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Système d’exploitation agricole extensif céréales-élevage


CARACTÉRISTIQUES DU SYSTÈME

Ce système est typique des régions semi-arides de la Fédération de Russie et du nord du Kazakhstan, on le rencontre aussi dans quelques zones au sud du Kazakhstan, et au Turkménistan et en Ouzbékistan voisins. La durée moyenne de la période végétative est de 125 jours. La pluviométrie annuelle varie de 200 à 400 mm. Les pluies tombent principalement au printemps et en automne.

Encadré 4.8 Données de base: système d’exploitation agricole extensif céréales-élevage

Population totale (m)

98

Population agricole (m)

14

Superficie totale (m ha)

425

Zone agroécologique

Semi-aride

Superficie cultivée (m ha)

106

Superficie irriguée (m ha)

2

Population animale (m)

14

Les hivers apportent un peu de neige (200 à 300 mm), de nombreux jours de soleil et des vents très forts. Les étés sont secs et chauds, avec des vents secs. C’est le domaine de la steppe avec des prairies naturelles et des sols qui varient des sols noirs (Tchernoziom) au nord aux sols bruns de la forêt, plus légers dans la partie sud de la zone. Cette région hébergea, dans le passé, les gardiens de troupeaux à la recherche de pâturages saisonniers, migrant sur de grandes distances pour éviter les hivers rigoureux. L’agriculture sédentaire est quasi-inexistante. Pendant l’époque soviétique, les pasteurs furent regroupés en collectivité; la production animale, à base de fourrage cultivé en irrigué, s’intensifia. Cette politique entraîna, vers le milieu des années 80, une forte augmentation des populations de moutons, associée à une sérieuse dégradation des pâturages et à une réduction de la productivité des activités animales.

Le système s’étend sur 425 millions d’hectares dont 106 millions sont cultivés. La population est proche de 100 millions de personnes et la population agricole est estimée à 14 millions. Cette région était renommée pour ses immenses fermes d’état et ses fermes collectives établies dans le cadre du légendaire Programme des terres vierges qui transforma littéralement la steppe de pâturages permanents en exploitations hautement mécanisées pour la production de blé. La culture du blé était basée sur une technologie très intensive en intrants pour atténuer les effets des variations climatiques sur les cultures. Certaines fermes atteignaient 300 000 ha (surfaces cultivées et pâturages extensifs). La ferme et la communauté rurale ne faisait qu’un. Pendant les réformes de restructuration, les anciennes fermes d’état et les fermes collectives furent officiellement privatisées et transformées en coopératives de production, en sociétés en partenariat et sociétés par actions, en exploitations privées et exploitations familiales. Les exploitations sont en général de grande taille, celle-ci dépend des conditions agroclimatiques de la zone. Les grandes exploitations, dénommées coopératives de production, ont une taille moyenne de 14 000 ha, il existe encore des exploitations beaucoup plus grandes. La taille moyenne des sociétés en partenariat ou par actions est en moyenne de 8 500 ha; celle des exploitations relativement petites, appelées paysannes est d’environ 450 ha.

Encadré 4.9 Une exploitation typique du système d’exploitation agricole extensif céréales-élevage

Cette exploitation consacre 60 à 65 pour cent de sa surface cultivée au blé et à l’orge et quelque 15 à 20 pour cent à la production de foin et de cultures fourragères, le reste aux cultures industrielles, dont le tournesol, et maraîchères. La culture principale est le blé pluvial, surtout le blé de printemps, avec une jachère tous les deux ans dans les parties les plus sèches, tous les 3 à 5 ans ailleurs; la jachère est utilisée pour le pâturage. Les rendements moyens du blé sont de 0,8 tonne/ha. Le nombre d’hectares par ouvrier agricole varie selon la taille de la ferme, de 4 à 10. La culture est mécanisée, les équipements sont en très mauvais état. L’utilisation des engrais minéraux (5 kg/ha) et des pesticides est minimum en raison des difficultés financières. Les semences de qualité ne sont utilisées que sur 20 pour cent de la superficie en blé.

L’ensemble des coopératives de production et des sociétés en partenariat et par actions occupent 80 pour cent des terres agricoles. Les parcelles individuelles, situées à l’intérieur des exploitations de grande taille ont pris une importance croissante, elles représentent environ la moitié de la valeur ajoutée en agriculture. Les produits principaux sont le blé et l’orge, le foin et quelques cultures industrielles associés à l’élevage de races traditionnelles de mouton, de bovins et de chevaux. La production animale repose sur le pâturage d’été et l’alimentation à l’étable en hiver. Du fait de la privatisation de l’élevage, environ 85 pour cent des animaux appartiennent aujourd’hui au secteur privé. La production agricole fluctue d’une année à l’autre au gré des conditions climatiques.

TENDANCES ET PROBLÈMES DU SYSTÈME EXTENSIF CÉRÉALES-ÉLEVAGE

La productivité du travail et des autres ressources de ce système a diminué au cours des dernières années, elle est aujourd’hui très basse. Les désordres de la période de transition, la réduction du pouvoir d’achat de la population due à l’arrêt des subventions alimentaires et à la détérioration des conditions économiques, la perte des anciens marchés nationaux et d’exportation, la baisse d’utilisation des intrants, et la détérioration des infrastructures d’irrigation et du parc des machines agricoles, associés à la faillite de l’économie monétaire, ont entraîné le déclin de la production agricole. Les critères de rentabilité économique, de spécialisation régionale ou d’avantages comparatifs basés sur les marchés mondiaux, furent rarement utilisés durant les décennies de la planification centralisée soviétique. La dégradation progressive des ressources de base, causée par de nombreuses années d’assolements culturaux non durables a aussi contribué à la forte baisse de la productivité du blé. Le blé a été abandonné sur environ 20 pour cent des terres impropres à cette culture.

La situation financière des exploitations de grandes tailles s’est continuellement détériorée en raison d’un endettement croissant, de l’incapacité grandissante d’acheter des d’intrants et de la réduction de la productivité. Les salaires ne sont pas payés régulièrement, ils sont payés en nature ou avec des mois ou des années de retard. Certains ouvriers agricoles ont été réduits à un emploi à mi-temps ou mis en congé; ils reçoivent des rations alimentaires de base et du fourrage comme paiement. Le rôle des parcelles familiales pour subvenir aux besoins s’est considérablement accru.

La réforme foncière a, dans la forme, dissout les fermes collectives d’état; toutefois, la restructuration agricole a souvent été imparfaite. Les employés des fermes manquent d’information sur leurs doits à la terre et au capital et sur les possibilités de création de nouveaux types d’exploitations - y compris les exploitations paysannes et familiales. Beaucoup d’entre eux, en raison de leur manque d’expérience en gestion agricole, de leur manque de connaissances techniques et des difficultés d’accès aux intrants et aux services agricoles, n’étaient pas près à gérer une exploitation privée. Pour toutes ces raisons et parfois sous la pression de l’ancien directeur[111], beaucoup d’entre eux mirent leurs terres et leurs capitaux en commun pour former de nouvelles grandes exploitations collectives, dont la gestion est peu différente de celles des anciennes fermes. Aussi la restructuration n’a pas apporté beaucoup de gain d’efficacité à la plupart de ces exploitations réorganisées, et leur situation financière continue à se détériorer. D’autre part, la terre reste propriété de l’état, ce qui complique l’accès au crédit et décourage aussi l’investissement dans des technologies qui amélioreraient la productivité.

Cependant, la situation s’améliore dans certaines zones. Par exemple, au Kazakhstan la nouvelle politique concernant la faillite a conduit à la création de milliers de nouvelles entités indépendantes, la plupart d’entre- elles étant des exploitations paysannes. Cette approche a deux objectifs: i) supprimer les dettes et permettre ainsi l’accès au crédit bancaire; et ii) accélérer les changements dans la taille des exploitations, la propriété et la gestion de sorte qu’elles puissent devenir efficaces et viables. De nouvelles formes de propriété et de gestion ont aussi été introduites, telles que le contrat de culture ou l’acquisition de ferme par de grandes sociétés céréalières ou industrielles permettant ainsi l’intégration verticale. Le résultat n’est pas positif partout car, après l’annulation des dettes, certaines exploitations conservent leur ancien mode de gestion. La restructuration s’accélère dans les zones du sud et dans les zones irriguées du nord, où les conditions agricoles sont plus favorables et où vit la majorité des pauvres. Les exploitations des zones moins favorables semblent préférer la faillite et clore l’exercice. Un grand nombre de ces exploitations sont alors rachetées par des étrangers et dépouillées de tout bien mobilier, laissant les ouvriers agricoles sans équipement. De plus, la restructuration en cours implique le transfert des services sociaux aux gouvernements locaux, entraînant le risque pour les pauvres de perdre l’accès aux soins de santé, à l’éducation et aux services sociaux.

Les difficultés financières des agriculteurs ont eu pour conséquence de réduire très gravement l’utilisation des intrants (engrais et produits phytosanitaires pour le contrôle des maladies et des mauvaises herbes). L’infestation de criquets a été particulièrement sévère ces dernières années. Le secteur des semences, en l’absence de réglementation et de politique claire, est peut-être le plus difficile à revitaliser. Le manque de pièces de rechange pour le parc des machines agricoles est aussi un problème sérieux. De plus, les équipements dont on a aujourd’hui besoin sont différents de ceux produits précédemment: ils devraient être plus petits, plus légers et plus précis. De tels équipements sont inabordables pour la majorité des exploitations.

L’industrie agroalimentaire, la distribution et la commercialisation semblent être les maillons les plus faibles du système agricole. La proximité des zones urbaines et l’accès direct aux marchés sont des facteurs importants pour la rentabilité des exploitations. Les capacités de transformation sont suffisantes dans la région, mais la majorité des unités sont anciennes et inefficientes. Un équipement inadapté et de mauvaise qualité pour le stockage, la transformation, le transport et la manutention entraîne des pertes après récolte importantes, et des prix bas au niveau des producteurs. Les anciennes entreprises d’état, qui continuent de jouir d’une position de monopole dans l’industrie, limitent l’accès des producteurs à un marché libre et concurrentiel, et restreignent l’arrivée de nouveaux capitaux, de nouvelles technologies et méthodes de gestion. Le troc domine les échanges et représente encore plus de 80 pour cent des ventes totales.

PRIORITÉS DU SYSTÈME EXTENSIF CÉRÉALES-ÉLEVAGE

Les principales stratégies pour réduire la pauvreté sont: i) l’accroissement de la taille des exploitations des petites exploitants et des troupeaux; et ii) l’intensification de l’ensemble des productions existantes. Bien que la taille moyenne des exploitations ait été réduite, il existe encore de nombreuses exploitations très grandes, seules quelques-unes d’entre-elles ont été divisées en unités familiales. Compléter la réforme agraire et le processus de restructuration demeure une priorité majeure afin d’augmenter la taille des exploitations des ménages pauvres.

En raison des conditions agroclimatiques qui prévalent dans les régions associant l’agriculture à l’élevage - précipitations très faibles et très irrégulières combinées à des vents violents - l’amélioration de la culture du blé nécessite l’utilisation de pratiques agronomiques de conservation des sols afin de permettre de retenir l’humidité pendant l’hiver, d’utiliser efficacement les précipitations estivales et de limiter l’érosion éolienne due à la mise en culture. L’amélioration de la productivité des céréales passe impérativement par le contrôle des mauvaises herbes et l’utilisation efficace de l’humidité; le travail du sol de conservation constitue une technologie potentiellement utile. Il a déjà été utilisé avec succès dans des conditions agroécologiques semblables dans d’autres pays et devrait être essayé dans ce système. D’autres types de rotations et la diversification des cultures, capables de procurer plus de souplesse aux agriculteurs, tout en protégeant leurs ressources de base, devraient aussi être recherchées.

L’insuffisance alimentaire, les problèmes de santé animale entraînant des taux élevés de mortalité et la mauvaise gestion technique et financière représentent les principales contraintes au développement de la production animale. Les races traditionnelles sont bien adaptées aux conditions locales et au type de gestion plus extensif rendu aujourd’hui nécessaire. Tant que les prix de la laine n’auront pas augmenté au niveau local, la promotion des races ovines pour la production de laine n’est peut-être pas dans l’intérêt des petits producteurs. La race traditionnelle pour la viande nécessite moins de fourrage pendant l’hiver, elle peut ainsi être maintenue sur les pâturages des zones semi-arides et est plus rentable. Il est urgent de promouvoir l’utilisation des pâturages naturels pour diminuer les coûts de production, d’améliorer la gestion des pâturages, de réhabiliter la production des semences fourragères et de promouvoir la distribution de nouvelles espèces fourragères auprès des éleveurs. Il est nécessaire de mettre en place une politique et un cadre légal afin de préserver la diversité des pâturages, d’éviter que les terres ne soient accaparées et d’assurer la sécurité et les droits d’utilisation des petits producteurs.

La recherche agricole est encore largement dominée par le modèle soviétique; ses activités ont considérablement diminué par manque de financement. Le système est très surdimensionné; il doit maintenant répondre, à la fois, aux besoins des grandes exploitations et des exploitations paysannes à l’aide de programmes de recherche plus pratiques et répondant à la demande des intéressés. Les systèmes d’allocations ciblées permettraient aux gouvernements d’utiliser les fonds budgétaires disponibles plus efficacement pour la recherche agricole, et de mobiliser les ressources du secteur privé. Les services de vulgarisation n’étaient pas nécessaires dans l’ex-URSS car, en plus des spécialistes du gouvernement, les anciennes fermes collectives avaient leurs propres techniciens. A la suite de la restructuration, les techniciens agricoles ont créé leurs propres exploitations et ne sont plus disponibles pour conseiller les autres agriculteurs qui pourraient avoir besoin de leurs services. Il est aujourd’hui nécessaire de mettre en place des services de vulgarisation capables de conseiller les agriculteurs, plus particulièrement les exploitations familiales, dans ce nouveau contexte d’économie de marché. Ces services devront être partiellement financés par l’état (voir l’encadré 4.10).

Encadré 4.10 Services de conseil et d’assistance dans les systèmes d’exploitation agricoles extensifs céréales-élevage[112]

De nombreuses technologies mises en place pendant la période soviétique ne sont plus rentables dans le nouveau contexte économique, particulièrement en raison du coût élevé des intrants. Les technologies capables de réduire les coûts de production ne sont généralement pas disponibles. De plus, la disparition des anciens systèmes de dissémination de l’information a créé un vide. La réforme agraire et la restructuration des exploitations ont entraîné l’apparition de nouvelles formes d’unités de production qui ont besoin d’être conseillées. Cependant, les gouvernements n’ont pas été capables de créer les services de vulgarisation nécessaires et leur ont généralement accordé une faible priorité en raison de leur coût ressenti comme élevé et de la nécessité de réduire les budgets et les effectifs des fonctionnaires.

Des projets récents de la Banque mondiale (BM) et de la Banque asiatique de développement (BAD), destinés à aider l’agriculture et la privatisation des fermes collectives du Kazakhstan, ont inclus dans leurs activités des initiatives pour faciliter l’accès au crédit auprès des banques commerciales et la création de services de conseil et d’assistance technique des gouvernements locaux et des instituts de recherche[113]. Ces initiatives visent à aider les exploitations qui peuvent accéder à des prêts auprès des banques commerciales en hypothéquant leurs biens. Une bonne partie des exploitations, en particulier les exploitations familiales de petite taille ne remplissant pas les conditions de garanties, ne pourront pas bénéficier de ces prêts; leurs propriétaires et ouvriers ne pourront pas sortir de la pauvreté, à moins que des solutions ne soient trouvées pour créer des emplois et des sources de revenus.

Les gouvernements de la région ont proposé une liste toute faite de recommandations supposées résoudre tous les problèmes des agriculteurs. Cependant, les problèmes des populations rurales sont complexes. Une stratégie participative souple est nécessaire pour les résoudre. Si le personnel des services de vulgarisation ne comprend pas les points de vue et les besoins des agriculteurs, ces services ont peu de chances de devenir crédibles, efficaces et durables.


[111] Banque mondiale, 2000d.
[112] Meng, 2001.
[113] Le projet d’assistance à la post-privatisation de la BM, le programme d’appui à l’agriculture de la BAD, et le programme d’assistance à la restructuration du secteur agricole pour le développement de la BAD

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