C.19 Défrichage
C.20 Protection contre les crues
C.21 Drainage
C.22 Nivellement des terres
C.23 Traitements physiques, chimiques et organiques
C.24 Lessivage et bonification
C.25 Durée de la période de bonification
C.26 Besoins liés aux techniques dirrigation
Conditions nécessaires et limitatives de la mise en valeur
Conditions des terres ayant une incidence sur les coûts de mise en valeur
Pour mettre en valeur des terres en vue de lagriculture irriguée, il faut affronter des dépenses dinvestissement qui sont propres à chaque zone. Ces débours sont ventilés ici en huit rubriques: défrichage et épierrage; protection contre les crues; drainage; nivellement et planage des terres; apports et amendements physiques, chimiques et organiques; lessivage bonifiant; durée de la période de bonification; ouvrages dirrigation. Laptitude des terres, en ce quelle dépend des mesures à prendre pour les mettre en valeur, doit faire lobjet dune évaluation tant physique quéconomique, que nous allons étudier ici et dans le Chapitre 7.
C.19.1 Zones boisées
C.19.2 Zones occupées par des mauvaises herbes vivaces
C.19.3 Epierrage
Dans les zones boisées à rocheuses, les facteurs à considérer pour lévaluation des unités de terres du point de vue du défrichage sont les suivants:
i. le coût du défrichage;
ii la valeur du bois ou autres produits;
iii. les dégâts causés à la terre par suite des opérations de défrichage et les conséquences ultérieures pour lutilisation des terres.
La destruction de la couche superficielle est spécialement grave si elle a une épaisseur très faible et renferme lessentiel de la matière organique, et si elle recouvre un sous-sol quasiment stérile. Cette couche superficielle contient la majeure partie des éléments nutritifs; elle doit donc être protégée. Si lon emploie des méthodes de défrichage mécanisées, on risque denlever le sol arable avec la souche, et il ne restera quun sol souvent acide, stérile et inapte à la culture. Dans les bassins fluviaux fertiles, le sous-sol est parfois constitué dargiles inutilisables. Le défrichage mécanisé risque de compacter fortement largile; la couche superficielle, avec ses caractéristiques physiques plus favorables, peut se trouver enlevée ou mélangée avec la terre moins bonne.
Le responsable de la classification des terres doit indiquer les zones particulièrement exposées à ce genre de dégâts et recommander celles dans lesquelles il sera éventuellement possible denlever la couche superficielle pour la remettre ensuite en place. Cela étant rarement faisable, il doit signaler les zones qui pourront être défrichées à la main et celles qui, moins vulnérables, se prêteront mieux à lemploi de machines. Il peut également recommander les zones où il est particulièrement important de surveiller de près la confection des andains qui doivent être déposés suivant les courbes de niveau pour éviter de bloquer les voies naturelles de drainage comme cela arrive fréquemment si lon repousse des matériaux dans les creux.
Il préconisera, là où cest possible, les méthodes manuelles de défrichement même si elles se révèlent plus lentes que les méthodes mécanisées. Dans les régions du monde où se pratique la culture itinérante, il est souvent possible de défricher au même rythme que lon colonise. Lorsque lon défriche à grande échelle à laide déquipements lourds en avance sur la colonisation, on voit souvent surgir une jungle secondaire, quil faut à nouveau défricher.
Le coût denlèvement de la végétation dépend de sa taille et de son type, du prix de la main-doeuvre, des équipements disponibles et de la superficie en cause. Plus la végétation est dense, plus la taille des arbrisseaux et des arbres est importante, et plus les coûts augmentent. Comparé à un simple débroussaillage, le défrichage, avec un matériel moderne, dune pinède dense (troncs de 30 à 45 cm de diamètre) peut coûter 40 fois plus cher et celui dune jungle dense 120 fois plus cher. Pour de vastes superficies (plus de 2000 ha), lemploi déquipements très lourds peut réduire de moitié le coût de lopération mais il faut tenir compte des dommages qui en résultent. Dans la mesure du possible, on utilisera une lame de cisaille pour éviter de faire de grands trous en extirpant les souches (Clarke 1980).
Les sols sableux sont généralement moins coûteux à défricher que les sois à texture fine. Lemploi de bulldozers pour les gros défrichages laisse dénormes trous à lemplacement des arbres tandis que le sol qui adhère aux racines part vers les andains destinés à être brûlés. On nivellement de terrain est donc généralement nécessaire, quel que soit le système dirrigation envisagé (aspersion ou gravité).
Lutilisation de scies mécaniques peut énormément accélérer le défrichage manuel. On peut évaluer le coût des méthodes manuelles (plus celui de lemploi des scies mécaniques) en planifiant les opérations dans le temps:
i. débroussaillage: il consiste à couper au plus près du sol, toutes les herbes, les lianes, les arbres de petit diamètre (inférieur à 10-15 cm) pour ouvrir là voie aux équipes qui travailleront avec les scies mécaniques et obtenir, quand les branches mortes auront séché, des matériaux biens secs qui brûleront facilement.Si le bois de la zone à défricher est commercialisable, on adoptera une méthode légèrement différente pour enlever ce bois avant que la végétation ne soit entièrement rasée et brûlée. Il peut être nécessaire de modifier également la méthode dempilage en prévision du nivellement, de la préparation et de la mise à niveau des terres destinées à lirrigation dune part, et des besoins futurs en bois et charbon de bois dautre part. Il est parfois possible de financer le défrichement avec la valeur marchande du bois qui en est tiré.ii. abattage: après le débrousaillage, les équipes de tronçonnage (généralement un opérateur et deux assistants) coupent toute la végétation le plus près possible du sol. La hauteur des souches varie selon la dimension du contrefort. Il faut, si possible, abattre tous les arbres dans la même direction pour faciliter les opérations suivantes et éviter dencombrer les voies deau naturelles.
iii. brûlage: il a pour but déliminer toutes les feuilles et un maximum de branches. On laisse sécher la végétation coupée et abattue avant de la brûler, ce qui prend généralement de 6 à 8 semaines selon lensoleillement et lhumidité. Il ne faut pas attendre plus de trois mois car la repousse des feuilles vertes empêche le brûlage. Il vaut mieux profiter de la saison sèche pour faire ce travail. Il est important de réunir le brûlage car il est beaucoup plus difficile de remettre le feu à une végétation à demi-calcinée et dy effectuer les diverses opérations nécessaires.
iv. empilage: après brûlage, on découpe le bois restant en morceaux que des ouvriers pourront transporter. Ces bûches seront déposées sur les souches et on y remettra le feu. De cette façon, une grande partie de la souche elle-même disparaîtra sans laisser un trou béant. Les très grosses pièces doivent être découpées de façon quelles puissent être roulées vers la périphérie de la zone défrichée où on les laissera pourrir. Il est parfois nécessaire de répéter plusieurs fois lopération dempilage et de brûlage avant dobtenir un résultat satisfaisant.
Il est important que le responsable de lévaluation saisisse bien les implications des méthodes utilisées et les dangers que comporte le défrichement. Cest lui, en effet, qui est généralement mieux placé pour donner un avis, et pour dire si des zones différentes nécessiteront un traitement différent. Il peut être également appelé à estimer les coûts du défrichement aux fins dévaluation des terres. Le Tableau 51 (A et B) présente deux évaluations des besoins de main-doeuvre dans les conditions de lIndonésie daprès deux études faites lune par lUniversité Gajah Mada et lautre par M. Ross (Transmigration Development Area).
Pour détruire les mauvaises herbes vivaces dans le cadre dune opération de bonification des terres il existe trois méthodes principales qui peuvent être utilisées séparément ou conjointement.
i. la préparation du sol par des moyens mécaniquesEn Asie, lalang-alang ou ladang (Imperata cylindrica) recouvre des millions dhectares qui pourraient être irrigués. Il faut la détruire aussi complètement que possible avant de sinstaller. Il est parfois possible de déterminer quelle est la méthode ou combinaison de méthodes quil est préférable dadopter daprès les caractéristiques des terres en un point donné. Lalang-alang et dautres mauvaises herbes persistantes ont des rhizomes enfouis très profondément (30-40 cm). On travaille en général ces terres avec de lourdes herses à disques mais, en lespace dun ou deux mois, de nouvelles pousses apparaissent sur les rhizomes sectionnés. Le problème tend donc à sintensifier et si les colons ne sinstallent pas rapidement, lenvahissement empire. Lorsque les conditions sy prêtent, lexploitant peut arriver à maîtriser les mauvaises herbes en inondant les terres prêtes à être cultivées. Il est nécessaire de travailler la terre à plusieurs reprises pour hacher les rhizomes, qui finiront par mourir; mais cest un procédé coûteux. Cinq ou six façons effectuées au bon moment peuvent se révéler efficaces. Toutefois, même si les rhizomes ont été effectivement coupés, on nest jamais entièrement sûr que la profondeur atteinte suffit à une destruction totale des adventices. Il faut donc parfois recourir à des méthodes chimiques, soit en utilisant un désherbant systémique qui détruit la plante tout entière, soit par lapplication répétée de défoliants. Sil faut traiter des superficies importantes, le responsable de la classification devra éventuellement indiquer si les conditions du terrain se prêtent à une application mécanisée du désherbant. Dans certains endroits, leau disponible peut ne pas suffire à la pulvérisation; on peut alors tenter une pulvérisation avec un volume deau ultra faible (2 litres/ha).
ii. la submersion
iii. le désherbage chimique
Tableau 51 BESOINS DE MAIN-DOEUVRE POUR LE DEBROUSSAILLAGE A SUMATRA
A) ETUDE EFFECTUEE PAR LUNIVERSITE DE GAJAH
MADA |
|
|
(Rimbobujang à Sumatra) |
|
|
Débroussaillage |
Homme/jours/ha |
|
Débroussaillage de toute la végétation
dun diamètre inférieur à 10 cm |
10 |
|
Abattage des arbres (scie mécanique) |
2 |
|
Tronçonnage des cimes et des branches |
6 à 8 |
|
Premier brûlage |
1 |
|
Tronçonnage des branches restantes |
3 |
|
Empilage |
60 |
|
Second brûlage |
2 |
|
Abattage et empilage |
100 |
|
Troisième brûlage |
2 |
|
Total: |
186 |
|
B) TRANSMIGRATION AREA DEVELOPMENT (Ross) (Muara
Marah) |
|
|
Défrichage |
|
|
Débroussaillage |
18 |
|
Abattage: |
Opérateurs de scies mécaniques |
3 |
|
Assistants |
3 |
Brûlage |
2 |
|
Premier réempilage |
18 |
|
Nouveau brûlage |
3 |
|
Défrichage final des rangs: |
|
|
|
Opérateurs de scies mécaniques |
2 |
|
Assistants |
2 |
Total: |
51 |
Diamètre des troncs en cm |
Nombre de tiges |
0 - 15 |
non dénombrées |
5 - 29 |
76 - 107 |
30 - 39 |
16 - 45 |
40 - 49 |
14 - 34 |
50 - 59 |
16 - 19 |
< 60 |
22 - 27 |
Total par hectare |
149 - 217 1/ |
1/ Ces totaux ne correspondent pas aux nombres minimal et maximal de tiges figurant dans le tableauSource: Clarke 1980
Le responsable de lévaluation est parfois appelé à évaluer le coût de lenlèvement des pierres et des roches qui peut être un des éléments de la classification des terres conditionnellement aptes ou inaptes à lirrigation. Lépierrage se fait de plusieurs façons: à la main, avec des machines, par concassage ou aux explosifs. Pour la classification des terres irrigables, lemplacement des roches ou blocs de pierre peut être un aspect important car il influe sur le tracé des canaux ou conduites dirrigation; il peut aussi influer sur la forme et la taille des champs et justifier le déclassement dune terre.
On enlève généralement les pierres (20-40 cm de diamètre) et les cailloux (7 - 20 cm de diamètre) des zones cultivées, encore que certaines cultures, comme les pâturages et les vergers, nen soient guère affectées. IL est nécessaire de prendre en compte le coût de lépierrage dans lattribution de la classe daptitude.
A titre dexemple, le Bureau of Reclamation des Etats-Unis calcule le coût de lépierrage en estimant ou en mesurant le volume du tas de pierres que lon obtient en enlevant et en entassant tous les cailloux et pierres trouvés sur une parcelle de 21 x 21 pieds (0,01 acre) en surface et sur une profondeur de 20 cm. Toute pierre de 10 pouces de diamètre trouvée sur cette parcelle de 0,01 acre équivaut donc à 1 yd3/acre. Si lon utilise le système métrique, on peut prendre une superficie de 10 x 10 m (0.01 ha); toute pierre de 26,7 cm trouvée sur cette superficie correspondra à environ 1 m3 de pierres par hectare.
Il faut compter environ 2,3 hommes/heure de travail pour ramasser à la main un mètre cube de pierres. Il ne faut pas oublier le coût du transport.
Les risques de débordement des rivières et des voies de drainage ont fréquemment une incidence sur les coûts dutilisation, daménagement et de mise en valeur des parties dun projet dirrigation qui y sont exposées. Les terres situées dans des zones exposées à ce genre de dommages doivent être évaluées du point de vue des avantages et des coûts des mesures de protection contre les inondations. Il peut sagir de mesures simples comme la construction de petites digues de terre, linstallation dun drainage de surface supplémentaire, de gabions (structures grillagées remplies de pierres), ou douvrages plus complexes. Dans beaucoup de cas, les dommages dus aux inondations seront supprimés par la construction, en amont, des ouvrages qui font partie des mesures prises pour accroître la quantité deau disponible pour lirrigation. Les grands projets ont souvent lavantage datténuer ou de supprimer les inondations.
Avant détablir la classification, le responsable de lévaluation examinera avec lhydrologue et lingénieur du projet les effets que les travaux envisagés auront sur les risques futurs dinondation.
Les terres fréquemment touchées par des inondations graves sont généralement exclues des projets dirrigation. Si lampleur et le moment de la montée et de la descente des eaux sont des données prévisibles, on peut envisager de cultiver du riz deau profonde et du riz flottant (voir Section A.13).
Chaque situation ayant ses particularités, il est difficile dévaluer de façon fiable les risques dinondation et les coûts de mise en valeur des terres que cela implique.
Le ruissellement provenant des hauteurs environnantes est un problème classique des terres situées en contrebas. Le problème est particulièrement grave dans les zones dérosion soumises, une partie de lannée, à des pluies torrentielles et dévastatrices. Il arrive, dans de telles conditions, que les terres cultivables à évaluer soient recouvertes de sol, de pierres et de débris végétaux provenant des collines. La présence de pierres et de cailloux à la surface du sol et des signes de forte érosion sur les versants seront révélateurs dun problème dinondation existant ou potentiel. A caractéristiques égales, les terres exposées à ce genre de dommages se prêtent moins bien au développement de lirrigation que les terres qui y échappent. Si les conditions sont très graves, il convient dexclure les terres soumises à ce type de ruissellement de la zone conditionnellement irrigable.
Pour évacuer leau et les sels en excédent dans un bassin hydrographique irrigué (Figure 18), il faut un réseau de drainage superficiel ou souterrain. La question du drainage a été traitée dans deux Bulletins dirrigation et de drainage de la FAO (les numéros 28 et 38, intitulés respectivement les essais de drainage (1982) et la conception des réseaux de drainage (1984), ainsi que dans le manuel de drainage de lUSBR et dans Luthin et al (1957).
Le coût du drainage joue un rôle important pour la classification des terres, surtout dans les zones arides ou semi-arides où il faut maîtriser la salinité et la sodicité. Lévaluation précède souvent les études détaillées de drainage et le responsable de la classification na pas toujours les renseignements nécessaires pour étayer ses premières conclusions. Il est donc primordial de revenir ultérieurement sur la classification pour tenir compte des études de drainage. Le calcul des coûts de drainage doit être fait par un spécialiste du drainage et non par un spécialiste de la classification des terres, ce qui a déjà été source de nombreux problèmes.
Les études de drainage ont pour but détablir la profondeur, la pente et les fluctuations du niveau phréatique. Elles servent également à vérifier la présence ou labsence de nappes captives (eau sous pression au-dessous de strates faiblement perméables), lépaisseur et la perméabilité du sol et des couches sous-jacentes susceptibles de ralentir le déplacement deau.
Figure 18: Schéma de la circulation de leau et des sels dans un bassin hydrographique irrigué
Source: Westcot 1979 (FAO 1979a)Pour étudier valablement le drainage, il faut un réseau de puits dobservation crépines de hauteur connue, ou utiliser les puits domestiques existants. Il faut également des installations piézométriques pour détecter le niveau phréatique; de nombreux forages profonds pour connaître les variations de substrat; et des essais de perméabilité en situation réelle. On utilise communément trois méthodes pour déterminer, in situ, la perméabilité horizontale: le test de la tarière (ou pompage en puits peu profond), le test du piézomètre et le test par injection deau dans un puits peu profond. Le test du perméamètre sert à établir la perméabilité verticale dune zone étroite. Pour la plupart des études de drainage, la perméabilité horizontale, obtenue par lune des trois méthodes indiquées, est considérée comme suffisante, dans la mesure où lon considère quelle est elle-même suffisante pour permettre à leau datteindre la zone saturée doù elle sévacuera par drainage horizontal. Si certains indices font soupçonner la présence de couches faiblement perméables au-dessus de la zone saturée, on déterminera la perméabilité verticale de ces couches au moyen du test du perméamètre à anneau (décrit par Winger 1965 et dans le Bulletin pédologique No 52 de la FAO, 1984). Malgré sa lenteur et sa complexité, ce test, dun coût raisonnable, donne des résultats généralisables et fiables. Pour le réaliser dans de bonnes conditions, il faut installer deux tensiomètres et deux piézomètres pour vérifier que les conditions de la loi de Darcy sur le déplacement des liquides à travers un matériau saturé sont bien remplies car cest sur elles que repose le calcul de la perméabilité.
Plusieurs formules ont été mises au point pour calculer lécartement des drains à partir des données de perméabilité et de profondeur de la couche obstacle. LUSBR (Dumm, 1968) utilise une méthode qui tient compte des besoins en eau des cultures, des rendements de lirrigation, des besoins de lessivage, de la profondeur souhaitée pour le plan phréatique, des précipitations et du rendement spécifique. Etant donné limportance du drainage dans la réussite dun projet dirrigation, il vaut mieux ne pas utiliser des méthodes abrégées dévaluation des besoins de drainage, à moins que leur validité, dans la zone considérée, nait été dûment établie.
Le drainage à lintérieur du champ se révèle pratiquement vain si le réseau de drainage général nest pas entretenu ou si les exutoires sont sujets à colmatage. Le responsable de lévaluation des terres sassurera, avec lingénieur en drainage, que toutes les voies de drainage et les zones nécessitant des émissaires de surface figurent bien dans le plan de mise en valeur.
Le Tableau 52, qui compare et classe les caractéristiques de perméabilité de différents sols et substrats, peut faciliter lévaluation des besoins de drainage.
Le lecteur trouvera un complément dinformations sur la conception du drainage dans le Bulletin dirrigation et de drainage No 38 de la FAO et dans dautres publications. Consulter également la Section C.25.
Les besoins de nivellement et planage des terres sont établis en fonction dune appréciation de la topographie et des modifications à lui apporter compte tenu de la technique dirrigation choisie pour le type dutilisation des terres. Le planage et le nivellement des terres en vue dy pratiquer lirrigation de surface dépendent plus particulièrement de quatre caractéristiques topographiques: 1) la pente, 2) le micro-relief, 3), le macro-relief, 4) le couvert végétal. Le responsable de la classification doit être capable de distinguer et dévaluer les caractéristiques topographiques importantes à cet égard. Il lui faut une expérience considérable pour, à partir dobservations réalisées sur le terrain, estimer avec une précision acceptable, le coût du nivellement. Les cartes topographiques ne sont pas toujours suffisamment détaillées pour en tirer des estimations précises. Un agronome expérimenté et spécialisé dans les études détaillées daménagement pourra fournir, à cet égard, des avis et une formation utile. Les plans daménagement détaillés dexploitations situées dans des zones représentatives, faisant apparaître les coûts de nivellement des terres seront encore les plus utiles indications. Effectuée correctement, lévaluation topographique fondée sur lexpérience et sur des études daménagement agricoles suffit normalement pour la plupart des études de planification.
La pente acceptable pour le développement de lirrigation, et par conséquent le coût du nivellement, est fonction (i) de la méthode dirrigation envisagée, (ii) de lintensité et la quantité des précipitations, (iii) de la susceptibilité du sol à lérosion et (iv) du système de culture envisagé. On trouve couramment en Asie les systèmes traditionnels de culture en terrasses irriguées par gravité des pentes égales ou supérieures à 50 pour cent; aujourdhui, de telles terres ne seraient pas jugées aptes à être mises en valeur. Aux Etats-Unis, il est rare que lirrigation par gravité soit pratiquée sur des pentes supérieures à 12 pour cent. Avec lirrigation par aspersion ou au goutte-à-goutte, le risque dérosion ou lutilisation de machines agricoles limitent considérablement la pente et des pentes de 20 pour cent sont considérées comme le maximum acceptable pour des cultures irriguées par aspersion. Dans les régions où se produisent des orages violents, le pourcentage maximum acceptable peut être encore moindre. Il est possible dirriguer des pentes plus fortes avec des cultures donnant un couvert serré ou gazonné quavec des cultures en lignes ou des cultures de plein champ.
Lexcès de pente est le problème le plus fréquent, mais labsence de pente peut également être une contrainte. En effet, une planéité excessive peut entraîner des coûts de nivellement plus élevés si lon veut augmenter la pente et obtenir une surface lisse et uniforme propice à une répartition homogène de leau dirrigation. Des gradients trop faibles peuvent rendre difficile lirrigation de sols faiblement perméables car leau stagnante entraînera la formation décaillés et un engorgement. Des sols très perméables et un relief extrêmement plat ne pourront être irrigués de façon uniforme sans une percolation en profondeur et une consommation deau excessives. En revanche, lorsque les sols sy prêtent, les terres très planes permettent dutiliser des méthodes dirrigation de surface réellement très efficaces, comme lirrigation par bassins dinfiltration ou par calants.
Pour évaluer le coût du nivellement, il faut commencer par définir les limites des champs et le type dirrigation de surface (petits bassins, grands bassins, longueur des sillons et des calants etc.). Il y a une interrelation entre la taille des champs irrigués et la quantité de nivellement nécessaire. Si le nivellement risque de causer des dégâts en mettant à nu les horizons sous-jacents et des couches indurées, il faudra considérer dautres solutions.
Tableau 52 COMPARAISON ET CLASSIFICATION DE LA PERMEABILITE DE DIVERS SOLS ET SUBSTRATS
Classes de texture et/ou 1/ |
Mètres/jour |
N° dindice de létude pédologique |
Classification des vitesses normales (2) |
||||
matériaux du substrat (1) |
Maximum |
Minimum |
Normal |
Classe clé |
N° dindice de drainabilité |
Classe clé de létude |
|
Argiles lourdes |
0,5 |
< 0,001 |
0,01 |
1 |
très lente |
1 |
très médiocre |
Argiles moyennes |
0,6 |
0,002 |
0,02 |
1 |
très lente |
1 |
très médiocre |
Argile limoneuse |
0,6 |
0,002 |
0,04 |
2 |
lente |
2 |
médiocre |
Argile sableuse |
0,6 |
0,007 |
0,05 |
2 |
lente |
2 |
médiocre |
Limon argileux fin |
0,7 |
0,005 |
0,12 |
2 |
lente |
3 |
convenable |
Limon argileux |
1,2 |
0,02 |
0,15 |
2 |
lente |
3 |
convenable |
Limons très fins |
0,6 |
0,005 |
0,1 |
2 |
lente |
3 |
convenable |
Limon fin |
3 |
0,01 |
0,3 |
3 |
moyennement lente |
3 |
convenable |
Limon argilo-sableux |
3 |
0,02 |
0,5 |
3 |
moyennement lente |
3 |
convenable |
Limon |
3,5 |
0,05 |
0,6 |
3 |
moyennement lente |
4 |
bonne |
Limon sableux fin |
3,5 |
0,1 |
1 |
4 |
moyennement rapide |
4 |
bonne |
Limon sableux |
4 |
0,1 |
1 |
4 |
moyennement rapide |
4 |
bonne |
Limon sableux grossier |
5 |
0,3 |
2 |
5 |
rapide |
5 |
très bonne |
Sable fin limoneux |
4 |
0,3 |
2 |
5 |
rapide |
5 |
très bonne |
Sable limoneux |
5 |
0,4 |
2,5 |
5 |
rapide |
5 |
très bonne |
Sable grossier limoneux |
6 |
2 |
3 |
5 |
rapide |
5 |
très bonne |
Sable fin et sable très fin |
12 |
0,1 |
2 |
5 |
rapide |
5 |
très bonne |
Sable moyen |
60 |
2 |
4 |
6 |
très rapide |
5 |
très bonne |
Sable grossier |
120 |
6 |
12 |
7 |
excessive |
5 |
très bonne |
Argiles graveleuses à limons argileux graveleux |
1 |
< 0,001 |
1 |
2 |
lente |
3 |
convenable |
Limons très fins graveleux à limons |
4 |
0,005 |
1 |
4 |
moyennement rapide |
4 |
bonne |
Limons sableux fins graveleux à sables fins |
60 |
2 |
6 |
6 |
très rapide |
5 |
très bonne |
Argiles très graveleuses à limons sableux très graveleux |
12 |
1 |
3 |
5 |
rapide |
5 |
très bonne |
Limons très fins très graveleux à limons |
60 |
3 |
6 |
6 |
très rapide |
5 |
très bonne |
Limons sableux fins très graveleux à sables fins |
120 |
6 |
12 |
7 |
excessive |
5 |
très bonne |
Mélange de gravier pisiforme et de sables |
60 |
1,5 |
12 |
7 |
excessive |
5 |
très bonne |
Gravier pisiforme |
240 |
24 |
48 |
7 |
excessive |
5 |
très bonne |
Gravier, galets et sables (mélangés) |
120 |
2 |
36 |
7 |
excessive |
5 |
très bonne |
Gravier |
1 200 |
36 |
77 |
7 |
excessive |
5 |
très bonne |
Galets et gravier |
1 800 |
72 |
120 |
7 |
excessive |
5 |
très bonne |
Galets |
2 400 |
120 |
240 |
7 |
excessive |
5 |
très bonne |
S meuble, graveleux, |
|
|
|
|
|
|
|
gypseux, etc. 3/ |
24 |
1 |
12 |
7 |
excessive |
5 |
très bonne |
S marneux ou calcaire. |
|
|
|
|
|
|
|
mou à demi-dur |
4 |
0,05 |
0,5 |
4 |
modérée |
3 |
convenable |
S marneux ou calcaire, |
|
|
|
|
|
|
|
semi-dur à dur |
0,05 |
< 0,005 |
0,03 |
2 |
lente |
2 |
médiocre |
S argileux à calcaire, compact à très
dur |
0,05 |
< 0,005 |
0,001 |
1 |
très lente |
1 |
très bonne |
Gravier légèrement cimenté |
77 |
0,1 |
12 |
7 |
excessive |
5 |
très bonne |
Toute roche fracturée ou crevassée |
77 |
0,005 |
6 |
6 |
très rapide |
5 |
très bonne |
Boches poreuses comprenant des caliches semi-durs et durs |
77 |
0,005 |
6 |
6 |
très rapide |
5 |
très bonne |
Roche uniforme, peu ou pas de fractures ou de crevasses |
0,005 |
< 0,0001 |
> 0,0005 |
1 |
très lente |
1 |
très médiocre |
Couches de gypse |
|
|
|
1 |
excessive |
5 |
très médiocre |
1/ Les classes texturales sont établies daprès les structures normales et ne tiennent pas compte de sols très dispersés contenant un excès dions sodium échangeables. Les données proviennent de toutes les sources connues.Si lon envisage un système dirrigation de surface, létude de classification des terres doit absolument comporter une évaluation des besoins de nivellement du sol. Avant même le début des études de terrain, le responsable de la classification devra savoir, après avoir consulté des économistes, quel est le coût maximum acceptable pour la mise en valeur des terres. Il ny a pas de méthode toute faite en la matière; cest surtout lexpérience qui confère lintuition nécessaire pour estimer le volume des terrassements. Toutefois, les cartes topographiques et les plans dagencement détaillés dexploitations situées dans des zones représentatives permettent une corrélation utile avec des estimations faites pour des zones similaires. Une méthode consiste à convertir la moyenne des déblais et remblais à effectuer dans un champ en un volume estimatif dé terre à déplacer. On peut évaluer les déblais et remblais nécessaires en un volume estimé de terre à déplacer. Lestimation du volume des déblais et remblais peut se faire en calculant la différence entre les creux et bosses du microrelief et en effectuant la moyenne pour le champ considéré. Cette méthode suppose un déblai moyen sur une moitié de la zone et le remblai de lautre moitié. On peut établir les tableaux indiquant les volumes correspondant à diverses différences. Lorsque lon dispose de cartes topographiques mentionnant la cote des différents éléments du relief, on a une bonne indication des creux et bosses. Tout doit être estimé: profondeur de la couche superficielle, qualité du sous-sol, présence de substrats gypsifères ou autres.2/ Ces indices ne comparent que les vitesses de transmission de leau. La capacité de drainage dune zone donnée dépend également de la profondeur des couches imperméables, de la stratification, de lépaisseur et de la position des couches aquifères, de la pente et de la vitesse dabsorption de leau, ainsi que de la capacité de stockage des sols.
3/ Comprend une grande variété de matériaux de sous-sol et de substrat en général non consolidés (sable, limons très fins, argiles et graviers) à des degrés divers de dégradation, dilluviation et de cimentation.
Note: Tableau établi par Ralph M. Parsons Co.
Le degré de régularité de la surface nécessaire à une bonne pratique de lirrigation peut varier selon le gradient, la méthode dirrigation par gravité, la qualité de leau, la profondeur prévue du plan phréatique et les cultures. En général, plus la pente est forte, moins le gradage doit être précis; il en est de même pour les méthodes dirrigation moins efficaces quutilisent les petits exploitants, qui travaillent avec des petits bassins et des sillons courts. Les coûts de nivellement des terres et les avantages quapporte lutilisation efficace de leau doivent se compenser. Si le rendement de la consommation deau ne peut être quinévitablement faible, on se contentera dégaliser les terres dans le sens de la pente, sauf sil sagit de bassins rizicoles où la profondeur de leau joue un rôle critique.
Il faut parfois inclure dans lévaluation du coût total du nivellement des terres le volume des terrassements relatifs à la construction des canalisations secondaires, des drains et autres ouvrages agricoles. Sans doute, le coût du nivellement se base essentiellement sur le volume total de terre à déplacer mais dautres facteurs peuvent aussi entrer en jeu. Le coût unitaire du nivellement varie selon la profondeur des déblais, la distance de déplacement, le degré de régularité de la surface souhaité, la texture du sol (qui influe sur sa plasticité et sur les conditions dhumidité dans lesquelles il pourra être travaillé) et la taille des champs (dont dépend la possibilité de manoeuvrer de gros engins).
Dans les systèmes mécanisés dagriculture, les coûts de nivellement sont en rapport avec le choix de la taille et de la forme des champs, le but étant de réduire au maximum les coûts dexploitation des machines agricoles après mise en valeur des terres. Dans ce contexte, cest surtout le macrorelief qui détermine la forme et la taille des champs. Dautres facteurs jouent également: longueur de parcours des rigoles dirrigation sur les sols ayant une vitesse dinfiltration excessive, longueur de la pente du point de vue de la maîtrise de lérosion. Il est parfois impossible de pratiquer lirrigation de surface avec une agriculture mécanisée sur des terres présentant une topographie complexe, avec de fréquents changements.
Plus les champs sont petits, plus le parcours des rigoles dirrigation est faible, plus les besoins de main-doeuvre augmentent. Le réseau dirrigation devient plus complexe, le coût dexploitation des machines croît, la proportion de terres improductives augmente, les rendements de lirrigation diminuent. Cest sur ces facteurs principalement que lon se fonde pour établir la taille économique minimum des champs et la longueur de parcours dirrigation incluse dans les spécifications du projet. Il est donc nécessaire détablir la taille des champs avant destimer les coûts de nivellement. Les lisières des champs coïncident généralement avec les éléments les plus proéminents du relief; on peut alors niveler les terres quelles entourent pour permettre lécoulement de leau par gravité. Dautres éléments (limites de propriété, zones incultes, limites de terres dont lutilisation exclut lirrigation) faisant obstacle à lécoulement normal de lirrigation peuvent également servir à définir les limites des champs. Les éléments qui déterminent la taille des champs doivent être définis par lobservation. Cela demande une expérience et une capacité de jugement considérables. Il nest pas utile de définir chaque champ dans les études de classification de caractère plus général. Dans de tels cas, on estime la taille des champs en comparant la forme soit avec des zones similaires pour lesquelles il existe des plans du relief détaillés dagencement des exploitations, soit avec des zones irriguées de même topographie. La taille peut être mise en association avec les différentes unités de terres.
Le Tableau 53 fournit un exemple dévaluation de la taille et la forme des champs du point de vue de laptitude à la culture mécanisée aux Etats-Unis. Le Tableau 54 indique le volume de terre à déplacer pour différentes profondeurs de remblai et déblai; ces chiffres combinés avec les coûts unitaires locaux, peuvent servir à calculer les coûts de nivellement.
Tableau 53 EVALUATION DE LA TAILLE DES CHAMPS IRRIGUES POUR LA CULTURE MECANISEE
|
Limites critiques |
|||
s1 |
s2 |
s3 |
n |
|
Taille minimum des champs (ha) |
8,0 |
3,6 |
2 |
1 |
Longueur de parcours minimum 1/ |
390 |
120 |
100 |
50 |
Dimensions (m) |
390 x 200 |
120 x 300 |
100 x 200 |
50 x 200 |
1/ Pour calculer la longueur de parcours appropriée à un sol donné, il faut tenir compte de la vitesse dabsorption de leau.Tableau 54
EVALUATION DES BESOINS DE NIVELLEMENT (REMBLAI ET DEBLAI)
Type de nivellement |
Léger |
Moyen |
Important |
Remblai et déblai moyen (cm) |
7,5 |
15 |
30 |
Volumes de terrassements (m3/ha) |
375 |
750 |
1 500 |
(yd3/ac) |
200 |
400 |
800 |
Nota: 100 yd3/ac = 189 m3/ha.Enfin, il convient dévaluer leffet du terrassement sur la productivité physique de la terre. Celui-ci dépend de lépaisseur de la couche superficielle, de la qualité du sol sous-jacent, de la présence de couches gypsifères, etc.
C.23.1 Moyens physiques de bonification
C.23.2 Amendements chimiques et organiques
La mise en valeur des terres peut nécessiter lemploi de traitements physiques, chimiques et organiques. Abstraction faite du lessivage, décrit à la section suivante, on peut ranger ces améliorations particulières des terres en deux grandes catégories.
Parmi lesquels:
i. le labourage profond: particulièrement indiqué pour des sols stratifiés comportant des couches perméables et des couches imperméables, ou pour des sols comportant des couches gypseuses accessibles à la charrue;ii. le sous-solage: particulièrement employé pour briser un horizon B induré ou une couche calcaire;
iii. linversion du profil: pratiquée quand la partie supérieure du sol sous-jacent est dotée de propriétés indésirables (on inverse la partie supérieure et la partie inférieure des couches sous-jacentes, puis on remet en place la couche superficielle).
iv. sablage: consiste à épandre du sable puis à le mêler aux horizons supérieurs des sols à texture fine (ne sapplique pas aux sols argileux lourds).
Dans la bonification des sols sodiques/salins et des sols sodiques, des amendements chimiques sont très souvent nécessaires pour neutraliser le sodium libre et pour fournir un cation qui prendra la place du sodium dans le complexe échangeable. Le gypse est de loin lamendement le plus couramment utilisé. Le gypse phosphoreux, un sous-produit du superphosphate, relativement peu coûteux dans les pays possédant des usines de superphosphate, peut se montrer efficace même à faibles doses en raison de la petite taille de ses particules. Shainberg (communication personnelle) et dautres experts ont démontré que le gypse phosphoreux a des effets très sensibles sur les propriétés électrolytiques des sols hydrofuges et quil améliore rapidement la condition physique de la fraction limon/argile. Parmi les autres amendements utiles figurent le chlorure de calcium, le carbonate de calcium, et la chaux résiduaire des raffineries de sucre (un mélange de composés de calcium alcalins). Certains agents acidifiants, comme lacide sulfurique, le soufre et le sulfate de fer servent à bonifier les sols sodiques car ils neutralisent le carbonate de sodium et réagissent avec la chaux des sols calcaires pour produire du gypse, qui donne le taux de calcium soluble souhaité. Une autre façon de solubiliser le CaCO3 dans le même sol est daccroître la teneur de matière organique en cultivant des engrais verts ou en appliquant une fumure organique. Cette pratique abaisse le pH par augmentation de la concentration du soi en gaz carbonique. La façon la plus efficace daméliorer les sols salins/sodiques après lessivage est bien souvent dy pratiquer une culture bonifiante. Le paillage à laide de matériaux organiques peut aussi donner des résultats spectaculaires (Eavis et Cumberbatch 1977).
Pour évaluer le besoin damendement (sil sagit damendements chimiques visant à supprimer une certaine quantité de sodium, lévaluateur peut, dans un premier temps, calculer les besoins théoriques en gypse:
ESP initial correspond à la valeur mesurée avant bonification. ESP final est la valeur souhaitée, 10 le plus souvent, soit un niveau de sodium échangeable auquel il ne se produit pas de peptisation sensible. Par exemple, si ESP initial = 30, ESP final = 10 et CEC = 24:
Etant donné que 1 meq de gypse/100 g de sol équivaut à 860 ppm de gypse; étant donné par ailleurs, que lon peut évaluer à 3 100 tonnes le poids dun hectare de sol dune épaisseur de 20 cm, la quantité de gypse théoriquement nécessaire pour traiter cette épaisseur de sol sera la suivante:
Besoin de gypse/ha/20 cm = 860x106 x 3,106 x 4,8 = 12 400 kg.
Dans la pratique, le gypse risque de ne pas être pur et il faut utiliser un facteur de correction tenant compte de sa pureté relative. Par surcroît, le remplacement du sodium par le calcium ne se fait pas à 100 pour cent en raison, en partie, de la présence de sodium libre dans le sol. Il est donc recommandé daccroître la quantité de gypse à appliquer en fonction des équivalents en carbonate et bicarbonate de sodium libre (FAO/Unesco 1973). Des études (non publiées) faites par lUSBR en Idaho montrent que le gypse a une efficacité de remplacement du sodium échangeable qui nest, en général, que de 60 à 75 pour cent. Cette constatation peut être utilisée pour corriger les besoins calculés. Le Tableau 55 montre les quantités dautres amendements qui, dans lhypothèse où ils seraient localement moins chers, auraient la même efficacité quune tonne de gypse pur. Quand leau disponible a un taux dadsorption du sodium (SAR) peu élevé, on peut considérer la possibilité daméliorer les terres sans employer damendements, lutilisation dune eau de salinité moyenne ayant pour effet daccroître la teneur en électrolytes. La valeur du SAR dépend des minéraux argileux présents dans le sol. Il est normalement inférieur à 10 pour les minéraux du type 2:1 et légèrement supérieur pour les minéraux du type 1:1. Une eau saline (5-8 dS/m) additionnée de gypse ou de chlorure de calcium pour ramener le SAR au-dessous de la valeur limite sera généralement adaptée au lessivage initial des sols salins/sodiques ou sodiques.
Les sols gypsifères ont des besoins de bonification particuliers, qui ont été traités par Mousli (1979). Le sol peut (i) contenir du matériau gypsifère réparti dans toute son épaisseur, (ii) être un sol gypseux calcaire, (iii) renfermer une couche de gypse solide située à une profondeur inférieure ou supérieure à 150 cm, (iv) être un sol gypsifère sableux ou (v) un sol gypsifère caillouteux. La forte solubilité du gypse crée une pression osmotique élevée qui réduit lextraction de leau par les plantes; toutefois les valeurs CE sont plus élevées que pour les sols salins. La solution de sol est saturée de calcium, qui provoque la fixation des oligo-éléments (Fe, Mn, Cu et Zn) sous des formes moins assimilables. La présence dune couche indurée ou imperméable gêne la pénétration des racines et de leau. La dissolution du gypse et son lessivage pendant lirrigation entraînent dans certains sols une augmentation de la plasticité et une altération de leur cohésion et de leur structure. Ils peuvent en outre provoquer laffaissement des canaux mal revêtus. Le manque de cohésion et de structure des sols gypsifères les rend vulnérables à lérosion. Lincorporation de matières organiques, les labours profonds et la gestion rigoureuse de leau dirrigation jouent un rôle important dans lamélioration du profil des sols gypsifères.
Tableau 55
QUANTITES DAMENDEMENTS CHIMIQUES CORRESPONDANT A UNE TONNE DE GYPSE
Amendement |
Tonnes |
Gypse (CaSO4, 2H2O) |
1,00 |
Chlorure de calcium
(CaCl2.2H2O) |
0,85 |
Calcaire (CaCO3) |
0,58 |
Soufre |
0,19 |
Acide sulfurique |
0,57 |
Sulfate de fer (FeSO4.7H2O) |
1,62 |
Sulfate daluminium
(Al2(SO4)3. 18H2O) |
1,29 |
Polysulfure de calcium (CaSO4) 24% soufre |
0,77 |
Source: FAO/Unesco 1973Le responsable de lévaluation se référera aux directives du Chapitre 7 pour évaluer les coûts et avantages des moyens et amendements physiques chimiques et organiques.
La concentration en sels de certains sols avant irrigation est parfois si élevée quun lessivage initial est nécessaire avant leur mise en culture. La quantité deau à apporter pour bonifier par lessivage une zone radiculaire saline dépend principalement du degré initial de salinité du sol et de la technique darrosage. Lexpérience montre quil est possible de lessiver environ 70 pour cent des sels solubles présents initialement dans un profil salin en appliquant une hauteur deau égale à lépaisseur de sol à bonifier, si la submersion est continue et le drainage suffisant (Hoffman, 1980).
La relation entre la proportion de sel restant dans le profil, C/Co (Co étant la concentration initiale en sel et C la concentration en sel pendant la bonification), et la quantité deau fournie par unité dépaisseur de sol et filtrant à travers le profil dans des conditions de submersion continue, dw/ds (US Salinity Laboratory, en préparation), peut être estimée comme suit:
(C/Co).(dw/ds) = 0,3 si dw/ds > 0,3.Les données concernant cette relation, représentée par la Figure 19, recouvrent divers types de sols allant de la tourbe au limon sableux et à largile. On peut affiner léquation en tenant compte de la concentration en sel de leau appliquée (Ci). Pour cela, on remplace C/Co par (C-Ci)/Co-Ci). On obtient ainsi une meilleure estimation de dw à mesure que Ci augmente ou que la fin de la bonification approche (que C tend vers Ci).
Figure 19: Hauteur deau par unité dépaisseur de sol nécessaire pour lessiver un sol salin (en submersion continue ou intermittente) ou pour lessiver un sol à forte teneur en bore (US Salinity Laboratory, en préparation).
On peut réduire la quantité deau nécessaire au lessivage des sels solubles en maintenant la submersion par des applications deau intermittentes, ou en utilisant laspersion. La différence defficacité des diverses méthodes de lessivage tient avant tout au fait que la diffusion des sels vers les chenaux découlement primaires ne se fait pas de la même manière, ou sil ny a pas saturation, au fait que le pourcentage deau passant par les pores fins du sol est plus important. Dans le cas de la submersion intermittente, la relation entre C/Co et dw/ds représentée à la Figure 19 (US Salinity Laboratory, en préparation) peut être calculée comme suit:
C/Co . (dw/ds) = 0,1 si dw/ds > 0,1La relation concernant la submersion intermittente a été tirée de quatre essais de terrain durant lesquels la hauteur deau appliquée à chaque cycle a été de 50 à 150 mm, avec des intervalles de submersion allant dune semaine à un mois. Pour éliminer par submersion intermittente 70 pour cent des sels solubles initialement présents il faut une hauteur deau égale au tiers environ de la profondeur de sol à bonifier, soit un tiers seulement de la quantité deau nécessaire avec la submersion continue. Il faut préciser, cependant, que ces résultats ont été obtenus dans le cadre dessais effectués dans des conditions expérimentales contrôlées. Dans les conditions réelles du terrain, il ne sera pas toujours possible dobtenir luniformité darrosage nécessaire pour faire du lessivage intermittent une solution avantageuse.
Lefficacité du lessivage par aspersion est semblable à celle de la submersion intermittente. On peut, dans certains cas, laméliorer notamment quand on utilise de faibles débits darrosage ou quand on pratique une aspersion intermittente. Laspersion a, par rapport à la submersion, lavantage de ne pas exiger un nivellement précis des terres. La submersion intermittente et laspersion ont, par contre, linconvénient de prendre plus de temps et, sur des sols absorbant difficilement leau, les pertes par évaporation peuvent être pratiquement égales voire supérieures à linfiltration. Luniformité de larrosage exige un soin extrême. Si la première culture envisagée est une culture tolérant le sel, il est parfois possible deffectuer le premier lessivage pendant son développement.
Le bore en excès est en général plus difficile à lessiver que les sels solubles car il peut être étroitement fixé aux particules de sol. La quantité deau nécessaire au lessivage peut dépendre de lorigine du bore. Les sols dont la teneur inhérente en bore est élevée semblent retenir ce corps avec plus de ténacité que les sols où le bore a été apporté par leau dirrigation. Les premiers exigent un lessivage plus important pour leur bonification initiale et souvent des lessivages supplémentaires effectués périodiquement pour éliminer le bore que le sol libère ultérieurement. Tout comme pour les sels solubles, on peut approcher la relation entre C/Co et dw/ds pour le lessivage des sols à forte teneur inhérente en bore, relation représentée à la Figure 19, par la formule suivante (US Salinity Laboratory, en préparation):
(C/Co) . (dw/ds) = 0,6 quand dwds > 0,6Pour les sols à forte teneur inhérente en bore, la quantité deau nécessaire pour éliminer une fraction donnée de bore est donc environ le double de celle quil faut, en submersion continue, pour éliminer les sels solubles. La technique dapplication de leau ne semble pas influer de façon sensible sur lefficacité du lessivage du bore.
Le responsable de lévaluation doit parfois calculer le coût de leau employée pour bonifier différentes zones. La caractéristique à prendre en compte pour ces premières approximations est le volume ou la hauteur deau requis. Il est possible de définir une concentration saline limite (ECe) pour le sol initial, qui permettra de distinguer les terres qui valent la peine dêtre lessivées et bonifiées et les autres.
Les terres qui doivent être bonifiées par nivellement ou lessivage ne sont pas toujours immédiatement aptes à la culture et à lutilisation souhaitées. Il passera parfois plusieurs années avant que les rendements deviennent optimaux. La durée de la période de bonification peut avoir une incidence considérable sur la faisabilité dun projet. En règle générale, plus elle sera courte mieux cela vaudra. Pendant les premières années, le développement des cultures ne sera pas très homogène et il peut être indiqué de faire des cultures de valeur moindre, mais qui enrichissent le sol en matière organique et en éléments nutritifs. La dissolution du gypse peut entraîner des problèmes daffaissement, de même quun compactage insuffisant après les opérations de déblaiement et remblaiement.
Le moment où le drainage est mis en place dans les champs est un élément dune grande portée économique. En termes de valeur actuelle nette, il est beaucoup plus coûteux dinstaller le drainage au tout début du projet quà un stade ultérieur; cest pourquoi on était autrefois tenté de retarder la pose des drains agricoles voire, dans de nombreux cas, dy renoncer entièrement. Cette façon de voir a eu des conséquences catastrophiques sur les projets dirrigation réalisés dans les zones arides ou semi-arides. Néanmoins, si le niveau phréatique est très profond, linstallation du drainage au début dun projet peut aussi être une erreur économique. Dans les années qui suivent la mise en irrigation, il arrive souvent que le plan phréatique monte à un niveau tel que le drainage devient indispensable. Le responsable de la classification peut avoir à décider, pour des zones différentes, de lannée (à partir de lan 1 du projet) au cours de laquelle le drainage devra être installé. Il décidera en fonction de la profondeur de la nappe phréatique et de la vitesse de remontée prévisible. Quand on est en présence de sols peu perméables, où lon peut sattendre à rencontrer une nappe perchée, il faudra parfois installer le drainage dès le début de lirrigation. Le drainage peut parfois être nécessaire, pendant la bonification, pour le lessivage des sels; mais, normalement, il ne vaut pas la peine dinclure ce besoin supplémentaire dans la conception du drainage; il suffit daugmenter la durée de larrosage.
Sur les terres rizicoles relativement perméables, les pertes par infiltration et percolation pendant les quelques années qui suivent la mise en valeur initiale sont souvent excessives. Il faut normalement environ sept ans pour que la vitesse de percolation diminue à la suite de laccumulation de matériaux fins au fond des rizières, qui finissent ainsi par se colmater.
Le temps nécessaire à la terre pour atteindre sa pleine productivité, le stade dinstallation des drains agricoles et les répercussions sur la production et les coûts peuvent être utilisés comme limites critiques pour fixer la durée de la période de bonification.
Lévaluation de laptitude ou des limitations des terres du point de vue de la technique de lirrigation comporte deux cas de figure: i) la mise en valeur de nouvelles terres en vue de lirrigation et (ii) la remise en état de périmètres dirrigation.
i. Nouvelles terresLe responsable de la classification des terres doit souvent effectuer, dans le cadre dune étude générale, dès les premiers stades dun projet, une première évaluation de laptitude des terres du point de vue des ouvrages de drainage et dirrigation. Par la suite, les ingénieurs devront éventuellement étudier très en détail le tracé possible des réseaux dirrigation et de drainage et dresser des cartes topographiques supplémentaires.
Voici une liste des éléments importants à prendre en considération dans les études préliminaires:
a. Caractéristiques topographiques susceptibles dinfluer sur lécoulement de leau par gravité, ou la hauteur et la distance de pompage de leau (voir également la Section B.14).Certains de ces éléments peuvent être déterminants pour la classification, quel que soit le résultat des évaluations effectuées au titre des sections précédentes.b. Profondeur des couches pouvant constituer des obstacles à la construction des canaux, des drains et autres ouvrages ou influer sur les opérations de nivellement et planage (aspects non évalués sous dautres rubriques).
c. Présence de matériaux souterrains instables susceptibles de créer des problèmes daffaissement.
d. Perméabilité des sols sur lesquels des canaux et des drains vont être construits et les pertes deau qui en résulteront selon que les rigoles seront revêtues ou non.
e. Etat du substrat dans la mesure où il influe sur linstallation douvrages permanents, tels que déversoirs, retenues, etc.
f. Conditions du sol du point de vue de linstallation dun réseau de drainage agricole et démissaires (profondeur et nature de la couche-obstacle, etc.).
g. Conditions daccès aux chantiers du projet.
h. Emplacement des puits foncés ou des puits tubulaires du point de vue non seulement de leau mais des terres à irriguer, cela afin de tirer le meilleur parti de la topographie et des économies dénergie.
i. Taille et forme des unités potentielles daménagement ou des champs (voir également la Section B.14).
j. Localisation des bourrelets et diguettes compte tenu de la topographie, des variations de la texture du sol, et autres caractéristiques, cela afin daméliorer le rendement de leau et la productivité.
k. Evaluation de la taille des bassins, de la longueur des sillons, etc. (Tableau 48) compte tenu des coûts du terrassement et des caractéristiques acceptables de la pente et de micro-relief après nivellement (voir également la Section B.15).
l. Ajustement de loffre et de la demande deau et calendrier des arrosages (fréquence, vitesse et durée dapplication). La conception des réseaux de canaux ou de conduites jusquau niveau du champ et les coûts de ces ouvrages dépendent de lun ou lautre ou de tous ces facteurs.
ii. Remise en état de périmètres dirrigation
La remise en état des périmètres dirrigation nécessitera des évaluations fort différentes selon que le périmètre est situé dans une région rizicole dAsie ou dans une zone aride ou semi-aride affectée de problèmes dengorgement et de salinité. Les zones de précipitations moyennes soulèvent également des problèmes qui leur sont propres.
Dans le cas des terres rizicoles dAsie, les opérations de remise en état consistent souvent à améliorer les réseaux primaires, secondaires et tertiaires dalimentation en eau ou à installer des ouvrages en vue dune meilleure maîtrise de leau (déversoirs de dérivation, dispositifs de mesure, structures de stockage, etc.). Le responsable de lévaluation est parfois appelé à évaluer laptitude des terres du point de vue de lamélioration de ces ouvrages de génie civil.
Pour la remise en état de périmètres situés sur des terres salines, sodiques et saturées dans les zones arides et semi-arides, les études à entreprendre concernent généralement les ouvrages de génie civil; il sagit en particulier détudes topographiques et détudes du niveau de la nappe phréatique, qui serviront à localiser correctement les canaux dirrigation et de drainage. Si ces études font apparaître des coûts de construction très élevés, les terres concernées peuvent être abaissées dune ou plusieurs classes daptitude.
Les plus importantes des évaluations proposées dans la présente section sont celles qui ont pour effet de démontrer que la mise en valeur de certaines terres par lirrigation et le drainage serait excessivement coûteuse et, par conséquent, de les exclure.