologiste. Le climat, considéré sous l'angle des phénomènes physiques, doit plutôt être conçu comme l'interaction complexe de la végétation et de l'atmosphère à la surface de la terre, spécialement si elle est exprimée par des échanges d'énergie, d'humidité et de force vive entre le sol et l'atmosphère. Nous croyons qu'une classification établie sur une base rationnelle, réellement utile pour l'étude de la végétation, devrait chercher ses paramètres dans ces échanges complexes et non dans les données brutes des observations météorologiques.

Dans la nouvelle classification climatique proposée par Thornthwaite en 1948, une place importance est réservée à l'évaporation naturelle, ou évapotranspiration, pour lui donner le nom qu'elle mérite de porter sur un continent couvert de végétation. Le principal paramètre de la classification de Thornthwaite est un potentiel climatique dérivé du régime thermique, l'évapotranspiration virtuelle. Pour justifier le rôle capital attribué à ces grandeurs, une disgression est maintenant nécessaire sur la nature de l'évaporation à la surface d'un sol, une grande confusion existant sur ce point dans les publications des écologistes et des phytophysiologistes.

L'évaporation - changement d'état de l'eau de liquide en vapeur - représente le transfert d'une importante masse entre le sol et l'atmosphère, phénomène inverse de la précipitation dans le cycle hydrologique. Mais elle constitue également un agent important de transfert d'énergie, car une grande quantité de chaleur est indispensable pour provoquer l'évaporation, et se trouve ensuite transférée dans l'atmosphère avec la vapeur sous forme de chaleur latente. L'évaporation naturelle est donc bien plus que le phénomène inverse de la précipitation; c'est également un courant opposé au flux des radiations provenant du soleil et de l'atmosphère et qui échauffe la surface du sol. Un seul paramètre, évaporation mesurée ou valeur virtuelle calculée, exprime donc en même temps deux des principaux échanges entre la terre et l'atmosphère.

L'évaporation terrestre naturelle, qu'elle provienne de l'évaporation des étangs, lacs et rivières, des précipitations interceptées par les feuilles et les tiges des plantes, de plantes, de l'évaportion directe de la surface du sol, ou de la transpiration des tissus des plantes vertes, ne peut se produire que lorsque la tension de vapeur de l'air ambiant est inférieure à la tension de vapeur au niveau de la surface d'évaporation, et ne peut se poursuivre que tant qu'il existe une source externe d'énergie. La mesure de l'évaporation présente beaucoup de difficultés. Les appareils tels que l'atmomètre à bulbe poreux ou le bac d'évaporation sont d'une faible utilité pour estimer l'évapotranspiration. Ils mesurent plutôt arbitrairement une certaine fonction du pouvoir d'évaporation de l'air au niveau d'exposition. Mais il n'existe aucune relation étroite entre cette fonction et le flot ascendant réel de vapeur à partir de la surface du sol environnante. Pour mesurer l'évaporation naturelle, l'instrument doit représenter le plus fidèlement possible les conditions naturelles de surface, d'exposition, d'albedo5, et d'alimentation en eau, ou bien il doit être conçu pour mesurer le courant réel d'humidité allant du sol vers l'atmosphère, comme un compteur électrique mesure l'électricité consommée6. Il n'existe actuellement que deux moyens pratiques de mesurer l'évaporation à l'aide d'instruments dans les conditions naturelles: la méthode du «transport de vapeur» utilisant les valeurs mesurées de la vitesse du vent et de l'humidité à deux niveaux différents, et la méthode utilisant des récipients remplis de terre ou évapotranspiromètres. La méthode du «transport de vapeur» n'est pas encore parfaitement entrée dans la pratique par suite des difficultés d'observation, mais des évapotranspiromètres ont été installés en beaucoup de parties du monde et l'on dispose maintenant des résultats d'observations poursuivies depuis plusieurs années7. Le problème qui consiste à mettre au point un évapotranspiromètre qui puisse fonctionner sous un couvert d'arbres n'a pas encore été résolu. Toutefois, on peut noter en passant que le débit des cours d'eau drainant un bassin de réception où le volume des précipitations est connu donne une mesure indirecte de l'évapotranspiration, malgré le long délai qui sépare l'accumulation de l'excédent des précipitations et son écoulement du bassin de réception.

5 Voir ci-après l'explication de ce terme.

6 C.W. THORNTHWAITE et BENJAMIN HOLZMAN. «Measurement of Evaporation from Land and Water Surfaces». U.S. Department of Agriculture Technical Bulletin, N° 817 1942. C.W. THORNTHWAITE, H. G. WILM et autres. «Report of the Committee on Evaporation and Transpiration». Trans: Amer. Geophys. Union, Vol. 27, N° 5, 1946, pp. 721-723.

7 J.R. MATHER. «The Measurement of Potential Evapotranspiration». The Johns Hopkins University Laboratory of Climatology, Seabrook (New Jersey), Publications on Climatology, Vol. VIII, N° 1, 1954.

On peut tirer certaines conclusions de l'inventaire, qui s'enrichit constamment, des mesures d'évaporation. Il est clair que l'évapotranspiration dépend:

a) de l'apport extérieur d'énergie à la surface d'évaporation, principalement par les radiations solaires;

b) de la capacité de l'air à évacuer la vapeur, c'est-à-dire de la vitesse du vent, du régime de turbulence et de la décroissance de la concentration de vapeur avec l'altitude;

c) de la nature de la végétation, particulièrement en ce qui concerne son pouvoir de réflexion des radiations incidentes, la mesure dans laquelle elle couvre complètement le sol, et la profondeur de son système radiculaire;

d) de la nature du sol, et tout spécialement du volume d'eau disponible dans la rhizosphère.

Parmi ces quatre conditions, les influences météorologiques a) et b) plus importantes que les influences biotiques et édaphiques c) et d), assertion qui surprendra beaucoup de forestiers. En fait, a) et b) sont étroitement liés, car, dans une large mesure, le régime de turbulence des couches inférieures de l'atmosphère dépend des mêmes processus d'échanges de radiations et de matière qui fournissent l'énergie nécessaire à l'évaporation. De même c) et d) sont étroitement liés.

Il n'y a pas de doute que a) est l'élément le plus important de l'ensemble. L'évaporation naturelle exige la chaleur latente de vaporisation et, dans la pratique, celle-ci provient principalement des radiations solaires incidentes. Une partie des radiations est réfléchie par la surface, le pourcentage de perte étant désigné sous le nom d'albedo. Une partie sert à chauffer le sol; une autre partie engendre les mouvements de convention de l'air; le reste est utilisé pour l'évapotranspiration.

Les différents types de végétation ont un pouvoir différent d'évapotranspiration parce qu'ils absorbent des quantités différentes de radiations solaires. Angström a donné les valeurs suivantes de l'albedo pour quelques milieux différents, tels que les prairies de graminées, 0,26, les chênaies, 0,175, les pinèdes, 0,148. La pinède pourrait donc absorber une quantité d'énergie supérieure de 16 pour cent à celle qui est absorbée par la prairie, mais la proportion utilisée par l'évapotranspiration varie dans des limites plus étroites. La plupart des surfaces consacrées à l'horticulture ordinaire et aux grandes cultures absorbent à peu près autant d'énergie solaire que les prairies. Certains types de forêts peuvent avoir un albedo supérieur à celui des prairies, quoi que nous ne possédions aucune indication à ce sujet; s'il en est ainsi ils transpireraient moins que la prairie.

8A. ÅNGSTRÖM. L'albedo de différentes surfaces terrestres, Geografiska Annaler, H. 4, 1925, pp. 323-342.

Une prairie peut facilement consommer 80 pour cent des radiations incidentes nettes pour l'évapotranspiration lorsque le sol est humide et des futaies âgées ne peuvent pas transpirer beaucoup plus. Le tableau 2 montre la répartition de l'énergie disponible au cours d'une période d'expériences en août 1953, dans les prairies du Nebraska (Etats-Unis)9.

9 C.W. THORNTHWAITE et autres. «Micrometeorology of the Surface Layer of the Atmosphere, the Flux of Momentum, Heat, and Water Vapor». The Johns Hopkins University Laboratory of Climatology, Publications in Climatology, Vol. VII, N° 2, 1954.

Lorsque le sol de ces prairies était humide, plus de 80 pour cent de l'énergie disponible ont été utilisés pour l'évapotranspiration, contre 14 pour cent seulement deux semaines plus tard, lorsque le sol fut partiellement asséché. En d'autres termes, sur un sol humide, une prairie est un agent d'évaporation extrêmement efficace. La végétation forestière ne peut faire beaucoup mieux; car, même si toute l'énergie est utilisée pour l'évapotranspiration, le flux total ne peut s'accroître que de 25 pour cent. Les types de forêts ayant un albedo inférieur à celui des pâturages absorberont donc plus d'énergie et en auront une plus grande réserve pour l'évapotranspiration. Mais la différence est peu importante.

TABLEAU 2. - RÉPARTITION DE LA CONSOMMATION D'ÉNERGIE ENTRE LA CONVECTION, L'ÉVAPOTRANSPIRATION ET L'ACCUMULATION DANS LE SOL, ET TENEUR EN EAU DU SOL, DANS LES PÂTURAGES D'O'NEIL, NEBRASKA (E.-U).

Date

Chaleur utilisée pour la convection (C)

Chaleur accumulée dans le sol (S)

Chaleur utilisée pour l'évapotranspiration (E)

Total C + S + E

E/C + S + E

Humidité utilisable dans le sol jusqu'à 45 cm de profondeur

cal/cm2

%

cm

13-14 août

56,3

29,7

377,2

463,2

81

4,2

18-19 août

59,1

-4,8

287,8

342,1

84

3,6

22 août

98,4

19,0

216,2

333,6

65

3,0

25 août

181,9

41,5

131,8

355,2

37

2,7

31 août

242,3

28,3

44,5

315,1

14

1,9

L'idée que la végétation forestière, dans une atmosphère humide, diffère peu des pâturages, quant au pouvoir d'évapotranspiration, surprendra beaucoup de lecteurs. La littérature technique est remplie de comptes rendus sur le taux de transpiration excessivement élevé des arbres isolés, croissant dans des pâturages ou au bord des rivières, et des plants en pots ont également fourni des taux élevés. Mais on peut démontrer qu'il est impossible à un vaste peuplement de maintenir ces taux car la dépense d'énergie nécessaire serait considérablement supérieure à l'énergie disponible. Un arbre isolé peut bénéficier d'un supplément d'énergie en absorbant les radiations réfléchies et la chaleur transportée par l'air, ce qui est impossible à un peuplement.

C'est en période de sécheresse, lorsque l'humidité superficielle du sol est en grande partie épuisée, que les forêts à enracinement profond peuvent avoir un avantage sur les prairies, car elles peuvent puiser dans les couches plus profondes du sol et pourvoir ainsi plus longtemps aux besoins de leur feuillage. Mais sur les autres points, le facteur météorologique domine, et l'influence du type de végétation est d'importance secondaire. Nous sommes dans le domaine de la logique du principe de la conservation de l'énergie; elle n'admet guère de discussion.

Il faut mentionner l'interception, qui a une importance considérable dans les forêts. Du point de vue du climatologiste, il importe peu que l'eau évaporée par une plante provienne du sol en passant par le système radiculaire, ou soit simplement de la pluie interceptée. Ces deux processus exigent la même quantité d'énergie, et tous deux constituent l'évapotranspiration. Il est vrai que l'eau interceptée n'aura pas figuré dans la physiologie de la plante; mais en supposant que l'humidité du sol n'ait pas été épuisée, l'énergie utilisée à évaporer l'eau interceptée aurait alors été utilisée à évaporer l'eau transpirée. En d'autres termes, l'eau interceptée n'est pas perdue pour la plante; elle allégera le prélèvement subi par l'humidité du sol.

GRAPHIQUE 1. - Courbe des précipitations et de l'évapotranspiration dans quatre stations données: Manhattan, Kansas (Etats-Unis)

GRAPHIQUE 1. - Courbe des précipitations et de l'évapotranspiration dans quatre stations données: Chapingo (Mexique)

GRAPHIQUE 1. - Courbe des précipitations et de l'évapotranspiration dans quatre stations données: Manaos (Brésil)

GRAPHIQUE 1. - Courbe des précipitations et de l'évapotranspiration dans quatre stations données: Seattle, Washington (Etats-Unis)

Pour résumer ce qui précède, on peut affirmer que l'évapotranspiration est le processus-clé des échanges entre la terre et l'atmosphère. Tout système sérieux de classification climatique de régions de forêt ou de prairie doit nécessairement chercher à exprimer ce phénomène et à l'utiliser comme paramètre principal. Même le rudimentaire facteur d'aridité de Köppen comme ceux de Lang, de Martonne, de Szymkiewicz, d'Emberger et d'autres, sont des tentatives pour exprimer l'équilibre entre les précipitations et «l'évaporation», mais manquent de clarté sur le sens réel donné au terme évaporation. Cependant, l'importance attribuée par ces auteurs à l'évaporation ne tenait compte que de l'échange de matière; l'eau évaporée était de l'eau perdue pour le sol, qui devait être alimenté à nouveau. Toutefois, le rôle de l'évaporation dans l'équilibre énergétique de la surface est également important, et c'est cet aspect qui est souligné ici à cause de sa nouveauté.

Les précipitations peuvent facilement être mesurées à l'aide de pluviomètres et sont enregistrées dans la plupart des régions habitées du monde. Toutefois, il n'est pas facile de mesurer l'évapotranspiration; en fait, aucun service météorologique dans le monde ne détermine encore cet élément important et le peu que nous savons sur sa répartition a été reconstitué à l'aide d'observations éparses. Toutefois, on se heurte à tant de difficultés qu'il est toujours nécessaire de se référer à d'autres données climatiques pour pouvoir déterminer la répartition de l'évapotranspiration virtuelle.

Les mesures les plus sûres de l'évaporation et de la transpiration qui peuvent être rapprochées des éléments climatiques, afin d'obtenir une relation empirique valable et pratique, sont basées sur les données mensuelles ou saisonnières des systèmes d'irrigation ou de drainage et sur des observations quotidiennes recueillies à l'aide de bassins d'évapotranspiration utilisés avec précaution. Thornthwaite a constaté que lorsque des corrections sont apportées pour les variations diurnes, il existe une relation étroite entre la température moyenne et l'évapotranspiration virtuelle. Grâce à l'étude des données qu'il avait à sa disposition, il a établi une formule qui permet de calculer l'évapotranspiration virtuelle pour tout point dont on connaît la latitude et dont les températures ont été enregistrées. Nous avons donné ailleurs cette formule, ainsi que la manière dont on peut l'appliquer10. On cherche actuellement, dans plusieurs pays, à établir une nouvelle formule basée sur des principes physiques; en attendant, la formule empirique actuelle est généralement utilisée dans diverses études concernant le bilan hydrique.

10 C.W. THORNTHWAITE. «An Approach Toward a Rational Classification of Climate». The Geographical Review, Vol. 38, 1948, pp. 55-94.

Classification de Thornthwaite de 1948

La première classification universelle des climats de Thornthwaite fut publiée en 1931-3311. Elle différait des tentatives antérieures d'autres chercheurs en ce qu'elle assignait le rôle principal au facteur humidité.

11 C.W. THORNTHWAITE. «The Climates of North America According to a New Classification». The Geographical Review, Vol. 21, 1931, pp. 633-655.

«The Climates of the Earth». Idem, Vol. 23, 1933, pp. 433-440.

En 1948, il proposa un système entièrement nouveau fondé principalement sur les idées qui viennent d'être exposées12. Il plaçait au centre de cette nouvelle classification l'évapotranspiration virtuelle (PE), qu'il définissait comme l'évapotranspiration que produirait une surface couverte de végétation si les conditions d'humidité du sol étaient suffisantes pour une transpiration illimitée. Depuis cette première publication, des travaux sont poursuivis sur ce système, non seulement par les auteurs de cet article, mais encore par des climatologistes, des biologistes et des agronomes du monde entier. Certaines améliorations ont été mises au point et adoptées et d'autres sont en vue.

12 C.W. THORNTHWAITE. «An Approach Toward a Rational Classification of Climate». The Geographical Review, Vol. 38, 1948, pp. 55-94.

Lorsque l'évapotranspiration virtuelle est comparée à la précipitation, en tenant compte de l'eau accumulée dans le sol et de ses utilisations ultérieures, les périodes de déficit ou d'excédent d'humidité sont clairement mises en évidence et l'on parvient à comprendre l'humidité ou l'aridité relatives d'un climat. Dans certaines stations, les précipitations sont toujours supérieures à l'évapotranspiration, de telle sorte que le sol est toujours saturé d'eau et qu'il existe un excédent d'eau (s). En d'autres endroits, mois après mois, les précipitations sont inférieures à l'évapotranspiration virtuelle, il n'y a pas assez d'humidité dans le sol pour les besoins de la végétation, et il se produit un déficit d'humidité (d). Les stations qui possèdent à la fois des saisons humides et sèches, ou bien des saisons froides au cours desquelles les besoins en eau sont peu élevés, montrent normalement:

a) une période d'accumulation totale, lorsque les précipitations dépassent les besoins en eau et que les excédents d'humidité (s) s'accumulent;

b) une saison d'assèchement, au cours de laquelle l'eau accumulée dans le sol et les précipitations sont utilisées pour l'évapotranspiration; les réserves d'eau diminuent constamment, l'évapotranspiration réelle devient inférieure à l'évapotranspiration virtuelle, et il se produit un déficit d'humidité (d);

c) une saison d'humidification, au cours de laquelle les précipitations dépassent à nouveau les besoins en eau et où la réserve d'humidité du sol se reconstitue.

Les valeurs de s et d peuvent être calculées au cours de l'établissement du bilan.

On admettait à l'origine, pour faciliter les calculs, que la rhizosphère contenait une réserve de 10 centimètres d'eau lorsque le sol était saturé, et que la vitesse d'utilisation de cette humidité se maintenait à sa valeur théorique jusqu'à épuisement. En fait, on sait que la capacité de rétention utilisable par les racines peut dépasser de beaucoup 10 centimètres, et que, au fur et à mesure que l'humidité du sol est utilisée, la vitesse d'évapotranspiration diminue. Des travaux récents13 amènent à penser que les plantes âgées à enracinement profond disposent d'au moins 30 centimètres d'eau dans la plupart des sols normaux et que la vitesse d'évapotranspiration, qui diminue avec l'assèchement du sol, est proportionnelle à la quantité d'eau contenue dans le sol. Lorsque l'humidité du sol est réduite à 50 pour cent de sa capacité, la vitesse réelle d'évapotranspiration n'atteint que 50 pour cent de la vitesse théorique possible. Bien que les deux procédés donnent des valeurs à peu près comparables pour l'évapotranspiration réelle, l'excédent et le déficit en eau, comme les hypothèses elles-mêmes permettaient de s'y attendre, le nouveau mode de calcul est préférable, étant donné qu'il est plus près de la réalité que l'ancien procédé empirique et donne une image plus exacte des phénomènes en jeu dans la nature.

13 C.W. THORNTHWAITE et J.R. MATHER. «The Water Budget and its Use in Irrigation.» Manuscrit préparé pour l'Annuaire 1955 du Departement de l'agriculture des Etats-Unis.

TABLEAU 3. - BILAN HYDRIQUE POUR DES STATIONS DONNÉES AUX ETATS-UNIS (en centimètres)

1 L'utilisation de l'humidité du sol diminue à mesure que diminuent les réserves en eau.

En employant le nouveau procédé, il est possible d'établir, à partir des seules données climatologiques, une courbe des bilans hydriques figurant à tout moment l'état d'humidité du sol et donnant les valeurs de l'excédent ou du déficit d'humidité. Le graphique 1 compare les précipitations avec les évapotranspirations virtuelles et réelles de quatre stations déterminées, tandis que le tableau 3 donne les calculs du bilan hydrique pour deux de ces stations. Les diverses opérations indiquées dans le tableau 3 sont relativement simples. Lorsque le sol est saturé, l'évapotranspiration réelle et virtuelle sont égales, et toute précipitation dépassant l'évapotranspiration virtuelle se traduit par un excédent d'eau. Lorsque la précipitation est inférieure à l'évapotranspiration, la différence est en partie compensée aux dépens des réserves en eau du sol; mais à mesure que le sol se dessèche, la différence non compensée est plus importante; elle constitue le déficit en eau, le volume d'eau représentant la différence entre les évapotranspirations réelle et virtuelle. Les variations des réserves d'humidité du sol ne peuvent être déterminées directement, mais sont données par une table spéciale.

Finalement, un indice d'humidité, Im, est déduit de la relation entre s, d et PE, en attribuant à chacune de ces trois quantités sa valeur annuelle. Cet indice sert de base pour la division du globe en zones d'humidité.

Les divisions proposées sont les suivantes:


Zones d'humidité

Indice d'humidité (Im)

A

Perhumide

100 et au-dessus

B4


80 à 99,9

B3


60 à 79,9


Humide


B2


40 à 59,9

B1


20 à 39,9

C2

Humide subhumide

0 à 19,9

C1

Sec subhumide

- 19,9 à 0

D

Semi-aride

- 39,9 à - 20

E

Aride

- 60 à - 40

Les climats humides et secs sont donc séparés par l'indice d'humidité zéro.

Le deuxième indice utilisé pour définir les régions climatiques est le PE annuel lui-même. Des recherches étendues effectuées au Laboratoire de climatologie ont montré que la croissance des plantes cultivées est en corrélation étroite avec le PE cumulé. Pour cette raison, le PE annuel peut être considéré comme une sorte de potentiel de croissance pour la région14. On ne peut encore savoir si une corrélation aussi étroite sera, en fin de compte, établie avec la végétation forestière.

14 C.W. THORNTHWAITE. «Climate in Relation to Planting and Irrigation of Vegetable Crops». Proceedings of the 17th International Geographical Congress, Section on Climatology, August 8-15, 1952, pp. 46-51. Et The Johns Hopkins University Laboratory of Climatology, Publications in Climatology, Vol. 5, N° 5, 1952.

GRAPHIQUE 2. - Représentation graphique des rapports entre le climat, la végétation et le sol. (a)

GRAPHIQUE 2. - Représentation graphique des rapports entre le climat, la végétation et le sol. (b)

Les régions thermiques définies par les valeurs PE sont données ci-dessous:


Régions thermiques

PE annuel (cm)

E

Terres gelées

0 à 14,2

D

Toundra

14,3 à 28,5

C1


28,6 à 42,7


Microthermiques


C2


42,8 à 57,0

B1


57,1 à 71,2

B2


71,3 à 85,5


Mésothermiques


B3


85,6 à 99,7

B4


99,8 à 114,0

A

Mégathermiques

> 114,0

Un seul paramètre, l'évapotranspiration virtuelle annuelle, parce qu'il est fonction du bilan énergétique, est ainsi utilisé à la fois pour les indices hydrique et thermique. Il vaut la peine d'insister sur le fait que les indices qui définissent ces «provinces», définissent également en tout point un potentiel thermique de croissance et le degré d'humidité ou d'aridité du climat. En d'autres termes, la distribution des indices est continue à la surface du globe et n'est pas simplement limitée aux frontières.

Corrélations avec la répartition des forêts

La tâche qui consiste à relier les indices de la classification de Thornthwaite avec la répartition dé la végétation telle qu'elle existe et avec les sols sur l'ensemble du globe vient à peine d'être entreprise. La représentation graphique schématique de la distribution de la végétation et des sols dans ses rapports avec le climat, donnée par le graphique 2, est adaptée de la classification de Thornthwaite de 1931. La partie est des Etats-Unis est presque entièrement soumise à un climat humide et, avec la région sud-est du Canada, forme une des plus vastes régions humides du monde. Dans cette région, plusieurs associations forestières distinctes se sont constituées, en partie à cause des variations de l'indice thermique, mais surtout en raison des variations de l'indice d'humidité. Le climat humide montre toute une gamme de valeurs de l'humidité comprises entre les limites subhumide et perhumide et a, en conséquence, été subdivisé en quatre sous-régions. Dans chacune de ces subdivisions se trouve une zone septentrionale et une zone méridionale. Les types de forêts associés à ces régions climatiques sont approximativement ceux qui figurent au tableau 415.

15 C.W. THORNTHWAITE. Atlas of Climatic Types in the United States, 1900-1939. U.S. Department of Agriculture, Misc. Pub. 421, 1941, 7 pages, 96 planches.

TABLEAU 4. - SUBDIVISIONS DE LA ZONE DE CLIMAT HUMIDE INDICES D'HUMIDITÉ, ET TYPES DE FORÊTS CARACTÉRISTIQUES DANS LES ZONES SEPTENTRIONALE ET MÉRIDIONALE DES ETATS-UNIS

Climat

Indice d'humidité

Zone septentrionale

Zone méridionale

B4

80-99,9

Epicéa, sapin

(Absents dans la zone est des Etats-Unis)

B3

60-79,9

Bouleau, hêtre, érable pruche

Chêne, noyer

B2

40-58,9

Hêtre, érable

Chêne, pin

B1

20-39,9

Chêne hickory

Chêne hickory

Le facteur humidité et, par suite, l'indice d'humidité sont surtout importants sous les latitudes tempérées et tropicales. Dans les forêts de conifères présentant une valeur commerciale de la zone subarctique, il apparaît les influences thermiques dominent en importance les influences de l'humidité. Dans une série d'articles publiés récemment, Hare a montré que les larges subdivisions physionomiques de la forêt boréale sont étroitement liées à la répartition du PE annuel16. Il propose les divisions suivantes:

TABLEAU 5. - CORRÉLATIONS DU CLIMAT ET DE LA VÉGÉTATION DANS LA FORÊT BORÉALE

Sous-zones forestières

PE annuel

Végétation

(cm)

Toundra

31

Toundra

Toundra boisée

35

Toundra sur les interfluves forêt glaire dans les vallées

Forêt glaire

42

Prédominance de peuplements ouverts riches en Cladonia; forêt dense en boqueteaux isolés

Forêt

52

Forêts denses occupant la plupart des stations mésiques

Forêts


Forêts où dominent les essence mélangées non boréales, typiquement tempérées des feuillus à feuilles caduques

16 F.K. HARE. «The Boreal Conifer Zone.» Geographical Studies, Vol. 1, N°. 1, 1954, pp. 4-18.

Les tentatives de corrélation entre le climat et la végétation, présentées dans les paragraphes précédents, ne constituent qu'un essai, et les auteurs accueilleront avec reconnaissance la collaboration de leurs lecteurs pour établir des relations plus solides et plus utiles. En fait, étant donné que le développement de formations végétales du climax et celui de types de sols évolués sont étroitement liés à la courbe des variations de l'humidité du sol, nous estimons que la classification actuelle de Thornthwaite constitue une étape dans la bonne voie. Nous sommes également fondés à considérer qu'il n'existe certainement aucun système de classification qui soit établi sur des bases plus rationnelles. En particulier, en établissant des analogies climatiques pour servir de guide aux programmes d'introduction d'essences exotiques, les indices mentionnés ci-dessus semblent devoir être d'une valeur considérable.

Dans le cadre d'un programme à long terme en cours d'exécution au Laboratoire de climatologie17, des cartes climatiques sont établies, indiquant les précipitations, l'évapotranspiration virtuelle, l'excédent et le déficit en eau, ainsi que les zones d'humidité pour toutes les régions du monde, à une échelle conforme à la densité du système climatique. Les cartes de plusieurs zones ont été établies à l'échelle de 1:1000000. Les cartes du continent africain ont été établies d'après la carte fondamentale de l'American Geographical Society à l'échelle de 1:3000000. On estime que l'établissement des cartes du globe sera terminé d'ici peu.

17 Ce programme est financé en partie par la Geography Branch, Office of Naval Research, United States Navy.

Ces cartes peuvent aider à répondre aux besoins exprimés par les sylviculteurs de la FAO, ainsi que ceux de groupes tels que le Comité consultatif de recherches sur la zone aride et le Collège d'experts pour l'étude des zones tropicales humides de l'UNESCO. Il sera probablement très important que ces cartes puissent être mises à la disposition de tous les chercheurs ayant besoin d'une documentation climatique.

Puisque, manifestement, le fait que des graminées et autres plantes herbacées soient les occupants exclusifs d'un terrain ou qu'elles le partagent avec des arbres et des arbustes dépend du régime de l'humidité du sol, il est nécessaire de faire plus que d'établir simplement une classification climatique utile et rationnelle. Il faut approfondir l'étude du bilan de l'eau, déterminer l'influence véritable de l'humidité du sol sur les formations végétales du climax et établir des cartes de ces facteurs actifs de la répartition de la végétation. Les forestiers ne doivent donc pas espérer trouver la solution complète des problèmes de la répartition des végétaux dans une classification climatique toute faite, mais doivent chercher à obtenir des données sur le régime de l'humidité dans le sol, et comprendre l'importance des périodes de déficit ou d'excédent d'humidité dans la formation des associations végétales. Des cartes de répartition de ces associations seraient plus importantes que les cartes classiques des régions climatiques18.

18 C.W. THORNTHWAITE. Grassland Climates. The Johns Hopkins University Laboratory of Climatology, Publications in Climatology, Vol. 5, N° 6,. 1952.

Enfin, les auteurs expriment l'espoir que les idées fondamentales de l'écologie forestière se rapprocheront plus étroitement, à l'avenir, de celles du climatologiste. Une telle convergence existe déjà très nettement. Thornthwaite a montré que l'étude des éléments détaillés des climats locaux, affectés par les variations de pente, les caractéristiques du sol, les accidents topographiques et l'albedo, exige d'être abordée, selon son expression, du point de vue topoclimatologique19.

19 C.W. THORNTHWAITE. Topoclimatology, Proceedings of the Toronto Meteorological Conference, 9-15 September 1953, AMS et RMS, l954, pp. 227-232.

Cette manière de considérer la question qui, en fait, tend à rendre la climatologie plus abordable, trouve son parallèle évident dans le concept de «station» de l'écologiste forestier. En fait, on pourrait même aller jusqu'à dire que ces deux idées sont les deux faces opposées d'une même pièce. A l'avers figurent les influences climatiques des échanges d'humidité, d'énergie et de force vive, et, au revers, l'action biotique et édaphique du relief, de l'exposition, de la pente de la texture du sol et de la composition de la végétation. En poursuivant leurs études dans la voie topoclimatologique, il n'est pas douteux que ces deux groupes, climatologistes et écologistes forestiers, rapprocheront bien davantage leurs points de vue.

Traduit de l'anglais.


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