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CHAPITRE 3:
Le système alimentaire et les facteurs qui influent sur la sécurité alimentaire des ménages et la nutrition


Le système alimentaire et la sécurité alimentaire des ménages

La notion sous-jacente à l’approche par systèmes est que le tout est plus grand que la somme de ses parties. Dans cette approche, toute situation est appréhendée en termes de relations et d’intégration. Ainsi, un système alimentaire englobe normalement toute activité relative à la production, la transformation et la consommation des aliments, susceptible d’affecter la nutrition humaine et la santé (figure 7).

La production alimentaire relève de facteurs tels que les modes d’exploitation et d’appropriation de la terre, la reproduction et la sélection des espèces végétales, la rotation des cultures, la multiplication, la gestion et l’exploitation du bétail. La distribution des aliments comporte une série d’activités après la récolte, dont la transformation, le transport et le stockage, l’emballage et la commercialisation des denrées alimentaires, ainsi que des activités relatives aux acquisitions des ménages, aux échanges, aux dons privés et aux distributions publiques d’aliments. Les activités relatives à l’utilisation et à la consommation comprennent la préparation, la transformation et la cuisson des aliments à l’échelle du ménage et de la collectivité, ainsi que les processus familiaux de décision concernant les aliments, leur distribution au sein du ménage, les préférences alimentaires d’ordre culturel ou individuel, l’accès aux soins de santé, à l’assainissement et aux connaissances.

Il existe une grande marge de chevauchement et de corrélation entre les diverses composantes du système alimentaire, par exemple entre la transformation des aliments, la communication et l’éducation. Dans un ménage, le processus de décision concernant les aliments est influencé, entre autres, par la connaissance des bases de la nutrition, par la signification culturelle de l’attribution des aliments au sein de la famille, par le pouvoir d’achat et par les prix du marché.

FIGURE 7
Le système alimentaire

Source: Combs et al., 1996.

En outre, les systèmes alimentaires s’insèrent dans des environnements conditionnés par divers facteurs comme l’agroécologie, le climat, les aspects sociaux, l’économie, la santé publique et les politiques. Le modèle présenté à la figure 8 aide à mieux comprendre les activités qui déterminent la sécurité alimentaire et le bien-être nutritionnel ainsi que les interactions qui s’exercent au sein des systèmes alimentaires. On peut développer davantage encore l’approche par systèmes alimentaires, afin de couvrir des questions comme l’impact des interventions agricoles sur la santé, ou l’influence que des services de santé améliorés et plus accessibles et le percement de puits d’eau potable exercent sur la charge de travail des femmes et leur disponibilité personnelle.

FIGURE 8
Interactions au sein du système alimentaire

Source: Combs et al., 1996.

La sécurité alimentaire des ménages: notions de base

La sécurité alimentaire est une condition essentielle pour la sécurité nutritionnelle d’une personne et sa bonne santé. Comme on peut le lire dans l’encadré 2, la définition de la sécurité alimentaire a changé depuis le début des années 70 et les agences de développement sont désormais unanimement d’accord pour affirmer que la sécurité alimentaire implique «l’accès garanti, en tout temps, à une nourriture suffisante». Le chapitre 2 a abordé la sécurité alimentaire aux niveaux national, communautaire et familial. La notion de sécurité alimentaire nationale évoque essentiellement une disponibilité alimentaire pour la consommation, telle qu’elle figure dans les bilans alimentaires. Quand il s’agit de la sécurité alimentaire du ménage ou de l’individu, l’accent glisse de la simple «disponibilité alimentaire» vers le système plus complexe de «l’accès à la nourriture». Dans la formulation proposée par le Comité de la FAO sur la sécurité alimentaire mondiale (FAO, 1983a), ce système comporte trois éléments: un accès suffisant; la stabilité des approvisionnements; une capacité d’acquisition durable. Pour bien comprendre le caractère fonctionnel du concept de sécurité alimentaire des ménages, il peut se révéler utile d’examiner l’un après l’autre les critères fondamentaux de la suffisance, de l’accès, de la stabilité et de la durabilité.

Une nourriture suffisante

Le concept de nourriture suffisante est un aspect fondamental de la définition actuelle de la sécurité alimentaire des ménages, mais ce qui est suffisant pour un membre du ménage ne l’est pas nécessairement pour un autre. Les besoins nutritionnels de la personne dépendent de nombreux facteurs dont l’âge, le sexe, le niveau d’activité et l’état physiologique. Par ailleurs, la suffisance d’un régime alimentaire ne peut pas être uniquement jugée en quantité, c’est-à-dire en termes de suffisance calorique, mais aussi en qualité, c’est-à-dire en termes de variété, d’innocuité et d’acceptabilité culturelle.

Un régime alimentaire suffisant, indispensable au maintien de la personne en bon état de santé et d’activité, se définit selon divers paramètres:

ENCADRÉ 2
ÉVOLUTION DES CONCEPTS RELATIFS À LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE

La sécurité alimentaire est une préoccupation universelle depuis la Conférence mondiale de l’alimentation de 1974, qui a eu lieu alors que les disponibilités mondiales de vivres étaient trop justes et que de vastes disettes et famines paraissaient imminentes. En réponse à cette crise sous-jacente, des organismes tels que le Conseil mondial de l’alimentation, le Comité de la FAO sur la sécurité alimentaire mondiale (avec son Programme d’assistance pour la sécurité alimentaire) et le Comité des politiques et programmes d’aide alimentaire ont été créés. Leurs activités visaient à augmenter la production agricole nationale et à créer des réserves internationales de céréales. La sécurité alimentaire était identifiée en fonction des cours mondiaux des denrées alimentaires et de leur disponibilité, plutôt que selon la demande et la consommation des populations pauvres ou des groupes vulnérables sur le plan nutritionnel.

Au début des années 80, de nombreuses hypothèses servant de base à la Conférence de 1974 se sont révélées sans fondement. Accroître la production alimentaire n’était pas la réponse toute simple au problème de la faim; il y avait aussi un problème de distribution pour atteindre la population. En 1983, le Comité de la FAO sur la sécurité alimentaire mondiale élargissait le concept de sécurité alimentaire pour lui donner sa définition actuelle, en englobant trois objectifs spécifiques: assurer des disponibilités alimentaires adéquates; optimiser la stabilité des disponibilités; garantir à tous ceux qui en ont besoin l’accès aux vivres disponibles. Le dernier objectif de ce concept élargi de sécurité alimentaire est de garantir à tous et en tout temps les moyens à la fois matériels et économiques pour accéder à la nourriture de base nécessaire.

Cette définition a tout de suite été adoptée par d’autres grands organismes (par exemple, le Conseil mondial de l’alimentation, le Conseil économique et social des Nations Unies, le Conseil et la Conférence de la FAO). Elle est à la base du consensus international d’actions nécessaires aux niveaux global, régional et national pour garantir la sécurité alimentaire mondiale. En 1986, la note de synthèse de la Banque mondiale sur la pauvreté et la faim a ajouté le concept de niveau d’activité à ces objectifs, déclarant que la sécurité alimentaire doit assurer «à tous et en tout temps l’accès à assez de nourriture pour mener une vie saine et active». L’insécurité alimentaire, à son tour, a été définie comme un manque d’accès à une alimentation suffisante pour mener une vie saine et active. Pour la Banque mondiale, la sécurité alimentaire était essentiellement la capacité de satisfaire la demande effective, plutôt qu’une question de disponibilité de vivres. La relation entre pauvreté, faim et problème alimentaire se trouvait alors renforcée, et la définition des groupes vulnérables commençait à se préciser.

Source: D’après FAO, 1992b.

Alors qu’avant les années 90 la sécurité alimentaire était pratiquement assimilée à la suffisance en énergie, l’approche actuelle met plutôt l’accent sur la composition du régime alimentaire, spécialement en ce qui concerne les micronutriments. Cette insistance sur les micronutriments peut être attribuée à deux facteurs: une meilleure compréhension de l’étendue et des conséquences majeures des carences en micronutriments, spécialement en fer, iode et vitamine A; l’existence de méthodes éprouvées et peu coûteuses de prévention de ces carences. Les chapitres 5, 7 et 8 donnent des informations supplémentaires sur les micronutriments et sur les stratégies de prévention des carences spécifiques.

L’accès à la nourriture

La sécurité alimentaire des ménages, comme il vient d’être dit, ne dépend pas seulement de la disponibilité suffisante et durable d’approvisionnements, mais aussi des stratégies mises en œuvre par les ménages pour les acquérir. L’aptitude des ménages à s’assurer un accès aux approvisionnements peut s’exprimer à la fois en termes de production et de capacité d’échange de biens divers contre des aliments, dans le cadre du troc, de l’achat ou de la rémunération alimentaire du travail. Les biens des gens peuvent inclure le revenu; l’accès à la terre, son usage et/ou sa possession; le travail et les produits du travail; les héritages; les dons et autres transferts. La valeur des échanges des individus et des ménages varie selon les forces du marché, y compris selon les salaires et les prix.

Les aliments entrent dans le ménage de diverses façons. Un ménage peut produire lui-même des aliments, s’il dispose des moyens matériels et humains pour le faire; les ménages de ce type ont un accès direct à la nourriture. La capacité des agriculteurs à produire des quantités suffisantes d’aliments variés dépend, dans une large mesure, de leur accès aux ressources - terre suffisante et fertile, travail, outils et semences, moyens de traction, crédit, autres services agricoles de base - et de leurs connaissances sur les types de culture et d’élevage dont les ménages peuvent tirer durablement des bénéfices nutritionnels et des revenus. Dans beaucoup de communautés rurales, la cueillette en forêt de produits alimentaires et non alimentaires accroît de façon significative les disponibilités alimentaires des familles.

L’accès aux marchés et aux ressources, comme la terre, la technologie, le crédit, la vulgarisation et la formation, fait souvent défaut aux paysans et paysannes pauvres. L’encadré 3 présente une étude de cas menée en Zambie sur certains problèmes et difficultés, ainsi que sur leurs causes sous-jacentes, que divers groupes économiques ont connus en recherchant la satisfaction de leurs besoins alimentaires. Les dirigeants agricoles, les vulgarisateurs, le secteur privé et les projets d’investissement dans l’agriculture doivent s’intéresser d’urgence à l’insuffisance de la production qui est en particulier le lot des paysans et des paysannes pauvres, et les aider à améliorer leur rendement en produits végétaux et animaux pour l’autoconsommation et la vente.

Les aliments peuvent également être achetés. En fait, la plupart des ménages achètent une partie de leurs provisions alimentaires selon leurs besoins et les moyens dont ils disposent. Ce mode d’acquisition des aliments représente l’accès économique. Les ménages ruraux agricoles achètent normalement les denrées alimentaires qu’ils ne produisent pas eux-mêmes. De plus, lors de creux saisonniers, les ménages qui n’ont pas assez de réserves de vivres peuvent être amenés à emprunter de l’argent, à vendre des biens comme du petit bétail, ou à assumer un travail salarié dans le but d’acheter assez d’aliments pour reconstituer le garde-manger familial jusqu’à la prochaine récolte. Pour leur part, les ménages urbains achètent l’essentiel de leurs produits alimentaires. Ils peuvent aussi recevoir des aliments, offerts ou transmis par leur parenté rurale. Ces moyens d’accès sont sujets à risque, pour de nombreuses raisons: perte d’emploi, chute de revenus, hausse des prix, perte de récolte dans les zones rurales, ou migration de parents de la campagne vers la ville.

La question de savoir quand et comment les gens acquièrent leurs vivres est étroitement liée au concept de vulnérabilité. En effet, la vulnérabilité est étroitement liée à la distribution et au contrôle des ressources, de même qu’à l’accès à l’emploi. Ainsi, divers groupes d’individus dans une population, par exemple les paysans sans terre, les petits exploitants marginaux ou les citadins pauvres, peuvent être qualifiés de vulnérables en raison des caractéristiques socio-économiques qui leur sont propres. En particulier, les ménages dirigés par une femme sont souvent vulnérables à l’insécurité alimentaire, même s’ils ont assez de terre, parce qu’il leur manque des bras pour travailler et d’autres ressources indispensables à la production. L’encadré 4 décrit quelques-uns des groupes les plus vulnérables à l’insécurité alimentaire et à la malnutrition. Il est cependant, important de noter que la vulnérabilité à l’insécurité alimentaire varie selon le lieu et doit donc être évaluée pour chaque communauté ou chaque division administrative. On trouvera au tableau 11 des exemples de sources de risques d’insécurité alimentaire caractéristiques de certains groupes de population. Ce sont de plus en plus souvent les conflits armés qui mettent en péril la capacité des gens à subvenir à leurs besoins nutritionnels et à préserver leurs moyens d’existence; au cours des années 90, les conflits ont même remplacé la sécheresse comme première cause de famine et de déplacement des populations en Afrique. L’encadré 5 décrit les perturbations que peut entraîner un conflit armé et les effets désastreux qui s’ensuivent pour la production agricole et la vie économique.

ENCADRÉ 3
LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE SELON LE NIVEAU ÉCONOMIQUE
DU MÉNAGE EN ZAMBIE, DANS LA VALLÉE DE LA LUAPULA

Une enquête rurale rapide a montré que, dans la vallée de la Luapula, l’agriculture de subsistance est surtout pratiquée par les femmes, qui jouent donc un rôle très important dans le maintien de la sécurité alimentaire du ménage en ce qui concerne les aliments de base. En revanche, ce sont essentiellement les hommes qui gagnent l’argent de la famille, grâce à la pêche, aux activités forestières (sciage et charbon de bois) et au travail occasionnel. Ce revenu monétaire est primordial pour la sécurité alimentaire des ménages, qui ont besoin d’argent pour acheter des produits essentiels, tels que le sel, l’huile et les condiments, qu’ils ne peuvent pas produire eux-mêmes ni se procurer par troc. Etant donné que les hommes gagnent l’argent, leurs préférences alimentaires déterminent souvent ce que mange la famille. Les femmes aussi gagnent un peu d’argent, mais beaucoup moins que les hommes, car elles s’occupent surtout de l’agriculture de subsistance.

Un classement selon le niveau économique a montré que seuls les groupes pauvres de population connaissaient des pénuries alimentaires durant l’année. Les groupes plus aisés pouvaient répondre à leurs besoins alimentaires tout au long de l’année. Les caractéristiques des groupes pauvres expliquent clairement pourquoi ils connaissent de telles difficultés: leur exploitation est en général plus petite; le nombre de personnes par ménage est moindre, ce qui peut signifier une pénurie de main-d’œuvre; et, surtout, ils ont peu ou n’ont pas d’autres sources de revenu, contrairement aux groupes plus aisés qui ont investi leur capital et diversifié leurs activités afin d’avoir plusieurs sources de revenu. Les groupes pauvres comptaient une forte proportion de femmes chefs de famille, ainsi que de personnes âgées qui élevaient parfois leurs petits-enfants. Certaines femmes des groupes étudiés attribuaient la pauvreté à des facteurs sociaux, par exemple au fait que les hommes ne donnaient pas assez d’argent à leur famille, n’aidaient pas aux travaux agricoles, ou s’adonnaient à la boisson.

Les pénuries d’aliments de base, surtout de manioc, sont de toute évidence le problème nutritionnel le plus crucial chez les pauvres. L’obstacle essentiel pour les ménages pauvres reste la charge de travail, surtout pour les femmes, qui doivent planter, désherber et récolter. Quand un ménage est dirigé par une femme, celle-ci doit tout faire, y compris nettoyer et défricher le terrain. Il n’est donc pas surprenant qu’il ne reste aux femmes que peu ou pas de temps pour d’autres activités.

Outre les aliments de base, d’autres denrées contribuent grandement à la sécurité alimentaire des ménages, en particulier les sources d’huile et les assaisonnements, par exemple le poisson, les légumes et les arachides. Les ménages ne sont pas autosuffisants dans ces produits et dépendront toujours, dans une certaine mesure, du troc ou de l’argent.

Source: D’après FAO, 1992g.


ENCADRÉ 4
LES GROUPES LES PLUS VULNÉRABLES À L’INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE ET À LA
MALNUTRITION

Les personnes à risque sur le plan nutritionnel présentent en gros les mêmes caractéristiques sur le plan socio-économique, agro-écologique et démographique, de même qu’en matière d’instruction. Les facteurs de vulnérabilité se combinent généralement entre eux et aggravent encore le risque. Par exemple, les ménages ruraux ou urbains vulnérables à l’insécurité nutritionnelle sont précisément les plus exposés à la dégradation de l’environnement, à des conditions d’hygiène médiocres, à la pollution, à la surpopulation, ainsi qu’au manque de possibilités d’éducation, de formation et d’emploi nécessaires pour améliorer à long terme leur situation nutritionnelle. Avec quelques variantes selon les régions, voici les types de ménages les plus exposés à l’insécurité alimentaire et à la malnutrition:

  • les paysans pratiquant une agriculture de subsistance;

  • les salariés sans terre qui n’ont pas assez de ressources pour produire des aliments ou pas assez de revenus pour s’en procurer;

  • les ménages dirigés par une femme;

  • les ménages ayant un grand nombre de personnes à charge;

  • les ménages vivant sur des terres marginales;

  • les ménages n’ayant pas assez d’argent pour se procurer de façon continue des quantités suffisantes d’aliments sains et de bonne qualité.

Parmi ces ménages, les personnes les plus vulnérables sont les enfants de moins de cinq ans et les femmes en âge de procréer. Leur risque s’accroît lorsque l’accès aux services de santé est insuffisant et que la situation politique ou environnementale est fragile.

Source: D’après FAO, 1992b.

TABLEAU 11

Risques d’insécurité alimentaire au niveau du ménage et populations affectées

Domaine du risque

Ménages et individus à risque

Production agricole
(ravageurs, sécheresse, etc.)

Petits exploitants dont les revenus sont peu diversifiés et qui ont un accès limité aux techniques améliorées (par exemple, semences améliorées, engrais, irrigation, lutte contre les ravageurs)
Travailleurs agricoles sans terre

Commerce agricole
(interruption des exportations ou des importations)

Petits exploitants spécialisés dans un produit d’exportation
Petits éleveurs
Ménages pauvres qui dépendent fortement des aliments importés
Citadins pauvres

Prix des aliments
(hausse des prix importante et soudaine)

Ménages pauvres qui doivent acheter toute leur nourriture

Emploi

Ménages salariés
Employés du secteur informel dans des zones péri-urbaines
Employés du secteur informel dans des zones rurales, en cas de mauvaises récoltes imprévues

Santé
(maladies infectieuses par exemple, entraînant une baisse de productivité)

Collectivités, surtout les ménages qui ne peuvent se permettre des soins préventifs ou curatifs, et les membres vulnérables de ces ménages

Politiques et échec des politiques mises en œuvre

Ménages résidant dans des zones perturbées (troubles civils, guerre)
Ménages résidant dans des zones à faible potentiel, non reliées aux centres de croissance économique par des infrastructures

Démographie
(risques individuels affectant des groupes importants)

Femmes, surtout si elles n’ont pas accès à l’éducation
Ménages dont le chef est une femme
Enfants durant la période de sevrage
Personnes âgées

Source: FAO/OMS, 1992b.

Dans les communautés agricoles, la diversification des sources d’aliments et de revenus est une des armes principales contre le risque. Il est donc essentiel de mesurer l’importance des diverses sources de revenu, de leurs caractéristiques et de leurs variations saisonnières pour comprendre les motivations des ménages et leurs stratégies de survie et pour être en mesure de formuler des stratégies de sécurité alimentaire et nutritionnelle vraiment efficaces. Une meilleure compréhension de la nature des risques encourus par la sécurité alimentaire facilite aussi l’identification des rapports entre la sécurité alimentaire et la consommation d’un régime alimentaire suffisant.

ENCADRÉ 5
LES CONSÉQUENCES D’UN CONFLIT ARMÉ SUR LA PRODUCTION AGRICOLE ET LA
SÉCURITÉ ALIMENTAIRE DES MÉNAGES
DANS LA VALLÉE DU DJOUBA, EN SOMALIE

En 1991, la vallée du Djouba a été durement touchée par un conflit armé. Une grande partie de la population a été déplacée vers Mogadishu et Kismayo, ainsi que vers des camps de réfugiés dans le nord-est du Kenya. A partir de 1993, les habitants ont commencé à retourner dans leurs villages. Cependant, les effets des déplacements antérieurs, ajoutés à l’insécurité qui régnait encore et à l’existence d’un conflit larvé, continuaient de diminuer la capacité des populations à cultiver leurs terres et à produire suffisamment de nourriture. Selon les estimations, lors de la principale récolte de 1995, les niveaux de production étaient de 40 à 50 pour cent inférieurs à ceux d’avant-guerre.

Quand les familles sont retournées sur leurs terres, elles les ont trouvées en friches. Il leur a fallu beaucoup de temps et d’efforts pour les défricher, si bien que la première année la surface plantée a été bien moindre. L’insécurité, particulièrement pour la population Bantou, a amené les habitants à adopter une stratégie de culture plus prudente. Les agriculteurs travaillaient plus près de leurs villages de crainte d’être attaqués et pillés; ils ne pouvaient donc pas profiter des différents types de terres de la région.

De nombreux canaux et systèmes de contrôle des inondations de la région avaient été détruits ou pillés, ou bien étaient en panne. Le Programme alimentaire mondial et certaines organisations non gouvernementales avaient réparé quelques installations, mais c’était bien peu. Le fleuve Djouba n’était plus contrôlé et, en maints endroits, les cultures étaient détruites par excès ou par manque d’eau. Il était également difficile de se procurer des semences et des outils de travail. Les conseils de vulgarisation et les facteurs de production autrefois fournis par le Ministère de l’agriculture faisaient eux aussi défaut.

Bon nombre des moulins qui existaient dans la région avant la guerre avaient été volés, pillés ou saccagés et, dans de nombreux villages, plusieurs familles devaient désormais utiliser la même meule de pierre, ce qui contribuait à augmenter la charge de travail des femmes.

Il y avait autrefois des possibilités d’emploi rémunéré en dehors des fermes, dans les plantations de bananiers ou les usines de conditionnement de la région, mais le système d’irrigation étant hors d’usage, les bananiers étaient morts et les grands propriétaires de la vallée du Djouba n’avaient pas pu les remplacer. Le manque de moyens de transport et l’insécurité avaient réduit l’accès aux marchés de la ville de Kismayo, où le pouvoir d’achat était faible.

Source: FAO, 1996d.

La stabilité des disponibilités alimentaires des ménages

La stabilité des disponibilités alimentaires des ménages se rapporte à la capacité des ménages à se procurer en permanence, grâce à leurs revenus, à leur production ou aux transferts dont ils bénéficient, un approvisionnement alimentaire suffisant, même quand ils doivent affronter des situations de stress imprévu, des chocs ou des crises. Les situations en question comprennent, par exemple, les mauvaises récoltes dues à la sécheresse, les fluctuations du marché caractérisées par une brusque montée des prix, la réduction ou la perte de l’emploi et la diminution de productivité causées par une maladie soudaine.

Ce concept englobe aussi l’aptitude à préserver la stabilité des approvisionnements à travers les variations saisonnières de la production et du revenu. Il implique également la capacité des ménages à faire face aux pénuries alimentaires en minimisant l’étendue et la durée de leurs effets. Le test crucial de la stabilité est l’aptitude à rebondir et à reconstituer promptement un approvisionnement suffisant. Pour que cette possibilité se concrétise, iI faut mettre en jeu des mécanismes de sécurité, tels que les greniers communautaires ou les travaux publics utilisateurs de main-d’œuvre; il s’agit de soutenir temporairement le pouvoir d’achat des pauvres et d’absorber les effets des pertes passagères de revenus ou de production qui ont un effet défavorable sur l’approvisionnement alimentaire des ménages.

Les ménages sont susceptibles de pâtir d’insécurité alimentaire transitoire à la suite de circonstances imprévisibles, comme une hausse soudaine des prix. Ils peuvent souffrir d’une insécurité alimentaire saisonnière si, à intervalles réguliers, ils n’ont plus accès à la nourriture. Par contre, l’insécurité est chronique quand les ménages risquent en permanence de ne pas pouvoir faire face aux besoins alimentaires de tous leurs membres. Dans la pratique, il est bien évident que l’insécurité chronique et l’insécurité transitoire sont liées. L’exposition répétée au stress temporaire mais sévère peut augmenter la vulnérabilité des ménages jusqu’à les entraîner dans l’insécurité alimentaire chronique.

Les variations saisonnières de la disponibilité alimentaire, du prix des denrées et de l’offre d’emplois mettent souvent sous pression la capacité des ménages à garantir à leurs membres une consommation alimentaire suffisante et satisfaisante sur le plan nutritionnel. Cette difficulté se traduit fréquemment par des fluctuations saisonnières du poids corporel et de l’état de santé des membres vulnérables des ménages, notamment des femmes (figure 9) et des enfants.

Dans les communautés d’agriculteurs et de pêcheurs, les obstacles saisonniers à la sécurité alimentaire des ménages s’exercent souvent juste avant la récolte, quand le labeur agricole est au maximum et que les stocks de l’année précédente s’épuisent, tout comme l’argent liquide. La pénurie de vivres entraîne d’habitude une hausse des prix du marché jusqu’à la récolte qui les fait à nouveau baisser. Les femmes, auxquelles incombe souvent une large part du travail agricole, disposent de moins de temps pour préparer les repas et s’occuper des enfants. La saison creuse coïncide fréquemment aussi avec la saison des pluies, surtout là où les pluies tombent en une seule saison et s’accompagnent d’une recrudescence des maladies infectieuses, dont les diarrhées, les affections respiratoires et le paludisme (figure 10). Associés l’un à l’autre, ces différents facteurs contribuent souvent à l’augmentation sensible de la malnutrition parmi les groupes vulnérables. Une étude menée en Gambie montre que la morbidité et la mortalité infantiles atteignent habituellement leur pic juste avant la récolte et que les femmes dont les trois derniers mois de grossesse s’inscrivent dans cette période risquent d’avoir des bébés d’un poids inférieur à la normale (Lawrence et al., 1989). Le chapitre 8 analyse les effets d’un faible poids à la naissance sur la capacité de survie de l’enfant.

FIGURE 9
Fluctuations saisonnières du poids corporel d’un groupe de femmes rurales du
Bénin, de décembre 1985 à novembre 1986

Note: n = 130; les variations de poids sont exprimées comme la moyenne ± l’écart type de la moyenne.

Source: Schultink et al., 1990.

Les communautés qui ont subi des conditions climatiques adverses tout au long des générations développent des stratégies de gestion destinées à minimiser l’impact de la sécheresse et des autres agressions écologiques et climatiques sur la sécurité alimentaire des ménages. Ces mécanismes de repli, qui consistent à modifier la combinaison des procédés d’acquisition des aliments, peuvent inclure de nouvelles rotations des cultures et de nouveaux systèmes d’accès aux aliments englobant diverses stratégies de réduction du risque nutritionnel. Les agriculteurs optent souvent pour le choix et la culture d’espèces et de variétés végétales assurant la meilleure dispersion du risque (encadré 6). Le sorgho et le mil offrent l’exemple typique de cultures aptes à garantir un rendement minimal jusque dans les zones à pluviométrie aléatoire. Là où la succession des saisons se traduit régulièrement par des pénuries alimentaires au niveau des ménages, ces modifications finissent par s’imposer en permanence dans les systèmes agricoles.

En cas de pénurie grave ou prolongée, causée dans une famille par la perte de l’emploi ou par la maladie d’un adulte, les gens peuvent se résoudre à gager leurs biens ou à les vendre, à émigrer pour obtenir un emploi salarié, à contracter des emprunts et à s’endetter encore davantage pour survivre.

Les femmes, en particulier, ont tendance à convertir directement les biens qu’elles possèdent, par exemple les bijoux, en produits alimentaires destinés à la consommation immédiate.

Le cas des communautés pastorales et semi-pastorales est souvent complexe et très intéressant. Dans les zones où la pression des troupeaux et la densité démographique ne sont pas excessives, ces communautés ont su développer leurs propres stratégies de stabilisation des disponibilités alimentaires (encadré 7).

FIGURE 10
Calendrier du risque nutritionnel pour des artisans du poisson fumé dans deux villages côtiers du Ghana

RISQUE NUTRITIONNEL

Septembre

Octobre

Novembre

Décembre

Janvier

Février

Mars

Avril

Mai

Juin

Juillet

Août

Pluies













Mauvaise pêche













Faible revenu provenant du fumage (grosse entreprise)













Faible revenu provenant du fumage (petite entreprise)













Prix du maïs (aliment) élevé













Prix du manioc (aliment) élevé













Prix de la farine élevé













Travail pénible, fumage













Travail pénible, agriculture













Diarrhée













Paludisme













Rougeole













Rhumes, toux













Note: Le calendrier a été préparé au cours d’une enquête participative rapide en janvier 1992 à Chokomey et Oshiyie (Ghana). Il démarre en septembre de façon à respecter l’emploi du temps traditionnel de la communauté.

Source: FAO, 1994b.

Il importe de bien saisir la distinction entre ces stratégies de gestion et celles que l’on appelle les stratégies palliatives, à savoir les réponses temporaires données aux diminutions brusques et irrégulières de l’accès à la nourriture (Maxwell et Frankenberger, 1992). Placés en situations d’extrême insécurité alimentaire, à la suite d’un accident climatique comme une sécheresse ou une inondation, ou bien du fait d’un conflit intérieur, les ménages adoptent divers jeux de mesures, de plus en plus dangereux pour leurs moyens d’existence, pour essayer de maintenir un niveau minimal d’apport nutritionnel. Ces stratégies suivent généralement la séquence suivante: réduction du nombre de repas - mesure aux conséquences particulièrement graves pour l’état de nutrition des enfants; consommation accrue de produits sauvages et autres aliments de famine, comme les feuilles, les baies, les rongeurs; enfin, émigration de la force de travail et vente des biens principaux, tels que bétail, outillage, maison et terres. Cette séquence de réponses a été observée dans certains pays gravement touchés par la sécheresse, au moment où l’on s’acheminait vers la famine faute de mise en œuvre opportune d’une action préventive et d’une aide extérieure destinée à protéger la base de ressources et la sécurité nutritionnelle des personnes menacées.

ENCADRÉ 6
COMMENT LES PETITS AGRICULTEURS SE DÉBROUILLENT POUR STABILISER LEURS
DISPONIBILITÉS ALIMENTAIRES

De nombreux pays d’Afrique ont des fluctuations saisonnières dans leurs disponibilités alimentaires. Ruraux et agriculteurs connaissent bien ces pénuries saisonnières et leurs conséquences néfastes. Avec des ressources limitées, ils s’efforcent de minimiser leurs effets négatifs sur la sécurité alimentaire du ménage, en utilisant toutes sortes de stratégies.

Ainsi, les cultures successives, intercalaires ou mixtes, la sélection variétale, ou les dates de plantation échelonnées, ont toutes pour justification le choix du bon moment. Un examen attentif des techniques de cultures intercalaires montre que les agriculteurs programment leurs plantations dans le temps et l’espace de façon à créer une complémentarité entre croissance et couvert végétal. Ils produisent ainsi des aliments de façon continue. Certaines cultures sont récoltées en vert et consommées comme primeurs, et tout déficit inévitable dans les disponibilités alimentaires est comblé par le produit d’une autre culture.

Ces stratégies qui permettent aux paysans de se nourrir devraient être complétées par des actions gouvernementales, par exemple des programmes d’irrigation et de gestion de l’eau pour étendre et accroître la production; la régulation des prix pour assurer aux pauvres l’accès aux vivres; et l’établissement de facilités de stockage au niveau des villages.

Source: D’après Longhurst, 1985.


ENCADRÉ 7
STABILISATION DES DISPONIBILITÉS ALIMENTAIRES AU NIVEAU DES MÉNAGES
DANS LES SOCIÉTÉS SEMI-PASTORALES

Les communautés semi-nomades qui possèdent des moutons, des chèvres et des chameaux surmontent assez facilement les déficits alimentaires saisonniers. Les chèvres et les chameaux se contentent de maigres pâturages broussailleux; ils peuvent utiliser certaines espèces végétales de la brousse africaine qui conservent leur valeur nutritive pendant la saison sèche. Les chèvres et les moutons fournissent évidemment du lait aux nomades, mais sont aussi leur principale source de viande. Ils représentent une façon pratique de garder les économies, car ils peuvent aisément être échangés contre des céréales ou des espèces. Les observations faites sur le terrain ont révélé en effet que les animaux constituent l’option principale des foyers qui veulent accroître leurs liquidités, dans la plupart des milieux africains où les services bancaires n’existent pas encore. Les petits troupeaux sont souvent laissés aux soins des femmes, et la possibilité de vendre une ou deux chèvres permet d’améliorer grandement l’alimentation du ménage à la fin de la longue saison sèche. Ces avantages expliquent pourquoi la production des petits troupeaux est maintenue et intensifiée même dans des environnements favorables à l’élevage bovin, par exemple à Ngorongoro, dans le nord de la Tanzanie.

Obtenir des céréales en échange d’animaux reste une nécessité pour la survie du nomadisme en Afrique. La disponibilité de lait varie énormément au cours des saisons, même avec un cheptel diversifié. Pour qu’une famille puisse vivre toute l’année sur ses produits animaux, elle doit auparavant avoir constitué un assez grand troupeau.

Pendant la période où la production de lait est insuffisante, il est très important pour les éleveurs qui n’ont pas assez d’animaux laitiers de pouvoir compter sur les céréales. Cependant, quand la pénurie saisonnière habituelle se transforme en grande sécheresse, les animaux commencent à mourir, les prix chutent et les céréales disparaissent des marchés locaux. Ainsi, alors qu’en saison normale l’échange de petit bétail contre des céréales est un véritable succès pour les éleveurs, en période de forte sécheresse ces derniers sont très vulnérables.

Source: D’après Moris, 1989.

Les mécanismes de stabilisation des disponibilités alimentaires

Les mécanismes qui réduisent les fluctuations des disponibilités alimentaires peuvent agir au niveau régional, national et familial. Le scénario typique des ménages pauvres, consistant en une combinaison d’insécurité alimentaire transitoire et chronique, appelle à la formulation d’un dossier bien articulé de politiques de sécurité; celles-ci doivent être fondées sur une information suffisamment pertinente, exacte et opportune pour conduire au ciblage précis et efficace des interventions. Ces politiques seront également assorties d’actions qui facilitent l’accès physique aux disponibilités: technologies agricoles améliorées; programmes de diversification de la production alimentaire; renforcement des infrastructures du commerce et du transport; aménagement du réseau routier et des installations de stockage et de transformation dans les zones rurales. On a pu établir une corrélation positive entre l’insuffisance des installations commerciales et la malnutrition. Les familles qui habitent près des marchés de produits alimentaires ont aisément et constamment accès à une nourriture moins chère, et leur consommation alimentaire est plus variée.

Une autre option consiste à développer en zone rurale des industries alimentaires de transformation qui utilisent une main-d’œuvre abondante. Des initiatives de cet ordre peuvent aider à stabiliser les disponibilités, à fournir des emplois, à relever le niveau des revenus et à réduire les pertes après la récolte qui frappent lourdement les denrées périssables dans nombre de pays africains. L’origine et la nature de certaines pertes de produits alimentaires entre la production et la consommation sont illustrées à la figure 11. L’amélioration de la gestion villageoise et ménagère de l’après-récolte permet souvent de réduire les pertes et d’augmenter d’autant la disponibilité alimentaire globale. Autre bénéfice encore: une réduction des pertes signifie pour les producteurs et les distributeurs une réduction des coûts et, pour les consommateurs, une réduction des prix. Le chapitre 6 analyse en détail le stockage et la transformation des aliments, de même que les effets que les améliorations apportées à ce secteur exercent sur la sécurité alimentaire des ménages.

Prévention des famines et préparation aux crises. Les zones et les pays prédestinés aux mauvaises récoltes à répétition, dues aux particularités du climat et des infrastructures ainsi qu’à la pauvreté, doivent adopter une série de mesures de prévention des famines et de préparation aux crises, en vue de préserver les moyens d’existence des gens et d’améliorer leur accès aux produits alimentaires ou aux revenus monétaires. Quelquefois, l’adoption de telles mesures débouche aussi sur l’installation d’infrastructures de développement. En Ethiopie et au Burkina Faso, on a tenté des expériences de mobilisation de main-d’œuvre dans le cadre de travaux de protection de l’environnement et d’accroissement de la production, tout en améliorant du même coup la sécurité alimentaire des pauvres dont le travail était rémunéré par une aide alimentaire qui représentait en fait un transfert direct de revenu (FAO/OMS, 1992h). Parmi d’autres mesures de soutien des revenus et des moyens d’existence, on peut citer la vente des dons alimentaires sur les marchés locaux afin de dégager des devises locales pour financer des projets de développement, ou encore la mise en vente sur les marchés de stocks internationaux ou locaux de denrées alimentaires dans le but de prévenir les fluctuations soudaines des prix (encadré 8).

FIGURE 11
La filière alimentaire

Source: D’après Pariser, 1987.

Les fonds tirés de la vente des dons alimentaires doivent être utilisés à bon escient et servir à réduire la malnutrition dans les groupes vulnérables des communautés bénéficiaires de l’aide. Les interventions non alimentaires et les mesures de soutien aux stratégies palliatives développées par les familles et les communautés concernées consisteront, par exemple, à distribuer des intrants agricoles (semences, outils, facilités de crédit) pour permettre aux cultivateurs de replanter leurs champs après la destruction des récoltes par les ravageurs, les maladies ou les pluies diluviennes, ou bien à fournir aux éleveurs du fourrage pour leur bétail si les pâturages sont trop maigres.

ENCADRÉ 8
STRATÉGIES D’INTERVENTION VISANT À GARANTIR
LA RENTABILITÉ DU TRAVAIL ET UN MEILLEUR ACCÈS
À LA NOURRITURE OU AU REVENU MONÉTAIRE

Interventions au niveau des marchés

  • Subventions généralisées dans le domaine de l’alimentation

  • Gestion des réserves alimentaires pour éviter les fluctuations du prix des denrées

  • Aliments de sevrage subventionnés

  • Coupons alimentaires

  • Magasins aux justes prix

Programmes de soutien des revenus

  • Emploi: vivres contre travail ou argent liquide contre travail dans des projets de construction au niveau local (logements, routes, barrages, puits, protection des bassins, équipements collectifs)

  • Activités génératrices de revenus: production d’articles utiles au niveau local (tapis, nattes, poterie)

  • Echange de bétail contre de l’argent liquide, des aliments ou d’autres animaux plus résistants à la sécheresse

  • Soutien direct en argent liquide

  • Projets industriels: transformation des aliments (viande de déstockage, aliments de sevrage ou biscuits enrichis en protéines)

Projets d’aide à l’agriculture

  • Diversification et amélioration des cultures: distribution de semences résistantes à la sécheresse et d’équipements appropriés

  • Entreposage et transport

  • Commercialisation des produits

  • Horticulture et jardins potagers

Projets de soutien à l’élevage

  • Soins vétérinaires

  • Distribution de fourrage

  • Projets hydriques

Source: Young et Jaspars, 1995.

L’aide alimentaire joue un rôle dans la prévention des situations d’urgence et pendant l’urgence. Elle est affectée à différents usages selon le stade et les caractéristiques de la situation de sécurité alimentaire. De nombreux projets de travaux publics utilisateurs de main-d’œuvre ont incorporé avec succès un élément d’aide alimentaire parmi les mesures de protection des revenus et du gagne-pain des personnes menacées de pénurie alimentaire temporaire. L’aide alimentaire en nature convient fort bien lorsqu’un vaste programme de travaux publics entraîne un surcroît de demande alimentaire que les ressources locales ne peuvent pas satisfaire. L’aide alimentaire à court terme a toujours joué un rôle fondamental dans les stratégies de sécurité alimentaire des opérations de secours d’urgence, notamment dans le cadre des désastres écologiques et sociopolitiques. Aux derniers stades d’une famine, les personnes déplacées de leur foyer dépendent souvent totalement de l’assistance alimentaire, et l’objectif prioritaire est alors de soulager la malnutrition et de sauver des vies.

La mise en marche de systèmes appropriés d’alerte précoce et d’information est une condition préalable à l’emploi et à la gestion efficace d’une aide alimentaire d’appui à la prévention et à l’atténuation des désastres. La formulation et le réglage minutieux de systèmes d’information relatifs à la prédiction et à la prévention des crises ont fait l’objet d’efforts considérables dans plusieurs pays d’Afrique. Les systèmes d’alerte précoce reposent d’habitude sur les données pluviales, agricoles et commerciales qui sont collectées afin de suivre l’évolution de la production vivrière, de l’insuffisance des récoltes et des fluctuations des prix sur les marchés. Parfois, par exemple en Ethiopie et au Botswana, ces systèmes incorporent des données d’état nutritionnel comme principal indicateur de résultat. La plupart de ces systèmes tendent essentiellement à prévoir les pénuries alimentaires aiguës pour qu’une réponse opportune soit apportée sous forme d’aide d’urgence. D’autres systèmes d’alerte précoce adoptent un mécanisme de réponse plus localisé et tentent de déceler les augmentations de vulnérabilité nutritionnelle et de risque social par l’examen des causes éventuelles d’insécurité alimentaire. La collecte des données cherche surtout à répondre à la question de savoir comment les gens font pour se nourrir. Une grande variété d’indicateurs socio-économiques et de données qualitatives sont donc rassemblés pour aider à la définition précoce et à l’exécution d’interventions de soutien des stratégies de survie familiales (par exemple des projets de vivres contre travail ou d’argent liquide contre travail). Idéalement, les systèmes central et locaux d’alerte précoce devraient fonctionner côte à côte dans un même pays et former ainsi un système cohérent.

La durabilité des approvisionnements alimentaires

Par sa nature même, l’agriculture est une activité environnementale. Une de ses fonctions de base consiste à modifier et à adapter les écosystèmes naturels en vue d’en canaliser l’énergie vers les consommateurs sous forme de nourriture. Chaque projet agricole s’insère dans un système complexe d’attitudes sociales, de normes et de pratiques culturelles, de réseaux économiques et de facteurs physiques, chimiques et biologiques, qui forment l’assise de la productivité agricole. L’accès des ménages agricoles à l’alimentation et au bien-être physique est une condition décisive de leur capacité de travailler, d’entretenir et d’augmenter la production alimentaire ainsi que leur propre bien-être nutritionnel.

La durabilité des approvisionnements alimentaires se réfère à la capacité d’assurer la stabilité à long terme des ressources alimentaires des ménages et l’aptitude des ménages à satisfaire en permanence leurs besoins de consommation et la stabilité de leurs moyens d’existence. La durabilité comporte de nombreuses dimensions; elle ne saurait prévaloir sans que les procédés d’acquisition des aliments ne satisfassent tout un ensemble de conditions multiples.

La première exigence est un système de production alimentaire durable. Si la nourriture (c’est-à-dire les produits de l’agriculture, de la pêche et de la foresterie) et le revenu des ménages sont tributaires des ressources naturelles, il importe que les pratiques de production n’entrent pas en conflit avec l’environnement, ni ne l’abîment, compromettant ainsi la production future. La dégradation du milieu et la persistance de la pauvreté et de l’insécurité alimentaire sont souvent étroitement liées. Pour couvrir leurs besoins de survie, notamment dans les zones à forte croissance démographique, les paysans pauvres peuvent se voir forcés de cultiver des terres fragiles, escarpées ou marginales, fort sensibles à l’érosion. En périodes de stress, ils peuvent se trouver contraints à réduire leurs stocks de semences pour couvrir les besoins alimentaires immédiats du ménage et à utiliser de médiocre façon les sous-produits végétaux et animaux. Toutefois, il est possible d’aider ces personnes à gérer leurs ressources naturelles plus efficacement. On peut les encourager, par exemple, à adopter des modes appropriés de conservation des sols ou leur donner des opportunités de rémunération alimentaire du travail, afin de les aider à préserver leurs réserves de semences.

Si l’on veut que les groupes les plus pauvres et vulnérables arrivent à mieux gérer les ressources, il faut que ces stratégies s’inscrivent en deçà de leurs limites de temps, de force et de revenu; il faut aussi que les bénéficiaires pressentis voient dans ces stratégies la chance de gains réels à court et à long termes. A défaut d’une bonne motivation, telle que l’assurance du maintien de la propriété de la terre, les petits producteurs ne seront guère enclins à investir dans des activités à long terme, comme l’amélioration des sols, la plantation d’arbres et la conservation des forêts.

La deuxième exigence est la protection de la productivité future. Si les méthodes d’acquisition des aliments impliquent la destruction des ressources de production, qu’il s’agisse de la terre, de l’équipement de production ou des animaux de trait, comme cela peut être le cas en situation de famine ou de conflit armé, les ménages risquent de perdre leur capacité de production future. La consommation alimentaire actuelle serait alors assurée aux dépens de la consommation future. La durabilité implique des modes d’acquisition des aliments qui n’entraînent pas de perte de capacité productive des ménages. Comme on l’a déjà vu au chapitre précédent, les politiques et les actions de préparation aux crises et d’atténuation des désastres sont nécessaires pour appuyer les stratégies de survie des gens et pour protéger leurs ressources de base, tout spécialement dans les pays et dans les zones vulnérables aux agressions climatiques.

La troisième exigence est que les aliments soient acquis en autonomie, c’est-à-dire grâce aux efforts, aux ressources et aux initiatives de chacun, par les échanges, le troc et d’autres pratiques commerciales, plutôt qu’au travers de la charité, de l’aide, de la philanthropie ou de la bienveillance d’autrui. La dépendance est insoutenable à long terme comme méthode d’acquisition des aliments; elle entre d’ailleurs en conflit avec la dignité humaine et l’estime de soi. Les personnes disposant d’une base de ressources qui suffit à leur donner la capacité d’acquérir des aliments en quantité convenable ne devraient pas dépendre de l’aide alimentaire directe au-delà du temps de la pénurie aiguë; elles ne devraient en dépendre que jusqu’au rétablissement certain de leur propre production. Quant au groupe le plus pauvre de la population, l’aide directe ou la participation bien ciblée aux activités génératrices d’emploi pourrait souvent lui convenir.

La dernière exigence est qu’il faut considérer l’effort des ménages vers leur propre sécurité alimentaire dans le contexte plus large de l’ensemble des besoins de ménages dont les ressources sont limitées, tandis que leurs nécessités et leurs priorités sont en concurrence les unes avec les autres. Il importe que l’approvisionnement alimentaire des ménages soit rendu stable et suffisant, sans pour autant compromettre la satisfaction des autres besoins de base que les ménages estiment primordiaux, comme l’éducation, la santé, l’eau potable et le logement. Un ménage qui doit dépenser une large part de ses ressources pour se procurer une nourriture suffisante peut avoir des difficultés à satisfaire ses autres besoins de base et se trouver alors en difficulté pour assurer sa survie dans le long terme.

Il est donc d’une importance cruciale que les ménages accroissent leurs revenus réels afin de renforcer leur capacité à satisfaire l’ensemble de leurs nécessités vitales. Au niveau du ménage, le bien-être nutritionnel dépend de la durabilité de la productivité agricole et, simultanément, de la durabilité de l’accès de tous les membres du ménage à une alimentation dont la quantité, la qualité et l’innocuité soient à la hauteur des besoins nutritionnels de chacun.

Les facteurs de santé et leur influence sur la nutrition

Un environnement où la sécurité des approvisionnements est assurée constitue indiscutablement un facteur essentiel pour la consommation alimentaire. Cependant, pour que cela se traduise par un bon état nutritionnel, d’autres facteurs doivent intervenir, tels que la santé et l’assainissement, les méthodes de préparation des aliments, l’entretien des enfants, les connaissances, l’éducation et les aptitudes nécessaires au sein de la famille pour que les ressources humaines, structurelles et économiques disponibles soient mobilisées au bénéfice réel du ménage et surtout de ses membres les plus vulnérables.

Le complexe malnutrition-infection et la synergie santé/nutrition

La salubrité de l’environnement influence l’exposition aux maladies infectieuses, tandis que la présence des services de santé et leur facilité d’accès influence le traitement de ces maladies. Les populations pauvres sont particulièrement sensibles aux facteurs écologiques qui augmentent le risque de maladies infectieuses, comme le manque d’eau, le défaut d’évacuation des ordures et les carences de l’assainissement en général, la contamination des eaux de surface, la promiscuité, les autres insuffisances de l’habitat et le manque d’hygiène ménagère.

De plus, les pauvres sont désavantagés devant les infections pour plusieurs raisons: bien souvent, ils n’ont qu’un accès limité aux soins de santé; ils sont incapables de payer les médicaments, les vaccinations ou la planification familiale; enfin, ils n’ont ni le temps ni les autres ressources nécessaires pour s’occuper convenablement des membres de la famille pendant la phase aiguë d’une maladie, ou pour contribuer à leur récupération nutritionnelle pendant la convalescence. Par conséquent, le traitement de l’infection est souvent insuffisant ou tardif; la prolongation de la maladie qui s’ensuit met fréquemment les enfants en état de risque nutritionnel accru. Les services de santé locaux manquent souvent de personnel et de médicaments essentiels. L’attitude à l’égard des soins de santé et de l’éducation est un autre facteur important de la propension des mères à recourir aux services mis à leur disposition.

Les maladies infectieuses sont un des principaux facteurs responsables de la malnutrition infantile; inversement, la malnutrition rend l’enfant plus sensible aux maladies infectieuses. L’interaction de la nutrition avec l’infection, connue sous l’appellation «complexe malnutrition-infection», explique la sévérité de nombreuses infections et les taux élevés de la mortalité associée aux diarrhées, aux infections respiratoires, à la rougeole, aux verminoses et au paludisme. En Afrique subsaharienne, le fardeau de ces maladies infantiles, évitables dans une large mesure ou curables à peu de frais, est considérable.

De nombreux facteurs peuvent contribuer à la détérioration de l’état nutritionnel au cours d’infections sévères ou prolongées, notamment une baisse de la consommation d’aliments, un défaut d’absorption des nutriments, une perte des réserves physiologiques de nutriments, une augmentation des besoins nutritionnels. Les malades sont souvent sujets à la perte d’appétit, de sorte qu’ils ont peu de chances de maintenir leur consommation, à moins d’y être encouragés. Des conséquences variées peuvent en résulter, depuis la perte de poids jusqu’à l’incidence accrue du retard de croissance, c’est-à-dire une croissance osseuse insuffisante, ou encore la malnutrition protéino-énergétique, le faible poids de naissance, les maladies par carence en micronutriments, spécialement la carence en vitamine A. Le chapitre 8 décrit de façon détaillée ces formes de malnutrition.

D’autre part, la malnutrition réduit la résistance à l’infection et à la maladie en même temps qu’elle augmente leur gravité et leur durée. Il apparaît de plus en plus clairement que les retards de croissance et les syndromes de carence en micronutriments, notamment l’avitaminose A, sont liés à l’augmentation du risque d’infection et de mortalité par infection (FAO/OMS, 1992d). La figure 12 met en évidence certaines des interactions entre variables qui influencent le cercle vicieux de la malnutrition et de l’infection.

Le complexe malnutrition-infection affecte le plus souvent les enfants, mais il peut intéresser aussi la morbidité des adultes. Par leurs effets sur la performance physique et la capacité de travail des adultes, les infections et les maladies parasitaires jouent un rôle majeur dans la perte de productivité, avec des conséquences souvent graves sur la sécurité alimentaire des ménages concernés. Ces maladies comprennent le paludisme, les parasitoses intestinales, l’onchocercose ou cécité des rivières (type de filariose dont le ver parasite cause la cécité), la schistosomiase ou bilharziose (maladie causée par des douves de rivière et dont les hôtes intermédiaires sont certains escargots d’eau douce; elle se manifeste par des tumeurs de la vessie et par une cirrhose ou fibrose du foie qui conduit à l’insuffisance hépatique). Le chapitre 2 a étudié les effets potentiels du sida sur la capacité productive des personnes et leur aptitude à combler les besoins alimentaires de leur famille.

FIGURE 12
Modèle simplifié du cycle malnutrition-infection

Source: FAO/OMS, 1992d.

Dans tous les pays, le succès des politiques et des programmes de santé et de nutrition suppose la mobilisation de plusieurs secteurs. Les actions dans le domaine de la santé devraient toujours inclure l’installation, au niveau des villages, des communautés et du pays, de services de santé corrects, accessibles et habilités à fournir un traitement médical. En ce qui concerne le contrôle et la prévention des infections, il faut développer des mesures de santé publique concernant le logement, l’adduction d’eau, l’évacuation des ordures et l’hygiène personnelle, ainsi que des mesures relatives à l’innocuité des aliments, telles que la promotion de techniques appropriées pour le stockage et la préparation des aliments, le contrôle de la qualité des denrées alimentaires et la législation correspondante. Ces mesures peuvent réduire de beaucoup la morbidité relative aux diverses maladies infectieuses d’origine hydrique ou fécale. Les mesures d’assainissement du milieu et d’adduction d’eau au voisinage des habitations peuvent avoir une incidence favorable sur la santé et la productivité des personnes, non seulement du fait qu’elles entraînent une réduction du nombre de jours de maladie, mais aussi parce qu’elles permettent aux femmes d’économiser le temps et les forces qu’elles consacreraient autrement aux corvées d’eau à longue distance.

D’autres mesures jouent un rôle important dans la prévention, le contrôle et la gestion des maladies infectieuses. Il convient de citer les vaccinations, le diagnostic précoce des retards de croissance par la mesure du poids et de la taille, et le suivi immédiat; l’allaitement maternel; la promotion de régimes alimentaires locaux adaptés à la gestion des états infectieux; les conseils diététiques pour la durée de la maladie et de la convalescence; enfin, le planning familial. L’école primaire peut également jouer un rôle significatif en inculquant des principes élémentaires de nutrition et de santé. Il n’en reste pas moins que l’on ne saurait améliorer durablement la nutrition et la santé sans améliorer en même temps les systèmes agro-alimentaires et le statut socio-économique des ménages.

Il est important de mener aussi des actions en dehors du secteur de la santé, car les mécanismes de transmission propres à chaque infection sont souvent liés à l’environnement. Ainsi, la transmission du paludisme et de la schistosomiase se fait par des hôtes intermédiaires dont le développement varie selon les conditions écologiques naturelles ou modifiées par l’homme. Des stratégies telles que l’élimination des sites de reproduction peuvent diminuer la transmission du paludisme et amoindrir l’incidence de la maladie. L’utilisation de moustiquaires personnelles imprégnées d’insecticide est également efficace. Une conception adéquate des barrages et des systèmes d’irrigation diminue les risques d’extension de la schistosomiase.

Dans la plupart des cas, des programmes spécifiques de santé sont quand même nécessaires pour prévenir ou réduire la reproduction ou la transmission des agents infectieux. Toutefois, certaines précautions sont nécessaires pour éviter que les projets et autres programmes de développement, nouveaux ou existants, n’entraînent un risque supplémentaire pour la santé. La documentation de chaque proposition de projet de développement devrait comprendre une déclaration d’impact sur la nutrition ou la santé.

Le savoir, l’éducation et les soins au niveau du ménage et de la communauté

D’autres facteurs influant sur la consommation alimentaire et l’état nutritionnel comprennent les situations et les activités regroupées sous l’appellation de «soins» ou de «prise en charge». On entend par prise en charge l’ensemble des soins faits de temps, d’attention, de soutien et d’intelligence qui, dans les familles et les communautés, sont mis au service des besoins physiques, mentaux et sociaux des groupes vulnérables sur le plan nutritionnel. Les soins sont prodigués au sein des familles et des communautés ou bien par des institutions externes. Parmi les groupes vulnérables sur le plan nutritionnel, ce sont souvent les enfants d’âge préscolaire qui retiennent l’attention. Cependant, les groupes vulnérables comprennent aussi les enfants d’âge scolaire, les mères, les personnes âgées, les handicapés, les paysans sans terre, les chômeurs, les réfugiés et les personnes déplacées.

La capacité de prise en charge est l’aptitude à mobiliser les ressources humaines, économiques et institutionnelles au bénéfice du ménage. Cette capacité dépend donc de l’éducation, du savoir, de la culture, du temps et du contrôle des ressources, y compris du revenu. S’agissant de nutrition, les soins comprennent l’utilisation optimale des approvisionnements du ménage pour l’alimentation de la famille et l’utilisation optimale des ressources parentales pour protéger les membres de la famille contre les infections et prendre en charge les enfants malades et les autres membres vulnérables de la famille. Sur un plan plus général, la prise en charge et les soins impliquent une prompte réponse aux besoins nutritionnels ainsi que l’entretien constant du bien-être physique, psychologique et moral de chacun, qui, à leur tour, se traduiront par des bénéfices nutritionnels et sanitaires.

La prise en charge spécifique des jeunes enfants comprend l’allaitement maternel; la sécurité et la réduction du stress infantile; le toit et les vêtements; le nourrissage, le bain et la toilette; la prévention et le traitement des maladies; les démonstrations d’affection; l’interaction et la stimulation; le jeu et la socialisation; enfin, la sécurisation de l’aire de découverte. Elle comporte aussi l’utilisation de ressources extérieures au foyer, comme les services de santé préventive et curative, les consultations prénatales, les soins des guérisseurs traditionnels et des membres du réseau familial au sens large. L’alimentation au sein est un parfait exemple de prise en charge, qui couvre en un seul geste la sécurité alimentaire, le soin et l’environnement salubre de l’enfant. Quand il s’agit de soins, la manière compte aussi. La motivation du soigneur, son habileté, sa capacité physique, sa cohérence, sa perception des besoins de l’enfant sont autant de facteurs de la survie, de la santé et du développement de ce dernier. L’encadré 9 décrit les difficultés les plus courantes de la prise en charge et les façons de les surmonter.

La charge de travail des femmes et ses répercussions sur la nutrition

En matière de travaux ménagers et de soins à la famille, la part de responsabilité qui incombe aux femmes est souvent disproportionnée. En raison de leurs multiples responsabilités, les femmes manquent de temps pour préparer les repas, nourrir les enfants et donner les autres soins importants sur le plan nutritionnel. Certaines études menées par l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI) au Botswana, au Ghana, au Kenya (Brown et Haddad, 1994) et en Zambie (Kumar, 1994) l’ont montré: au regard des ressources significatives que représentent les enfants par leur contribution aux activités productives, le temps investi à leur donner des soins directs est vraiment très limité, soit en général moins d’une heure par jour.

ENCADRÉ 9
OBSTACLES LES PLUS COURANTS AUX SOINS FAMILIAUX
ET COMMENT LES SURMONTER

Faible niveau d’instruction

La demande de soins, pour l’enfant varie selon les cultures et les individus, tout comme d’ailleurs la signification même de maternité, de paternité et de soins. L’éducation et l’alphabétisation sont essentielles pour tirer profit d’autres politiques. Outre l’éducation et l’alphabétisation des adultes, il est également important de dispenser un enseignement soigneusement ciblé sur les soins à donner à l’enfant, y compris sur l’importance de l’allaitement exclusif au sein au cours des premiers mois de la vie, sur l’amélioration de la teneur énergétique et de la qualité des aliments d’appoint, sur l’hygiène des aliments et sur la nécessité de repas fréquents.

Soutien insuffisant de la part de la famille ou de la communauté

Un appui satisfaisant de la famille ou de la communauté pourrait renforcer les soins prodigués à l’enfant et à la femme, en agissant à divers niveaux: réduction de la charge de travail, assistance économique, connaissances ou encadrement émotionnel. Dans de nombreuses sociétés, des aides traditionnelles prêtent main-forte aux mères pendant et après l’accouchement; elles leur assurent conseils et encadrement émotionnel. Les groupes communautaires peuvent également fournir un soutien à l’enfant et à la femme. Les systèmes de sécurité sociale pour les femmes peuvent être renforcés dans les pays pouvant se le permettre.

Volume de travail considérable

Les femmes ont souvent, notamment lors de la campagne agricole, un volume de travail considérable, ce qui réduit leur aptitude à s’occuper d’elles-mêmes et de leur famille. La technologie et les infrastructures peuvent réduire le temps de travail et les efforts demandés aux femmes, en particulier pour le transport de l’eau et du combustible, l’accès aux services de santé et l’amélioration de l’hygiène et du milieu.

Santé physique et mentale déficiente

La santé physique recouvre les concepts de nutrition, de services médicaux, de soins prénataux et de soins fournis à l’enfant. Des programmes peuvent être élaborés pour permettre à la femme d’utiliser ses propres compétences et d’en acquérir de nouvelles. Il est essentiel de pouvoir accéder à des services publics de santé et à des services connexes, notamment en matière de santé générale, de soins prénatals, d’obstétrique et de planification familiale. Un meilleur espacement des naissances et de meilleures pratiques de sevrage amélioreront la santé de la femme et de l’enfant. Il faudra également éduquer les hommes pour leur faire prendre conscience de l’importance de la planification familiale.

Source: FAO/OMS, 1992c.

Les femmes sont souvent placées devant des choix difficiles pour la répartition de leur temps. Bien qu’il faille se garder de trop généraliser à propos de la charge de travail des gens et de leurs normes de distribution du temps, il n’en reste pas moins que des informations obtenues récemment dans plusieurs pays d’Afrique viennent corroborer la croyance populaire selon laquelle les femmes travaillent chaque jour plus longtemps que les hommes et même qu’elles consacrent plus d’heures qu’eux aux activités productives. Les données de la région de Mbeya en République-Unie de Tanzanie - une zone principalement agricole - ont révélé que les femmes travaillaient sans se reposer de 12 à 14 heures par jour en saison sèche et de 14 à 17 heures pendant la saison des pluies, tandis que les hommes travaillaient de 8 à 10 heures en saison sèche et 10 heures pendant la saison des pluies, avec des temps de repos de 3 à 4 heures (Mwalemba, 1995).

En zone rurale, les femmes sont souvent d’importantes productrices et transformatrices des aliments de consommation familiale; en zone urbaine, elles sont impliquées à la fois dans le commerce et dans l’acquisition des denrées alimentaires, ainsi que dans la production et la vente d’aliments de rue, notamment les préparations à manger «sur le pouce». Dans certaines villes africaines, les femmes assurent près de 90 pour cent du commerce alimentaire de rue. Elles confectionnent et vendent des aliments de rue pour arrondir les revenus du ménage, assurer l’autonomie du foyer et renforcer la sécurité alimentaire et le bien-être de leur famille.

Les activités des femmes dans la chaîne alimentaire influencent leurs ressources de deux manières. D’une part, ces activités sont à l’origine d’un surplus d’aliments et de revenus liquides; d’autre part, l’effort et le temps que les femmes y consacrent sont soustraits de la préparation des repas et du soin aux enfants. L’obligation où se trouvent beaucoup de femmes de jouer un double rôle dans le ménage - dans le domaine productif (production alimentaire et création de revenus, par exemple) et dans le domaine reproductif (activités relatives à l’alimentation et aux soins de base) - exerce une immense pression sur leur temps, leur performance et leur comportement. Souvent, le travail physique des femmes peut devenir pesant au point de compromettre leur santé, spécialement en période de grossesse et de lactation. Dans les ménages concernés, l’insécurité nutritionnelle se traduit aussi par un amaigrissement et un retard de croissance des nourrissons et des enfants d’âge préscolaire. Cette situation prévaut notamment quand l’accès à l’eau et au bois de feu exige de porter de lourdes charges sur de longues distances, jour après jour. Le tableau 12 montre que les femmes rurales de nombreux pays d’Afrique consacrent à la fois beaucoup de temps à la production ménagère et aux travaux des champs. Un exemple de la division du travail entre hommes et femmes dans les ménages africains est présenté à l’encadré 10.

La corvée d’eau, en particulier, est une tâche qui prend souvent aux femmes un temps énorme. Dans toutes les zones rurales, les femmes tireraient grand profit d’investissements portant sur l’adduction d’eau potable d’accès aisé. Leur fardeau serait fort allégé, puisqu’elles passeraient moins de temps à la corvée d’eau, ce qui contribuerait à diminuer leur stress physique et à améliorer leur état de nutrition. Rendues plus libres de leur temps, les femmes verraient aussi s’ouvrir à elles d’autres possibilités d’augmenter leurs revenus. Une eau plus abondante influencerait positivement la santé des enfants en favorisant l’hygiène et l’assainissement du foyer.

L’adoption de techniques utilisant peu de main-d’œuvre peut également aider à diminuer la charge de travail des femmes. Cependant, il est souvent fondamental de rééquilibrer la distribution, au sein de la famille, des responsabilités relatives aux soins et plus généralement aux travaux. Les soins dont les mères elles-mêmes sont entourées dans la famille et la communauté se répercutent directement sur leur capacité d’entretenir correctement leurs enfants.

TABLEAU 12

Distribution journalière de la charge de travail des femmes rurales (heures)

Pays marché

Nombre de ménages

Production ménagère

Production de

Soins aux enfants

Activités culinaires

Corvées de bois/d’eau

Autres

Agriculture

Autres

Botswana

957

0,54

2,14a

0,78

0,91

1,00

0,80

Kenya (saison sèche)

21

-

2,52

0,60

1,55

4,15

-

Kenya (saison des pluies)

-

-

2,12

0,32

2,40

3,92

-

Soudan

8 villagesb

2,00

2,23

3,48

-

-

-

Tanzanie

105

-

3,09

-

1,47

4,94

0,01

a Inclut d’autres activités ménagères en plus de la cuisine.
b Moyenne des données des huit villages.
Source: McGuire et Popkin, 1990.

ENCADRÉ 10
PARTAGE DES TÂCHES ENTRE HOMMES ET FEMMES,
À CHIBATE, EN ZAMBIE

Tâches généralement réservées aux femmes
Agriculture

  • Ramasser les branches et en faire des tas

  • Planter le manioc

  • Planter d’autres cultures

  • Désherber

  • Ramasser les récoltes autres que le manioc

Travaux domestiques

  • S’occuper des enfants

  • Aller chercher l’eau et le bois

  • Déterrer le manioc, l’éplucher, le faire tremper, le sécher, le broyer, le tamiser

  • Se procurer des condiments/légumes sauvages

  • Balayer la cour, nettoyer la maison, faire la vaisselle

  • Laver les vêtements

Activités artisanales

  • Tricot

  • Broderie

  • Crochet

Tâches généralement réservées aux hommes

Agriculture

  • Couper les arbres

  • Préparer les champs

  • Faire les trous pour planter le manioc

  • Cultiver les légumes

Activités artisanales

  • Menuiserie

  • Confection de paniers

  • Construction de maisons et confection de toitures

  • Construction de douches couvertes

  • Fabrication de tambours

  • Ferronnerie

Autres activités

  • Colportage

Tâches faites indifféremment par les hommes ou les femmes

Agriculture

  • Récolter le maïs

  • Faire les billons

Le désherbage, les semailles et la moisson sont essentiellement des activités féminines. Les hommes s’occupent de la construction des maisons, mais les herbes qui recouvrent les toits sont coupées par les femmes. Les activités des hommes sont moins nombreuses que celles des femmes, plus espacées et moins répétitives.

Source: D’après FAO, 1991b.

L’encadré 11 décrit sommairement certaines stratégies développées pour aider les femmes à améliorer leur bien-être nutritionnel et celui de leur famille.

Le contrôle féminin des ressources et ses répercussions sur la nutrition

Dans plusieurs pays africains, il a été démontré que l’effet du revenu sur le bien-être nutritionnel et la santé de la famille dépend dans une large mesure de l’identité de la personne qui le contrôle et qui décide de son utilisation. Le revenu contrôlé par les femmes procure souvent à la famille plus de bénéfices nutritionnels immédiats que le revenu contrôlé par les hommes. Une manière d’augmenter l’influence économique des femmes et leur capacité à renforcer la sécurité alimentaire de la famille consiste à les faire participer plus largement aux activités génératrices de revenus. Malheureusement, de nombreuses entraves empêchent encore les femmes d’exercer un contrôle plus étroit sur les ressources économiques et d’augmenter leur participation aux activités génératrices de revenus.

Une étude conduite en Zambie sur la contribution à la sécurité alimentaire des ménages a révélé que les hommes distribuaient leur temps selon qu’il s’agissait de produire de la nourriture ou de gagner de l’argent par des activités plus lucratives, comme la pêche ou le sciage du bois. Très souvent, les hommes privilégiaient les profits immédiats de la rentrée d’argent aux dépens du bien-être nutritionnel de leurs épouses et de leurs enfants. Il fallait couvrir par des emprunts les coûts élevés de la pêche, mais des bénéfices rapides permettaient d’éponger les dettes sans délai, et les revenus disponibles étaient habituellement réinvestis dans la pêche. Ces revenus étaient rarement employés à louer de la main-d’œuvre agricole, alors que le recours à la main-d’œuvre louée était pratique courante pour la pêche. En d’autres mots, les hommes étaient prêts à financer une main-d’œuvre extérieure pour les remplacer, mais pas pour remplacer leurs épouses, malgré les bénéfices économiques et autres dont leurs familles auraient pu jouir si les femmes avaient été libérées des charges agricoles au profit d’activités génératrices de revenus (FAO, 1992g).

Dans nombre de pays africains, l’accès des femmes aux services d’appui - parmi lesquels le crédit, la vulgarisation, la formation, le marché, la technologie - reste très limité, surtout quand on le compare à celui dont les hommes bénéficient. La plupart de ces services, notamment la vulgarisation et le crédit, tendent à privilégier les cultures de rapport dont la production est dominée par les hommes, aux dépens des cultures du secteur traditionnel de production, qui sont destinées principalement à la consommation familiale et qui sont habituellement pratiquées et contrôlées par les femmes.

ENCADRÉ 11
STRATÉGIES DESTINÉES À AIDER LES FEMMES À AMÉLIORER
LE BIEN-ÊTRE NUTRITIONNEL

Un examen approfondi du rôle et des responsabilités des femmes en ce qui concerne le bien-être nutritionnel de la famille a recommandé cinq grands groupes de stratégies pour aider les femmes à remplir leur rôle de façon plus efficace et plus équitable.

Le premier groupe de stratégies concerne l’allégement du fardeau de la reproduction. Les deux stratégies qui ont le mieux réussi visent à retarder l’âge à partir duquel une femme commence à avoir des enfants et à espacer le plus possible les naissances. Ces deux stratégies prônent de meilleures possibilités d’éducation pour les filles, le lancement de campagnes d’information et une modification des facteurs qui les amènent à avoir des familles nombreuses (par exemple, en réduisant la période de production et les besoins de main-d’œuvre, en diminuant la pauvreté et en ralentissant la dégradation de l’environnement).

Le deuxième groupe de stratégies vise à réduire la charge des soins à donner aux enfants. L’objectif est d’augmenter les possibilités d’éducation, d’améliorer l’information sur la santé et la nutrition, d’apporter des technologies qui épargnent temps et efforts, de garantir des échelles salariales plus justes pour les femmes et d’introduire de nouveaux systèmes de soins pour les enfants, tels que crèches mobiles et garderies prises en charge par la communauté.

Le troisième groupe de stratégies cherche à améliorer l’accès aux soins de santé maternelle et de nutrition. Elles concernent la santé de la mère et celle de l’enfant et comportent notamment les volets suivants: approfondissement des connaissances sur les soins à donner avant, pendant et après la naissance, et accès à ces soins; élargissement de la portée des services de vulgarisation, en particulier dans les zones rurales; amélioration de la qualité des prestations de services.

Le quatrième groupe de stratégies vise à améliorer la situation de la femme dans le domaine de la production alimentaire et de l’agriculture. Pour y parvenir, il convient de rendre encore plus visible l’importance de la contribution économique des femmes dans la production alimentaire, en améliorant les bases de données et les statistiques nationales. Les femmes doivent avoir facilement accès aux moyens de production comme la terre, la technologie, le crédit, la formation et la vulgarisation.

Le cinquième groupe de stratégies concerne l’amélioration de la place de la femme dans la société. Pour atteindre cet objectif, il faut augmenter les possibilités d’éducation et de formation pour les filles et les femmes; multiplier les opportunités pour les femmes de générer des revenus monétaires et de contrôler leur utilisation; renforcer le pouvoir des femmes grâce à leur participation sur le plan politique et administratif; enfin, modifier les attitudes culturelles en faveur de l’égalité des femmes par le biais d’institutions du domaine éducatif, politique et juridique.

Source: D’après ONU CAC/SCN, 1990.

Un autre facteur qui limite l’accès des femmes à la vulgarisation est la prédominance des vulgarisateurs masculins dans les services en question. Des règles dictées par la culture interdisent souvent aux vulgarisateurs de s’approcher de la femme d’un autre homme ou de traiter directement avec une femme chef de famille. Une stratégie de travail avec des groupements de femmes rurales plutôt qu’avec des femmes isolément peut se révéler plus acceptable sur le plan culturel. Par ailleurs, les femmes restent souvent à l’écart des sessions de vulgarisation qui se tiennent en internat; il leur serait probablement malaisé de laisser les responsabilités du foyer aux soins de leurs époux, et ces derniers n’apprécient guère que leurs épouses suivent des cours en internat, ni qu’elles se rendent à des réunions sans y être accompagnées.

Les fermières ne pourront exploiter réellement leurs capacités productives, jouer un rôle plus actif dans les activités économiquement rentables et consolider la sécurité alimentaire des ménages qu’à partir du moment où les interventions de développement tiendront compte de leurs besoins spécifiques et de leurs priorités. Lorsque l’on considère ce qu’il en coûte à la production agricole et alimentaire d’ignorer le problème des femmes, on voit que les services de vulgarisation devraient d’urgence s’occuper attentivement des fermières et les habiliter à lever les obstacles auxquels elles se heurtent encore dans plusieurs pays, qui les empêchent de mieux participer à la production. La reconnaissance de cette nécessité doit se traduire par des stratégies qui s’inspirent des conditions économiques et sociales particulières aux hommes et aux femmes du monde rural et de la manière de les modifier grâce à des interventions spécifiques. De même, il est important de donner aux décideurs politiques, aux agents de terrain et aux populations rurales une perception claire de la condition sociale des hommes et des rôles socio-économiques incombant aux femmes. Cette clarification est souvent qualifiée de sensibilisation à la discrimination selon le sexe.

Les modèles culturels et la distribution des aliments dans la famille

Outre les facteurs relatifs au travail des femmes et à leur contrôle sur les ressources, les facteurs socioculturels que constituent les croyances et les coutumes peuvent également exercer une influence considérable sur le bien-être nutritionnel des familles, en déterminant des choix alimentaires et des comportements vis-à-vis de la distribution des vivres au sein de la famille. Dans certaines sociétés, quelques aliments sont nettement plus prisés que d’autres, de sorte que, sans eux, un repas n’est pas considéré complet. Si l’aliment favori est une racine ou un tubercule (par exemple manioc ou banane plantain), il s’agit d’une caractéristique coutumière potentiellement défavorable aux jeunes enfants. En effet, un régime de sevrage basé sur les racines et les tubercules est volumineux et pauvre en nutriments, spécialement en énergie et protéines et, comme la capacité gastrique des enfants est restreinte, ils n’arrivent pas à consommer assez de nourriture pour satisfaire leurs besoins en énergie et en nutriments, à moins que l’aliment de base ne soit enrichi, de préférence par des huiles ou des graisses, des fèves écrasées, des légumes ou des fruits. Les croyances alimentaires et les tabous portent souvent sur des aliments d’origine animale et s’appliquent fréquemment aux femmes et aux jeunes enfants. La culture est un facteur puissant du comportement, qui peut dicter des préférences alimentaires et des interdits, notamment en cas de maladie et de grossesse. Certaines croyances et certaines habitudes d’origine culturelle peuvent nuire à la nutrition, mais d’autres lui sont favorables; il faut encourager ces dernières par des messages positifs qui augmentent le savoir des membres de la famille, spécialement des femmes, et leur sensibilisation aux effets bénéfiques probables d’un régime alimentaire nutritif basé sur les aliments locaux.

Les influences culturelles peuvent aussi concerner les systèmes coutumiers de partage et de distribution des aliments au sein de la famille ainsi que les attitudes culturelles à l’égard de la préparation des aliments, de l’allaitement maternel et de l’alimentation des enfants. La distribution des aliments au sein de la famille est souvent liée à la position hiérarchique du consommateur, la préséance revenant au chef de famille et aux membres qui gagnent la vie. Dans ces familles, les mères et les plus jeunes enfants reçoivent parfois une portion d’aliments inférieure à leurs besoins nutritionnels. Si on veut renforcer auprès des pères et autres membres de la famille la prise de conscience des bénéfices qu’une consommation alimentaire satisfaisante sur le plan nutritionnel peut entraîner sur le bien-être nutritionnel et sur la capacité de production de tous les membres du ménage, il est indispensable de leur faire mieux comprendre les antécédents sociaux et culturels des coutumes qui peuvent s’avérer dangereuses pour la nutrition. Le chapitre 9 décrit en détail les programmes d’éducation nutritionnelle qui prennent en compte les facteurs sociaux et culturels déterminant des comportements alimentaires et qui mettent en valeur les régimes alimentaires favorables à la santé.


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