Le présent chapitre passe en revue les résultats économiques et agricoles récents des quatre régions en développement et présente les principales mesures nouvelles prises en 1993 et au premier semestre de 1994 qui touchent leurs secteurs agricoles. Selon l'habitude, il analyse ensuite plus spécifiquement ce qui s'est passé dans certains pays de chaque région: le Ghana pour l'Afrique; la Chine pour l'Asie; le Brésil pour l'Amérique latine et les Caraïbes; enfin, la Turquie pour le Proche-Orient et l'Afrique du Nord.
Cinq facteurs principaux ont joué et vont continuer d'influer sur les résultats économiques et agricoles de la région dans son ensemble: i) le contexte économique mondial; ii) les événements politiques tels que les conflits internes civils et ethniques; iii) la coopération internationale et intrarégionale; iv) les politiques des différents pays; v) les conditions agroclimatiques et les catastrophes naturelles. Un autre facteur qui a eu des conséquences économiques et agricoles importantes pour plusieurs pays de la région a été la dévaluation du franc CFA.
Modifications du contexte économique international
Ces dernières années, le contexte économique mondial a été dominé par la faiblesse de la croissance dans les pays développés qui, par son incidence sur les échanges et les flux de capitaux ainsi que sur les liens financiers, a créé un environnement défavorable à la croissance dans les pays en développement1.
Les conséquences pour ces derniers du ralentissement accusé par les pays industrialisés n'ont pas été uniformes selon les régions. Si, ces dernières années, de nombreuses économies d'Asie et d'Amérique latine et des Caraïbes se sont fortement développées, le PIB par habitant de l'Afrique subsaharienne a encore baissé en 1992 et 1993, poursuivant une tendance à long terme2. L'une des causes de ce mauvais bilan a été le fait qu'une forte proportion (au moins 80 pour cent) des exportations de la région sont allées aux pays développés (essentiellement l'Europe de l'Ouest) qui eux-mêmes étaient en récession économique. Un facteur supplémentaire mais en partie lié au précédent qui a contribué au ralentissement de l'activité économique a été la dégradation persistante des termes de l'échange pour la région: ils ont en effet baissé de 6,3 pour cent en 1992 et de 7,6 pour cent en 19933. Bien que la plupart des régions en développement (à l'exception de l'Asie de l'Est et du Sud et du Pacifique) aient vu se dégrader leurs termes de l'échange, c'est en Afrique subsaharienne que cette détérioration a été de loin la plus forte.
Cette baisse spectaculaire des termes de l'échange dans la région s'est produite dans un contexte de divergences entre les cours réels de l'ensemble des produits4. Si les prix du pétrole ont baissé de 12,1 pour cent, l'indice global des prix des produits non pétroliers a augmenté de 1 pour cent, reflétant des augmentations des prix des denrées alimentaires, des boissons et des matières premières (0,2, 5,7 et 22,5 pour cent respectivement) et des baisses des prix des métaux et des minéraux (-15 pour cent). L'indice des valeurs unitaires des produits manufacturés a légèrement baissé (-0,5 pour cent). Autrement dit, le recul global des termes de l'échange pour l'Afrique subsaharienne tient essentiellement aux fortes baisses des cours du pétrole à l'exportation. Les exportations pétrolières, essentiellement à partir de l'Afrique occidentale et centrale, représentent environ 40 pour cent des exportations totales de la région (y compris l'Afrique du Sud). L'indice global est fortement influencé par le Nigéria, pays qui pèse le plus lourd dans cet indice. Les autres pays touchés par la baisse des cours du pétrole sont le Cameroun, l'Angola, le Congo et le Gabon. L'indice global négatif reflète aussi des termes de l'échange négatifs pour les exportateurs de métaux et de minéraux tels que la Zambie, pour laquelle le cuivre représente 75 pour cent des gains à l'exportation.
Les hausses de l'indice des prix des produits non pétroliers enregistrées à la fin de 1993 et au début de 1994 reflètent l'affermissement des cours du bois et des boissons (café et cacao)5. Les hausses des cours du café ont profité en particulier à l'Ouganda, à l'Ethiopie et à la République-Unie de Tanzanie, où la part moyenne des exportations de café dans le total des gains d'exportation est de 80, 50 et 32 pour cent respectivement.
Les événements politiques et la coopération intrarégionale
En 1993, l'Afrique subsaharienne a vu se terminer plusieurs conflits et guerres civiles et en commencer d'autres.
La guerre civile s'est poursuivie en Somalie, ce qui a exigé l'intervention des grandes puissances mondiales et des Nations Unies. Bien que la situation de la sécurité dans le pays se soit un peu améliorée, permettant la reprise partielle des activités agricoles et commerciales, le contexte économique global reste fragile et incertain.
Au Soudan, les effets de sécheresses répétées (trois dans la seule dernière décennie) ont été aggravés par la poursuite de la guerre. En 1993, les activités de production agricole, de commercialisation et d'aide alimentaire ont été complètement perturbées.
La quasi-impossibilité d'assurer la production, le transport et la commercialisation des produits agricoles, ainsi que les famines localisées, ont persisté en Angola, où la guerre civile a recommencé en 1993, après deux années successives de bonnes récoltes.
Le Zaïre a fait une récolte céréalière record en 1993, mais l'effondrement de l'autorité du gouvernement central s'est traduit par la désorganisation des activités de commercialisation dans les zones urbaines qui sont donc confrontées à un grave risque de pénuries alimentaires.
Au Libéria, les parties en conflit brûlent les plantations de caoutchouc, ce qui s'est traduit par une chute de la production de 106 000 tonnes en 1989 à 10 000 tonnes en 1993.
Le conflit du Rwanda, où l'on estime que plus de 500 000 personnes ont perdu la vie, est l'addition la plus importante et peut-être la plus catastrophique à la longue liste de confrontations civiles qui ont déchiré le continent africain.
Sur le plan positif, la guerre civile au Mozambique s'est terminée et le pays revient lentement à la normalité, ce qui aura une incidence positive sur les pays voisins (notamment le Malawi et le Zimbabwe) qui abritaient des réfugiés. En outre, la production céréalière du pays reprend après la sécheresse dévastatrice de 1992.
La conclusion du cycle d'Uruguay des négociations du GATT, avec la signature de l'Accord qui en a découlé, a été un événement majeur de l'année 1993, qui implique des conséquences à court terme et à long terme pour tous les pays en développement. Les effets de la libéralisation des échanges se feront sentir sur les pays en développement dans le domaine de l'accès aux marchés, des termes de l'échange, des effets directs des gains de productivité sur la croissance et des effets indirects sur la productivité qui seront dus à la croissance dans d'autres pays qui libéralisent leur économie.
La libéralisation partielle du commerce des céréales devrait faire monter les cours mondiaux (les autres facteurs étant supposés constants). Cela aura des effets négatifs sur les pays d'Afrique subsaharienne dont le rapport des importations alimentaires aux importations totales ou aux exportations est élevé (Burkina Faso, Guinée-Bissau, Sierra Leone, Togo) ainsi que pour les pays sujets aux catastrophes naturelles telles que la sécheresse (par exemple le Botswana et l'Ethiopie) et qui ont besoin d'importations alimentaires et/ou d'aide alimentaire d'urgence.
Un aspect de l'Accord conclu à l'issue du cycle d'Uruguay qui est important pour l'Afrique est la réduction de la valeur des nombreuses préférences commerciales dont l'Afrique bénéficie actuellement de la part des pays développés (autrement dit, le Système généralisé de préférences (SGP), la Convention de Lomé et, dans certains cas, les préférences accordées aux pays les moins avancés (PMA)). En réduisant les taux non préférentiels, l'accord réduit l'avantage des pays qui jouissent d'un traitement préférentiel.
Près des quatre cinquièmes des exportations de l'Afrique subsaharienne vont aux pays développés, la Communauté européenne (CE) absorbant 60 pour cent et l'Amérique du Nord environ 30 pour cent du total des exportations de la région aux pays développés. Quatre-vingt-dix-sept pour cent des exportations africaines entrent dans la CE sans payer de droits, et le taux moyen des droits applicables aux exportations d'Afrique subsaharienne à la CE se situe entre zéro et trois dixièmes de 1 pour cent. Ces préférences donnent aux pays d'Afrique subsaharienne une «marge de préférence» de 2 à 4 points6.
Une réduction de 30 pour cent effectuée par la CE sur les droits applicables à la nation la plus favorisée devrait à elle seule provoquer pour ces pays une perte de recettes d'exportation (hors combustibles) de 70 millions de dollars par an. Une partie de cette perte pourrait être compensée par l'abaissement des barrières non tarifaires (BNT) pour des produits tels que les textiles, l'habillement et les produits agricoles de la zone tempérée, mais on s'attend à ce que l'effet global soit négatif7. C'est l'inverse de ce qui va se produire pour les autres régions en développement, pour lesquelles les effets globaux de la libéralisation des échanges agricoles devraient être
positifs.
Le processus de démocratisation et d'intégration de l'Afrique du Sud dans les systèmes économiques mondial, régional et sous-régional à la suite de l'abolition du système de l'apartheid s'est intensifié en 1993. Un moment historique de ce processus a été la libre participation de tous les citoyens aux élections présidentielles de 1994.
La simple dimension du pays et son stade avancé de développement économique et technologique signifient que sa sortie de l'isolement pourrait avoir un impact économique majeur sur les économies de la sous-région. Alors que l'Afrique du Sud représente 17,6 pour cent de la superficie totale occupée par les 10 pays de la Communauté du développement de l'Afrique australe (SADC) plus l'Afrique du Sud elle-même, sa population représente environ 30 pour cent du total et son PNB environ 4,8 fois celui de l'ensemble des pays de la SADC8. Avec un PIB par habitant d'environ 2 500 dollars, l'Afrique du Sud et le Botswana (2 888 dollars) sont de loin les pays les plus riches de la sous-région. En outre, les gisements naturels d'Afrique du Sud (diamants, or, charbon et métaux non ferreux) sont parmi les plus riches au monde.
Tout cela a donné une impulsion à la coopération économique entre les pays de la région - et mis à l'ordre du jour le rôle de «locomotive» que pourrait jouer l'Afrique du Sud pour développer le potentiel de croissance et le bien-être de la région. Actuellement, l'Afrique du Sud est signataire de quelques accords de coopération économique dans la région: notamment l'Union douanière d'Afrique australe (SACU) et la Zone monétaire multilatérale (MMA)9. La transformation en 1992 de la Conférence pour la coordination du développement de l'Afrique australe (SADCC), dont l'un des objectifs était de réduire la dépendance de ses membres à l'égard de l'Afrique du Sud, en Communauté du développement de l'Afrique australe (SADC) a été décidée en partie en prévision de l'accession de l'Afrique du Sud à la Communauté.
La poursuite des efforts visant à la libéralisation des échanges modifiera très probablement les modalités et les institutions de la coopération économique dans la sous-région. Il existe actuellement toute une série de mesures commerciales ainsi que des accords commerciaux multilatéraux et bilatéraux plus ou moins appliqués, et souvent complétés (ou tournés) par des arrangements transfrontières informels. Le commerce de la région est dominé par l'Afrique du Sud. Selon la Banque africaine de développement (BAfD), les échanges de marchandises pour l'ensemble des 10 pays de la SADC et de l'Afrique du Sud s'élevaient en 1990 à un montant total de 54,5 milliards de dollars. Sur ce total, 3,2 milliards seulement étaient des échanges intrarégionaux et 0,9 milliard de dollars des échanges intra-SADC.
Le commerce intra-SADC est limité par la similitude des avantages compétitifs des pays de la région. A l'exception de l'Afrique du Sud, du Zimbabwe et de Maurice (qui possèdent d'importantes activités manufacturières), les pays de la région produisent des denrées agricoles et des minéraux similaires et les exportent pour la plupart sans transformation.
Si la structure des échanges, les politiques nationales de commerce et les institutions régionales restent inchangées, l'intégration de l'Afrique du Sud dans un arrangement commercial régional d'Afrique australe n'aura pas une incidence considérable. Cependant, des politiques intérieures et commerciales libérales, avec un passage des politiques d'autosuffisance à des politiques plus ouvertes en Afrique du Sud, pourront se traduire par des changements importants de compétitivité, l'Afrique du Sud exportant davantage de biens manufacturés vers les pays de la région et important davantage de produits agricoles. Dans ce cas, un type d'arrangement propre à accroître le bien-être et à créer des échanges supplémentaires pourrait se mettre en place. De plus, l'Afrique du Sud devrait progressivement éliminer ses subventions à la production céréalière, d'où une réduction de ses excédents exportables, à moins que la productivité soit améliorée d'autant. Plusieurs autres types de coopération sont possibles, en dehors de l'intégration économique totale. Dans son étude (voir la note 8), la BAfD a identifié un certain nombre de domaines de coopération régionale fructueuse en Afrique australe avec la participation de l'Afrique du Sud. Le succès de la coopération entre les pays maritimes et les pays enclavés de la sous-région lors de la sécheresse de 1991/92 a montré l'avantage de disposer d'un mécanisme de coordination pour les transports et l'information.
En agriculture, il existe des possibilités de coordination des recherches sur la lutte contre les maladies animales et végétales. L'Afrique du Sud étant le pays dont le système de recherche agricole est le plus avancé, elle peut devenir le centre de l'activité de recherche et de formation de la région en la matière. Un organisme régional pourrait être créé pour coordonner les recherches effectuées par les centres nationaux de recherche et les universités. Un autre domaine de coopération positive dans la région est l'investissement agricole. La réforme agraire en cours au Zimbabwe et celle qui va sans aucun doute intervenir en Afrique du Sud signifient qu'un grand nombre d'agriculteurs expérimentés vont probablement quitter le Zimbabwe et l'Afrique du Sud. S'il est bien fait, un programme subrégional d'échange de terres et de réinstallation peut retenir ces agriculteurs dans la sous-région et les encourager à investir dans l'agriculture dans des pays où il existe des réserves de terres de bonne qualité relativement abondantes comme l'Angola, le Mozambique, la Tanzanie et la Zambie. Des mesures ont déjà été prises dans ce sens par certains pays de la SADC10.
Les politiques macroéconomiques des pays de la région ont continué d'aller dans le sens d'une stabilisation de leurs économies, de la réalisation d'équilibres internes et externes, d'une faible inflation et d'une stabilité des prix ainsi que de taux de change réalistes. Ces politiques continuent d'avoir de profondes répercussions sur le secteur agricole. Par ailleurs, un certain nombre de réformes sectorielles actuellement entreprises visent à libéraliser les institutions du marché, à renforcer l'activité du secteur privé et à réduire la participation directe de l'Etat à la production et à la distribution.
Plusieurs mesures récentes touchant l'agriculture sont allées dans ce sens. Ainsi, poursuivant son programme de réforme du secteur agricole, le Gouvernement du Kenya a aboli en février 1993 toutes les restrictions sur le commerce du blé en réduisant considérablement le rôle de l'office national des céréales et des produits agricoles (NCPB). A l'avenir, les fonctions de cet Office devraient être limitées à la stabilisation des marchés et au maintien d'une réserve stratégique.
En Tanzanie, la libéralisation du commerce des céréales s'est poursuivie, portant la participation du secteur privé à 90 pour cent en 1993, et laissant les prix être déterminés par les forces du marché. Comme au Kenya, le rôle de l'Etat a été limité au maintien d'une réserve stratégique. La distribution des intrants a elle aussi été libéralisée. Les estimations du Département de l'agriculture des Etats-Unis (USDA) relatives aux équivalents-subvention à la production (ESP) montrent qu'en 1992 les producteurs agricoles aussi bien tanzaniens que kényens ont en fait été subventionnés, contrairement à une tendance ancienne de taxation globale (directe et indirecte) de ce secteur.
En Zambie, l'augmentation des coûts de transport et des signaux peu clairs de la part du secteur public concernant son rôle dans la commercialisation du maïs se sont traduits par l'achat et le transport par le secteur privé d'une quantité de maïs inférieure à ce qui était disponible. Le gouvernement a dû reprendre la commercialisation des céréales par l'intermédiaire de mandataires. Cherchant à redresser le médiocre bilan du secteur agricole, le Gouvernement zambien, en coopération avec des organismes donateurs, a entrepris en novembre 1992 un ambitieux Programme d'investissements dans le secteur agricole (ASIP) qui déterminera des objectifs, des stratégies et des politiques pour l'ensemble du secteur agricole et un programme d'investissement détaillé pour chaque sous-secteur. En outre, il harmonisera et coordonnera les projets agricoles financés par les donateurs de façon à optimiser l'utilisation des ressources financières et matérielles11.
En Ouganda, la suppression du contrôle des prix conjuguée à la libéralisation du commerce agricole a permis d'accroître la participation du secteur privé à la commercialisation des produits agricoles et a réduit le rôle du secteur public dans ces mêmes activités. L'achat de café pour l'exportation par des négociants privés est passé de zéro en 1990-1991 à 3 pour cent en 1991-1992 et 44 pour cent en 1992-1993. C'est aussi la première fois que des négociants privés ont exporté du coton fibre (8 pour cent du total des exportations) et ils ont assuré 11 pour cent des exportations de thé. On a assisté au développement du rôle du secteur privé dans l'importation des intrants agricoles, alors que le gouvernement a surtout un rôle de réglementation. En même temps, la libéralisation du code des investissements et l'abolition des taxes à l'exportation ont permis une forte augmentation des demandes et des propositions d'investissement dans le pays12.
Au Nigéria, les mesures prises ont été diverses. D'une part, il a été mis fin au flottement du naira et cette monnaie a été rattachée au dollar EU au taux de 22 pour 1 dollar, contrairement à la politique suivie ces dernières années. Les taux d'intérêt ont eux aussi été fixés. D'autre part, l'interdiction d'importation de blé entrée en vigueur au début du programme d'ajustement structurel en 1986 a été fortement assouplie.
La production et la commercialisation de semences ont été libéralisées au Malawi dans le cadre de l'action du gouvernement en faveur de la participation du secteur privé à ces activités.
Le Zimbabwe et le Botswana prennent actuellement des mesures pour accélérer le redressement après la récente sécheresse et se préparer à d'éventuelles sécheresses futures. Au Zimbabwe, une forte priorité est attribuée au secteur agricole et à celui de l'eau (construction de barrages et de périmètres d'irrigation), et au Botswana on met en place des projets ruraux à forte intensité de main-d'uvre pour fournir des emplois et des possibilités de revenu aux victimes de la dernière sécheresse.
Le 11 janvier 1994, à la fin d'un sommet de deux jours à Dakar au Sénégal, les 14 pays africains de la zone franc ont annoncé une dévaluation du franc CFA à compter du 12 janvier 1994. Le taux de change fixe avec le franc français est passé de 50 francs CFA pour 1 franc français, taux inchangé depuis 1948, à 100 francs CFA pour 1 franc français. Dans le même temps, le franc comorien a été dévalué de 50 FC à 75 FC pour 1 franc français. Cette dévaluation ne change en rien le cadre institutionnel ou les mécanismes de la zone franc, qui restent en place.
La zone franc africaine comprend 13 pays (si l'on exclut les Comores qui possèdent leur propre banque centrale), groupés en deux unions monétaires séparées, avec chacune sa banque centrale. L'Union monétaire ouest-africaine (UMOA) - devenue Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) - comprend le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo. Le deuxième groupe constitue la zone Banque des Etats d'Afrique centrale (BEAC), dont les membres sont le Cameroun, la République centrafricaine, le Congo, la Guinée équatoriale, le Gabon et le Tchad.
Chacun des deux groupes a sa propre monnaie émise par la Banque centrale. Ces deux monnaies sont couramment désignées sous le nom de franc CFA13. Le fonctionnement de la zone franc africaine se fonde sur la libre convertibilité du franc CFA en francs français à un taux fixe garanti par le Trésor français. Chacune des deux banques centrales, ainsi que la Banque centrale des Comores, a un compte dit d'opérations au Trésor français, dans lequel elles sont tenues de déposer 65 pour cent de leurs réserves en devises. La convertibilité du franc CFA en francs français est appuyée par la possibilité de découvert sur les comptes d'opérations. Des intérêts sont imputés sur les découverts et payés sur les soldes créditeurs. Par ailleurs, les règles appellent les banques centrales à appliquer des politiques monétaires restrictives au cas où les soldes des comptes d'opérations tombent en dessous d'un certain niveau. Il y a aussi des limites au crédit que les banques centrales peuvent accorder aux gouvernements.
Les dispositions applicables à la zone franc ont assuré aux pays membres africains un cadre stable pour leur politique macroéconomique. Ils ont pu maintenir des taux d'inflation faibles comparables à ceux des pays industriels et nettement inférieurs aux niveaux enregistrés en moyenne par les pays africains non membres de la zone franc. Jusqu'au milieu des années 80, les pays de la zone franc ont également enregistré une croissance économique soutenue, le taux annuel moyen de croissance du PIB étant calculé par le Fonds monétaire international (FMI) à 4,6 pour cent pour la période 1975-1985. Dans les années qui ont suivi, cependant, leur croissance économique a stagné. En fait, pour la période 1986-1993, les variations annuelles moyennes du PIB dans les pays CFA sont estimées par le FMI à 0,1 pour cent seulement, contre une moyenne en Afrique non CFA de 2,5 pour cent.
Les problèmes auxquels la région est confrontée depuis le milieu des années 80 ont leur origine dans deux chocs extérieurs majeurs. Depuis 1985, les pays membres sont victimes d'une forte dégradation des termes de l'échange. Ceci est dû aux baisses considérables des cours sur les marchés mondiaux des principaux produits d'exportation CFA tels que le cacao, le café, le coton et le pétrole. En fait, au cours de la deuxième moitié des années 80, selon les estimations du FMI, les termes de l'échange extérieurs pour les pays CFA se sont dégradés de près de 50 pour cent. Ces problèmes ont été aggravés par une réévaluation concomitante du taux de change effectif réel du franc CFA, le dollar baissant sensiblement et les pays en développement concurrents d'Asie, d'Amérique latine et d'Afrique dévaluant leur taux de change effectif réel pour répondre à la détérioration de leurs termes de l'échange. Il en est résulté une très forte baisse de la compétitivité extérieure des pays de la zone franc.
Depuis le milieu des années 80, les pays CFA ont entrepris des efforts d'ajustement interne appuyés uniquement sur des mesures macroéconomiques et structurelles intérieures et non sur une dévaluation nominale. Bien que les expériences de ces pays diffèrent dans une certaine mesure, dans l'ensemble ces efforts ont échoué. La période s'est caractérisée par une longue stagnation de la croissance économique et par conséquent un net recul du PIB par habitant. Les bilans des Etats ont eux aussi souffert car les recettes budgétaires, qui traditionnellement dépendent fortement du secteur de l'exportation, ont diminué. L'impact social de cette stagnation prolongée a été extrêmement sévère.
Les institutions de Bretton Woods (ainsi que de nombreux autres analystes) ont estimé que le franc CFA était nettement surévalué et que, bien que cela ne soit pas suffisant, une dévaluation était nécessaire dans le cadre de tout effort d'ajustement si l'on voulait qu'il ait des perspectives de succès. Cela dit, l'ampleur et la durabilité des avantages qui pourraient découler de la dévaluation dépendront des mesures de politique intérieure qui seront prises. En particulier, des politiques d'austérité monétaire, budgétaire et salariale sont indispensables pour lutter contre les pressions inflationnistes suivant la dévaluation.
Pour les pays de l'UMOA, la dévaluation s'est accompagnée de la signature d'un traité qui a transformé l'union monétaire en Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Ce traité a été signé le 10 janvier 1994 et offre un nouveau cadre institutionnel pour la promotion de l'intégration régionale et de la coordination des politiques économiques et sectorielles. Dans la zone BEAC, un projet similaire est à l'étude depuis 1991.
Comme pour toute dévaluation, celle du franc CFA augmentera les prix relatifs des produits échangeables par rapport aux produits non échangeables. Ainsi, le prix des importations augmentera en francs CFA, de même que les prix à l'exportation, mais il n'y aura pas d'impact au départ sur les prix en francs CFA des biens non échangeables. L'effet sera une expansion de la production intérieure de biens échangeables, grâce à l'amélioration de la structure des prix relatifs, accompagnée d'une compression de la demande intérieure de ces biens. La balance commerciale sera donc améliorée aussi bien du côté des exportations que de celui des importations.
L'efficacité de la dévaluation à susciter les changements décrits dépendra des mesures d'accompagnement. Premièrement, comme on l'a déjà dit, des mesures macroéconomiques d'austérité sont indispensables pour empêcher la montée initiale des prix des biens importés de déclencher une spirale inflationniste. De plus, des mesures structurelles peuvent contribuer à renforcer la réponse prévue de l'offre et faciliter le processus de redistribution des facteurs. Ces mesures comprendraient une libéralisation interne des marchés du travail, du capital et des produits et l'élimination des restrictions à la concurrence sur ces marchés; en outre, elles se conjugueraient à une réforme de la politique commerciale visant à libéraliser les régimes d'exportation et d'importation. Parmi les autres mesures, il faudrait des réformes juridiques, fiscales et autres visant à stimuler l'investissement privé à moyen terme, ainsi qu'une augmentation des investissements publics pour mettre en place des infrastructures et des services de soutien.
Répercussions sur l'agriculture
D'une façon générale, les pays qui sont tributaires des exportations agricoles devraient pouvoir accroître leurs gains d'exportation en augmentant leur volume exporté grâce à la hausse des prix de la production intérieure. Si l'effet de la dévaluation du franc CFA devait être totalement répercuté sur les producteurs, les prix CFA devraient en principe doubler. Il importe cependant de se demander dans quelle mesure l'absence de concurrence effective dans les services de commercialisation et de transport risque de faire que les hausses de prix CFA soient en majeure partie absorbées par des intermédiaires privés ou des offices parapublics au lieu de se répercuter jusqu'aux producteurs primaires. D'autre part, moins la production agricole sera tributaire d'intrants provenant de l'étranger, plus forte sera l'incitation à accroître les volumes.
Pour un certain nombre de produits, une telle expansion des exportations de la zone franc africaine pourrait être réalisée sans incidence significative sur les cours du marché mondial, les pays CFA ne représentant qu'une faible part de ce marché; mais pour les produits pour lesquels ces pays possèdent une part importante du marché mondial, la situation est différente. C'est le cas du cacao, dont la Côte d'Ivoire est le premier producteur, avec près d'un tiers de la production mondiale totale, et qui figure aussi parmi les principaux produits d'exportation du Bénin, du Cameroun et du Togo.
Pour les cultures vivrières, la dévaluation pourrait accroître la substitution des importations à mesure que la production intérieure se développe. Ce serait en particulier le cas du riz en Afrique de l'Ouest. Actuellement, dans les sept pays de l'UEMOA, la production rizicole couvre près de la moitié de la consommation nationale. Les importations annuelles sont de l'ordre de 1 million de tonnes, ce qui correspond à une facture annuelle d'importations de l'ordre de 250 millions de dollars. Il existe cependant des différences notables entre les secteurs du riz des différents pays et entre les systèmes de production ainsi qu'entre les degrés de dépendance par rapport aux intrants importés. En conséquence, les perspectives d'expansion de la production diffèrent. D'une façon générale, elles apparaissent favorables pour la production rizicole pluviale, qui est moins tributaire d'intrants importés et pour laquelle les superficies cultivées peuvent être assez facilement étendues, tandis que les possibilités d'expansion du riz irrigué sont limitées à court terme. La hausse des coûts des denrées alimentaires importées pourrait également susciter des changements dans les habitudes de consommation, par exemple le remplacement du riz par le mil et le sorgho. De même, la consommation de racines et tubercules pourrait s'accroître dans les pays côtiers de l'Ouest africain ou dans ceux de l'Afrique centrale.
Deux autres secteurs dont la production est susceptible d'être stimulée sont la forêt et les pêches. Le bois est une exportation majeure dans plusieurs des pays CFA (Cameroun, République centrafricaine, Congo, Côte d'Ivoire, Gabon) et la dévaluation accroîtra les incitations à la production commerciale de bois d'uvre. Les pêches sont particulièrement importantes pour le Sénégal, où le poisson frais, congelé et transformé représente une part notable des gains d'expor-tation.
La dévaluation aura, au niveau de la distribution des revenus et au niveau social, des implications majeures qui seront différentes selon les zones géographiques, les secteurs économiques et les groupes sociaux. Les secteurs de l'économie et les systèmes de production, qui n'utilisent que peu ou pas d'intrants et de services d'origine étrangère, seront relativement avantagés en termes de coûts de production. D'autre part, la dévaluation peut toucher inégalement les revenus urbains et les revenus ruraux. D'une façon générale, pour les pays fortement tributaires des exportations agricoles, les revenus réels ruraux devraient être améliorés par la plus grande rentabilité des cultures de rapport. Les habitants des villes, en revanche, tendront à voir leur revenu réel diminuer du fait de l'augmentation des prix des biens importés (y compris les denrées alimentaires) consommés essentiellement dans les zones urbaines. Les implications sociales à court terme pourraient donc être extrêmement négatives pour les populations pauvres des villes. En conséquence, la dévaluation devrait nécessairement s'accompagner de filets de sécurité sur le plan social et de l'amélioration des services sociaux de base.
Enfin, la dévaluation du franc CFA pourrait avoir un certain impact environnemental. La meilleure rentabilité résultant de la dévaluation pourrait se traduire par une intensification de la production végétale et animale, ce qui pourrait avoir des effets nuisibles sur l'environnement, encore que le coût accru des intrants importés risque de limiter dans une certaine mesure les possibilités d'intensification des cultures. La meilleure rentabilité de la production agricole pourrait aussi accroître les incitations à convertir les terres boisées à l'agriculture. L'amélioration des incitations à la production commerciale de bois pourrait elle aussi accroître la pression exercée sur les forêts, et il pourrait en aller de même pour les ressources halieutiques. La dévaluation semblerait donc renforcer la nécessité de politiques appropriées de gestion des ressources dans ces deux secteurs.
En conclusion, la dévaluation du franc CFA n'est pas une solution en soi aux sérieux problèmes économiques de la zone franc africaine, mais elle représente une possibilité qui, si elle s'accompagne de mesures appropriées dans les domaines macroéconomique, structurel et social et d'une assistance de la communauté internationale, pourrait aider les pays CFA à retrouver la voie de la croissance économique.
Le Ghana est depuis quelque temps le centre de l'attention de la communauté du développement et des donateurs, car il a appliqué des politiques de stabilisation et d'ajustement structurel plus suivies que tout autre pays d'Afrique subsaharienne. Ce rapport suit l'évolution de l'économie depuis l'indépendance, analysant les facteurs qui ont conduit à la crise économique, les mesures de réforme et leurs effets ainsi que les perspectives d'avenir de l'économie. L'accent est mis en particulier sur le rôle des politiques macroéconomiques dans la création d'un environnement propice à la croissance agricole. Il montre que, bien que les politiques macroéconomiques et de taux de change aient été des facteurs déterminants du déclin du secteur agricole, un renversement de ces politiques risque de ne pas être suffisant en soi pour susciter la reprise de la croissance de ce secteur.
Caractéristiques générales et contexte économique
Le Ghana s'étend sur une superficie de 238 537 km2 et compte environ 16 millions d'habitants, selon les estimations des Nations Unies datant du milieu de 1991. La croissance démographique entre 1961 et 1992 a été estimée à 2,6 pour cent.
La part de l'agriculture dans le PIB, environ 42,4 pour cent, est en recul car d'autres secteurs se sont développés plus vite ces dernières années14. Environ 13,6 millions d'hectares, soit 57 pour cent de la superficie totale des terres, sont classés comme arables; environ un tiers est effectivement cultivé. Il existe de grandes différences de qualité du sol et de modes de précipitations selon les régions.
L'agriculture emploie environ 49,1 pour cent de la population économiquement active (PEA) (données de 1991). La part de la PEA dans l'agriculture est en baisse, bien qu'en chiffres absolus elle s'accroisse (passant de 2,3 millions de personnes en 1980 à 2,8 millions en 1991).
Bien que le cacao soit le produit de base dominant, sa part dans le PIB agricole a été divisée par deux ces 10 dernières années (de 30 à environ 15 pour cent), tandis que la part des cultures vivrières a augmenté. L'indice de production vivrière au Ghana établi par la FAO est passé de 100 en 1979-1981 à 125 en 1988 et à 160 en 1992. Le Ghana est autosuffisant ou presque en racines et tubercules, plantain, fruits frais, légumes et ufs. Ses principales importations sont le blé (qui n'est pas produit dans le pays), le riz, le maïs, les produits laitiers, le poisson, les huiles comestibles et le sucre.
L'agriculture représente environ 35 pour cent du total des exportations; les fèves de cacao et le beurre de cacao constituent environ 70 pour cent du total des exportations agricoles. Depuis 1992, le principal apporteur de devises est l'or (40 pour cent), qui a dépassé l'agriculture. Les produits forestiers représentent environ 12 pour cent des exportations totales de marchandises. Un certain nombre de produits agricoles (environ 50) sont classés comme exportations non traditionnelles (noix de cola, ananas, coton graine, caoutchouc naturel, igname, palmiste, etc.). Leur contribution au total des exportations s'est élevée en moyenne à 3 pour cent entre 1988 et 1992. L'agriculture apporte aujourd'hui une contribution d'environ 11 pour cent aux recettes de l'Etat, au lieu de 26 pour cent en 1987.
L'agriculture ghanéenne est essentiellement pluviale, dominée par de petits exploitants utilisant des méthodes de production traditionnelles. Les systèmes agricoles traditionnels qui utilisent la houe et la machette prévalent, tandis que l'agriculture tractée par des bufs, bien qu'encore rare, est de plus en plus pratiquée. Environ 0,2 pour cent seulement des terres cultivées sont irriguées. Il existe quelques grandes exploitations et plantations qui produisent du caoutchouc, des noix de coco et du palmier à huile, tandis que quelques-unes produisent du riz, du maïs et des ananas.
Les racines de la crise économique. Lorsque le Ghana est devenu indépendant en 1957, c'était l'un des pays les plus riches d'Afrique. Il possédait un secteur bien établi de biens manufacturés et exportait des minéraux (en particulier de l'or); en outre, c'était le premier exportateur mondial de cacao, produit qui fournissait environ 60 pour cent des gains du pays à l'exportation. La conjugaison de chocs exogènes négatifs et de politiques économiques mal dirigées et/ou mal appliquées ont provoqué un retournement de la fortune économique et des perspectives du pays. Dans la crise économique qui s'en est suivie, les politiques macroéconomiques ont été cruciales et leurs effets sur l'agriculture critiques, de sorte qu'au début des années 80, le pays était au bord de l'effondrement économique et qu'il a fallu prendre des mesures radicales de réforme des politiques pour redresser l'économie.
Les politiques macroéconomiques avant 1983
Après l'indépendance, le Ghana a adopté un modèle de développement qui mettait l'accent sur la substitution des importations et une industrialisation rapide soutenue par l'érection de barrières élevées de protection tarifaires et non tarifaires au profit des industries naissantes. Le secteur public s'est vu attribuer un rôle éminent dans le processus de développement, et notamment une participation directe au secteur de la production et de la distribution. Les politiques macroéconomiques visaient à une expansion budgétaire afin de soutenir les investissements publics et les dépenses courantes d'une fonction publique croissante.
Les recettes budgétaires du pays étaient fortement tributaires du cacao. Alimentées par les recettes considérables dues aux cours élevés du cacao entre 1953 et 1957, les dépenses de l'Etat ont augmenté de façon spectaculaire durant ces années et continué d'augmenter pendant presque toute la période jusqu'en 1983. Une grande part des dépenses courantes finançait un secteur public de plus en plus gonflé qui comprenait de nombreux travailleurs improductifs et même fictifs (fantômes). D'autre part, comme la plupart des entreprises publiques qui constituaient la pierre angulaire des politiques de substitution des importations subissaient de lourdes pertes, il fallait les financer sur le budget de l'Etat.
La baisse des cours internationaux du cacao après 1957 et la forte taxation interne de ce produit (voir Le secteur du cacao, p. 107) en ont réduit la rentabilité et ultérieurement la production, conduisant à une baisse des recettes budgétaires qui n'étaient pas assorties de réductions des dépenses de l'Etat. C'est ainsi que l'excédent budgétaire de 3 pour cent du PIB en 1955-1957 est devenu un déficit de 4 pour cent du PIB au cours de la période 1958-1971, atteignant 10,1 pour cent pendant la période 1971-1975 et 7,5 pour cent pendant la période 1976-198215. Pendant la même période, le taux d'épargne intérieure a presque diminué de moitié. Les déficits ont été essentiellement financés par une politique monétaire extrêmement accommodante dans le cadre de laquelle la Banque du Ghana octroyait d'importants crédits à l'Etat. Certaines années (en 1979 et 1982 par exemple), la source essentielle de la croissance monétaire a été constituée par les prêts directs de la Banque du Ghana aux entreprises publiques16. La masse monétaire s'est accrue en moyenne de 40 pour cent entre 1971 et 1982, suscitant une forte inflation qui s'est établie à plus de 50 pour cent par an dans la décennie se terminant en 1982 et a atteint 123 pour cent en 198317.
Les accroissements des importations totales, aussi bien des importateurs privés que de l'Etat pour exécuter son programme d'investissement à forte intensité de capital, ne pouvaient être financés par les recettes en devises. Le compte courant du pays a ainsi été soumis à des pressions dès le début des années 60.
Les politiques de taux de change des gouvernements successifs jusqu'en 1983 résument la mauvaise gestion macro-économique du Ghana. Une caractéristique majeure de la politique économique était la «sanctification» de la fixité du taux de change nominal18. C'était exagéré au point que les tentatives pour dévaluer la monnaie ont abouti au renversement des gouvernements. La politique de taux de change face à la croissance de l'inflation s'est traduite par un taux de change réel surévalué et un écart entre le taux du marché parallèle et le taux officiel passant d'une moyenne de 17 pour cent en 1958-1966 à 68 pour cent en 1967-1972 et à 925 pour cent en 1973-198319.
Politiques concernant le secteur agricole
Le secteur du cacao. L'importance du cacao pour l'économie ghanéenne et pour ses équilibres macroéconomiques (en tant que source à la fois de gains en devises et de recettes fiscales) fait du bilan du secteur du cacao un élément déterminant des performances globales de l'économie. Les politiques macroéconomiques évoquées plus haut décourageaient les producteurs de cacao. Le taux de change réel surévalué modifiait les termes intérieurs de l'échange contre tous les produits échangeables, mais ce sont les exportations agricoles qui ont été les plus touchées, les produits échangeables industriels étant protégés par des barrières tarifaires et commerciales non tarifaires. Les mesures visant le cacao ont souvent accru les effets négatifs des politiques macroéconomiques et de taux de change.
L'achat du cacao au Ghana était entre les mains de l'Office de commercialisation du cacao (CMB), créé en 1947 pour lutter contre la volatilité des cours de ce produit. Il fixait et annonçait à l'avance les prix à la production et centralisait la commercialisation. Il prélevait des droits d'exportation sur les exportations de fèves de cacao et des droits locaux sur les livraisons de fèves de cacao aux usines locales de transformation, puis transférait le montant de ces taxes à l'Etat. L'Etat de son côté affectait des crédits aux dépenses de fonctionnement du CMB.
En 1965, l'Office a été invité à transférer tous les excédents d'exploitation au gouvernement central, ce qui éliminait la distinction entre les excédents du CMB et les paiements à l'Etat. Les recettes tirées par l'Etat du cacao étaient le «reste» de l'équivalent en cedi (¢) du prix f.o.b. (au taux de change officiel) une fois couverts les paiements aux agriculteurs et les coûts de commercialisation.
Le secteur du cacao est progressivement devenu une source majeure et commode de recettes fiscales générales. Entre 1960 et 1980, il a fourni un quart à un tiers des recettes totales de l'Etat. Avec le temps, la taille du CMB a augmenté, de même que les coûts de commercialisation du cacao. En 1982, l'Office employait environ 105 000 travailleurs. Compte tenu de l'importance des coûts fixes et de l'accélération de l'inflation, la part des ventes totales allant aux coûts de commercialisation a augmenté. Ainsi, selon Stryker (note 19, p. 107), en 1981-1982, avec un taux de change parallèle d'environ 15 fois le taux officiel, les coûts du CMB (à l'exclusion des paiements aux agriculteurs) dépassaient la valeur des ventes f.o.b. au taux de change officiel.
Le prix à la production étant annoncé à l'avance, il pouvait se révéler par la suite être plus bas ou plus haut que le prix que l'agriculteur aurait reçu si le paiement était effectué au moment de la vente (en supposant le même coût de commercialisation). Dans ce dernier cas, la recette de l'Etat était négative. Même lorsque c'était vrai, le prix réel absolu payé à l'agriculteur était trop faible par rapport à son niveau au taux de change d'équilibre. Le prix réel payé aux agriculteurs pour le cacao est descendu de 355 ¢ la tonne en 1962-1972 à 165 ¢ en 1973-1983. Outre la taxation sur la base des prix, le système de commercialisation du cacao présentait de nombreux défauts qui se traduisaient par de longs retards de paiement aux agriculteurs.
Politiques concernant les cultures vivrières. Les produits alimentaires importés considérés comme essentiels (maïs, riz, blé, sucre et huiles végétales) étaient importés par la Ghana National Trading Corporation (monopole d'Etat) et distribués soit pas ses propres magasins soit par des négociants en gros autorisés. Le prix de détail était déterminé comme étant le prix c.a.f. (calculé au taux de change officiel), majoré d'un droit de douane, des coûts de commercialisation et des coûts du capital de roulement. Le prix de détail était contrôlé et les contrôles étaient plus effectifs dans les magasins de la corporation qu'au niveau des négociants en gros.
Les prix alimentaires sur le marché libre étant généralement plus élevés que les prix réglementés, surtout avec le début de l'inflation, il existait de nombreuses possibilités de situations de rente et de corruption. Une partie des denrées alimentaires importées parvenait sur le marché libre et la détention de licences est devenue une activité lucrative. Les prix du marché libre à la fin des années 70 étaient jusqu'à cinq fois le prix officiel. Beaucoup de Ghanéens passaient énormément de temps à essayer d'avoir accès aux rares marchandises à bas prix et à profiter de la différence entre les prix officiels et du marché libre (activité connue sous le nom de système kalabule). Aucune mesure ne touchait directement les autres denrées alimentaires non échangeables. Les effets indirects des politiques macroéconomiques sur les cultures vivrières non échangeables se faisaient sentir sous forme de coûts de transport élevés et de détérioration de l'infra-structure de transport (voir Effets globaux et effets propres à l'agriculture des politiques d'avant 1983). Bien que l'évolution des prix alimentaires au Ghana soit très incertaine, il est peu probable que les prix alimentaires réels aient beaucoup reculé du fait de l'intervention directe sur les prix20.
Politiques relatives aux intrants et aux services agricoles. La politique des pouvoirs publics sur les intrants s'est axée sur la subvention des intrants modernes et du crédit. Les subventions directes aux intrants modernes importés tels qu'engrais, arroseurs et produits chimiques se sont ajoutés à la subvention indirecte résultant de la surévaluation du taux de change. Les effets de ces subventions ont été inégaux à travers le secteur agricole, car tous les agriculteurs n'avaient pas accès aux intrants subventionnés. Les investissements de l'Etat dans l'agriculture étaient surtout axés sur le secteur de la grande agriculture mécanisée, cependant que la recherche et la vulgarisation destinées aux petits exploitants étaient négligées.
Effets globaux et effets propres à l'agriculture des politiques d'avant 1983
Le déclin économique du Ghana s'est précipité au cours de la dernière partie des années 70 et du début des années 8021. Jusque-là, divers contrôles de l'Etat sur les prix et les importations avaient pu dans une certaine mesure masquer l'état réel de l'économie et empêcher la dégradation de la situation macroéconomique. Un renversement des cours mondiaux
du cacao, après la forte augmentation de 1977 et 1978, parallèlement à des baisses de la production de cacao, ont réduit les recettes fiscales de l'Etat, aggravé le déficit budgétaire et l'inflation et réduit les recettes en devises et les possibilités d'importation. Les prix réels à la production baissant, des quantités croissantes de cacao ont été sorties du pays en contrebande et les activités improductives des chercheurs de rente se sont généralisées. En 1978, le déficit a atteint 127 pour cent du total des recettes de l'Etat, cependant que l'inflation atteignait 116 pour cent par an en 1977 et 123 pour cent en 1983. L'infrastructure du Ghana était en très mauvais état, la capacité de transport réduite par le manque de pièces détachées et de lubrifiants et les services sociaux s'étaient effondrés.
Bien que le PIB ait augmenté en moyenne de 0,2 pour cent par an entre 1970 et 1980, entre 1979 et 1982 il a diminué de 6,1 pour cent (-3,1 et -9,4 pour cent respectivement par habitant). Le volume des exportations a diminué de 8,4 pour cent et le PIB agricole de 1,2 pour cent par an dans les années 70. La stratégie de substitution des importations et de développement de l'industrialisation s'est révélée un échec: du fait de la baisse des recettes d'exportation, le Ghana ne pouvait plus importer les intrants intermédiaires et les matières premières indispensables pour les autres secteurs. Le déclin de l'industrie a été à la mesure de celui de l'agriculture - dans certains secteurs, l'utilisation de la capacité est tombée à 10 à 15 pour cent. Le manque d'investissement dans l'industrie de l'or a encore réduit une autre source de recettes en devises.
En 1982, l'avantage comparatif du Ghana en matière de production du cacao était fortement érodé. Au début des années 70, il avait été le premier exportateur de cacao avec plus de 30 pour cent du marché, mais en 1981-1982 cette part était presque divisée par deux. Le gouvernement n'était pas en mesure de continuer à augmenter les salaires d'une administration publique pléthorique, ce qui, conjugué à une forte inflation, s'est traduit par une baisse considérable des salaires réels. En 1983, le salaire minimum réel était descendu à environ 13 pour cent de sa valeur de 1975. Ces fortes baisses des salaires de la fonction publique ont provoqué un grave mécontentement et un exode massif de personnel qualifié22.
Dans la période 1978-1982, les gouvernements successifs se sont efforcés de sauver l'économie formelle d'un effondrement complet. Un certain nombre de mesures ont été prises en 1978, y compris une dévaluation du cedi à 2,75 ¢ pour 1 dollar EU, une réforme de la monnaie, l'adoption d'un budget d'austérité et une augmentation du prix du cacao. Elles comprenaient aussi une campagne intense contre la corruption et une surveillance resserrée du respect des contrôles des prix. Cependant, tout cela était probablement «trop peu trop tard».
En 1982 et 1983, un certain nombre de chocs exogènes ont causé de nouvelles et graves difficultés à l'économie ghanéenne. Le Nigéria a suspendu ses livraisons de pétrole parce que le Ghana ne pouvait plus payer. L'insuffisance des précipitations au cours de ces deux années a provoqué une très forte réduction de la production de maïs, ce qui a raréfié les approvisionnements alimentaires et fait monter les prix. La sécheresse a aussi provoqué un important déficit d'énergie hydroélectrique, dont le Ghana est fortement tributaire. La situation a été encore aggravée par l'afflux d'un million de travailleurs ghanéens expulsés du Nigéria.
Déclin économique: le rôle critique de l'agriculture
Bien qu'aucune raison ne puisse expliquer à elle seule le déclin économique rapide du Ghana, on peut sans risque dire que la source première en était les graves déséquilibres économiques causés par l'insistance à conserver un régime de taux de change fixes et l'absence de politique macroéconomique appropriée pour l'appliquer.
L'agriculture en général et le secteur du cacao en particulier ont joué un rôle capital dans la crise économique. Alors que la croissance du secteur du cacao était indispensable aux recettes en devises et aux recettes budgétaires en général, la politique macroéconomique qui était conduite était défavorable au cacao, aussi bien directement qu'indirectement: i) taxation directe du secteur du cacao, des parts importantes du prix de celui-ci étant utilisées pour couvrir les dépenses d'une bureaucratie parapublique inefficace et très coûteuse; ii) taxation indirecte du prix intérieur réel du fait de la surévaluation de la monnaie, de la forte inflation intérieure et de la protection relative qui est accordée aux secteurs non agricoles.
Une étude bien connue23 a calculé et comparé la taxation directe et indirecte du cacao en 1975-1979 et 1980-1984. Les résultats montrent que pour la période 1975-1979 il y a eu subvention directe à hauteur de 26 pour cent (taxation négative) des producteurs de cacao en raison de la faiblesse des cours mondiaux de cette denrée et du système de paiement décrit plus haut. Pendant la même période, la taxation indirecte du cacao s'est élevée à 66 pour cent, le résultat net étant une taxation totale (ou protection négative) du cacao qui s'élevait à 40 pour cent. La situation a empiré pendant la période 1980-1984 où, alors que les subventions directes passaient à 34 pour cent, la taxation indirecte est montée à 89 pour cent, soit une taxe nette de 55 pour cent24. La situation était très différente pour les produits alimentaires importés: les chiffres concernant le riz montrent que, s'il a été l'objet d'une protection indirecte négative de 66 pour cent en 1975-1979, qui est passée à 89 pour cent en 1980-1984, il a bénéficié d'une protection directe de 79 et 118 pour cent respectivement. L'effet conjugué a été une protection globale positive pour les deux périodes de 13 et 29 pour cent respectivement. Ces résultats concordent avec la politique globale du gouvernement relative aux denrées alimentaires échangeables, décrite plus haut.
Les politiques de taxation excessive du cacao ont aggravé l'impact des baisses des cours mondiaux de cette denrée et réduit la production en moyenne de 6,1 pour cent en 1970-1983. Une comparaison avec la Côte d'Ivoire montre que la baisse de production n'a pas simplement été due aux variations du cours mondial: pendant que la part de marché mondial du Ghana descendait de 26,3 pour cent en 1970 à 14,5 pour cent en 1983, celle de la Côte d'Ivoire est passée de 11,6 pour cent en 1970 à 25,8 pour cent en 1983.
Les effets dissuasifs des politiques appliquées à la production du cacao ont créé pour l'économie ghanéenne un cercle vicieux. Les baisses de la production et des exportations impliquaient un recul des recettes budgétaires et des recettes en devises, situation à laquelle le gouvernement a répondu en imposant davantage de contrôles et en accroissant le financement inflationniste du déficit, ce qui a évidemment aggravé l'inflation et réduit les incitations à la production. La politique d'accroissement des contrôles pour combattre la crise a fait du Ghana pendant la période 1970-1980 une des économies au monde les plus faussées25.
Politiques appliquées après 1983
Réformes macroéconomiques. Lorsque le Conseil provisoire de la défense nationale a pris le pouvoir en décembre 1981, le Ghana était au bord de l'effondrement économique, après de premières tentatives pour juguler la crise en resserrant les contrôles sur les devises, la surveillance des frontières et en lançant une campagne anticorruption. Le gouvernement a commencé par ajuster en avril 1983 le taux de change en établissant un système de primes à l'exportation et de taxes à l'importation qui revenaient à une dévaluation de 900 pour cent du taux de change26.
En 1983, en réponse à l'aggravation de la crise économique, le gouvernement a lancé le programme de redressement économique (PRE) qui couvrait la période de 1983 à 1986. Ce programme a été suivi de la première phase d'un programme d'ajustement structurel (PAS I) pour la période 1987-1988 et de la seconde phase (PAS II) pour la période de 1989 à 1990.
En 1983, le PRE s'est accompagné de dévaluations nominales, d'abord pour maintenir le taux de change réel à sa valeur d'avril 1983 et ensuite pour susciter de nouvelles dévaluations réelles. Deux réformes institutionnelles majeures ont pratiquement éliminé la surévaluation du cedi: la création d'un marché des changes en septembre 1986 et celle du marché interbancaire en avril 1992.
Les politiques budgétaires ont réussi à élargir l'assiette fiscale et à porter les recettes fiscales de 4,6 pour cent du PIB en 1983 à 11,2 pour cent en 1986 sans augmentation majeure des taux d'imposition. Les recettes autres que fiscales ont également augmenté en proportion des recettes totales, grâce surtout aux dons qui sont passés de 0,6 pour cent des recettes totales en 1983 à 5,9 pour cent en 1992. La montée des recettes budgétaires a permis d'accroître les dépenses consacrées aux salaires de la fonction publique, à la remise en état des infrastructures, aux services et aux programmes sociaux, sans augmenter le déficit. Ainsi, en pourcentage du PIB, le déficit budgétaire total, qui s'élevait à 2,7 pour cent en 1983, s'est transformé en excédent de 1,5 pour cent en 1992. La structure des dépenses a elle aussi changé: la part des dépenses d'investissement dans le montant total des dépenses de l'Etat est passée de 7,9 à 20,1 pour cent, tandis que les dépenses courantes étaient ramenées de 89,3 à 76,7 pour cent27.
La conduite de la politique monétaire au Ghana est compliquée par l'importance des entrées de capitaux publics. La nécessité de reconstituer les réserves en devises de la banque centrale ainsi que d'utiliser l'aide extérieure pour financer l'écart entre les dépenses intérieures et les recettes budgétaires ont été des sources majeures de croissance monétaire28. Ainsi, la croissance de la masse monétaire s'est accélérée à un rythme annuel moyen de plus de 40 pour cent en 1984-1988.
Depuis 1989, la politique nationale du crédit a été utilisée pour compenser la croissance des avoirs étrangers, de sorte que la croissance de la masse monétaire s'est ralentie entre 1989 et 1991, explosant en revanche en 1992, qui était l'année des élections. En effet, les salaires des fonctionnaires ont été augmentés de 80 pour cent, ce qui a entraîné une hausse des salaires du secteur privé de 500 pour cent. Le taux d'inflation a été ramené d'environ 40 pour cent en 1987 à 10 pour cent en 1992. Sur le plan des échanges, la plupart des quotas et des restrictions aux importations ont été supprimés et les droits de douane réduits pour un large éventail de marchandises.
Réformes du secteur agricole. Les réformes du secteur agricole ont commencé relativement tard dans le PAS. Les réformes dans le domaine du change ont réussi à faire monter les prix à la production malgré la chute des cours mondiaux. Ainsi, les prix réels du cacao ont continuellement augmenté entre 1983-1984 et 1987-1988, malgré l'effondrement des cours mondiaux en 1985. Avec la disparition des effets de la dévaluation, les prix réels à la production ont fortement baissé en 1989-1990 (14,5 pour cent) et continué de baisser au rythme d'environ 5 pour cent par an entre 1989-1990 et 1991-1992. Les agriculteurs ont bénéficié d'une prime qui leur était versée après la récolte (souvent toutefois avec retard). Cette compensation est passée de 0,9 pour cent du prix à la production en 1986-1987 à 15,2 pour cent en 1989-1990.
On a assisté à des réformes progressives du système de commercialisation du cacao avec la restructuration du CMB - dont le nom est devenu Office ghanéen du cacao (COCOBOD) - et une réduction de ses activités. Ainsi, l'Office a abandonné certaines de ses plantations, sa part majoritaire dans une usine de pesticides et la charge de l'entretien des voies d'accès. Plus de 40 000 travailleurs ont été licenciés en 1985 (certains d'entre eux étant d'ailleurs des travailleurs fantômes) et 12 000 autres l'ont été en 1987. En 1992, on a introduit la concurrence dans la commercialisation intérieure du cacao. Deux nouveaux acheteurs ont été autorisés à acheter le cacao aux producteurs en plus de la Produce Buying Company (PBC), filiale du COCOBOD. Depuis 1987, les réformes ont réduit les coûts d'exploitation du COCOBOD d'un tiers. La libéralisation totale a été empêchée notamment par la crainte que le marché du crédit ne soit pas capable de répondre aux besoins d'un important secteur privé du commerce du cacao29.
Le monopole d'achat et d'égrenage du coton que possédait la Ghana Cotton Company a été aboli. Le gouvernement a cessé de fixer le prix du coton à la production et levé les restrictions aux exportations.
En ce qui concerne les cultures vivrières, le prix minimum garanti a été aboli pour le maïs et le riz, en raison de l'inefficacité de ce régime et des coûts élevés qu'il impliquait. La Ghana Food Distribution Corporation ne contrôlait que 10 pour cent du marché, le reste étant contrôlé par des négociants privés. Les pouvoirs publics ont transféré une partie des rizeries d'Etat au Comité de désengagement de l'Etat et exploite les autres moyennant une redevance.
Le Ghana a également supprimé les subventions et le contrôle des prix pour les engrais et encourage l'importation, le commerce de gros et la distribution privés30. Une privatisation progressive de la commercialisation a été entreprise sur une période de trois ans se terminant en 1990. En janvier 1989, la Ghana Seed Company a été dissoute afin de permettre la réorganisation de tout le secteur des semences. Les importations d'intrants agricoles sont exonérées de droits.
Réformes des politiques: évaluation de leurs effets et tracé de l'avenir. Les effets des réformes conduites au Ghana ont été impressionnants. La croissance globale du PIB réel est passée d'une moyenne annuelle de 1,5 pour cent en 1970-1983 à environ 4,7 pour cent en 1983-1991 et 4 pour cent en 199231. En supposant une croissance démographique de 2,6 pour cent, le taux de croissance réel par habitant a été supérieur à 1,9 pour cent par an. Le fait qu'à l'exception de 1990 il soit resté continuellement positif depuis 1984 est lui aussi remarquable.
Le PIB agricole, qui avait baissé d'environ 1 pour cent par an entre 1970 et 1983, a augmenté de 1,9 pour cent entre 1984 et 1991 et a rediminué de 0,6 pour cent en 1992. Ainsi, la croissance globale par habitant du PIB agricole a été négative pendant toute la période postérieure à l'ajustement, sauf redressements de courte durée tels que celui qui a suivi la grave sécheresse de 1983.
Suite à la dévaluation et à une augmentation des incitations sur le plan des prix intérieurs, la production de cacao remonte lentement de son niveau le plus bas de 1983-1984, grâce en partie à la réorientation du cacao du marché parallèle vers le marché officiel. Selon les chiffres de la FAO, la baisse annuelle moyenne de 6,1 pour cent de la production entre 1970 et 1983 a fait place à une augmentation annuelle de 6,75 pour cent entre 1984 et 1992. Cela dit, la production n'a pas atteint les niveaux élevés enregistrés dans les années 60 jusqu'au milieu des années 70.
La production de produits d'exportation non traditionnels (ananas, noix de cola, coton graine, igname, poisson et langouste) a elle aussi repris grâce aux meilleures incitations offertes par la dévaluation. Les gains à l'exportation de ces produits ont augmenté de 66 pour cent entre 1966 et 1990.
La privatisation et la libéralisation des intrants agricoles ont eu des résultats mitigés. Dans le cas des engrais, la consommation a diminué par rapport à ses niveaux records de la fin des années 70 et du début des années 80, où la subvention avait parfois atteint 80 pour cent du prix des engrais. L'absence relative d'intérêt du secteur privé pour la commercialisation et la distribution est due notamment aux incohérences du processus de privatisation des engrais: le contrôle de l'Etat sur les marges de distribution des engrais et une subvention indirecte aux Farmer Service Companies ont découragé les négociants privés. Les problèmes de disponibilité de crédit empêchent aussi l'activité du secteur privé dans la commercialisation des intrants. La baisse des importations d'engrais suscite des hausses du prix unitaire en raison de la diminution des économies que permettent les commandes de grandes quantités en vrac. Dans ce contexte, il faut citer l'activité de Global 2000, organisation non gouvernementale (ONG), qui a contribué à d'importants gains de productivité pour les agriculteurs participants. Global 2000 assure la vulgarisation et des paiements en nature (du maïs en échange d'engrais) aux agriculteurs participant au programme. Beaucoup de ressources de ce programme (personnel, apports en capital et en matériel) sont fournis par l'Etat. Malgré les résultats positifs obtenus jusqu'ici, ce programme fait peut-être obstacle aux efforts visant à accroître la participation privée au processus de distribution32.
De l'ajustement à la croissance: limitations, perspectives et rôle de l'agriculture
Le Ghana est l'un des rares pays d'Afrique subsaharienne où se posent maintenant les problèmes du passage de la stabilisation à une croissance soutenable. Malgré les mesures courageuses prises pour réformer la politique économique et malgré son impressionnante croissance globale, le Ghana reste l'un des pays les plus pauvres au monde, avec un revenu par habitant de 390 dollars. On a estimé que, même si les taux élevés de croissance de ces dernières années devaient se poursuivre, le Ghanéen moyen ne dépasserait le seuil de pauvreté que dans 50 ans. La Banque mondiale estime que, dans le meilleur des cas, il faudra 10 ans au pays avant de se trouver sur le «seuil» d'une croissance rapide33.
Rôle économique futur de l'agriculture. Le bilan des différents secteurs économiques du Ghana après 1983 soulève quelques questions. Etant donné le renversement de la taxation indirecte de l'agriculture, on s'attendrait au premier abord à ce que le secteur se redresse fortement, compte tenu du contexte intérieur plus favorable. Or, cela ne s'est pas produit pour le moment. Si l'industrie et les services ont enregistré une croissance moyenne d'environ 7,5 pour cent par an entre 1983 et 1990, celle de l'agriculture n'a été que de 2,5 pour cent pendant la même période.
L'explication de la croissance de l'industrie et des services tient essentiellement: i) à la disponibilité d'une importante capacité inutilisée dans les usines et les mines en raison de l'état proche de l'effondrement qui était celui de l'économie avant 1983; et ii) à une forte activité de l'Etat dans les domaines de l'électrification et de la construction de routes et d'autres infrastructures, qui représentent l'essentiel des investissements non agricoles. L'explication de l'absence de forte réaction du secteur agricole tient: i) au recul continu des cours mondiaux du cacao, qui a fini par inverser les effets de la dévaluation; ii) aux effets cumulés d'une mauvaise rentabilité interne réelle pour les producteurs de cacao de la plantation et de la replantation d'arbres; iii) aux avantages limités de la libéralisation des cultures vivrières en matière de prix; et iv) aux contraintes structurelles qui pèsent sur le secteur agricole et l'empêchent de répondre aux signaux des prix.
En tout état de cause, la croissance globale au Ghana continuera d'être fortement tributaire de la croissance agricole pendant de nombreuses années encore. Cela est dû à l'importance de ce secteur pour l'emploi et les recettes d'exportation ainsi qu'à la force de ses liens avec les autres secteurs (demande de produits agricoles, demande de services de transport, liens avec l'industrie agro-alimentaire). La forte proportion de la population pauvre qui réside dans les zones rurales et qui est tributaire des activités agricoles fait qu'il est peu probable qu'une stratégie quelconque de développement à large assise visant à réduire la pauvreté puisse réussir sans croissance du secteur agricole.
Il est peu probable que le mode actuel de croissance sectorielle entraînée par le secteur manufacturier et les services soit soutenable. La croissance continue de ces deux secteurs exigera des augmentations substantielles des investissements du secteur privé ainsi que des améliorations des ressources en capital humain et de l'infrastructure, ce qui prend du temps. Les investissements représentaient en 1993 19 pour cent du PIB, ce qui est assez faible étant donné qu'on estime qu'il faut 13 pour cent pour les investissements de remplacement.
De plus, le mode actuel de croissance agricole n'est pas soutenable car le redressement a été essentiellement obtenu par une extension des superficies cultivées et non par des augmentations de rendement. Malgré quelques améliorations de la productivité qui ont suivi les réformes de la politique économique, les estimations du Gouvernement ghanéen montrent que les rendements des cultures vivrières ne dépassent toujours pas 40 pour cent du chiffre potentiel34. De même, dans le secteur du cacao, les rendements sont faibles comparés à ceux de ses concurrents mondiaux: si le rendement moyen de 300 kg à l'hectare est meilleur que ceux du Nigéria et du Cameroun (200 et 260 kg à l'hectare respectivement), il est loin de ceux de la Côte d'Ivoire, de la Malaisie et de l'Indonésie (600, 800 et 1 100 kg à l'hectare)35.
La disponibilité de ressources en terres n'est pas une limitation importante à court terme, mais leur abondance est peut-être exagérée. Malgré la topographie vallonnée du Ghana, 70 pour cent du territoire sont soumis à une érosion en nappe ou en ravines36. A plus long terme, l'agriculture extensive risque de ne pas être possible sans compromettre la durabilité de la base de ressources (forêts et terres humides). La pression démographique se traduit par un peuplement accru sur des terres fragiles, ce qui aggrave l'érosion en nappe et en ravines déjà sévère des sols. Aussi les limites de l'extension risquent-elles d'être rapidement atteintes37.
La stratégie de croissance accélérée du Ghana vise à maximiser la valeur ajoutée dans l'agriculture plutôt qu'à augmenter les volumes bruts. Accroître les rendements plutôt que la superficie cultivée réduira le volume d'investissements nécessaires pour les infrastructures de soutien, atténuera les problèmes de commercialisation et de distribution liés à l'extension de la superficie de production et ne nuira pas à l'environnement38.
Tout ceci conduit à deux grandes conclusions: i) la croissance de l'agriculture est nécessaire si le Ghana veut progresser sur la voie d'un développement réducteur de la pauvreté; ii) la croissance agricole doit être essentiellement fondée sur la productivité.
Mesures destinées à accroître la productivité agricole. Stimuler la productivité agricole dans le contexte d'une baisse des prix agricoles réels mondiaux et nationaux constitue un problème majeur pour les responsables de la politique du Ghana. Etant donné l'orientation vers le marché que le Ghana a adoptée en ce qui concerne la gestion économique, le commerce et les prix, l'amélioration de la productivité est recherchée davantage par des interventions essentiellement non distortives plutôt que par des mesures portant directement sur les prix des produits et des intrants. Les mesures en question visent à atténuer les problèmes structurels et les goulets d'étranglement auxquels est confrontée l'agriculture ghanéenne. L'augmentation de l'emploi des intrants modernes est la clé de l'amélioration de la fertilité des sols et de la productivité au Ghana. Or, on constate une baisse d'utilisation des engrais et produits chimiques agricoles; plusieurs facteurs y ont contribué:
i) Une augmentation des prix relatifs des engrais par rapport à ceux des produits agricoles après la dévaluation et la suppression de la subvention. Pour remédier à cela, les mesures adoptées sont consacrées à l'amélioration des performances du système de commercialisation, à la réduction de ses marges et à l'amélioration des prix relatifs pour les producteurs.
ii) La réticence des agriculteurs traditionnels à s'exposer au risque d'employer des technologies nouvelles dont la rentabilité est incertaine.
iii) Le manque d'accès au crédit des petits exploitants.
iv) Le manque de technologies et d'intrants appropriés (en particulier des semences).
Les facteurs ii) et iii) sont liés entre eux. Autrement dit, l'absence d'un système de crédit rural qui fonctionne bien réduit l'aptitude des agriculteurs à prendre des risques car ils sont obligés de compter soit sur leur propre épargne soit sur un crédit informel. Le problème est accentué par l'incertitude des investissements due au système foncier du Ghana qui est dominé par les modes traditionnels de tenure. L'héritage de suspicion et de tracasseries dont était victime le secteur privé conjugué aux politiques antérieurement appliquées au Ghana a privé le pays d'une catégorie de gros négociants capables d'octroyer du crédit aux petits agriculteurs. Le facteur iv) est lié au fait que depuis longtemps le système de recherche et de vulgarisation est négligé; il est actuellement en complète réorganisation.
Des technologies permettant d'accroître la productivité de la main-d'uvre sont elles aussi nécessaires. Il y a déjà des pénuries de main-d'uvre aux périodes critiques du cycle de production (préparation du sol, récolte) et l'on s'attend à ce que cette situation empire à mesure que la concurrence des autres secteurs prive l'agriculture d'une partie de sa main-d'uvre. La cause fondamentale de la faible productivité agricole est le très faible niveau de technologie, en particulier au niveau de l'outillage (même la traction animale est rare). La recherche et la vulgarisation sont capitales pour la mise au point et la diffusion de panoplies techniques fondées sur des technologies simples et une amélioration des façons culturales à l'intention des petits producteurs qui constituent la majorité de la population rurale et produisent l'essentiel des approvisionnements alimentaires du pays. Le Programme de développement agricole à moyen terme prévoit une réforme radicale des services de soutien à l'agriculture, et notamment l'unification des services jusqu'ici fragmentés de recherche et de vulgarisation.
Si l'on veut que l'agriculture bénéficie de la demande générée par une économie en croissance, il faut renforcer les liens avec les autres secteurs. C'est pourquoi la création de conditions propices à un bon fonctionnement des marchés est jugée essentielle. Du point de vue de la politique à suivre, cela implique de renforcer les infrastructures matérielles des marchés ruraux et urbains et notamment d'améliorer les télécommunications et les moyens de stockage. Le secteur public jouera là un rôle clé en louant ou en vendant les services nécessaires au secteur privé.
Les agriculteurs et les vendeurs sont confrontés à une pénurie aiguë de moyens de stockage adéquats. Les pertes en stockage pour l'ensemble des cultures vivrières (céréales, racines, tubercules et plantains) sont estimées entre 15 et 30 pour cent, alors que les moyens de stockage appropriés permettraient de réduire les pertes de 30 à 50 pour cent. Cela signifie qu'une grande partie de la récolte doit être vendue immédiatement, ce qui affaiblit la souplesse et le pouvoir de négociation des vendeurs et finalement décourage la production d'excédents. La planification et la construction par le secteur public de moyens de stockage en vue de les louer ou de les vendre au secteur privé sont indispensables39. Pour encourager le stockage au niveau intermédiaire dans le cadre de sa stratégie de sécurité alimentaire, le Ghana a demandé aux donateurs bilatéraux de financer des installations de stockage petites et moyennes pour le secteur privé40. Conjugué aux autres mesures visant à un meilleur fonctionnement du marché, cela créera les conditions permettant d'accroître l'arbitrage et de lisser les fluctuations extrêmes intersaisonnières et interrégionales des prix.
Au Ghana, le coût élevé des transports dû au mauvais état des routes rurales est considéré comme le principal facteur qui empêche l'intégration des petits agriculteurs dans l'économie de marché. Au cours des années de crise, l'absence de devises et l'insuffisance des recettes budgétaires limitaient les possibilités pour le pays d'acheter des pièces détachées et d'entretenir régulièrement les routes. Le problème du coût du transport est particulièrement aigu pour les cultures vivrières non échangeables, car ces coûts représentent une grande partie de leur valeur. La dégradation des routes et la mise hors service de 70 pour cent de la flotte de camions faute de pièces détachées et de pneus ont obligé 70 pour cent des agriculteurs à porter eux-mêmes leur récolte sur la tête pour aller la vendre au marché.
La densité de routes d'accès au Ghana est en moyenne de 89 m par km² pour un total de 21 300 km. De ce total 12 900 km sont considérés comme étant en mauvais ou en très mauvais état et 3 200 km seulement environ sont carrossables toute l'année41. Le portage des produits agricoles au marché se traduit par de longs délais de livraison, accroît le gaspillage et constitue un grave risque pour la santé. D'autre part, il empêche le bon fonctionnement des marchés ruraux du travail. Le Gouvernement ghanéen a mis en place un programme national de développement des routes d'accès (NFRDP 1992-2000), dans le cadre duquel 2 500 km de voies d'accès seront totalement remis en état et 3 500 autres kilomètres seront resablés. Les routes empruntées pour le cacao seront elles aussi remises en état pour faciliter la liaison entre les zones de production et les ports.
Une source majeure de vulnérabilité du secteur agricole est le fait que 87 pour cent de la production sont envoyés aux points de vente finals et de consommation sans être transformés. Le développement d'une agro-industrie permettra le report de produits vivriers d'une saison à l'autre, accroissant ainsi la durée de vie en stock des produits périssables. Les études ont montré que l'agrotransformation et autres activités à valeur ajoutée contribuent à la revitalisation du secteur rural non agricole par un certain nombre de liens avec les marchés des intrants, des produits et du travail. Le gouvernement s'est efforcé de stimuler l'investissement dans l'agro-industrie en accroissant les incitations par l'exonération des droits d'importation sur l'équipement, mais ces mesures se sont malheureusement traduites par le détournement de matériel à d'autres usages. Il est peut-être plus efficace pour arriver au but recherché de le faire dans le cadre de la structure de l'impôt sur les sociétés.
Lutte contre la pauvreté. L'encadré 5 montre l'ampleur du problème de la pauvreté rurale au Ghana et résume quelques-unes des mesures que le Gouvernement ghanéen applique pour tenter de le réduire. Bien que la majorité de la population pauvre se trouve dans les campagnes, un tiers vit dans les zones urbaines. Le gouvernement a ciblé son programme de lutte contre la pauvreté sur le groupe des citadins au chômage ou n'ayant que de très faibles revenus, surtout dans la tranche d'âge de 18 à 25 ans. Contrairement à ce qui s'est passé pour les ruraux pauvres, les réformes des politiques économiques se sont répercutées négativement sur les citadins pauvres et ont créé une nouvelle catégorie de pauvres constituée des travailleurs licenciés de la fonction publique, des entreprises d'Etat et des entreprises inefficaces qui ont dû fermer à la suite de la libéralisation du marché. Dans le contexte urbain et pour les chômeurs qui ne sont pas retournés en zone rurale, le gouvernement a mis sur pied un programme d'initiatives visant à aider les industries en détresse. La First Finance Corporation a été créée pour fournir du capital-risque et des conseils en restructuration dans les domaines de la gestion, de la commercialisation, de la production et du financement.
ENCADRÉ 5 Pour comprendre les répercussions des réformes de la politique économique sur les populations pauvres
au Ghana, il faut savoir: i) qui sont les pauvres et combien ils sont; ii) où ils vivent; iii) quelles sont leurs
sources de revenu; et iv) quels sont leurs modes de consommation. Si l’on définit les pauvres comme étant ceux qui
vivent dans des ménages dont les dépenses par habitant sont inférieures aux deux tiers de la moyenne arithmétique
(un tiers pour les très pauvres), alors, selon une analyse des données sur les ménages tirées de l’enquête sur les
niveaux de vie au Ghana (GLSS), environ 80 pour cent des pauvres vivent en zone rurale. Autrement dit, la pauvreté
est essentiellement un phénomène rural. Pour l’ensemble du Ghana, 35 pour cent de la population se trouvent en
dessous du seuil de pauvreté tandis que dans les zones rurales le chiffre est de 43 pour cent. Une analyse plus
détaillée a montré que, mis à part le fait que les chiffres varient beaucoup d’une région à l’autre, les ruraux
pauvres sont «plus pauvres» que leurs homologues citadins. C’est ainsi par exemple que la région de la savane, qui
compte 12 pour cent de la population, compte 18 pour cent des pauvres du pays et 35 pour cent des très pauvres. 1 Selon Alderman (1992), étant donné l’importance du sorgho et du mil dans les régimes alimentaires et les revenus des régions où les niveaux de pauvreté sont élevés, une composante de sécurité alimentaire d’une stratégie agricole devrait envisager de donner la priorité à des cultures même si cela ne représente pas la solution optimale du strict point de vue de l’efficience. Sources: H. Alderman. 1992. Incomes and food security in Ghana. Cornell Food and Nutrition Policy program. Working Paper 26; Gouvernement du Ghana. 1991. Enhancing the human impact of the adjustment programme. Accra; E.O. Boateng, K. Ewusi, R. Kanbur et A. McKay. 1990. A poverty profile for Ghana, 1987-88. Social Dimensions of Adjustment Paper No. 5, Washington; Banque mondiale. 1994. Adjustment in Africa: reforms, results and the road ahead. New York, Oxford University Press; P. Dorosh et D. Sahn. 1993. A general equilibrium analysis of the effects of macroeconomic adjustment on poverty in Africa. Cornell Food and Nutrition Policy program. Working Paper 39; Banque mondiale, op. cit., note 32, p. 116. |
Les Ghanéens ont choisi les grands axes de leur système économique: une économie fondée sur les lois du marché, avec le secteur privé pour moteur et des politiques gouvernementales pragmatiques, l'activité de l'Etat étant concentrée dans les domaines de l'enseignement, de l'infrastructure, du développement des marchés et de la lutte contre la pauvreté. Si, à court terme, la tâche fondamentale est de consolider les gains tirés de la réforme de la politique économique, il est tout aussi important que les dividendes de la croissance soient largement répartis entre les groupes de population. Il est capital d'atteindre ces objectifs si l'on veut que le développement économique soit soutenu. La poursuite du soutien des donateurs contribuera beaucoup à aider le Gouvernement ghanéen à traiter les problèmes structurels qu'il faudra résoudre si l'on veut mettre l'économie sur la voie d'une croissance durable.
1 Le FMI a estimé qu'une augmentation de 1 pour cent du PIB réel des pays industriels augmentait de 3,4 pour cent le pouvoir d'achat des exportations des pays en développement.
2 Les pays subsahariens ont accusé des reculs de leur PIB par habitant au cours de 10 des 12 années écoulées depuis 1982. Les taux élevés de croissance démographique (de l'ordre de 3 pour cent par an au cours des années 80) ont empêché même les taux de croissance globale relativement élevés certaines années de se traduire par des taux positifs de croissance par habitant.
3 Voir Banque mondiale. 1994. Global Outlook and the Developing Countries: a World Bank Quarterly. Trial Series (janvier et avril). Les prix réels des produits de base ont été calculés à partir des prix courants des produits divisés par l'indice de la valeur unitaire des produits manufacturés.
4 Ibid. (avril).
5 Voir Situation mondiale dans cet ouvrage.
6 Données tirées de CEA (1994). Rapport économique sur l'Afrique 1994 et ERS/USDA. 1994. International Agriculture and Trade Reports: Sub-Saharan Africa. Rapport non publié, Washington.
7 Voir A. Yeats. 1994. What are OECD trade preferences worth to sub-Saharan Africa? Policy Research Working Paper 1254. Washington, Banque mondiale. Les effets négatifs du GATT sont peut-être surestimés, car les possibilités d'accroissement du revenu et de la productivité qui seront créées par la libéralisation ne sont pas prises en compte.
8 Angola, Botswana, Lesotho, Malawi, Mozambique, Namibie, Swaziland, Tanzanie, Zambie et Zimbabwe. Ces pays constituent les pays «de base» d'une étude de la BAfD, L'intégration économique en Afrique australe, publiée en 1993, dont sont tirés certains des renseignements donnés dans cette sous-section.
9 La SACU est une union douanière très ancienne entre l'Afrique du Sud et ses plus petits voisins tandis que la MMA est un cadre monétaire multilatéral qui réunit quatre des pays de la SACU (Afrique du Sud, Namibie, Lesotho et Swaziland). Voir BAfD, ibid.
10 BAfD, Vol. 3, Chap. 3 (Agriculture), op. cit., note 8, p. 94.
11 N. Mukutu. The Zambian Agricultural Sector Investment Programme: an example of an ongoing programme that can be used as a pilot study. Communication présentée à l'atelier parrainé par le PNUD sur les nouveaux types d'aide-programme à Harare, Zimbawe, du 30 janvier au 1er février 1994.
12 Voir The Effects of agricultural sector policies on agricultural growth - Uganda's experience. Etude par pays présentée à l'atelier parrainé par le PNUD sur les nouveaux types d'aide-programme à Harare, Zimbabwe, du 30 janvier au 1er février 1994.
13 Le franc CFA a cependant une signification différente selon la zone: dans l'UMOA (aujour-d'hui UEMOA), le nom officiel de la monnaie est le «franc de la Communauté financière africaine» tandis que dans la zone BEAC, c'est le «franc de la coopération financière en Afrique centrale».
14 Ghana Statistical Service. 1993. Quarterly Digest of Statistics (mars). Données de 1992.
15 S. Chand et R. van Til. 1988. Ghana: towards successful stabilization and recovery, Finance and Development, 25(1).
16 C. Leechor. 1994. Ghana: frontrunner in adjustment. In . Husain et R. Faruqee (éds), Adjustment in Africa: lessons from case studies. Banque mondiale, Washington.
17 Chand et van Til, ibid. Le taux d'inflation reflète les prix du marché parallèle et non les prix officiels réglementés auxquels l'ensemble de l'économie était soumis.
18 On considère que la période 1961-1966 a été critique pour la politique future du Ghana en matière de commerce et de taux de change. Le refus d'utiliser la dévaluation du taux de change comme instrument d'une politique constructive pendant cette période a lourdement pesé sur la politique économique du Ghana pendant deux décennies. Une vaste bureaucratie a été créée pour surveiller l'ensemble des contrôles des importations et gérer les devises, et elle a «rapidement compris la valeur des licences dont elle avait le contrôle et commencé à en tirer des rentes peu après la mise en place du système». Voir S.D. Younger. (1993). Exchange rate management in Ghana. Cornell Food and Nutrition Policy Program. Document de travail 38.
19 J.D. Stryker. 1991. Ghana. In A. Krueger, M. Schiff et A. Valdés (éds), The political economy of agricultural price policy, Vol. 3. Africa. Baltimore, Maryland. The Johns Hopkins University Press (pour la Banque mondiale).
20 Voir débat dans H. Tabatabai. 1988. Agricultural decline and access to food in Ghana. International Labour Review, 127(6): 703-734.
21 Certains auteurs considèrent que 1975 est la première année de déclin économique grave. Voir par exemple: N. Chazan. 1983. An anatomy of Ghanaian politics: managing political recession, 1969-1982. West-view Press, Boulder, Colorado; et J.D. Stryker. 1990. Trade, exchange rate, and agricultural pricing policies in Ghana. World Bank Comparative Studies. Banque mondiale, Washington.
22 Banque mondiale. 1983. Ghana: Policies and programmes for adjustment. Report No. 4702-GH. Washington; et Chand et van Til, op. cit., note 15, p. 106.
23 A. Krueger, M. Schiff et A. Valdés. 1988. Agricultural in-centives in developing coun-tries: measuring the effects of sectoral and economy-wide policies. The World Bank Economic Review, 2(3): 255-271.
24 Les calculs relatifs au cacao tiennent compte du fait que, étant donné l'importance de la part du Ghana sur le marché mondial du cacao, une dévaluation et l'accroissement concomitant de la production et des exportations auraient eu des impacts négatifs sur le cours mondial du cacao.
25 Banque mondiale, op. cit., note 22, p. 110. Le Ghana est le pays qui a présenté l'indice de distorsion des prix le plus élevé, tel que calculé par la Banque mondiale (il s'agit d'un indicateur qualitatif qui résume les distorsions conjuguées du taux de change, des taux d'intérêt, des taux salariaux, etc.), avec un chiffre de 2,9 sur un maximum de 3.
26 Stryker, op. cit., note 21, p. 109; et Younger, op. cit., note 18, p. 107.
27 Si l'on exclut les dépenses d'équipement financées directement par des prêts extérieurs.
28 Leechor, op. cit., note 16, p. 106.
29 H. Alderman. 1991. Downturn and economic recovery in Ghana: impacts on the poor. Cornell Food and Nutrition Program. Monograph 10.
30 Gouvernement du Ghana. 1993. From economic recovery to accelerated growth. Rapport établi pour la septième réunion du Groupe consultatif sur le Ghana, Paris, 24-25 juin 1993.
31 AGROSTAT, FAO (Taux de croissance exponentiels).
32 Pour plus de détails sur Global 2000 (abréviation de Sasakawa Global 2000), voir Banque mondiale. 1992. Ghana: 2000 and beyond; setting the stage for accelerating growth and poverty reduction. Rapport n° 11486-GH. Washington.
33 Ibid.
34 Gouvernement du Ghana, op. cit., note 30, p. 114.
35 V.K. Nyanteng, éd. 1993. Policies and options for Ghanaian economic development. Institute of Statistical, Social and Economic Research, Uni-versité du Ghana, Accra.
36 Gouvernement du Ghana. 1993. Ghana’s achievement of self-sustainability in food production and food security for 10 years: 1983-1993. Accra. (Non publié)
37 Banque mondiale, op. cit., note 32, p. 116.
38 Gouvernement du Ghana, op. cit., note 30, p. 114.
39 Pour plus de détails, voir: V.K. Nyanteng et S.K. Dapaah. 1993. Agricultural development policies and options. In Nyanteng (éd.), chap. 4, op. cit., note 35, p. 117. Voir aussi Ghana Ministry of Agriculture. 1990. Ghana Medium-Term Agricultural Development Programme (MTADP). Accra.
40 Voir Gouvernement du Ghana, op. cit., note 36, p. 118.
41 Voir Banque mondiale, op. cit., note 32, p. 116; et Nyanteng et Dapaah, ibid.