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6. ANALYSE ET CHOIX DES ALTERNATIVES


6.1 Choix des alternatives


L'objet de ce chapitre est de permettre le choix d'alternatives pour lesquelles du capital pourra être nécessaire pendant une période, tels que des projets d'ingénierie ou des affaires commerciales générales. Il est essentiel de considérer l'effet temps sur le capital étant donné que le capital doit toujours produire un rendement. Si les relations temps-valeur ne sont pas suffisamment prises en compte, les résultats des études économiques seront erronés et pourront conduire à des décisions aberrantes. L'annexe B donne une revue concise des équations financières, nécessaires pour calculer les intérêts et la valeur temps de l'argent,

6.1 Choix des alternatives


6.1.1 Analyse de la valeur actualisée
6.1.2 Point d'équivalence
6.1.3 Techniques d'optimisation


En dépit du fait que l'expérience, l'intuition et le jugement sont toujours les facteurs dominants dans la prise de décision à un niveau élevé et dans la majorité des décisions au niveau opérationnel, des progrès significatifs ont été accomplis dans l'utilisation des techniques quantitatives qui aident le processus de prise de décision par l'utilisation de modèles économiques. L'expérimentation directe des procédures opérationnelles alternatives est généralement coûteuse et bien souvent impossible. Cependant, les modèles de décision et les procédés de simulation offrent un moyen pratique par lequel l'évaluateur peut obtenir des informations sur les opérations qu'il contrôle sans perturber les opérations elles-mêmes. Il en résulte que le procédé de simulation est essentiellement un procédé d'expérimentation indirecte par lequel des actions alternatives sont testées avant d'être mises en oeuvre.

Les modèles économiques sont formulés de manière à fournir à l'analyste une base quantitative pour l'étude des opérations dont il est responsable. La méthode comporte quatre étapes:

- Définition du problème
- Formulation du modèle
- Mise en fonctionnement du modèle
- Prise de décision

La méthodologie appliquée dans chaque cas dépend de sa nature et d'une définition claire de l'objectif à rechercher. On trouve parmi les différentes méthodologies:

- Le choix d'alternatives par l'analyse de la valeur actualisée et du point d'équivalence
- Les techniques d'optimisation
- Les méthodes de calcul de la profitabilité du projet
- L'analyse du seuil de rentabilité

L'analyse de la valeur actualisée et du point d'équivalence sera abordée dans ce chapitre, dans lequel figure également une introduction rapide aux techniques d'optimisation. Les méthodes de calcul de la profitabilité des projets et l'analyse du seuil de rentabilité seront discutées dans le prochain chapitre.

6.1.1 Analyse de la valeur actualisée

Les critères de décision doivent comporter un indice, une mesure d'équivalence ou une base de comparaison qui résume les différences significatives entre les différentes propositions. Les relations et les équations développées ici sont les éléments nécessaires qui permettent de comparer deux ou plusieurs alternatives qui ont des vies utiles identiques ou différentes. Les données nécessaires comprennent l'investissement initial, des coûts de fonctionnement uniformes ou irréguliers, la valeur résiduelle et la vie utile.

Les alternatives qui peuvent être obtenues sont le résultat de l'évaluation de différentes sommes d'argent en relation avec différentes durées à l'intérieur de la vie utile des alternatives. Afin de permettre de faire le meilleur choix, ces alternatives doivent être réduites à une base de temps commune, c'est-à-dire qu'il faut faire la comparaison au même point sur l'axe des temps. Les bases de comparaison les plus courantes sont:

- Valeur actualisée: comparaison de quantités équivalentes au temps présent

- Coûts annuels uniformes: la comparaison est effectuée entre des quantités équivalentes uniformes annuelles à la fin de l'année (base de temps: un an)

- Coûts capitalisés: la comparaison est effectuée sur les prémisses que les fonds seront disponibles pour remplacer l'équipement une fois que sa vie utile sera achevée (base de temps: infinie)

Exemple 6.1 Choix d'alternatives ayant une vie utile équivalente
Etêtage manuel ou mécanique, éviscération et étiquetage dans les conserveries de petits poissons

Analysez la proposition suivante: Machines de substitution pour le travail d'étêtage, d'éviscération et d'étiquetage dans les conserveries de petits poissons dans les pays tropicaux. La capacité de production est de 10 000 boîtes de 125 g de sardines toutes les 8 heures. Le tableau 6.1 montre les coûts d'investissement et de fonctionnement pour chaque alternative. La valeur temps choisie pour l'argent est de 10 % par an. En fonctionnant dans ces conditions, déterminez la meilleure décision qui peut être prise d'un point de vue économique. Exprimez les résultats en valeur actualisée (VA) et en coût annuel uniforme.

Tableau 6.1 Coûts d'investissement et de fonctionnement pour les alternatives A et B


Alternative A

Alternative B

Investissement ($EU)

172 930

154 006

Coûts de main-d'œuvre ($EU/an)

42 408

71 714

Coûts de maintenance ($EU/an)

7 965

7 022

Consommation d'électricité ($EU/an)

1 262

942

Assurances ($EU/an)

1 596

1 398

Vie utile (années)

10

10

Réponse:

VA = PA10= 172 930 + (42 408 + 7 965 + 1 262 + 1 596) × FAP10%,10 = 172 930 + 53 231 × 6,15 = 500 300 $EU

VA = PB10= 154 006 + 81 076 × 6,15 = 652 623 $EU

où FAP10%,10 est le facteur de valeur pour un taux d'intérêt (i) égal à 10% pour une période de 10 ans (N) (voir Annexe B, Tableau B.2).

Coûts uniformes annuels = AA = PA10 × FAP10% ,10 = 500 300 × 0,163 = 81 450 $EU

Coûts uniformes annuels = AB = PB10 × FAP10%,10 = 652 623 × 0,163 = 106 377 $EU

où:

FAP10%,10 est le facteur de récupération pour i = 0,10 (10%) et n = 10 (FAP10%,10 = 1/FAP10%,10) (voir Annexe B, Tableau B.2).

L'effet économique de la substitution d'un équipement par du travail dépend du CT du travail supplémentaire en relation avec la dépense en capital. D'après les données précédentes, l'alternative B pour un travail intensif entraîne des coûts plus élevés (30%). Cependant, on peut considérer que le bénéfice social découlant de l'augmentation de l'offre d'emploi va amplement compenser ce désavantage économique et pousser la balance vers l'adoption d'une technologie de travail intensif (Edwards, 1981).

Exemple 6.2

Choix d'alternatives avec des vies utiles différentes.
Séchage manuel et mécanique du poisson

Analysez le séchage manuel ou mécanique des petits poissons d'eau douce d'un pays d'Afrique orientale (Waterman, 1977). La production annuelle est de 53 tonnes avec un rendement de 32,5%, en travaillant à pleine capacité 12 heures/jour, 250 jours par an. Le produit est vendu en gros, non emballé. Le séchage mécanique est effectué dans une petite chambre de séchage, par chauffage indirect avec du diesel, avec une circulation d'air puisé et un cycle de séchage de 12 heures. Sa vie utile est estimée à environ 10 ans. La consommation de carburant, d'électricité et le travail devront être pris en considération.

Le séchage au soleil est effectué sur des cadres en bois munis de toile métallique dont la vie utile est d'un an. Un peu plus de 5 kg de poisson peuvent être répandus sur 1 m2 de cadre, et le cycle de séchage dure 5 jours. Le double travail est utilisé dans ce procédé. Le Tableau 6.2 donne toutes les valeurs pour l'investissement et les coûts. Exprimez les résultats en valeur actualisée et coût annuel uniforme.

Tableau 6.2 Investissement et coûts pour le séchage mécanique et naturel


Alternative C

Alternative D

Investissement ($EU)

9 000

720

Coût de main-d'oeuvre ($EU/an)

375

750

Coûts de maintenance ($EU/an)

1 200

360

Consommation d'électricité($EU/an)

4 440

-

Vie utile (années)

10

1

Réponse:

PC10 = 9 000 + (1 200 + 4 440 + 375) × FAP10%,10 = 45 992 $EU
PD1 = 720 + (750 + 360) × FAP10%,1 = 1 729 $EU

où FAP10%,10 est le facteur de valeur actualisée pour i = 0,10 (10%) et une période d'une année (n = 1).

Il ne serait pas équitable de comparer la valeur actualisée du coût de 10 ans de service pour l'alternative C avec la valeur actualisée du coût d'une année de service pour l'alternative D. L'application de l'équation suivante permet la conversion de la valeur actualisée d'une alternative avec une vie utile de (n) à sa valeur actualisée équivalente pour une quelconque autre vie utile (k).:

où FPA10%,n est le facteur de recouvrement du capital sur n périodes
et FPA10%,k est le facteur de recouvrement du capital sur k périodes.

L'équation (6.1) a été développée par Jelen (1970). Dans ce cas, la valeur actualisée des coûts de l'alternative D pour une période de 10 ans est:

Exprimées en termes annuels (voir équation de P à A dans le Tableau B.2, Annexe B) les valeurs sont:

AC = $EU 7 492 et AD = $EU 1 901

La comparaison économique montre que le séchage naturel présente une différence annuelle encore favorable de $EU 5 591 lorsqu'on le compare au séchage mécanique, même si les calculs sont ajustés du fait de la différence de vie utile. En outre, en pratique, chaque comparaison contient des éléments intangibles. Dans ce cas, pour obtenir une bonne production de produits naturellement sèches sous des climats tropicaux, il faut considérer les éléments suivants: la température et l'humidité de l'air, la matière première maigre ou grasse, la durée de la saison des pluies, les caractéristiques du marché et les conditions dans lesquelles le poisson est commercialisé, etc. Si des valeurs monétaires peuvent être assignées à tous ces éléments, elles peuvent être incluses dans l'analyse quantitative et ainsi modifier considérablement le résultat.

Néanmoins, en ce qui concerne le séchage du poisson, la différence économique en faveur du séchage naturel demeure très importante dans de nombreuses situations pratiques, et ceci explique pourquoi les pays en développement n'ont pas accordé plus d'importance aux méthodes de séchage technologiquement avancées, en dépit des efforts des agences de développement (nationales et internationales). Il convient également de mentionner que le séchage naturel du poisson est toujours utilisé au Japon et dans certains pays Scandinaves.

6.1.2 Point d'équivalence

Dans une situation où les coûts peuvent être exprimés en fonction d'une variable de décision commune (nombre d'unités de production, durée de l'opération, etc.), ces alternatives peuvent être évaluées analytiquement ou graphiquement en appliquant les critères suivants: Point d'équivalence: c'est la valeur de la variable de décision commune pour laquelle les coûts des deux alternatives sont égaux.

Par exemple, il est possible d'appliquer ce modèle de décision aux options suivantes:

1. Dans la perspective d'un nouveau produit congelé, il est nécessaire d'évaluer le volume de production auquel le coût de développement de la capacité frigorifique nécessaire sera équivalent au coût d'utilisation des installations frigorifiques locales; c'est-à-dire si ces installations doivent être louées ou construites.

2. Lorsque les exigences d'un client imposent d'acheter une nouvelle machine, la durée de fonctionnement mensuelle doit être connue afin de déterminer s'il est plus avantageux d'acheter la machine plutôt que de la louer.

Exemple 6.3

Détermination du point d'équivalence
Maquereau de pêche locale contre maquereau importé pour l'industrie de conserves de poisson

Analysez les coûts de production de conserves de poisson en utilisant la matière première de la pêche locale ou importée. Déterminez le prix (exprimé en $EU) de la matière première nationale, qui sera équivalent au prix payé pour la matière première importée. L'exemple correspond à la situation qui est apparue en Argentine en 1986, lorsque les importations de maquereaux E&E de l'Equateur ont augmenté, comme alternative pour la conserve. Il faut également indiquer qu'il existe une flottille côtière à Mar del Plata qui participe en saison à la pêche de ces espèces.

Données communes aux deux alternatives:

- Production bimensuelle moyenne: usine de 1 million de boîtes de 380 g
- Boîtes, emballage, huile et sel sont achetés comptant en début de saison
- Paiement du travail direct: à la quinzaine
- Paiement du travail indirect: au mois
- Les ventes commencent après le 60e jour
- Taux d'intérêt moyen: 1% par mois

Maquereaux frais (entiers); pêche locale

- Saison de pêche au maquereau en Argentine: 15 novembre - 15 janvier
- Paiement de la matière première: après 15 jours (0,5 mois)
- Rendement moyen de la matière première: 38%

Maquereaux congelés E&E; importés

- Date de livraison: 15 novembre
- Valeur FOB: $EU 390/tonne
- Paiement de la matière première: après 90 jours
- CT de l'importation (transport, assurances, etc.): $EU 210/tonne (comptant)
- Rendement moyen de la matière première: 67%

Réponse:

Les coûts de production équivalente sont calculés (valeur actualisée, avec temps zéro au 15 novembre) pour chaque matière première possible. Ceci va dépendre de facteurs tels que: le rendement de la matière première, la valeur dollar importé, la valeur du taux d'intérêt mensuel.

Ces facteurs qui diffèrent dans chaque alternative vont être considérés, étant donné que certains intrants (quantités de boîtes, consommation d'huile végétale pour le remplissage, recettes des ventes, coûts du travail direct et indirect) sont égaux pour le même niveau de production (en quantité et durée).

Deux alternatives de production sont envisagées en utilisant un modèle simplifié. De telles usines de production sont limitées à une période de production de deux mois. Dans une analyse détaillée, cependant, un programme de production annuel devrait être examiné en parallèle avec les prévisions des ventes. Il faut considérer en outre les coûts d'opportunité du capital investi; c'est-à-dire qu'il faut y inclure les coûts financiers de la mise en boîtes, de la matière première, du travail et de 30 jours de produit fini (Parin et Zugarramurdi, 1986b).

Afin d'atteindre le niveau de production voulu en utilisant un approvisionnement national en maquereau, la matière première doit être achetée une fois par mois. Pour le maquereau importé, un seul achat est effectué et le poisson est conservé congelé. Le stockage du produit congelé doit être payé tous les 30 jours au prix de $EU 1/tonne/jour.

Maquereau pêche locale:

- Matière première

Il faut donc 20 000 caisses tous les deux mois (1 caisse =40 kg).

Coûts de la matière première (Ci): Les prix entre 10 $EU et 20 $EU/boîte sont à considérer.

TCi = 10 000 caisses × Ci × (1 + 0.01)- 0,5 + 10 000 cartons × Ci × (1 + 0,01)-1,5
TCi = 10 000 caisses × Ci × [(1 + 0.01-0,5 + (1 + 0,01)-1,5]
TCi = 10 000 caisses × Ci × (0,99504 + 0,98518)
TCi = 19 822,5 caisses × Ci..........(6.2)

TC(1) = 198 225,0 $EU avec C(1) = 10 $EU/caisse
TC(2) = 237 626,4 $EU avec C(2) = 12 $EU/caisse
TC(3) = 277 230,8 $EU avec C(3) = 14 $EU/caisse
TC(4) = 316 835,2 $EU avec C(4) = 16 $EU/caisse
TC(5) = 356 439,6 $EU avec C(5) = 18 $EU/caisse
TC(6) = 396 044,0 $EU avec C(6) = 20 $EU/caisse

Maquereau importé

- Matière première

Coûts FOB = 390 $EU/tonne × 453,7 tonne = 176 943 $EU

Coûts d'importation = 210 $EU/tonne × 435,7 tonnes = 95 277 $EU

- Coûts du stockage pour produits congelés

Pour ce calcul, il faut considérer une quantité moyenne de maquereau à conserver pendant le mois. Sept tonnes et demi sont traitées par jour ce qui implique une consommation de 225 tonnes en 30 jours. Si au début du premier mois, la quantité stockée dans le congélateur était de 453,7 tonnes, la quantité moyenne sera de 339,35 tonnes/jour. Le coût sera de:

La quantité moyenne stockée pour le second mois de production sera de 117,4 tonnes/jour. Ainsi à la fin du mois, il faudra payer 3 522 $EU. La valeur équivalente présente pour tous les coûts (taux d'intérêt moyen 1% par mois, i = 0,01) est:

CT = 95 277 + 10 180,5 × (1+0,01)-1 + 3 522 × (1+0,01)-2 + 176 943 × (1+0,01)-3
CT = 280 531 $EU (importés) .........(6.3)

Le point d'équivalence est défini dans ce cas comme l'intersection des équations (6.2) et (6.3). Cela signifie que l'équation suivante doit être résolue:

CT(x) = 19 822,5 × C(x) ($EU)
CT = 280 531 ($EU)

Le point d'équivalence sera: CT(x) = CT

d'où: C(x) = 280 531/19 822,5 = 14,152 $EU/caisse

Ce résultat indique que le point d'équivalence est atteint pour un coût de 14,15 $EU par carton de maquereaux de pêche locale. Les coûts de la matière première locale supérieurs à ce chiffre peuvent encourager les conserveries locales à importer de la matière première; en dessous de ce chiffre les conserveries vont certainement acheter des maquereaux aux pêcheurs locaux. Il peut être utile pour trouver graphiquement le point d'équivalence (CT par rapport à Ci, ou CT par carton par rapport à Ci) en particulier s'il y a une variable supplémentaire à étudier, par exemple le taux d'intérêt réel (i). Sur la Figure 6.1, le cas discuté ici est résolu graphiquement et de plus, les cas de i = 0 et i = 0,03 sont rajoutés pour comparaison.

Dans cet exemple, il est clair que plus les taux d'intérêt seront élevés, plus les pêcheurs locaux devront appliquer des prix bas ($EU/carton) pour être compétitifs par rapport à la matière première importée.

Exemple 6.4 Choix d'équipement. Fileteuses

Analysez les différentes alternatives technologiques pour le traitement mécanique des filets de merlu.

Réponse:

Les coûts équivalents annuels ont été calculés pour 12 chaînes de production mécanique résultant d'une combinaison de l'équipement utilisé dans les installations industrielles (étêteuses, fileteuses et peleuses) et l'équipement de réfrigération à Mar del Plata (Argentine). Les possibilités incluent l'équipement local et importé. Deux groupes principaux émergent après l'analyse des résultats; l'un comprenant les fileteuses de type A avec une capacité inférieure et ne pouvant pas effectuer la découpe en V, et l'autre avec la fileteuse de type B, avec capacité et vitesse supérieures, qui peut effectuer la découpe en V.

Figure 6.1 Points d'équivalence pour deux alternatives d'approvisionnement en matière première (maquereau local ou importé) à divers taux d'intérêt

On peut observer les différences suivantes: rendement (supérieur avec la filetaeuse de type A), utilisation de la main-d'oeuvre (supérieure avec l'équipement de type A) et investissement (supérieur avec la fileteuse de type B).

Les valeurs indiquées dans le Tableau 6.3 correspondent à une capacité quotidienne de 20 tonnes de produit. On suppose qu'il n'y a pas de variation du rendement global de l'opération. Elles ont été exprimées en fonction du coût de la main-d'oeuvre qui est le facteur le plus fluctuant dans les différents pays. Par exemple, on observe que le coût de la main-d'oeuvre dans les pays en développement peut être 20 fois inférieur à celui des pays développés.

Les coûts équivalents annuels pour la chaîne de fileteuses de type A seront:

AA = 475 750 × FPA + 530 690 × CL + 238 680 + 777 060

où FPA (10%, 10 ans) = 0,1627 (FPA, facteur de récupération du capital, voir Annexe B, Tableau B.2)

AA = 475 750 × 0,1627 + 530 690 × CL + 238 680 + 777 060
AA = 1 093 144 × 530 690 × CL
AB = 659 174 × FPA + 484 600 × CL + 208 980 + 911 520
AB = 1 227 747 × 484 600 × CL

Le point d'équivalence est déterminé en égalant les coûts équivalents annuels:

AA = AB

1 093 144 + 530 690 × CL = 1 227 747 + 484 600 × CL, donc CL = 2,92 $EU/h

Les fonctions de coût et le point d'équivalence sont représentés à la Figure 6.2

Tableau 6.3 Coûts d'investissement et de production pour des chaînes de traitement avec fileteuses de types A et B


Fileteuses

Type A

Type B

Investissement ($EU)

475 750

659 174

Coûts de la main-d'oeuvre ($EU/an)

530 690 CL ($EU/h)

484 600 CL

Coûts de maintenance ($EU/an)

238 680

208 680

Coûts fixes ($EU/an)

777 060

911520

Vie utile (années)

10

10

Figure 6.2 Point d'équivalence pour le choix de l'équipement. Fileteuse de merlu (capacité totale installée: 20 tonnes de matière première/jour)

Pour des coûts de main-d'oeuvre supérieurs à $EU 2,92/h (hors charges sociales), l'alternative d'utilisation de la chaîne avec la fileteuse de type B sera la plus économique; mais la chaîne avec la fileteuse de type A sera la plus adaptée avec des coûts de main-d'oeuvre inférieurs à $EU 2,92/h.

Cet exemple montre que l'installation d'une chaîne mécanique de traitement du poisson peut être dépendante des coûts de la main-d'oeuvre. L'évolution en Europe du Nord vers des chaînes de traitement du poisson et des crevettes plus complexes et plus automatisées en est une conséquence. Cependant, la nécessité de ce type d'études peut apparaître dans les pays en développement, par exemple en cas de manque de main-d'oeuvre qualifiée ou bien lorsqu'un certain niveau de qualité ou de salubrité doit être obtenu et conservé.

6.1.3 Techniques d'optimisation

L'amélioration permanente de ses opérations est une caractéristique importante du monde industriel. L'optimisation est la représentation mathématique de cette notion. Tout problème de conception, d'opération et d'analyse des usines de production et des procédés industriels peut être réduit, dans l'analyse finale, à la détermination de la valeur maximale d'une fonction de plusieurs variables.

De nombreuses méthodes ont été introduites pour déterminer des politiques ou des procédés optimaux. Les méthodes d'optimisation procurent des moyens efficaces et systématiques pour le choix parmi des solutions infinies, apparaissant dans les problèmes ayant un grand nombre de variables de décision.

Les techniques d'optimisation peuvent recourir à des méthodes analytiques et numériques, qui sont choisies en fonction de la nature de la fonction "objectif et des restrictions définissant le modèle.

Deux techniques sont largement utilisées afin de pouvoir résoudre les problèmes les plus courants dans l'industrie de la pêche.

a) La programmation linéaire (PL) est un outil mathématique qui permet de trouver la solution optimale pour une utilisation efficace ou l'emploi de ressources limitées dans les systèmes linéaires. C'est la technique la plus couramment utilisée dans l'analyse économique.

Les résultats obtenus par la PL peuvent également être obtenus en déterminant la combinaison optimale des ressources déterminée par le traitement micro-économique de la production. Dans ce cas, les exigences de la production découlant d'un ensemble de restrictions similaires à celles qui définissent les isoquants, et les prix des intrants sont représentés par les lignes d'isocoûts.

D'autres applications de la PL, tels que les problèmes de contrôle d'inventaire, de transport, de formulation de produit, peuvent également être mentionnées.

b) La programmation dynamique (PD) est une stratégie qui est tout particulièrement applicable à la solution de problèmes comportant plusieurs étapes. Elle permet de scinder les problèmes complexes en une séquence plus simple de problèmes de sous-optimisation. Les problèmes de remplacement, d'expédition, d'affectation du capital et d'autres intrants font partie des applications de la PD.

Des techniques numériques ont également été développées pour formuler des programmes et des projets de contrôle. Ces techniques sont: la méthode du chemin critique (CPM) et la technique d'évaluation et de révision de programme (PERT). Cette dernière est utilisée quand il est impossible de faire une estimation précise du temps, des coûts et des résultats, et les concepts de probabilités et de statistiques doivent être utilisés pour les prédictions.

Exemple 6.5 Application de la programmation dynamique. Fonctionnement d'une unité intégrée de traitement du poisson (conserve, salage et congélation)

Une comparaison économique du fonctionnement d'usines intégrées et individuelles est présentée afin de servir d'exemple d'utilisation des techniques d'optimisation (Zugarramurdi et Lupin, 1976a). L'usine intégrée se compose de conserveries et d'unités de salage et de congélation. La première étape de simplification du système est de supposer que l'usine va traiter simultanément du merlu (espèce annuelle), de l'anchois, du maquereau ou de la bonite (espèces saisonnières).

En appliquant le principe d'optimalité de Bellman, on arrive à une sous-optimisation séquentielle d'un procédé étape par étape, selon la stratégie de programmation dynamique. Etant donné que le problème peut être scindé en une série d'étapes identifiables, pour chacune des usines, il paraît souhaitable d'appliquer cette technique pour la recherche de la solution optimale. Le schéma du système à optimiser est comme indiqué sur la Figure 6.3 dans laquelle:

CA = intrants d'anchois, tonnes/jour;
CM = intrants de merlu, tonnes/jour;
AC = quantité d'anchois à traiter dans la conserverie, tonnes/jour;
AS = quantité d'anchois à traiter dans l'usine de salage, tonnes/jour;
A' = intrants d'anchois dans les usines de salage et de congélation;
AF = quantité de merlu à traiter dans l'usine de congélation, tonnes/jour;
Gc = profit risque de la conserverie, $EU/an;
GFS = profit risque des usines de salage et de congélation, $EU/an.

Figure 6.3 Programmation dynamique: flux d'informations

Les usines de congélation et de salage ont été représentées ensemble sur ce plan, avec la restriction que toute la matière première reçue doit être traitée. Le plan est habituellement plus simple, étant donné que le merlu n'a pas été considéré comme matière première pour les conserveries au cours de ces dernières années. Si cette option avait été envisagée, les systèmes proposés seraient modifiés avec l'introduction de la variable CM dans le bloc correspondant à la conserverie et une autre variable de conception serait introduite dans le même bloc.

La définition de tout problème d'optimisation est de maximaliser ou de minimiser (optimiser) la fonction objective agissant sur les variables de décision, en considérant toutes les restrictions du système à optimiser. Le problème peut ainsi être posé comme suit:

- La fonction "objectif est le fonctionnement optimal d'une usine intégrée produisant du poisson en conserve, congelé, salé et/ou mariné. Comme il s'agit d'une usine existante avec une capacité de production définie, le critère à utiliser sera la maximalisation de la fonction profit risque. L'expression mathématique pour chaque usine individuelle est:

Ma × G = PN - i × IW - (I + h) × IF

dans laquelle:

G = profit risque
PN = profit net
I = taux de retour
Iw = fonds de roulement
h = niveau de risque
IF = investissement fixe

- Variables de conception: quantité d'anchois et de merlu à traiter dans chaque usine.

- Restrictions pour chaque étape: les quantités de chaque espèce que chaque usine peut traiter seront déterminées par leur valeur maximale et n'excéderont en aucun cas la capacité de l'usine en question (restriction 1). On suppose que l'intrant total de matière première est toujours inférieur à la quantité totale que l'usine intégrée peut traiter; sinon l'excès est envoyé à la congélation de matière première (restriction 2).

Maintenant que le problème a été posé de cette manière, il est manifeste qu'il existe des possibilités infinies pour la distribution de la matière première parmi les différentes usines. L'utilisation de la technique de Programmation Dynamique permet une combinaison optimale de variables pour chaque valeur d'intrant de matière première. Le principe d'optimalité de Bellman indique que la dernière étape (salage et congélation) doit être optimisée en fonction de l'approvisionnement reçu pour les variables A' et CM. Cela signifie que la valeur de As et Ms qui maximalise la fonction partielle d'objectif GFS pour une valeur quelconque de CM et A' est optimale.

Une fois que l'étape finale est optimisée, la valeur de AC qui va maximaliser la fonction partielle de l'étape de mise en conserves, ainsi que celle de la dernière fonction, doit être choisie.

La dernière étape de cette stratégie de calcul est la récupération de l'information afin de préparer un plan optimal pour le fonctionnement de l'usine intégrée, en fonction de la matière première livrée quotidiennement à l'usine. Ceci est illustré dans la séquence de calcul suivante:

Données = CA et CM

a) On obtient la valeur optimale de AC à partir du graphe ou du tableau résultant de l'optimisation de l'étape de mise en conserves.

b) A' = CA - AC*

c) On obtient les valeurs optimales de AS* et MS* à partir du graphe ou du tableau résultant de l'optimisation des étapes de salage et de congélation, avec les valeurs de A' et de CM.

d) On obtient à partir de la relation relative à cette dernière étape:

AF* = A' - AS*
MF* = CM - MS*

Le Tableau 6.4 énumère les valeurs des variables de référence pour une usine intégrée et les valeurs correspondantes pour des unités individuelles. Dans les deux cas, le fonctionnement est considéré à saturation de matière première (CA = 184,5 tonnes/jour et CM = 34,5 tonnes/jour). L'adjonction de la production de farine de poisson doit être discutée. Si elle est ajoutée à l'usine intégrée (ce qui est logique), le coût de la matière première sera pratiquement nul, étant donné qu'elle utilisera les chutes, les restes et les matériaux éliminés par les autres ateliers de l'usine. Si l'unité individuelle fonctionne avec les chutes et les restes, elle devra les acheter.

Le profit de l'usine intégrée comparé aux unités individuelles travaillant séparément, lorsque la production de farine de poisson n'est pas incluse, est augmenté de 28%, tandis que si elle est incluse, le profit augmentera de 57%. Il faut signaler qu'en fin de compte, une usine intégrée peut fonctionner sur une seule de ses chaînes de production, dans ce cas la chaîne de congélation, avec un bénéfice inférieur à celui d'une usine équivalente fonctionnant seule.

Cette situation provient du fait que le point optimal de toutes les usines prises ensemble n'est pas nécessairement égal à la somme des points optimaux des usines individuelles. Il en résulte que les quantités à traiter dans l'usine intégrée ne correspondent pas au maximum de l'usine individuelle, mais à celui résultant de l'application au système de la méthode de programmation dynamique. Par ailleurs, l'application de cette méthode peut être élargie pour déterminer la forme de variation des coûts pour un produit similaire fabriqué par une usine individuelle et une usine intégrée. Le résultat est une réduction des coûts unitaires. Par exemple, pour la fabrication de produits en conserve, le coût unitaire du produit dans l'usine intégrée sera de 20% inférieur à celui d'une usine individuelle.

Alors que les techniques d'optimisation ne sont pas, à quelques exceptions près, utilisées dans les pays en développement, elles sont utilisées dans les pays développés par les sociétés moyennes et importantes de l'agro-alimentaire et de transformation des produits de la pêche, et par les sociétés de consultants qui conseillent techniquement l'industrie de la pêche.

Les techniques d'optimisation nécessitent une solide connaissance technique et analytique du système qui doit être optimisé. Dans la plupart des cas cela signifie la possibilité de développer un modèle mathématique incorporant les variables les plus importantes. L'application des techniques d'optimisation est relativement courante dans les industries de la pêche les plus développées existant à ce jour.

Tableau 6.4 Comparaison entre une usine intégrée et des unités individuelles

Usine

Usines individuelles

Usines intégrées
Valeur optimale (tonnes/jour)

Conserverie

Ac = 150

Ac = 131,1

Salage

AS = 4,32

AS = 4,4

MS = 4,68

MS =4,6

Congélation

AF =31,78

AF = 49

MF = 28,22

MF = 30

La simulation de la gestion du produit sur la chaîne de production («on-line») que les industries Scandinaves de la pêche espèrent introduire en 1995 n'est qu'un programme d'optimisation en temps réel. Certaines machines et équipement de traitement du poisson ont déjà incorporé les techniques d'optimisation, par exemple les robots qui utilisent les techniques de vision pour éliminer les arêtes et les filets hors-normes. L'optimisation est déjà implicitement incorporée au niveau de la conception dans les compresseurs multi-étages dans la réfrigération, et dans les évaporateurs multi-étages des unités de fabrication de la farine de poisson, en améliorant l'efficacité et en réduisant les coûts.

Les techniques d'optimisation ont également été utilisées, par exemple pour calculer les durées de stérilisation (ou de pasteurisation) des conserves, de manière à maximaliser la rétention des nutriments ou les caractéristiques de la texture, ainsi que pour optimiser la conception de l'emballage (par exemple une résistance maximale pour une quantité minimale d'emballage). Dans les pays où la composition nutritionnelle doit obligatoirement figurer sur les étiquettes, comme aux USA, les procédés qui optimisent la rétention des nutriments sont essentiels. Dans la plupart des cas, de telles procédures sont le résultat de la recherche appliquée au niveau de la société et donc non accessibles au public.

Les techniques d'optimisation sont également utilisées dans la conception et la production d'aliments pour poisson destinés à l'aquaculture afin d'obtenir une valeur nutritionnelle maximale pour un coût minimum avec les matières premières disponibles. Les techniques d'optimisation constituent une partie des techniques modernes de gestion. Bien qu'elles ne soient pas encore un outil habituel pour le technicien de pisciculture dans les pays en développement, elles doivent le devenir si l'on recherche l'auto-suffisance. La prochaine étape d'utilisation de l'ingénierie économique est l'application des techniques d'optimisation.


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