Chapitre 3: Production et consommation

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Production
Consommation

 

Production

Selon une estimation récente de la FAO, pratiquement tous les pays du monde cultivent des plantes-racines. La plupart de celles qui sont examinées dans cette étude ont besoin d'un climat tropical et sont limitées à l'Afrique, l'Asie et l'Amérique latine. Seules pommes de terre et quelques variétés de patates sont cultivées en grandes quantités dans la zone tempérée. Ces racines constituent souvent l'aliment de base principal des consommateurs à faible revenu. Les paysans les cultivent pour leur propre subsistance sur de petites superficies allant de 2 à 20 ha, selon la région.

On a estimé qu'environ 82 pour cent des agriculteurs paraguayens cultivent du manioc pour leur subsistance sur de petites parcelles, et que chaque fois qu'ils passent sur des terres vierges, ils plantent d'abord du manioc. En Amérique latine, 75 pour cent des plantations de manioc couvrent 20 ha ou moins, alors qu'à Java ou au Kérala les exploitations sont d'environ 2 ha. En Thaïlande, la plupart des producteurs consacrent moins de 1 ha à la culture du manioc. En 1982-1983, la culture et la récolte de quelque 19 millions de tonnes de manioc en Thaïlande ont été entièrement effectuées par environ 1,2 million de petits exploitants, qui ont obtenu des rendements allant de 13 à 15 t/ha (FAO, 1984b). La plus grande partie de cette production a été transformée, dont 85 pour cent en cossettes et granulés pour l'alimentation des animaux et 15 pour cent pour la fabrication de fécule. Une très petite partie a été utilisée directement pour la consommation humaine.

En Afrique, ces plantes-racines sont généralement des cultures de subsistance devant servir principalement à l'alimentation humaine; aussi l'agriculteur en garde-t-il suffisamment pour nourrir sa famille et ne vendil que l'excèdent. Mais les débouchés sont maintenant de plus en plus nombreux. Le manioc est transformé commercialement en gari, aliment de base dans certaines régions du Nigéria, et en kokonte au Ghana. Au Brésil, environ 70 pour cent de la récolte de manioc sont commercialisés (Lynam et Pachico, 1982).

Lorsque le manioc est cultivé à des fins de subsistance, les rendements sont souvent faibles à cause de la médiocrité des pratiques culturales. On le cultive souvent sur des terres marginales, et comme il pousse assez bien sur des sols pauvres, avec peu d'intrants, on le plante fréquemment en dernier dans les systèmes de cultures itinérantes. Les mauvaises herbes réduisent en moyenne les rendements de 59 pour cent. Sur des terres fraîchement défrichées, il n'y a pas d'amélioration des rendements avec l'apport d'engrais azotés ou potassiques. Sur des sols pauvres, l'azote a parfois des effets positifs, mais l'application d'engrais n'est pas très courante. Même à Java (Indonésie) où la terre est exploitée de manière très intensive, et où les engrais sont très largement subventionnés, seulement 8,1 kg d'engrais par hectare ont été utilisés pour le manioc contre une moyenne de 178,9 kg par hectare pour toutes les autres cultures. Au Brésil, environ 9 pour cent seulement des superficies plantées en manioc reçoivent des engrais.

La recherche visant à améliorer la production de plantes-racines a été en grande partie consacrée à la pomme de terre dans les pays tempérés et sous les tropiques, notamment au Centre international de la pomme de terre (CIP) au Pérou; aussi n'est-il pas surprenant que les rendements de la pomme de terre soient beaucoup plus élevés que ceux des autres plantesracines. Dans certaines contrées d'Amérique latine, elle est cependant encore cultivée par de petits agriculteurs sur une petite échelle, dans le cadre d'un système complexe de polyculture, surdes parcelles de l ou 2 ha à faibles rendements. En zones tempérées et dans les régions montagneuses froides, où elle est généralement cultivée sous irrigation et en monoculture, les rendements sont souvent trés élevés. On la produit en quantités limitées dans les pays tropicaux où les principales cultures sont le manioc et la patate.

En 1982, le CIP a estimé que, dans l'ensemble, la production totale de plantes-racines dans les pays en développement avait augmenté durant les années allant de 1961 à 1979. Néanmoins, si l'on considère la production cas par cas et par région, la production de certains végétaux comme le manioc a progressé, mais celle de la patate est restée stagnante; tandis que la production de pommes de terre a diminué dans les pays industrialisés, elle a augmenté dans les pays en développement. La production par habitant de plantes-racines a baissé durant cette période dans la majorité des pays en développement. En Afrique subsaharienne, la production de plantes-racines, à l'exception de la patate, n'apas réussi à suivre la croissance démographique. En Amérique latine et aux Caraïbes, depuis 1970, les tendances de la production des produits féculents de base en tant que groupe ont été négatives (FAO, 1988a). Diverses explications en ont été fournies, notamment l'infestation par les insectes, les parasites et les maladies, le mauvais temps et les problèmes de commercialisation.

La part de racines et tubercules produite par les petits agriculteurs pour l'autoconsommation n'entre pas dans les circuits commerciaux. Il est donc difficile d'obtenir des données exactes sur la production totale de ces cultures. Aujourd'hui, les statistiques de la FAO sont le meilleur guide dont on dispose sur la production mondiale de ces végétaux.

Les tableaux 3.1 et 3.2 donnent des chiffres concernant la production, la superficie cultivée et le rendement pour les racines et les tubercules dans diverses régions du monde. Parmi les cinq plantes-racines énumérées, les pommes de terre occupent une superficie d'environ 20 millions d'ha, soit 44,3 pour cent de la superficie totale de 46 millions d'ha consacrés à la production des plantes-racines dans le monde. La pomme de terre tient une place de plus en plus importante dans les pays en développement et est une bonne source d'éléments nutritifs. Son rapport protéines/calories est aussi élevé que celui du blé (tableau 4.10), et sa productivité pour ce qui est de l'apport énergétique et protéique par hectare et par jour dépasse celle de la plupart des autres cultures vivrières de base (tableau 4.1).

La pomme de terre a le pourcentage le plus élevé de la production mondiale avec 52,9 pour cent du total en 1984, suivie du manioc avec 14 millions d'ha (21,9 pour cent) et 30,9 pour cent de la production totale; vient ensuite la patate avec environ 8 millions d'ha (16,9 pour cent) et 19,9 pour cent de la production totale. Les ignames couvrent à peu près 3 millions d'ha (5,5 pour cent) avec 4,3 pour cent de la production totale et le moins important, le taro, occupe 1 million d'ha (2,5 pour cent) avec I pour cent de la production totale.

Tableau 3.1 Superficie plantée, production et rendement des plantes-racines dans le monde en 1984

Tableau 3.2 Superficie plantée et production des plantes-racines dans le monde en 1984 (en pourcentage)

Tableau 3.3 Principaux producteurs de Plantes-racines en 1934 (pourcentage du total)

Le tableau 3.1 montre que la pomme de terre occupe une vaste aire géographique dans de nombreux pays producteurs, mais les principaux producteurs sont tous dans les zones tempérées (tableau 3.3). Sur un total de 130 pays producteurs de pommes de terre, 95 sont des pays en développement et, de 1978 à 1981, ils ont assuré moins de 10 pour cent de la production mondiale. Toutefois, la situation a changé et, en 1985, les pays en développement ont assuré environ un tiers de la production mondiale, la Chine contribuant dans la mesure de 60 pour cent. L'augmentation a été particulièrement sensible au Proche-Orient où la production a progressé de 130 pour cent, en Extrême-Orient de 180 pour cent et en Afrique de 120 pour cent. La pomme de terre a aussi un potentiel productif élevé. Le rendement moyen actuel n'est que de 10 t/ha dans les pays en développement, mais des rendements atteignant 72 t/ha ont été enregistrés sur des parcelles expérimentales aux Pays-Bas et ils pourraient progresser davantage grâce à l'utilisation de variétés améliorées associée à de bonnes méthodes culturales (Doku, 1984). Actuellement, le rendement normal enregistré pour les Etats-Unis est d'environ 27,3 t/hectare.

Malgré la faible production, la pomme de terre est devenue une denrée alimentaire acceptable dans plusieurs pays en développement dont la Chine, la Bolivie, la Colombie, l'Equateur, l'Inde, le Guatemala, le Kenya et le Rwanda (tableau 3.4). Aprés la Chine, de est le principal producteur avec 3,6 pour cent de la production mondiale, suivie de la Turquie (1,1 pour cent du Brésil et de la Colombie (0,8 pour cent). Ces quatre pays assurent ensemble plus de 50 pour cent de la production dans le monde en développement, mais seulement 7 pour cent de la production mondiale.

Les projets de recherche menés actuellement au CIP comprennent la création de nouvelles variétés supportant des températures tropicales à 300 m d'altitude et même moins. De grands progrès ont été faits dernièrement dans le domaine de la culture des tissus et de la génétique, et la pomme de terre pourrait devenir sous peu une racine tropicale commune. Cela contribuerait à accroître les disponibiltés alimentaires des populations en augmentation constante dans cette région du globe. Aujourd'hui, les pommes de terre ne fournissent qu'une petite partie des calories alimentaires dans la plupart des pays en développement, comme l'indique le tableau 3.4. Le manioc et la patate sont des plantes-racines plus importantes fournissant 57,9 pour cent des calories au Zaïre et 35,2 pour cent en Angola.

Tableau 3.4 Dix pays en développement à économie de marché où l'apport calorique fourni par les plantes-racines est la plus élevé (en pourcentage)

De 1965 à 1984, la production mondiale de manioc a augmenté de plus de 330 pour cent. Cela correspond à un taux de croissance annuel de 4,3 pour cent, chiffre important pour n'importe quelle culture vivrière (Chandra, 1988). Les changements récents dans la production mondiale calculés en 1986, en prenant 1984 comme année de référence, ont montré que la production du manioc a augmenté de 5,2 pour cent celle de l'igname de 4,8 pour cent et celle du taro de 3,7 pour cent. Si la production mondiale (comprenant celle de la patate et de la pomme de terre en zones tempérées) a baissé respectivement de 3,8 pour cent et de 1,8 pour cent, la position de ces deux végétaux dans certains pays en développement continue de se renforcer. La production de patates entre 1969-1971 et 1981-1983 s'est accrue de 3,4 pour cent par an en Afrique subsaharienne (FAO, 1986a), et selon des pourcentages allant de 6,3 pour cent par an (Viet Nam) à 1,1 pour cent par an (Thaïlande) dans certains pays d'Asie (FAO, 1987b). L'accroissement de la production de pommes de terre dans quelques pays asiatiques a été de 7,8 pour cent par an pour l'Inde, 6,2 pour cent pour la Chine, 10,2 pour cent pour Sri Lanka et 13,8 pour cent pour le Viet Nam, entre 1970-1972 et 1982-1984. Depuis 1970, il y a eu aussi des hausses importantes dans la production de pommes de terre à Cuba, en Colombie, au Venezuela et dans une bonne partie de l'Amérique centrale, grâce à l'adoption de nouvelles technologies.

Le Nigéria est le premier producteur d'ignames, avec environ 73 pour cent de la production totale mondiale, dont la plus grande partie est destinée à la consommation locale. D'autres grands producteurs sont les pays d'Afrique de l'Ouest comme la Côte d'Ivoire avec 9,2 pour cent, le Ghana avec 3,4 pour cent, le Bénin avec 2,7 pour cent, le Togo avec 1,8 pour cent et le Cameroun avec 1,6 pour cent. Pratiquement toute la production mondiale d'ignames est concentrée en Afrique de l'Ouest, D. rotundata étant la variété la plus importante et D. cayenensis la moins importante. Les autres pays en développement qui cultivent des ignames sont situés en Amérique centrale et en Amérique du Sud comme Haïti, le Chili et l'Equateur.

Les habitants du Samoa, dans le Pacifique Sud, tirent près de 16 pour cent de leur ration calorique de la consommation des taros (aracées), mais ces plantes-racines sont moins importantes en Afrique. Au Ghana, elles fournissent environ 11 pour cent des calories, alors qu'au Nigéria et en Côte d'Ivoire leur contribution ne représente que 2 pour cent environ de la ration calorique (tableau 3.4). En Amérique latine et dans les Caraïbes la production d'aracées a augmenté de moins de 1 pour cent par an entre 19691971 et 1982-1984 et n'a pas suivi la croissance démographique. De même, en Océanie, la croissance annuelle de la production d'aracées a été lente (1,3 pour cent) et, en Asie du Sud et du Sud-Est, elle a été négligeable ces dernières années.

Il y a lieu de mentionner les bananes et les plantains qui ont contribué sensiblement aux économies de subsistance des pays situés dans les zones forestières, notamment parce que la main-d'œuvre coûte relativement moins cher, même par rapport à celle employée pour la culture du manioc. Les besoins en main-d'œuvre pour la production des diverses plantes-racines au Nigéria sont indiqués au tableau 3.5.

Les plantains et les bananes à cuire sont cultives et constituent un aliment féculent de base principalement en Afrique, où la production en 1985 a presque atteint 17 millions de tonnes sur une production totale tous pays en développement confondus de 24 millions de tonnes. Sur ce total, la part de l'Amérique du Sud a été d'environ 4 millions de tonnes, le reste étant produit par l'Asie, l'Amérique centrale et l'Océanie. Dans la plupart de ces régions, les taux annuels de croissance de la production entre 1969-1971 et 19821984 se sont établis autour de 1,7 à 1,8 pour cent, chiffre bien inférieur au taux de croissance démographique. Si la production globale en Asie du Sud et du Sud-Est est restée faible, le taux de croissance annuel de la production a été plus encourageant avec un total de 4,9 pour cent à la fois pour les plantains et les bananes.

La culture de l'ensete (Ensete ventricosum) est limitée à l'Ethiopie où elle est une culture vivrière de base dans les régions montagneuses du sud. Son aspect général rappelle le bananier et on la désigne souvent sous le nom de «faux bananier». Elle ne donne pas de fruit comestible, mais on la récolte comme source d'aliment avant la floraison. Les parties féculentes de la fausse tige renflée et du tubercule souterrain sont comestibles. On estime que de 7 à 8 millions de personnes au sud et au sud-ouest de l'Ethiopie vivent d'aliments féculents de base fermentés, préparés avec de l'ensete (FAO, 1985b).

Tableau 3.5 Besoins de main-d'œuvre pour diverses cultures de base au Nigéria

Culture Joumées de travail/ha Joumées de travail/t Joumées de travail/mcal
Igname 325 45 69,31
Manioc 183 21 20,57
Mais 90 121 35,51
Riz 215 145 59,92

Source: Nweke. 1981.

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