2.1 Principes fondamentaux
2.2 Terminologie
2.3 Principales procédures dévaluation et de classification des terres
2.4 Indice de productivité des terres et unités économiques de mesure de leur aptitude
Pour bien évaluer des terres en vue de lagriculture irriguée, il faut sen tenir à certains concepts et principes fondamentaux. Les principes de base préconisés par le cadre pour lévaluation des terres (FAO 1976a), sur lesquels reposent les méthodes décrites dans le présent bulletin, sont complémentaires de ceux touchant spécifiquement lirrigation énoncés par lUS Bureau of Reclamation (voir Chapitre 10).
i. Daprès le cadre de la FAO, il ne faut pas évaluer uniquement les sols mais aussi les terres. Laptitude des sols à la pratique de cultures irriguées est une indication utile, mais elle ne permet pas de prendre des décisions pour la mise en valeur des terres. Il faut pour cela tenir compte de toutes les caractéristiques pertinentes des terres (sols, climat, topographie, ressources en eau, végétation, etc.), de même que des conditions socio-économiques et de linfrastructure.ii. Lévaluation des terres pour lagriculture irriguée a pour principal objectif de prédire les conditions futures une fois les terres mises en valeur. Il est nécessaire de prévoir les avantages quen retireront les agriculteurs et léconomie nationale et de savoir si de tels avantages peuvent être maintenus sans quen pâtisse lenvironnement. Lessentiel cest de classer laptitude potentielle des terres compte tenu des interactions futures entre les sols, leau, les cultures et les conditions sociales, économiques et politiques.
iii. Parmi les facteurs agissant sur laptitude des terres, certains sont immuables, dautres peuvent être modifiés moyennant finance. On peut calculer le coût des améliorations nécessaires de façon à prévoir les conséquences éventuelles de la mise en valeur sur léconomie et lenvironnement. La température, la texture du sol, la profondeur de la roche et la macro-topographie font partie des éléments immuables. En revanche, la végétation, la salinité, la profondeur de la nappe phréatique, le micro-relief et certaines conditions socio-économiques (régime foncier, accessibilité, par exemple) peuvent être modifiés, volontairement ou non.
iv. Il convient dévaluer et de classer laptitude des terres en fonction de modes dutilisation spécifiques - systèmes de cultures, dirrigation et daménagement. Comme, à lévidence, ces systèmes nont pas les mêmes exigences, il est possible de classer différemment laptitude de toute unité de terre en fonction de telle ou telle utilisation. Indiquer laptitude dune terre à lagriculture irriguée en général ne rimerait à rien et risquerait même dinduire en erreur le responsable de la mise en valeur si celui-ci a besoin den connaître le potentiel en vue dune culture irriguée ou dune méthode dirrigation particulière.
v. Lévaluation des terres demande une comparaison, pour différents types de terres, des besoins en intrants et des résultats obtenus. Lévaluation de laptitude des terres est donc fondamentalement un concept économique, même si, pour des études simples, on peut parfaitement se passer danalyse économique formelle. La seule évaluation des facteurs physiques ne permet pas de prévoir les résultats de lirrigation; il faut les traduire en termes économiques. Il est primordial que la classification des terres reflète les différences dans la productivité et la rentabilité à long terme de la terre soumise à irrigation au lieu de se concentrer sur les seules différences physiques, au mépris de leurs incidences économiques.
vi. Lévaluation doit tenir compte des conditions physiques, politiques et socio-économiques de la zone considérée. La réussite dun projet dirrigation peut autant dépendre de la politique de prix des produits agricoles, de loffre de main-doeuvre, des marchés, de laccessibilité, du régime foncier, etc. que du climat et des sols. Pour éviter tout malentendu, il est bon dindiquer explicitement tous les facteurs pertinents de la situation locale plutôt que de les tenir pour acquis. Il nest toutefois pas nécessaire de tenir compte de toutes les conditions; celles qui ne servent pas à la classification des terres sont superflues.
vii. Laptitude des terres doit être envisagée sous langle dune exploitation soutenue, cest-à-dire dune production continue avec le régime dirrigation prévu. Ou bien nulle dégradation de la terre nest escomptée, ou bien si on prévoit une telle éventualité, il faut tenir compte, lors de la comparaison des intrants et des résultats obtenus, du coût de prévention ou de correction des problèmes dérosion, de teneur en eau excessive, de salinité, etc.
viii. Lorsquil existe plusieurs solutions viables, lévaluation doit comparer plusieurs modes dutilisation. On peut comparer par exemple lutilisation actuelle et les utilisations envisagées ou différentes cultures et méthodes dirrigation. Lévaluation est dautant plus fiable que la comparaison des intrants et de leurs résultats porte sur plusieurs options, garantissant ainsi que lutilisation des terres retenue nest pas seulement une des solutions qui convient mais bien la meilleure de toutes.
ix. De toute évidence, lapproche doit être interdisciplinaire car la multitude des volets que comporte lévaluation de laptitude des terres ne saurait être couverte par une discipline unique. On peut procéder à cette évaluation en se fondant sur des conditions économiques générales qui permettent de définir le cadre dans lequel choisir les cultures et aménagements appropriés et darrêter les critères de délimitation entre terres aptes et terres inaptes. Toutefois, lévaluation quantitative au niveau du projet ou de lexploitation nécessite une analyse économique et financière en bonne et due forme.
x. Enfin, comme le souligne le Chapitre 1, lévaluation est un processus itératif, qui mène à des améliorations successives et exige des études et enquêtes plus ou moins importantes et détaillées selon les différentes étapes, depuis la reconnaissance jusquà la planification détaillée du projet, puis les phases successives de son exécution.
Les définitions complètes des termes employés dans le cadre FAO sont données dans le glossaire joint à la fin du présent bulletin ainsi que dans les chapitres pertinents. Avant de passer aux procédures dévaluation, on explique ci-après:
i. TERRES: On appelle unité de terre une superficie délimitée et dotée de qualités ou de caractéristiques déterminées. Les unités de terre peuvent être représentées cartographiquement et numérotées séquentiellement (unité de terre 1, unité de terre 2, unité de terre 3, etc., par exemple). On peut en faire varier la taille selon lintensité de létude. La taille de lunité doit correspondre à la plus petite superficie nécessaire à lévaluation et à la classification.Exemples simplifiés de types dutilisation des terresii. UTILISATION DES TERRES: Par catégorie principale dutilisation des terres, on entend une subdivision de laménagement du territoire rural. Lagriculture extensive ou intensive, la sylviculture, les loisirs, etc. en sont des exemples. Un type dutilisation des terres est une subdivision dune catégorie principale dutilisation des terres; il décrit les cultures, lirrigation et les conditions daménagement (donc le système dexploitation), le contexte socio-économique et autres détails pertinents mentionnés au Tableau 11.
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Type A: |
maïs irrigué par aspersion dans des fermes
dEtat; |
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Type B: |
double récolte annuelle de riz dans de petites
exploitations pratiquant lirrigation superficielle; |
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Type B: |
sorgho irrigué par épandage des eaux de crue
dans de petites exploitations louées à bail. |
Des directives concernant la description des types dutilisation des terres figurent au Chapitre 4.iii. APTITUDE DES TERRES: Les catégories daptitude du cadre FAO sont les ordres (apte/inapte), les classes et les sous-classes (voir Tableau 1). Les classes sont les suivantes: aptitude élevée (S1), aptitude moyenne (S2), aptitude marginale (3), inaptitude marginale (N1) et inaptitude permanente (N2). On peut, le cas échéant, augmenter ou diminuer le nombre de classes. On utilise, pour désigner les sous-classes, une lettre minuscule qui indique la raison du déclassement de la terre de la catégorie S1 (sans sous-classe) à une catégorie inférieure (voir symboles au Tableau 17).
Exemple: Lunité de terre 1 a une aptitude élevée (S1) à la riziculture avec une récolte unique (type dutilisation D) mais une inaptitude marginale (N1z) à la riziculture avec double récolte annuelle (type dutilisation B), dans une classification des aptitudes potentielles.
Le cadre FAO établit une distinction entre la classe daptitude à une utilisation donnée dans les conditions présentes et la classe daptitude potentielle une fois apportées les améliorations majeures indiquées (remise en état dune terre dégradée, irrigation, drainage, etc.).
Le présent bulletin introduit, pour décrire laptitude potentielle dune terre, deux subdivisions supplémentaires qui se rapprochent des notions arable et irrigable adoptées par lUS Bureau of Réclamation, sans toutefois leur être identiques (voir Chapitre 10). On peut les définir comme suit:
Terres conditionnellement irrigables: Ce sont des terres qui font lobjet dune classification provisoire dans la mesure où lon ne sait pas encore avec certitude sil sera possible de les approvisionner en eau, ni quel sera le coût du projet et de la mise en valeur des terres. (Le revenu agricole net permet de mesurer utilement laptitude des terres conditionnellement irrigables, voir section 2.4).
Terres irrigables: Ce sont les terres qui ont été provisoirement classées comme irrigables, qui sont aptes à lirrigation, qui peuvent être approvisionnées en eau et qui ont été classées daprès une évaluation économique de leur aptitude à des types donnés dutilisation compte tenu des disponibilités en eau, des coûts supplémentaires de mise en valeur propres à la zone considérée, des dépenses communes au projet et des avantages. (On peut mesurer laptitude des terres irrigables à lavantage supplémentaire net dû à lirrigation ou ASNI).
Entre autres mérites, la classification conditionnellement irrigable permet de formuler le plan du projet dès le début de létude en écartant les terres qui sont inaptes en permanence pour des raisons autres que lapprovisionnement en eau. Elle offre aussi une bonne base pour mettre à jour une évaluation en cas décarts de prix importants ou de modifications majeures par la suite. Toutefois, seule la classification irrigable répond aux besoins dune étude de faisabilité.
iv. ELEMENTS DE CLASSEMENT: Il sagit de variables qui influencent la performance dun type dutilisation sur une unité de terre et qui servent à classer laptitude dune terre à une utilisation donnée. La performance dun type dutilisation sur une unité de terre donnée dépend de bien des facteurs; certains sont déterminants pour la classification de laptitude, dautres non. Quelques-uns influent sur une culture, son irrigation et son aménagement de manière assez uniforme dans toutes les unités de terre de la zone étudiée, ou noccasionnent que de faibles variations. En revanche, les facteurs déterminants entraînent des écarts importants de productivité, ou bien davantages et de coûts dune unité à lautre pour un même type dutilisation. Pour évaluer des terres, il suffit de considérer les facteurs les plus importants (cest-à-dire ceux qui peuvent être déterminants pour la classification); dordinaire, il est possible den abréger peu à peu la liste ou de les incorporer aux estimations des rendements, des avantages ou des coûts pour déterminer les classes daptitude.
Les différents éléments ou facteurs, susceptibles ou non dêtre retenus comme déterminants pour une évaluation donnée, peuvent être regroupés en fonction de leur incidence sur:
a. les rendements des cultures ou la production végétale (facteurs agronomiques)Dans le Tableau 12 du Chapitre 4, ces cinq grandes catégories sont subdivisées en 32 éléments potentiellement déterminants. La deuxième partie du présent bulletin reprend en détail chacun de ces éléments et leurs interactions possibles.
b. les conditions daménagement
c. la mise en valeur ou lamélioration des terres
d. la conservation et lenvironnement
e. les conditions socio-économiquesDans bien des cas, on peut se servir des besoins ou limitations des systèmes de culture, dirrigation et daménagement pour exprimer ces facteurs. Les caractéristiques des terres ont une influence - bonne ou mauvaise - sur beaucoup dentre eux. Certaines exigences ou limitations propres à lutilisation des terres (besoins dengrais ou de drainage, par exemple) ne sont pas représentées comme des caractéristiques des terres mais comme des intrants ou améliorations. Ainsi, les caractéristiques et les qualités des terres sont des attributs de ces dernières alors que les besoins et limitations dutilisation des terres (ou plus précisément les besoins et limitations des types dutilisation des terres) sont des attributs de lutilisation des terres. De nombreux facteurs socio-économiques ainsi que certains paramètres économiques (lattitude des agriculteurs, par exemple) peuvent être déterminants pour la classification bien quils ne soient des attributs ni des terres, ni de leur utilisation.
v. BESOINS ET LIMITATIONS LIES A LUTILISATION DES TERRES: Il sagit des facteurs, déterminants ou non, qui tantôt sont indispensables et tantôt font obstacle à la réussite dun type dutilisation des terres dans une unité donnée, ou la limitent (Sous-Section 4.2.2, Tableau 12). Par leur interaction, les caractéristiques et améliorations des terres et les intrants agissent sur les besoins ou les limitations.
Exemples: Besoins en eau dune culture, nivellement exigé par telle ou telle méthode dirrigation, limitations dues à lérosion (voir Tableau 12)
vi. CARACTERISTIQUES DES TERRES: désignent toute valeur mesurable et utilisable pour caractériser une unité de terre.
Exemples: pluviométrie moyenne annuelle, classe de pente, texture du sol, etc.
vii. QUALITE DES TERRES: Les paramètres servent à décrire les terres en fonction de leur utilisation. Ainsi, la disponibilité ou le manque deau implique une relation entre approvisionnement et besoin en eau qui constitue un attribut des terres. Les qualités des terres recouvrent une hiérarchie complexe dinteractions allant des disponibilités en eau et en nutriments aux possibilités de rendement des cultures, à la capacité de drainage, à la vulnérabilité à lérosion, etc. De façon générale, les qualités des terres sont les interactions qui influent sur la performance dun type dutilisation des terres.
A noter que les qualités des terres représentent les conditions qui jouent sur le type dutilisation des terres, alors que les besoins et limitations correspondants en matière dutilisation des terres représentent les conditions, intrants et améliorations qui tantôt sont indispensables aux systèmes de culture, dirrigation ou daménagement, tantôt les limitent.
viii. SPECIFICATIONS DES TYPES DUTILISATION DES TERRES: Il faut, avant de procéder à la prospection des terres, spécifier les conditions quexige le bon fonctionnement dun système de culture dirrigation et daménagement. Ces spécifications comportent des intervalles critiques, délimités par des limites critiques. Elles indiquent pour chaque élément de classement quels sont les besoins et les limitations dutilisation des terres à différents niveaux daptitude.
ix. LIMITES CRITIQUES: Les limites critiques dun élément de classement sont les démarcations entre les niveaux daptitude s1, s2, s3, n1 et n2 de facteurs pris individuellement, ou appartenant à un même groupe. Ces niveaux daptitude sont ceux qui découlent de lévaluation de laptitude dune unité de terre à un type dutilisation donné. On peut définir les limites critiques en saidant des directives énoncées dans la deuxième partie du bulletin.
x. COEFFICIENT DE CLASSEMENT: Le classement en cinq catégories s1, s2, s3, n1 et n2 indique, pour un élément unique ou linteraction unique dun groupe déléments, si la terre a une aptitude élevée, moyenne, marginale ou une inaptitude marginale ou permanente à un type dutilisation donné. (Lutilisation de lettres minuscules permet déviter toute confusion avec les classes daptitude des terres indiquées au point iii.).
xi. COMPATIBILITE: Ce terme a ici deux acceptions. Au sens large, il sagit de lajustement des terres à laide dintrants et daméliorations pour les aligner sur les besoins et les limitations du type dutilisation considéré. Inversement, il sagit de lajustement du type dutilisation pour laligner de plus près sur les conditions de la terre.
Au sens restreint, on entend par compatibilité la comparaison entre les conditions de la terre (qualités ou caractéristiques) et les besoins ou limitations du type dutilisation pour classer les facteurs. Ainsi, un par un, chaque élément de classement se voit attribuer un coefficient s1, s2, s3, n1 ou n2.
Exemple: Supposons que les limites critiques du facteur enracinement correspondant à s3 définissent une épaisseur du sol comprise entre 50 et 100 cm pour le type dutilisation A. Si la profondeur de sol de lunité de terre 1 est de 75 cm, par exemple, elle se trouve comprise entre les limites critiques. Lunité de terre 1 aura donc le classement s3 pour le type dutilisation A (voir Chapitre 6, exemple 1).
xii. IMPORTANCE DUN ELEMENT: sa détermination permet de savoir si un élément ou une interaction intervient de façon très importante (TI), moyennement importante (Ml), peu importante (PI), ou sans importance (SI) dans létablissement de la classe daptitude des terres à partir du classement des facteurs (voir Section 6.3).
xiii. MESURES DE LAPTITUDE: On peut utiliser des indicateurs physiques, financiers ou économiques pour définir les classes daptitude des terres. Dans la Section 2.4, on propose comme exemple de mesure physique dune classe, un indice de productivité des terres fondé sur les rendements relatifs. Le revenu agricole net et lavantage supplémentaire net dû à lirrigation (également définis dans la Section 2.4) peuvent aussi être pris comme mesures économiques de la classe daptitude des terres.
2.3.1 Nécessité détudes préliminaires
2.3.2 Identification des types appropriés dutilisation des terres
2.3.3 Inventaire des ressources en terres
2.3.4 Choix des éléments de classement
2.3.5 Classification des terres conditionnellement irrigables et irrigables
Ces procédures doivent comporter:
i. Létude des informations pertinentes existantes et, lorsque cela est possible, lévaluation sur place des conditions des terres et de lexpérience existant dans une zone pleinement mise en valeur dont les conditions physiques, climatiques et socio-économiques sont semblables à celles de la zone étudiée.ii. Le choix dautres systèmes de culture, dirrigation et daménagement ainsi que la description des types possibles dutilisation des terres en vue de leur évaluation (Chapitre 4).
iii. Le choix du type de données nécessaires pour lévaluation et la préparation de linventaire des ressources en terres (Chapitre 5).
iv. Le choix des éléments de classement déterminants qui ont de limportance des points de vue physique et économique et lindication des limites critiques permettant de déterminer la classe des facteurs et la catégorie daptitude des terres. (Voir les Chapitres 3 et 6 et la deuxième partie).
v. La classification et la cartographie des terres conditionnellement irrigables (voir Sections 2.2 et 2.3.5 et Chapitres 6 et 7).
vi. La correction de la classification conditionnellement irrigable à mesure que sont recueillies de nouvelles données physiques, techniques, hydrologiques et économiques, complétées, le cas échéant, par des facteurs de classification déterminants et des limites critiques à jour.
vii. La classification des terres irrigables et leur cartographie, avec délimitation des terres jugées aptes au développement de lirrigation dans le cadre dun plan.
Les sections ci-après reprennent quelques-unes de ces questions.
Il convient, lorsque cela est possible, dentreprendre des études préliminaires pour réduire la part de conjecture que comporte lévaluation des terres. Cest souvent lexpérience acquise dans une localité réunissant les mêmes conditions physiques, climatiques et socio-économiques qui constitue la meilleure base pour évaluer le rendement des cultures et les problèmes daménagement qui se posent dans une zone à mettre en valeur. En labsence totale ou quasi totale dexpérience des méthodes de culture et dirrigation envisagées, deux solutions sont possibles: premièrement, entreprendre des études comparatives montrant, à léchelle mondiale, les similitudes et les différences (Higgins et Kassam 1981) avec la méthode envisagée; deuxièmement, exécuter un programme de recherches agronomiques sur des unités de terre représentatives, complété par des études des sols, de la topographie et du drainage avec essais et analyses en laboratoire. La réalisation de travaux expérimentaux au début dun programme dirrigation se révèle souvent précieuse par la suite, tant pour lexploitation et la gestion du projet dirrigation, que pour les derniers stades de lévaluation des terres.
Les études de reconnaissance et de préparation dun projet peuvent considérer de nombreux modes possibles dutilisation des terres. Les grandes catégories dutilisation (agriculture extensive ou intensive, par exemple) peuvent être subdivisées afin didentifier des types dutilisation des terres (TUT) dabord de manière générale puis de façon plus précise au cours des études semi-détaillées. Le Tableau 10 du Chapitre 4 donne une liste type destinée à faciliter la description des types dutilisation des terres. Dans certaines évaluations, le choix du type dutilisation (systèmes de culture, dirrigation et daménagement) constitue le principal résultat de létude; dans dautres, le type dutilisation peut être évident dentrée de jeu (riz irrigué, canne à sucre irriguée, arboriculture irriguée, par exemple) et il ne reste plus quà choisir la méthode dirrigation (irrigation superficielle, par aspersion ou au goutte-à-goutte, par exemple).
Le Chapitre 5 fournit des listes des données à réunir pour une caractérisation générale de la zone du projet, au nombre desquelles figurent des inventaires issus détudes sur la topographie, les sols, le climat, les ressources hydriques, le drainage, la végétation et la faune, lutilisation actuelle des terres et le contexte socio-économique. Diverses publications (voir la bibliographie des sections correspondantes) indiquent comment procéder à cet inventaire.
Létude des ressources en terres fournit trois séries de données:
i. définitions et descriptions des unités de terre;Dans des études détaillées, les unités de terre peuvent être des séries ou des phases de sols correspondant à des catégories déterminées de pente. Dans des études moins détaillées, il peut sagir de systèmes de terre globaux ou partiels. Ces unités sont décrites en fonction du climat, du relief, des sols, de la végétation et de lutilisation actuelle des terres. Les études des ressources hydriques à différents niveaux, pays, bassin, projet ou village, exploitation ou champ (voir Tableau 2) peuvent fournir des données sur lhydrologie, lhydrogéologie, lapprovisionnement ou les besoins en eau dirrigation, qui seront progressivement affinées et mises au point tout au long de lévaluation.
ii. cartes de répartition des unités de terre;
iii. valeurs des caractéristiques des unités de terre.
La liste figurant au Tableau 12 du Chapitre 4 permet de sélectionner les facteurs concernant les techniques agronomiques, laménagement, la mise en valeur des terres, la conservation et le contexte socio-économique qui peuvent influer sur la production ou les coûts de production des différents types dutilisation appliqués sur les unités de terre. Dans les premiers stades de lévaluation, il faut normalement prendre en compte de très nombreux facteurs. Au cours de létude, on sapercevra que nombre de ceux qui influent sur les systèmes de culture, dirrigation et daménagement ont une incidence relativement uniforme ou à peine différente dune unité de terre à lautre. Dautres facteurs, au contraire, seront retenus, car ils peuvent être déterminants et il faudra fixer les limites critiques qui serviront à calibrer les facteurs et à caractériser une unité de terre en fonction de son aptitude à une utilisation donnée (voir Chapitres 3 et 6, et deuxième partie).
Ces deux classes ont été définies à la Section 2.2 (iii). Aux différents stades de lévaluation, il peut savérer nécessaire de classer les terres, dabord en conditionnellement irrigables, puis en irrigables. Au début des études dirrigation, on ne sait pas toujours très bien quel sera le volume deau disponible pour lirrigation ni les lieux précis vers lesquels on pourra acheminer leau de façon rentable. La classification de laptitude des terres doit donc être subordonnée à la possibilité effective dy apporter de leau. Ce nest que plus tard, une fois achevée létude des systèmes dapprovisionnement en eau et des aspects économiques, quon saura avec certitude si une terre peut être irriguée ou non. Dans la présente publication, on a classé dans la catégorie conditionnellement irrigables les terres dont lapprovisionnement en eau nest pas encore garanti et dont les coûts et avantages de la mise en valeur sont encore flous. On place dans la catégorie irrigables les terres qui pourraient être approvisionnées en eau dans le cadre dun projet. La Section 2.4 et le Chapitre 7 décrivent les mesures daptitude correspondant à chaque classe.
La distinction faite précédemment entre conditionnellement irrigable et irrigable est semblable à lusage que fait lUSBR des termes arable et irrigable (voir Chapitre 10 et glossaire). Il convient toutefois de souligner que lUSBR ne retient pas normalement lapprovisionnement en eau (si ce nest sa qualité) comme facteur déterminant de la classe. Le cadre FAO inclut lapprovisionnement en eau (quantité, qualité et caractère saisonnier) parmi les ressources des terres. Le responsable de lévaluation peut décider dinclure ou dexclure de son système de classification, la présence dun volume deau suffisant ou non, la période de lannée où cette eau est disponible et le coût du transport de leau jusquaux différentes terres.
Lun des principaux avantages de la classification des terres en conditionnellement irrigable est quelle permet dès le début de létude, de formuler un plan de projet et de séparer les terres aptes à lirrigation des terres inaptes. Le fait de délimiter une zone irrigable à lintérieur des terres classées comme aptes à lirrigation selon la classification conditionnellement irrigable permet de réduire la superficie englobée dans le plan de mise en valeur. Voici quelques ajustements caractéristiques.
i. élimination des superficies non rentables, notamment trop coûteuses à desservir, à drainer ou à équiper des ouvrages de distribution;Quand on établit des classes daptitude des terres, il faut spécifier le plus tôt possible les normes physiques et économiques qui définissent le seuil de qualité que doit atteindre une terre pour être considérée comme apte dans la classification conditionnellement irrigable. Ce seuil daptitude est révisé au fur et à mesure en éliminant les terres marginales dès que parviennent de nouvelles données sur lapprovisionnement en eau et les dépenses dinvestissement. Ce processus se poursuit jusquà ce que les terres irrigables soient définies.ii. ajustement des superficies en fonction des disponibilités en eau?
iii. élimination de terres situées plus haut que la hauteur maximum de distribution de leau par gravité ou à des hauteurs telles que lirrigation par élévation de leau devient trop coûteuse;
iv. exclusion des parcelles isolées ou de forme trop irrégulière, ou de surfaces qui ne peuvent être efficacement incluses dans une unité agricole;
v. suppression des servitudes de passage envisagées;
vi. élimination de zones ne satisfaisant pas aux critères minima de rentabilité économique avec le plan;
vii. élimination de certaines terres pour des raisons socio-économiques (régime foncier, droit des eaux, par exemple).
Les classes daptitude des terres (S1, S2, S3, N1 et N2) peuvent être définies à laide de divers indices ou unités de mesure physiques ou économiques. Trois mesures pratiques daptitude peuvent être utilisées progressivement, au fur et à mesure que les données deviennent disponibles: i) lindice de productivité des terres, ii) le revenu agricole net et iii) les avantages nets supplémentaires résultant de lirrigation.
i. Indice de productivité des terres: Dans le présent bulletin, cet indice représente la productivité relative dune terre pour une utilisation déterminée par rapport à la productivité de la terre la meilleure. Le rendement relatif peut constituer un indice pratique de la productivité dune terre. Il sagit du rendement par hectare comparé à celui de la meilleure terre. Cest un pourcentage ou une fraction. Ainsi le rendement maximum de terres de la classe S1 pour un type donné dutilisation des terres peut être de 100 pour cent ou 1. Pour la classe S2, ce peut être une fraction de S1 (80 pour cent ou 0,8, par exemple); pour S3, 0,6, etc. Dautres critères, comme les rendements absolus ou la production relative, sont des variantes qui permettent également de mesurer la productivité physique, pour une classification daptitude réelle ou potentielle. Dans les études de reconnaissance, il faut normalement utiliser un indice de la productivité physique des terres. Cette mesure est un préalable indispensable à lévaluation économique.On trouvera, au Chapitre 7, de plus amples explications sur cette question.ii. Revenu agricole net: Cest un moyen pratique de mesurer laptitude des terres conditionnellement irrigables. Le revenu agricole net est la valeur obtenue en soustrayant les coûts fixes et variables de la valeur brute de la production. Au stade de la classification en conditionnellement irrigable, les dépenses courantes du projet ne sont généralement pas encore connues et napparaissent pas dans lestimation du revenu agricole net, qui peut être calculé par comparaison: avec et sans le projet. A ce stade, il suffit souvent de fonder la classification sur le revenu agricole net avec le projet. Cette formule na toutefois pas la, précision nécessaire à la planification et à lanalyse détaillées du projet. Les terres considérées conditionnellement irrigables peuvent inclure des terres marginalement aptes qui seront éliminées au vu dune analyse économique plus poussée du projet et de la représentation cartographique des terres au moment de la classification définitive des terres irrigables. Pour arriver à un maximum de cohérence avec la classification définitive, il est préférable dexprimer le revenu agricole net en termes économiques plutôt que financiers (voir Chapitre 7).
iii. Avantages nets supplémentaires résultant de lirrigation (ANSI):
Cest le critère retenu pour mesurer laptitude des terres irrigables lors de la classification finale. Il sert à mesurer laccroissement potentiel de productivité dune unité de surface quand une terre est mise en valeur par un projet. Cet avantage exprimé en termes économiques - valeur annuelle équivalente - se calcule en estimant lavantage différentiel net obtenu sur une unité de surface avec et sans le projet, compte tenu:
a. des dépenses dinvestissement et de fonctionnement des exploitations et des revenus découlant normalement de lutilisation agricole des terres;b. de toutes les dépenses dinvestissement de fonctionnement et de maintenance du projet (dont une certaine proportion des charges communes du projet et des coûts de mise en valeur des terres caractéristiques de la zone, que ceux-ci soient ou non couverts par lexploitant).
Lévaluation des terres, sur la base des trois critères daptitude décrits ci-dessus, devient de plus en plus précise et détaillée à mesure que létude progresse du stade de la reconnaissance à celui de la proposition dun plan précis de mise en valeur. Toutefois, il faut bien comprendre que les classes dans lesquelles tombent des combinaisons données de types dutilisation et dunités de terre peuvent varier du tout au tout suivant lindice utilisé. Lindice de productivité des terres ne tient pas compte des prix ou coûts de production, et le revenu agricole net omet les avantages supplémentaires qui résultent du passage dune situation sans projet à une situation avec projet. Généralement, à mesure que les études sintensifient, on élimine progressivement les terres daptitude marginale pour aboutir à la délimitation des terres irrigables. En voici quelques exemples:
Soit deux types A et B dutilisation des terres fondés respectivement sur une culture de rapport élevé et sur une culture de faible rapport (légumes et céréales, par exemple). Du point de vue de lindice de productivité des terres, disons quon a attribué à une unité de terre la classe S1 pour chacune de ces deux cultures. Pour le type dutilisation A, SI signifie que le rendement serait de 20 tonnes de légumes par hectare sur ladite unité de terre. Pour le type B, S1 signifie un rendement de 3 tonnes de céréales à lhectare. (On peut concevoir quavec un troisième type dutilisation C - riz irrigué par exemple - cette unité de terre serait classée N1. Cela pour montrer, accessoirement, la relation obligatoire qui existe entre la classe daptitude et une utilisation donnée des terres).
Si lon fait intervenir des valeurs monétaires dans lexemple qui précède, on obtient une base de comparaison des types dutilisation sur une unité de terre. Avec le revenu agricole net, les légumes (type A), culture de rapport élevé, peuvent conserver la classification S1. En revanche, les céréales (type B), de faible rapport, risque de rétrograder de classe, en NI par exemple, même si elles correspondent à la classe S1 du point de vue des caractéristiques physiques de lunité de terre considérée. Cest le genre de conséquences auxquelles il faut sattendre si lon prend comme critère le revenu agricole net au lieu de la productivité physique.
Lors de la classification des terres irrigables, il faut tenir compte de lagriculture existante et des coûts du projet (charges communes et coûts de mise en valeur spécifiques de la zone considérée) pour arriver à lANSI défini au paragraphe iii. Si lunité de terre porte déjà des cultures maraîchères non irriguées par exemple, son revenu agricole net par hectare - sans projet - peut être élevé. Dans ce cas, même si, daprès les deux critères susmentionnés (indice de productivité et revenu agricole net), la classification S1 correspond au type dutilisation des terres A (légumes irrigués), le supplément de revenu agricole net résultant dinvestissements dans lirrigation risque dêtre minime et ne justifie pas les coûts supplémentaires entraînés par le projet. Lapplication de lANSI peut avoir pour effet de faire rétrograder la terre considérée à la classe S3, voire N1. Lunité de terre pour le type dutilisation A (légumes irrigués) aura une aptitude élevée compte tenu de la productivité physique et du revenu agricole net, mais la mise en valeur envisagée ne serait pas justifiée car lavantage net escompté serait limité voire négligeable.
La productivité et la quantification économique de laptitude décrites ci-dessus sexpriment généralement en termes de production ou de valeur à lhectare. On peut également mesurer laptitude des terres en valeur par volume deau. Ce peut être la solution indiquée lorsque le réseau de distribution deau est prévu comme complément dun projet de réhabilitation. LANSI ne sexprime plus alors en valeur par hectare mais en valeur par mètre cube deau apportée par hectare (dans bien des endroits, le prix de leau se calcule au volume). Lutilisation de la valeur volumétrique de leau pour déterminer les avantages dun projet permet de classifier les terres comme si elles recevaient la quantité nécessaire deau dirrigation. La classification des terres exprime alors les valeurs équivalant à un projet dapprovisionnement total en eau.
On trouvera au Chapitre 7 de plus amples détails sur lévaluation économique de laptitude des terres. Il est nécessaire de faire intervenir des considérations économiques dès le début de la classification, qui seront affinées progressivement, au cours dopérations successives.